Elle est rentrée. Depuis deux jours, elle est rentrée chez elle, et je dois avouer que je n’arrive pas à m’habituer à ma solitude. Si j’ai habité avec Robbie un temps, ce n’était rien comparé à ce que j’ai vécu pendant ces deux semaines avec Emma, et sa fille. Toujours fourrés ensembles, ça a animé ce grand manoir, en lui donnant de la vie. Ce n’est pas quelque chose que je pensais possible, mais encore une fois, c’est quelque chose qu’Emma me montre à sa manière. Elle me met sur le fait accompli, et je suis obligé d’ouvrir les yeux. C’est à chaque fois comme ça. Et là, je dois dire qu’elle me manque. On se téléphone, on s’envoie des sms, mais vivre sans elle, chez moi, ce n’est pas pareil. Encore plus depuis que ses cauchemars sont revenus. Plus violents. Les réveils sont difficiles, soudains. Mes nuits courtes. Je ne sais pas comment elle réussissait à faire ça, mais sa simple présence m’aidait à apaiser mes nuits. Si j’osais parfois faire un cauchemar, elle finissait par me rendormir, d’une caresse, d’une parole réconfortante. Mais là, elle n’est pas là. Mon cerveau mouline, pense trop, se fait violence. Et si je tente de garder le cap, avec toutes les emmerdes qui me sont tombées dessus dernièrement, j’ai du mal à faire semblant envers elle. Elle souhaite discuter de la situation. A-t-elle du mal aussi ? Est-ce que je lui manque comme elle me manque ? Veut-elle revenir ? Avec le contexte actuel, les quartiers Northeast et Eastside doivent évacuer, et si on n’en a pas vraiment reparlé, je ne sais pas si elle a prévu d’aller chez ses parents ou si elle souhaite revenir. En ai-je envie ? Oui. Non. Ca chamboule encore tout, mais je ne sais pas. Faut croire qu’avec Emma, tout est chamboulé. Je ne sais pas, mais j’ai promis de parler et de voir Lily. Alors, lorsque mon rappel sonne enfin, je pars du boulot pour filer droit vers l’école de Lily. Garant ma porche devant l’école, je fais déjà des envieuses, je le sais. Elle ne passe pas inaperçu, parce qu’elle est toute blanche, et totalement électrique. Je sors, remet le bouton de ma veste, et passe une main dans mes cheveux, en oubliant le point de suture que j’ai dû avoir cette nuit. Je m’avance, alors que ses mamans me dévisagent, et lorsque j’ai ciblé Emma qui ne m’a pas encore vu plongé sur son téléphone, je me glisse dans son dos, et passe mes deux mains sur ses hanches. « Bonjour, bébé » Mon nez file droit vers son cou, que je renifle, avant de déposer un baiser dans son cou. « Deux jours sans te voir, c’est une torture » J’avoue alors qu’elle se retourne dans mes bras et que je viens l’embrasser sans plus attendre. Je l’embrasse sans retenu, sans me soucier des regards indiscrets et de ce qu’ils peuvent tous penser. Cette femme, c’est ma nana. L’unique femme de ma vie.
J’ai passé ma journée à courir à droite et à gauche pour le boulot. Je croule sous les mails et le travail depuis que j’ai repris. Je n’ai pas l’impression d’avoir les épaules assez larges pour tout ça et malgré tout je garde la tête haute. Mes parents m’ont élevé ainsi, mon petit caractère de rebelle a pris le relai avec les années. Et puis si Jack m’a légué son entreprise c’est pour une question de confiance en moi et mes capacités, je refuse de le décevoir. Il me faut seulement trouver le moyen de sortir la tête hors de l’eau et nager jusqu’au rivage pour m’en sortir. Avec l’enlèvement de Kalia, l’agression de Ben et Casey ainsi que cette histoire d’incendie, j’ai encore du mal à souffler. C’est par ailleurs de l’incendie dont je parle avec mes parents. Inquiets, ils ne cessent de me demander quand je vais me décider à quitter mon appartement comme demandé par les autorités. A vrai dire je n’en sais rien parce que je ne sais pas où aller. Il y a Eli mais j’ai encore l’impression d’avoir abusé ces deux dernières semaines … même si en deux jours sa présence m’a affreusement manqué. Sentant des mains se poser sur mes hanches, je sursaute, reviens sur terre et reconnais immédiatement son parfum. « Bonjour, bébé » Large sourire aux lèvres, je sens tout mon corps se détendre par sa simple présence et ses lèvres dans mon cou. « Deux jours sans te voir, c’est une torture » C’était même pire que ça ! Je tente de lui faire comprendre par mon baiser sage qui devient nettement plus fougueux par ses soins. A chaque fois, ça me couple le souffle. A croire que je redécouvre nos baisers encore et encore. « Je suis parfaitement d’accord. » J’approuve en nouant mes bras derrière sa nuque. « Mais maintenant t’es là, affreusement sexy, à la sortir d’une crèche à faire baver toutes les mères autour de nous. » Et qu’elles fassent donc parce que cet homme-là c’est le mien et je suis la seule à pouvoir toucher la marchandise. « Lily devrait pas tarder, tu devrais te mettre devant l’entrée, elle sera aux anges en te voyant. »
Ce baiser, j’en avais envie depuis deux jours. Deux longs jours où je n’ai pas pu l’embrasser à ma guise et profiter de son corps. Je suis un putain d’accro à elle, et je m’en rends compte doucement. Comment a-t-elle réussit ? Je ne comprends toujours pas. Mais là où toutes les autres me laissaient, avec elle, je me laisse séduire à chaque fois. Après notre baiser, elle laisse glisser ses bras sur mes épaules, et ça éveille tout un frisson le long de mon échine, droit dans mes entrailles. Merde, m’afficher avec elle comme ça est clairement en train de me rendre fou. Pas dans le mauvais sens. Mais bien dans le bon. « Je suis parfaitement d’accord. Mais maintenant que t’es là, affreusement sexy, à la sortie d’une crèche à faire baver toutes les mères autour de nous » Je lui souris, parce que je me rends compte que j’aime ça. J’aime savoir que ces mères bavent. J’aime savoir qu’elles savent qu’elle et moi, c’est officiel. Qu’on forme un couple, et que je suis prêt à tout même à venir à la sortie d’une crèche. Qu’est-ce qui m’arrive ? Emma. Voilà, ce qui m’arrive. Je lui vole un dernier baiser chaste, avant d’afficher une mine fière. « Qu’elles osent baver. Je suis toute à toi. » Mes mains, elles glissent au creux de ses reins, et si je n’étais pas devant une école, elles se seraient posées sur ses fesses, c’est certain. « Lily devrait pas tarder, tu devrais te mettre devant l’entrée, elle sera aux anges en te voyant. » Une de mes mains remonte finalement, pour venir caresser son cou, et repousser ses cheveux. « Elle m’a manqué elle aussi » Je souris, l’embrasse une dernière fois avant de me détacher d’elle, et saisit sa main pour nous glisser un peu plus devant les portes. Progressivement certains enfants sortent accompagnés avant de retrouver leur enfant, et ce n’est qu’une lorsque la petite bouille blonde qui arrive que je mets enfin à sourire, malgré moi. Elle ne m’a pas encore vu, mais marche, main dans la main d’une dame avant de chercher sa mère. Mais c’est là qu’elle me voit et que son sourire rayonne déjà par-dessus tout. « Liliiiiii » Je l’entends, ce qui me fait rire. Elle n’arrive pas encore à dire correctement mon prénom, mais quand j’essaye de le lui apprendre, elle sait très bien que le Lili qu’elle prononce et son prénom Lily sont complètement différents. Se mettant à courir, je fais un pas vers elle, et m’agenouille pour venir la réceptionner. Le choc est rude mais je relève et la soulève du sol la faisant rire à souhait. Elle retrouve rapidement mes bras, enveloppant ses petits bras autour de ma nuque dans un câlin énorme. Si je ne veux pas d’enfants parce que je suis traumatisé, je ne pourrais jamais m’en prendre ou rejeter ceux déjà vivants. J’ai bien trop l’habitude avec l’orphelinat. Je caresse ses cheveux en lui posant un baiser sur la tempe. « Oh, tu m’as manqué » Je souffle alors que je sens les mains d’Emma dans mon dos, et son visage s’approcher pour embrasser sa fille tout de même. Lily finit par se relever, et sourit malgré elle : « Bisou Maman » Elle tend sa bouche vers sa mère qu’elle vient embrasser, avant d’ajouter : « Non, Lili bisou maman » Je tends mes lèvres vers Emma et embrasses ses lèvres rapidement, ce qui fait rire Lily.
Eli c’est un homme qu’on remarque. Non pas parce qu’il porte le nom de Wayne – ça aide, c’est sûr – mais parce qu’il dégage quelque chose. C’est pire encore lorsqu’il porte un costume et puisque monsieur arrive tout droit de son travail, il est à tomber. Même moi je n’arrive pas à m’y habituer et pourtant je l’ai même vu nu des milliers de fois. Les regards des mères posés sur lui ne m’étonne pas et j’adore le fait qu’elles puissent toutes voir qu’il est moi autant que je suis à lui. « Qu’elles osent baver. Je suis tout à toi. » Ça suffit à me faire sourire plus largement, balayant tous mes derniers tracas. Je sens un frisson remonter le long de mon dos, appréciant ses mains qui elles descendent. « Elle m’a manqué elle aussi » Ces dernières semaines je l’ai vu se comporter avec Lily comme un père. Au début ce n’était pas trop ça mais plus les jours sont passés et plus l’attachement entre eux était visible. C’était presque suffisant pour qu’une part de moi regrette qu’il ne soit pas véritablement son géniteur. « Tu lui manques aussi. Elle s’est habituée à ta présence et te réclame. » J’ose lui avouer en caressant la naissance de ses cheveux du bout des doigts. Nouveau baiser offert, bien que rapide, il prend ma main et m’entraîne vers le portail de la crèche où les auxiliaires s’occupent de sortir les enfants. Parfois, lorsque je finis tard, j’entre directement mais le reste du temps elles préfèrent que nous évitions de déprimer les enfants dont les parents ne sont pas encore arrivés. « Liliiiiii » Ce petit cri attire aussitôt notre attention. Il lui a fallu à peine quelques secondes pour réaliser qu’Eli l’attend avec moi et aussi peu de temps pour dégager sa petite main afin de courir droit vers lui. Rattrapée au vol, je sens encore mon cœur se gonfler en les voyant tous les deux. Je ne m’y habituerai jamais. « Oh, tu m’as manqué » A ça non plus d’ailleurs, mais je m’empresse surtout d’embrasser la joue ronde de ma fille qui réclame ensuite de m’embrasser à son tour. Joue tendue, elle secoue la tête, mécontente. « Non, Lili bisou maman » Notre baiser rapide, fait presque soupirer les femmes autour de nous. A nous trois on doit renvoyer l’image de la petite famille parfaite. Si seulement … « Tu restes dans les bras d’Eli ? » Lily confirme d’un mouvement du chef, s’agrippant au cou de ce dernier comme si j’allais la force à descendre. « Oh Wayne apparemment tu fais tomber les femmes de ma famille comme des mouches. » Du moment que ses fesses ne sont qu’à moi, je ne dirais rien. Et puis, réalisant que nous allons partir avec lui, je grimace. « Je suis venue à pieds … J’ai pas pris le siège auto de Lily. » En fait j’ai même tout laissé chez moi, trop tête en l’air que je suis aujourd’hui.
« Tu lui manque aussi. Elle s’est habituée à ta présence et te réclame » Comme je me suis habitué à sa présence aussi. C’est ce que je disais, Emma m’habitue à des choses inédites pour au final me laisser comme un con avec. Je pensais ne jamais pouvoir vivre avec un gamin, parce que ça me serait trop difficile dans mon quotidien, malgré l’orphelinat qui m’a vacciné avec leur présence. Mais non, ce n’est pas le cas. Lily est adorable, et si je galère parfois parce qu’elle n’a que deux ans, je dois avouer que je m’y suis habitué. Si bien que lorsque sa bouille apparaît et court vers moi, j’ai le cœur qui se réchauffe en la prenant dans mes bras. Je lui obéis en donnant un baiser à sa mère, ce qui fait visiblement soupirer certaines femmes. Mais je m’en fiche. Il n’y a qu’Emma. Et Lily, maintenant. « Tu restes dans les bras d’Eli ? » Elle acquiesce grandement en resserrant doucement son étreinte autour de mon cou, et venant poser sa tête contre la mienne. « Oh Wayne apparemment tu fais tomber les femmes de ma famille comme des mouches » Je souris malgré moi alors que mon bras s’ouvre et que je glisse Emma près de moi. « Mais il n’y a que toi. » Je lui souffle alors que Lily boude : « Moi »« Et toi »J Je me mets à rire en voyant sa mine boudeuse, et vient légèrement la secouer dans mes bras. « Je suis venue à pieds…J’ai pas pris le siège auto de Lily. » Je regarde ma Porshe, deux places, non adaptée à un quelconque siège pour bébé. Alors, en voyant Lily qui ne me lâche pas, je ne vois qu’une seule solution. Je m’écarte d’Emma, prends d’une main mes clés dans ma poche et les tends à Emma. « Conduis mon bébé chez toi. Et nous… »J Je désigne Lily par des petits chatouillis qui la fait rire pleinement. « …on va rentrer en amoureux tous les deux » « Ouiiiiii ouiiiii » Je l’embrasse dans le cou, alors que je sens le visage d’Emma bloqué sur moi, alors je la regarde. Ses yeux pétillent, arrondis et visiblement elle bloque sur ma proposition. Ma Porsche, c’est quelque chose de sacré, et elle le sait. C’est mon bébé, celle dont j’ai toujours rêvé et qui fait ma fierté. Allié un petit bolide avec des énergies électriques et respectueux de l’environnement, c’est ce que j’aime le plus dans cette voiture presque unique. Son prix aussi. « Je te fais confiance, bébé. On se retrouve chez toi »Je me penche, lui dépose un baiser tendre, un peu trop profond pour lui prouver que tout va bien avant de me détacher d’elle et de dire à Lily : « Allez, on y va princesse » Je nous met en route, j’en ai quelques minutes à pieds pour aller à leur appartement, mais pendant tout ce temps, elle et moi on papote un peu de tout. « Tu manques maman » « A bon ? Dis-moi, comme tu sais ça ? »« Elle sourit pas »J« Je sais princesse. Mais dis-moi plutôt ce que tu as fait aujourd’hui » Je lui change les idées en m’approchant de leur appartement, malgré que les sirènes des pompiers au loin deviennent plus imposantes et que le ciel bien plus gris, chargés en petites particules. Je n’aime pas ça. Je n’aime définitivement pas ça.
Mais qui est-il ? Ce n’est pas la première fois que je me pose la question, franchement surprise et touchée pour toutes ces petites intentions qu’il a pour moi et pour Lily aussi. Si je n’étais pas déjà follement amoureuse, je le deviendrais véritablement ces derniers temps. A la place je m’émerveille face à l’homme qu’il est sous sa carapace de glace, l’homme que j’ai toujours vu sans le réaliser. « Mais il n’y a que toi. » Mon cœur bat sacrément vite dans ma poitrine. Nous ne serions pas dehors, face à une crèche, avec Lily entre nous, j’aurais sauté sur lui pour le remercier de tout ça à notre façon … par du sexe donc. « Moi », « Et toi » Mon regard passe d’Eli à ma fille, puis inversement. Je les regarde avec autant de tendresse que d’amour, remplie d’un bonheur auquel j’ai longtemps pensé ne pas avoir le droit. Je réalise subitement que je n’ai rien pris pour ce soir et surtout qu’il n’a pas pris la bonne voiture. Jamais de la vie je le laisserai nous conduire chez lui sans que Lily soit bien attachée dans un siège adapté et non sur des genoux. « Conduis mon bébé chez toi. Et nous… » Sans écouter ce qu’il dit à la petite, je fixe les clés qu’il me tend avec un air ahuri. Il a oublié c’est ça ? Il ne se souvient pas encore de la voiture qu’il compte me confier ? « Je te fais confiance, bébé. On se retrouve chez toi », « D’accord … » Encore abasourdie, je les regarde s’éloigner puis je baisse les yeux vers les clés dans ma main. Tout excitée, large sourire aux lèvres, je me retiens de courir vers la Porsche sur laquelle je laisse glisser mes doigts. Ce petit bijou est une merveille que je m’apprête à conduire, c’est jour de fête bon sang ! Je le pense d’autant plus en faisant ronronner le moteur jusque chez moi, garant cette précieuse voiture dans mon parking privé pour que rien ne lui arrive. C’est devant la porte de l’appartement que je les retrouve tous deux qui m’attendent. « Ta voiture est une merveille ! Mon Audi va me paraître fade maintenant. » Je boude un peu en tendant ses clés. Je réalise alors son air préoccupé et ses épaules tendues. Aussitôt je regarde Lily qui semble plutôt très heureuse en fronçant les sourcils. « Qu’est-ce qu’il se passe ? T’as l’air tendu, bébé. » Je prends tout de même le temps d’attraper mes clés et d’ouvrir pour les laisser entrer. Lily n’attend pas plus longtemps pour courir droit vers sa chambre nous laissant tous les deux. Les clés posées sur le meuble d’entrée, je me tourne vers Eli en glissant mes mains sur ses hanches puis dans son dos. « A quoi tu penses, là ? » Je demande doucement, penchée un peu arrière pour pouvoir observer son visage.
Lily me raconte sa journée, et si j’ai un peu mal au bras, à force de la porter, je ne la lâche pas pour autant parce qu’elle est encore bien accrochée à moi, comme si elle avait peur que je reparte sur le champ. Et si je tente de lui répondre parfois pour animer la conversation, je pense surtout à ce nuage de fumée au loin qui noirci le tableau, et à ses incendies déjà visibles sur les montagnes au loin. Je pense à leur proximité, et à leur quotidien ici et je n’aime pas ça. Je pense à ces deux semaines chez moi, à savoir si j’ai envie de proposer ça, ou non. Mais on contourne une rue, et lorsqu’on voit son immeuble, je tente de ne plus y songer. Je tape le code, monte dans l’ascenseur et dit : « Regarde, maman est déjà là ! » Je repose enfin Lily par terre, ce qui me donne l’occasion de faire craquer un peu ma nuque avant qu’Emma ne s’extase : « Ta voiture est une merveille ! Mon Audi va me paraître fade maintenant. » Je me met à rire quand même alors qu’elle me redonne les clés et annonce : « Réjouis-toi de l’avoir conduit déjà » Parce que si elle est déjà montée dedans à maintes reprises, elle ne l’avait jamais conduite. « Qu’est-ce qu’il se passe ? T’as l’air tendu, bébé » Comment fait-elle ça, hein ? Comment fait-elle pour savoir que je suis tendu là, à cause de cet ordre d’évacuation qu’elle n’a pas pris encore en compte. J’hausse les épaules, alors qu’elle ouvre la porte de l’appartement, et Lily s’infiltre déjà dedans en courant vers sa chambre. Moi, je m’y glisse, enlève ma veste de costume et défait quelques boutons de ma chemise au moment où Emma se glisse contre moi. « A quoi tu penses, là ? »« A l’ordre d’évacuation » Je dis sérieusement en soupirant. « Que tu n’as même pas encore pris en compte, Emma. L’incendie est presque là, et t’as même pas songé à partir d’ici. » Je fais glisser ses bras pour m’éloigner un peu d’elle pour m’approcher des vitres et observer cette danse d’hélicoptère que s’effectue en l’air. « Je n’aime pas ça. » Je dis, je l’affirme et je l’affirmerai encore et encore, tant qu’elles ne soient pas en sécurité toutes les deux, loin de ces flemmes qui les menacent.
« Réjouis-toi de l’avoir conduit déjà » Je me retiens de lever les yeux au ciel. Je me retiens en sachant que ça risque de ne pas lui plaire et également parce que je m’estime heureuse d’avoir pu le faire, c’est vrai. Mon choc lorsqu’il m’a confié ses clés n’était pas simulé, je ne m’attendais pas à ce qu’il le fasse, pas avec sa précieuse voiture, son petit bébé. Donc non, je ne lève pas les yeux au ciel, je ne fais pas de commentaire et de toute manière je remarque surtout la tension qui le gagne. Même s’il hausse les épaules et ne me répond pas immédiatement, je ne lâche pas l’affaire une fois à l’intérieur. « A l’ordre d’évacuation. Que tu n’as même pas encore pris en compte, Emma. L’incendie est presque là, et t’as même pas songé à partir d’ici. » Ce n’est pas tout à fait vrai. J’y ai pensé mais je n’ai pas spécialement eu le temps de chercher où aller m’abriter. Mes parents s’en inquiètent aussi, ils m’en parlaient par sms tout à l’heure mais le fait est que je ne sais pas où aller. Cela dit, ce qui me plait le moins c’est sa façon de m’éloigner et de couper le contact pour s’approcher de la fenêtre et ainsi observer l’horreur encore assez éloignée de chez moi. « Je n’aime pas ça. » Tout d’abord sans rien dire, je le regarde qui reste près de la fenêtre du coin salle à manger de mon appartement, puis je m’approche et m’appuie contre la table à manger. « Pour ta gouverne, je l’ai pris en compte, je cherche seulement où aller. » C’est à mon tour de hausser les épaules. Ces mots suffisent à ce qu’il me regarde et me lance ce regard qui souligne qu’il est agacé … sans doute parce que je ne lui ai rien demandé. « J’ai squatté deux semaines chez toi, Eli. Ça fait deux jours qu’on est retour ici et très franchement on est tous les trois en train de galérer à retrouver nos repères, je ne suis pas certaine que revenir aide. » Je pousse un soupire et me redresse, quittant la table. « Mes parents ont proposé de nous héberger mais le problème il n’est pas là. Je n’ai pas envie d’aller chez eux parce que j’ai envie d’aller chez toi et si je vais chez toi je n’aurais pas envie d’en repartir. » Dis-je avec franchise. « Le problème réside là, dans le fait que ça fait deux jours que je n’arrive pas à dormir, que t’as réussi à faire des cauchemars et à te blesser. » Je continue en désignant sa tête. « Le problème c’est que j’ai peur de te demander encore une fois ton aide en sachant que je me suis tellement habituée à être avec toi, à te retrouver le soir, que je ne voudrais pas que ça s’arrête quand tout va se calmer. » J’ai donc préféré ne rien demander parce que je panique à l’idée d’être devenue aussi dépendante de lui.
Je n’aime pas ça, non. La savoir près de cet incendie, savoir qu’un danger incontrôlable peut venir les mettre en danger alors qu’il ne suffit qu’elles trouvent refuge ailleurs. Chez ses parents, par exemple. Ou chez moi, si besoin. Même si ça impliquerait bien trop de chose. Toujours tourné vers la baie vitrée, j’enfourne mes mains dans les poches, mais sens la présence d’Emma dans mon dos, sans pour autant s’approcher. « Pour ta gouverne, je l’ai pris en compte, je cherche seulement où aller » Je me tourne vers elle, le regard noir parce que ce n’est clairement pas une excuse. Elle sait où aller, elle n’en a pas pris parti. « J’ai squatté deux semaines chez toi, Eli. Ça fait deux jours qu’on est de retour ici et très franchement, on est tous les trois en train de galérer à retrouver nos repères, je ne suis pas certaine que revenir aide » Non, ça n’aidera pas, elle a raison. Mais je refuse de la perdre, parce que j’ai été stupide au point de la laisser galérer à trouver un refuge sous prétexte que j’ai simplement peur. « Mes parents ont proposé de nous héberger mais le problème il n’est pas là. Je n’ai pas envie d’aller chez eux, parce que j’ai envie d’aller chez toi et si je vais chez toi, je n’aurais pas envie d’en repartir. »« Tu ne m’as rien dit » J’ose dire pour la couper, en croisant les bras, parce que pour moi, la franchise entre nous est essentiel, même si…de mon côté, c’est très mais alors très loin d’être le cas. « Le problème réside là, dans le fait que ça fait deux jours que je n’arrive pas à dormir, que t’as réussi à faire des cauchemars et à te blesser » Elle s’est approché, désigne ma tête et je dois avouer que je suis moi-même à cran de revenir à mon ancienne routine. Mais, l’avoir près de moi sur du long terme, c’est suicidaire. C’est la mêler à des choses que je ne veux pas, je le sais. « Le problème c’est que j’ai peur de te demander encore une fois ton aide en sachant que je me suis tellement habituée à être avec toi, à te retrouver le soir, que je ne voudrais pas que ça s’arrête quand tout va se calmer. » Je me pince soudainement l’arête du nez, en songeant qu’une seule solution réside dans tous ses problèmes. Mais, cette solution va engendrer d’autres problèmes, j’en suis certain. Je soupire, et vint m’asseoir sur le canapé, mes mains moites sur les cuisses. « Je sais pas quoi te répondre, Emma » Je finis par passer une main dans mes cheveux, en tentant d’y voir clair. « Vous me manquez. J’arrive pas à me faire à l’idée que je suis désormais tout seul dans ce manoir trop grand. Alors que j’étais qu’un loup solitaire qui s’y plaisait. Et je… » Je me penche, une main sur le front pour tenter de trouver mes mots. « T’es comme un baume à mes mauvais rêves, et je suis déjà fatigué de devoir reprendre mon ancien rythme. Mais…je sais pas si je suis prêt pour ça. » Je finis par remonter mon regard vers elle, qui ne sait sans doute pas quoi dire ou quoi faire par rapport à ça. Je finis par me lever, allez vers elle pour caresser sa joue et annoncer : « Tu chamboules toujours tout, mon ange. J’ai juste…peur de vous laisser rentrer dans ma vie quotidiennement. Et pourtant, tout ce que j’ai envie de faire, c’est de te dire oui. Parce que deux jours sans te voir, c’était déjà horrible. Alors, rassure-moi. Dis-moi que tout va bien se passer. Parce que je suis chez moi que lorsque t’es près de moi »
Je comprends son reproche. Je comprends également son inquiétude mais je ne m’amuserais pas à mettre ma vie ou celle de Lily en danger, il devrait le savoir. C’est seulement que pour l’instant je n’ai pas vraiment su où aller. Enfin si, je le sais mais c’est justement ce qui m’inquiète. Je ne veux aller nulle part hormis chez lui. Retrouver Eli et ce qui a fait notre quotidien les deux dernières semaines me manque plus que je ne l’aurais imaginé. Ça me fait peur. Je réalise à quel point je deviens dépendante de lui, de sa présence apaisante, mais j’ai aussi peur que lui n’en soit pas à ce stade. L’entendre me fera l’effet d’une claque, mais visiblement je n’ai pas d’autre choix que de l’avouer. « Tu ne m’as rien dit » Lèvres pincées, je ne dis rien pour toutes ces raisons auxquelles je viens de penser. Je ne dis rien sur ça et continue à m’exprimer sur le reste sans véritablement lui laisser une nouvelle occasion de me couper. Et lorsque j’ai fini, il pince l’arête de son nez puis s’éloigne. J’ai encore dépassé les limites, je le sais. Ça ne me plait pas plus qu’à lui mais je dois reprendre mon habitude d’être franche et de dire ce que je pense pour ne pas que ça me ronge. « Je sais pas quoi te répondre, Emma. Vous me manquez. (…) Mais…je sais pas si je suis prêt pour ça. » Alors qu’il pose son regard sur moi, le mien n’a pas arrêté de le regarder lutter contre son angoisse. Je ne bouge pas d’un millimètre me disant qu’il a sans doute besoin de cette distance pour mettre de l’ordre dans ses idées. Toutefois, Eli se lève et revient vers moi. Sa main posée sur ma joue me fait fermer les yeux un bref instant, appréciant ce contact. « Tu chamboules toujours tout, mon ange. J’ai juste…peur de vous laisser rentrer dans ma vie quotidiennement. Et pourtant, tout ce que j’ai envie de faire, c’est de te dire oui. Parce que deux jours sans te voir, c’était déjà horrible. Alors, rassure-moi. Dis-moi que tout va bien se passer. Parce que je suis chez moi que lorsque t’es près de moi » Pour moi aussi ces deux jours ont été difficiles. Je ne dors plus aussi bien et je suis constamment sur les nerfs. Tout mon être, jusqu’à mon âme, le réclame violemment. « Je ne peux pas. » Je commence en posant ma main sur la sienne. Je tourne le visage pour déposer mes lèvres dans sa paume puis reporte mon attention sur lui. « Je n’aime pas faire des promesses que je ne peux pas tenir et je n’ai aucun garanti que tout va bien se passer. » Dis-je avec sincérité. « Si on n’essaye pas, on ne le saura jamais. Je ne veux te forcer à rien. Même si j’ai envie d’être avec toi, même de vivre avec toi, de dépasser ma peur de rendre ça aussi sérieux et officiel entre nous, si tu n’es pas prêt je ne te forcerai pas. » Je ne jouerais pas ce rôle-là, pas question. « J’irais chez mes parents si c’est ce que tu préfères mais t’es mon univers, Eli. Je te voudrais toujours en priorité mais pas à ton détriment. »
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Lun 1 Juin - 20:53