C'est un soir d'été où il fait encore très chaud. Le ciel est calme tout comme l'endroit où ma maison se trouve - c'est-à-dire, un coin perdu loin de la ville - et comme à mon habitude, je suis avec mes amis - surtout parce qu'ils sont les seuls voisins que j'ai et que je dois me divertir comme je peux. Noah, Joey et Simon. Ce sont aussi les seuls enfants de mon quartier et ça me convient très bien. Maman m'a demandé de ne pas rentrer trop tard et je sais très bien que c'est uniquement pour ne pas énerver mon père puisqu'en temps normal elle m'aurait sans doute laissé jouer tranquillement. Je vais rentrer vers dix-neuf heures pour être certain de ne pas me prendre les foudres de mon père, mais surtout pour ne pas que ma mère reçoive les conséquences de mes actes. Mon père est le classique homme macho qui pense avoir beaucoup trop de pouvoir sur les femmes alors qu'en fait, il a toujours été complètement pathétique. Un peu trop absorbé par le nouveau jeu que Joey a emmené de sa maison, j'ai regardé l'heure sur ma montre vers vingt heure alors que j'avais promis à ma mère d'être à la maison une heure plus tôt. J'ai donc salué mes amis et pris mon vélo jusqu'à la maison où j'ai trouvé mon père devant la porte. « Levi Meadows, t'étais passer où putain?! » Je grince des dents automatiquement en entendant mon deuxième prénom - que je déteste - et surtout les mots horribles que mon père utilise. Je lève les yeux vers lui en avançant tranquillement et tout ce que j'ai envie de faire c'est de rentrer pour aller rejoindre ma mère, mais il me bloque l'accès à la porte et m'agrippe fortement le bras. « Va dans ta chambre, je veux plus te voir. » Je lui lance un regard noir alors qu'il me lâche et se tourne dos à moi puis avant qu'il décide de me faire plus de mal, je me précipite à l'intérieur sans plus attendre et m'enferme dans ma chambre. La porte fermée, j'entends tout de même parfaitement bien les cris qui viennent de la cuisine et je sais que ma mère est probablement en train de me défendre. Ce n'est qu'au moins une heure plus tard qu'elle vient me voir pour me souhaiter bonne nuit. Je remarque le sang qui se trouve sur son front et je sais qu'encore une fois, c'est lui qui a fait le con. J'aimerais tellement pouvoir l'affronter et lui faire subir tout le mal qu'il a fait à ma mère, mais je ne peux rien contre lui et j'ai peur de ce qu'il pourrait me faire. Je tente pourtant d'oublier ce qui se passe pendant ces quelques minutes où ma mère est avec moi et qu'elle m'embrasse sur la tête. « Bonne nuit Warren, fais de beaux rêves. » Dit-elle finalement en éteignant la lumière. Fermant les yeux pour tenter de m'endormir, j'étais bien loin de me douter que c'était aussi la dernière fois que je voyais ma mère...

Je me souviens encore de cette nuit comme si c'était hier et pourtant, près de vingt-cinq ans sont passés depuis que ma mère est décédée par la faute de mon père qui n'existe plus à mes yeux. À l'époque, je n'avais que dix ans et je ne pouvais rien dire et surtout rien faire puisque je savais très bien qu'il s'en prendrait à moi si je disais ou faisait quoique ce soit, mais si je dois être complètement honnête, j'aurais préféré qu'il s'en prenne à moi plutôt qu'à ma mère qui ne méritait pas son terrible sort. Pendant des années, j'ai pensé que tout était de ma faute. C'est moi qui est arrivé une heure trop tard, c'est moi qui n'a pas pu la sauver et c'est moi qui n'avait pas la moindre idée du sort qui l'attendait après m'avoir souhaité bonne nuit ce soir-là. J'ai évidemment compris avec le temps que mon connard de père est le seul coupable de l'histoire, mais je préfère surtout ne pas penser à lui puisqu'il ne mérite même pas que je lui accorde ne serait-ce qu'un peu d'attention. Je ne me souviens plus vraiment de ce qui s'est passé à mon réveil, tout ce que je sais c'est que je me suis retrouvé dans un poste de police, que c'est sans doute mes voisins qui ont appelé les flics et que j'ai dû déménager à l'autre bout de la ville parce que la seule famille d'accueil qui voulait bien de moi était située là. J'ai perdu tous mes repères, tous mes amis et surtout ma mère et pendant des années, j'ai surtout été un enfoiré de première. Impulsif déjà à l'époque - j'étais plutôt calme si l'on compare à maintenant - mais je m'énervais très facilement, je faisais absolument tout ce que je voulais et je me fichais des conséquences. Je n'avais plus personne et je ne voulais surtout plus avoir personne. À quoi bon s'attacher à des gens qu'on finit par perdre de toute façon ? J'ai donc fait les 400 coups, je me suis battu beaucoup trop souvent, j'ai pris de la drogue pendant longtemps et la seule raison qui fait que je ne me suis jamais fait arrêté c'est parce que l'homme qui me servait de père en famille d'accueil était flic et me couvrait chaque fois. Évidemment, je ne réalisais pas la chance que j'avais à l'époque et ce n'est qu'en sortant du lycée que je me suis finalement calmé et que j'ai tout quitté pour m'enfuir de cette ville qui contient uniquement des mauvais souvenirs. J'ai voyagé, tenté de me vider la tête sans pour autant oublier le traumatisme d'avoir perdu ma mère et après plusieurs années, après avoir fait des études un peu partout dans le monde, j'ai décidé de me poser à Los Angeles et de faire ma vie là. Cela fait d'ailleurs plus de dix ans que je m'y trouve. J'avais 23 ans lorsque j'ai décidé de faire les entraînements pour devenir policier et même si j'ai adoré toutes les personnes que j'ai rencontré et que je voyais vraiment mon futur comme flic, j'ai décidé de devenir garde du corps parce que John, mon patron, m'a approché rapidement à l'époque pour m'avoir dans son équipe. J'ai réaliser que de cette façon, je peux protéger aussi des gens qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes et ce, peu importe la situation.

J'adorais mon boulot jusqu'à maintenant. En pleine rencontre avec mon patron, j'ai les bras croisés et je me retiens presque de ne pas lever les yeux en l'air. « Tu te fous complètement de notre gueule là John, c'est pas sérieux ça ? » Je sais que je ne devrais pas parler comme ça à mon patron, mais après toutes ces années à le côtoyer, disons que je commence à être un peu trop familier avec lui ce qui n'a jamais semblé lui déranger. Maintenant c'est tout le contraire. Surtout parce qu'il a l'air un peu con devant tous les autres alors que je suis en train de défier son autorité, mais faut dire que je ne comprends juste pas ce qu'il est réellement en train de nous demander. Devant lui se trouvent les meilleurs gardes du corps qu'il a et il pourrait nous utiliser dans des situations bien plus dangereuses que celle qu'il nous présente. Je ne suis pas complètement fermé à l'idée d'y aller c'est juste que... non en fait je ne veux vraiment pas y aller. « Réfléchis un peu, on ne va pas du tout être utile là-bas, c'est ridicule ! » Je m'emporte sans doute un peu trop, mais je veux seulement qu'il comprenne qu'il pourrait demander aux recrus de faire ça plutôt qu'à ses gardes du corps qui ont de l'expérience. « Surveilles le ton avec moi Meadows, je suis encore ton supérieur aux dernières nouvelles. » Je soupire parce que je sais qu'il a raison, mais reste-t-il que je n'ai pas la moindre envie d'aller bosser pour cette agence... d'escortes. Et pourquoi elles ont besoin de nous en fait ? J'ai évidemment toujours été pour la sécurité des femmes - surtout avec ce qui est arrivé à ma mère - mais je ne vois pas spécialement quel danger elles peuvent courir alors que des hommes leur donne de l'argent pour avoir du plaisir. « J'ai juste mieux à faire que de rester planté devant une porte à attendre qu'un mec prenne son pied. » Je soupire à nouveau et John me regarde, furieux. Ouais bon, peut-être que je devrais me fermer la gueule parfois, ça m'éviterait ce genre de regard. Sauf qu'en même temps, je suis aussi reconnu pour ma grande gueule légendaire donc pourquoi me retenir de dire ce que je pense ? « Tu fais ce que je dis et tu y vas, c'est tout. Et tu n'as pas ton mot à dire Meadows, les autres vont le faire aussi. » Je déteste particulièrement me faire dire quoi faire et même si je suis parfaitement conscient que c'est ainsi que fonctionne une relation entre un superviseur et son employé, j'ai de la difficulté à faire la part des choses avec John que je connais depuis toujours j'ai l'impression. Il est comme un père pour moi et en ce moment, il me fait réellement chier, mais j'imagine qu'il a raison et que je n'ai malheureusement rien à dire là-dessus...