Les dernières semaines avaient été riches en émotions et pas forcément qu'en émotions positives. Alors oui, je m'étais mariée et j'avais passé 15 jours à l'autre bout du monde dans un paysage paradisiaque. A première vue, ma vie était formidable et elle l'avait été jusqu'à ce que je revienne à Los Angeles. C'était comme si tout avait été suspendu dans le temps, et qu'une fois de retour dans mon quotidien, tout avait de nouveau déraillé. Je n'avais pas repris le travail, Blake avait fait des journées de 13h, Casey et Ben avaient fini à l'hôpital et la coéquipière de mon mari l'avait embrassé pensant qu'elle pouvait me le voler. Si ma patience n'était pas légendaire, j'avais du prendre sur moi pour ne pas tout exploser. Si j'avais l'impression que les choses s'arrangeaient un peu, je me trompais littéralement. Shiloh m'avait informé que Kalia avait disparu. Un élément de plus qui bouleversait un quotidien que j'aurais aimé plus calme. Cela dit, aussi atroce que soit tout ce qui se passait dernièrement, ça m'évitait de penser aux soucis que je rencontrais avec Blake depuis quelques jours. Il rentrait tard, souvent bien amoché, énervé et sur la défensive. Nos discussions tournaient court ou tournaient tout simplement en disputes. La vie de jeunes mariés n'étaient pas un long fleuve tranquille. J'avais décidé de me pencher sur la disparition de la petite amie de Shiloh et j'avais demandé à des collègues d'enquêter sans pour autant empiété sur le travail que faisait déjà la police. Nos relations étaient déjà assez tendues comme ça, je ne voulais pas créer de conflits surtout que j'étais actuellement en congés prolongés et qu'accentuer la fureur de mes supérieurs n'était pas la chose à faire si je voulais reprendre rapidement. Les choses s'étaient rapidement accéléré sans que je n'ai de contrôle dessus et si j'avais mis en garde mon meilleur ami sur son comportement, il n'en avait fait qu'à sa tête. Pouvais-je le blâmer ? Pas vraiment. Je savais que j'aurais agi de la même façon si quelqu'un s'en était pris à mon mari. L'amour nous faisait faire des choses folles, des choses qu'on aurait jamais cru possible, et pourtant. Me présentant avec mon badge à l'accueil, je me dirigeais vers la chambre d'hôpital, bien gardé de Shiloh. « Agent Lennox, FBI. » dis-je au policier qui acquiesçait sans doute dans l'incompréhension de voir le FBI s'intéresser à ce jeune homme. Je m'en fichais pas mal, j'entrais dans la chambre et allais directement vers lui. « Hey, comment tu te sens ? » Avant de comprendre et de savoir ce qui était arrivé pour qu'il en soit là, je voulais savoir comment il se sentait, ou il avait mal mais aussi si il avait besoin que je fasse quelque chose.
Ma mâchoire a été remise en place dans l’ambulance, un véritable mal de chien ! Mais j’ai surtout fini par tourner de l’œil lorsque la douleur est devenue si insupportable que même ma volonté de savoir comment allait Kalia ne suffisait plus. Des côtes fêlées, d’autres cassées et une qui m’a perforé le poumon. Je suis revenu à moi en salle de réveil sans trop comprendre où j’étais ni ce qu’il se passait. Rapidement replongé dans les limbes, mon second réveil a été bien moins agréable. Tenté de passer une main sur mon visage, j’ai entendu le cliquetis du métal avant même de réaliser que mon poignet était menotté au lit. Paupières lourdes, je bats des cils pour m’acclimater à la lumière crue de la pièce et je descends mon regard vers mon bras. C’est bien ça, je suis menotté au lit, comme si dans mon état j’allais prendre la fuite. De toute manière, jamais je ne le ferais. J’ai décidé de prendre la responsabilité de la mort de Danny, il n’est pas question que je revienne sur ma décision. Kalia a subi bien assez de traumatismes, je refuse qu’en plus de tout ça elle subisse les interrogatoires incessants de la police et un procès pour meurtre. C’est ce qui finira par arriver même si c’était de la légitime défense. Un procès rapide qui va lui rappeler constamment ce qu’elle a vécu pendant deux semaines et même avant ça. Alors non, je n’allais pas la laisser assumer ça et j’ai les épaules bien assez larges pour encaisser. Même si là, tout de suite, je pense surtout à ma mâchoire que me fait encore mal. Pas besoin de voir mon reflet pour savoir que j’ai un affreux hématome là où le poing de Danny m’a fracassé. Et inutile aussi d’être un génie pour savoir que mes côtes ont pris cher. Je suppose que si je respire encore – même si ça fait mal – ça veut dire que mon poumon n’a pas trop souffert et tant mieux … parce que oui, je pense tout de même à ma carrière de basketteur, c’est plus fort que moi. Je suis encore en train d’énumérer mes blessures – un œil au beurre noir, des mains à sang après les coups que j’ai donné – lorsqu’un flic suivi d’un médecin entrent dans la pièce. Le début de l’interrogatoire commence pour savoir de quelle manière j’ai eu l’adresse – je refuse de lui dire et d’impliquer Eli – pour quelles raisons je possède mon arme – nous vivons aux Etats-Unis – et pourquoi j’ai jugé bon de tuer Danny … Là je manque de m’énerver mais c’est le moment que choisit la morphine pour couler dans mes veines. Mon médecin ordonne au flic de partir pendant que je pars dans un autre monde sans rêve ni cauchemar. Lorsque je reviens à moi il me semble que nous sommes au milieu de l’après-midi bien que je n’aie pas le temps d’en être sûr que la porte s’ouvre une nouvelle fois. Prêt à affronter médecin, infirmière ou même policier, je suis surpris sans vraiment l’être de voir Roxy apparaitre. Et vu sa tête, je dois effectivement faire peur à voir. « Hey, comment tu te sens ? » Malgré moi, je la détaille pour m’assurer qu’elle ne s’inquiète pas pour moi parce qu’elle a une mauvaise nouvelle à m’annoncer mais bien parce qu’elle a face à elle son crétin de meilleur ami. « J’ai connu mieux. » Je souffle ce qui me fait autant grimacer que lorsque j’ai dû répondre aux questions du flic ce matin. « T’as des nouvelles de Kalia ? Elle … » Je grimace encore une fois mais parce que j’ai tenté de me relever. Très mauvaise idée. « … Elle va comment ? » La police et les médecins ont refusé de me donner la moindre nouvelle ce qui a vite fait de m’agacer parce que j’ai tendance à imaginer le pire et que ça me rend fou.
Protéger mes proches était ce que je savais faire de mieux et ça avait toujours été mon moteur. J'étais pratiquement l’aînée de ma famille -sans compter mon frère d'à peine un an mon ainé- et je considérais que j'avais donc largement les épaules pour supporter le poids du monde mais aussi les souffrances des autres. C'était peut-être un tord après tout ce qui m'était arrivée cette année mais c'était ma façon de voir les choses depuis toujours. Je ne m'étais pas engagée au FBI pour rien, c'était en quelque sorte mon destin, j'avais besoin de me rendre utile autant pour mes proches que pour notre pays. Parlons-en de ce pays tiens ! Il partait en vrille et la corruption commençait à prendre de l'ampleur... Le FBI s'arrachait les cheveux de voir ses enquêtes piétinées. Il fallait que les agents s'adapte aux nouvelles lois de la rue et ce n'était pas toujours très gratifiant, pourtant pour faire régner l'ordre, il fallait de temps en temps utiliser la manière forte. Une vraie remise en question était nécessaire mais pour l'instant, je n'étais pas d'humeur à les aider, je ne pensais qu'à une chose ; protéger Shiloh. Je savais ce qui s'était passé, ayant des relations dans la police, j'avais eu accès à son dossier et aux charges retenues contre lui. J'avais tout lu en détails. Ce n'était pas rien et même en tant qu'agent fédéral, je n'étais pas certaine de pouvoir lui sauver complètement les fesses. Evidemment, j'allais faire de mon mieux parce que je lui avais toujours promis d'assurer ses arrières. Certes, cette fois ce n'était pas pour fuir une conquête un peu trop collante ou garder son fils, mais bel et bien pour lui éviter la prison à vie voir la peine capitale. J'entrais dans la chambre et dire que l'état de Shiloh me faisait mal au cœur était peu dire, il avait pris cher, moins que Danny, mais cher quand même. « J'imagine... Bon sang Shiloh... » dis-je en m'approchant pour examiner ses plaies comme si j'étais médecin. « Oh doucement, ne bouge pas. » ajoutais-je en posant ma main sur son épaule sans forcer mais pour lui indiquer de ne pas tenter de se relever. « Dire qu'elle va bien après ce qu'elle à vécu serait mentir mais elle va s'en sortir grâce à toi. » Parce que si il était incriminé dans cette affaire, il ne fallait pas oublier que sans son intervention, Danny aurait surement tué son ex-femme de sang froid. Ce mec n'allait manqué à personne et son meurtre était surement la meilleure chose qui pouvait arriver pour l'humanité. Je ne souhaitais jamais la mort des gens mais avec un type aussi cruel qui avait infligé autant de souffrances, je n'avais aucune empathie. Il était dans le même lit que Jax, l'ex petit-ami de Casey. Des pervers narcissiques en puissance qui détruisaient tout sur leur passage, des vies, des femmes, des familles... Si j'avais un avis tempérée sur la peine de mort, il était plus que clair pour la peine que devait subir ces salopards. « T'es dans une sacrée merde. » Je n'avais pas envie de lui mentir, de dire que tout allait bien aller parce que malgré ses souffrances physiques, il devait prendre conscience de ce qui allait arriver. « J'ai parlé avec ton avocat et au procureur... C'est pas gagné mais t'es pas tout seul. » Chose tout de même importante à relever. « Est-ce qu'ils te donne assez de morphine ? » Je m'inquiétais pour ses douleurs et surtout j'avais envie qu'il se rétablisse aussi vite que possible. J'avais besoin que nos vies reprennent leur cours et qu'il échappe à l'atroce réalité du moment. Je détestais cet endroit ou même les hôpitaux en général, j'y passais bien trop de temps depuis quelques semaines -voir mois-, entre mon coma et la perte de mon bébé, l'agression de Casey et Ben puis Shiloh, j'avais ma dose des murs blancs et des odeurs de désinfectant qui brûlaient gravement les narines.
Mes années de droit me permettent de savoir ce que je risque. Majoritairement il s’agit d’une peine d’emprisonnement plus ou moins longue si je suis déclarée coupable de meurtre au premier degré. Ce n’est pas le cas puisque dans tous les cas il s’agissait de légitime défense, mais je connais assez bien notre monde pour savoir que je ne suis à l’abri de rien. Seulement ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus et au fond même ma carrière ne compte pas tant que ça. Ce qui compte c’est à la fois Kalia, Milo et le reste de mes proches. Ma décision de prendre sur moi la mort de Danny peut avoir des répercussions sur eux si jamais ma situation tourne au vinaigre. Chassant tout ça de ma tante en voyant le visage inquiet de ma meilleure amie apparaître, elle devient un peu plus vide en remarquant les quelques dégâts laissés par l’autre enfoiré. « C’est plus moche que ça ne fait mal. » Je tente de la rassurer. Ce n’est pas le cas évidemment. Respirer me fait mal, rien que ça, alors le reste je préfère ne même pas en parler. « Les deux cons qui surveillent ma chambre au cas où j’arriverais à me séparer de ça … » Je dis en montrant mon poignet menotté au lit. « … n’ont rien voulu me dire. » Ce n’est pas comme si je leur demandais la Lune, mais ils sont restés aussi muet qu’une carpe et ils ont suivi les autres : pas d’informations et personnes autorisées à entrer dans ma chambre tant que je n’aurais pas été relâché. Je crois avoir entendu dire que mon petit frère est devenu fou en l’apprenant mais je ne suis pas sûr. « Je sais … » Je soupire en passant ma main libre sur mon visage. « Je sais aussi qu’ils vont se casser les dents sur certains détails qui ne vont pas leur paraître logiques. » Parce qu’ils rejouent la scène – ce qu’ils risquent de faire – il y aura des incohérences. Etant donné mes blessures il est presque impossible que je me sois relevé pour tirer sur Danny … lui tirer dans le dos qui plus est. Toutefois ces mêmes blessures prouvent la légitime défense et toutes les merdes sur le dos de Danny devraient jouer en ma faveur si les choses sont faites correctement. « Ils me donnent le strict minimum parce que je l’ai demandé. » Avoué-je en grimaçant lorsque je me remets correctement sur le lit. « Je déteste ces merdes et mon corps n’a pas besoin de ça. Je t’assure que ça va. Je m’inquiète plus pour vous que pour moi de toute manière. » Je lui souris avec tendresse, attrape sa main et la serre doucement pour tenter de la détendre un peu. « Comment toi, tu vas ? J’aurais préféré ne pas te rajouter ça en plus de tout le reste. » Elle doit en avoir assez des problèmes et des hôpitaux en ce moment, je ne peux que la comprendre.
Voir mon meilleur ami sur un lit d'hôpital n'était pas vraiment la meilleure image que je pouvais avoir. Cela dit, j'étais tout de même rassurée qu'il soit en vie et qu'il aille -plus ou moins- bien. J'avais beau avoir lu le dossier concernant le meurtre de Danny et l'implication de Shiloh, je savais que des éléments me manquaient, des éléments importants criant de vérité et qu'une seule personne pouvait me donner. J'avais beau être agent fédéral, j'étais aussi un être humain et aussi inviolable que soit mon serment de protéger l'Amérique et ses citoyens, j'étais prête à le détourner pour sauver la vie de mes proches. Shiloh ne méritait pas d'être jugé et condamné, il n'était pas un tueur et j'allais me battre pour lui éviter le pire quoi que cela m'en coûte. « Tu ne dis pas ça simplement pour que je ne m'inquiète pas ? » demandais-je alors que si c'était le cas, ça ne marchait pas tellement parce que mon inquiétude était toujours présente. Je jetais un coup d’œil vers la porte avant de soupirer à la vue de sa menotte. « Ils ne doivent surtout rien savoir. » Je ne relevais pas l'insulte, à vrai dire, je n'en avais vu qu'un, l'autre étant surement parti se chercher un café et à part lui coller ma plaque au nez, je n'avais pas échangé avec lui. Je rapprochais la chaise qui était à quelques mètres, vers le lit et m'asseyais en le regardant toujours. Il était lucide sur la situation et à ses paroles, je comprenais que je ne m'étais pas trompée, il y avait anguille sous roche. « Tu le sais, je le sais... Bien sur qu'ils vont s'en apercevoir. » Autant être honnête. « Si tu veux que je t'aide, je vais avoir besoin de la vraie version. » J'avais planté mon regard dans le sien, parlant plus que sérieusement. J'avais le pouvoir de lui faciliter la vie jusqu'à son procès mais pour ça, je refusais qu'il y ait le moindre mensonge entre nous, ni même la moindre dissimulation de vérité. « C'est pas le moment de jouer au dur. » dis-je en parlant de la morphine et plus précisément du dosage qu'il avait demandé. Certes, ce n'était pas forcément la meilleure substance à ingurgiter mais à un certain niveau de douleurs, la question ne se posait plus. « Tu devrais penser un peu à toi. » Il attrapait ma main et je serrais la sienne en esquissant un sourire. « Ça va... Et ce n'est pas ta faute, je crois que je suis destinée à passer mon temps ici. » Je grimaçais avant de poser mon autre main sur nos mains déjà liées. « Tout ce qui compte c'est que tu sois en vie. » Et ça me permettait aussi de ne pas penser à ce qui se passait à la maison en ce moment, à la violence de mes disputes avec Blake et de mes nuits seules.
Mon corps me fait un mal de chien, c’est vrai, mais je peux le supporter. A vrai dire, je veux le supporter. C’est probablement une sorte de punition que je tiens à m’infliger pour ne pas avoir retrouver Kalia plus tôt et pour ne pas avoir été capable d’éviter qu’autant d’horreurs lui tombent dessus. Alors quand Roxy me demande si je lui dis être plus moche à voir que je n’ai mal pour la rassurer, je ricane ce qui provoque une vague de douleur qui me fait grimacer. « Quelque chose comme ça, je l’admets. » De toute manière puisque je grimace presque à chaque fois que je respire, elle ne va pas être dupe longtemps. Et puis, Roxy me connait par cœur, elle sait lorsque je lui cache des choses. De cette façon, elle va forcément comprendre que ce que je répète aux flics depuis que j’ai été arrêté n’est pas tout à fait la vérité. A en croire qu’elle me dit, elle l’a déjà bien compris. Son sérieux doit faire baisser les yeux de pas mal de suspects qu’elle interroge, ce n’est pas mon cas. Ma meilleure amie je la connais depuis si longtemps que ce genre de stratagème ne fonctionne plus sur moi depuis des années. Sans compter que j’ai appris à mentir assez aisément sur certains points, comme le trafic de drogues dans lequel je baigne depuis le lycée et dont elle ignore tout. Elle n’a jamais soupçonné quoi que ce soit parce que j’ai toujours su le cacher, mais là je n’ai pas à le faire. « Elle n’est pas compliquée la vraie version. » Je passe une main sur mon visage pour la seconde fois puis dans mes cheveux. « J’ai retrouvé Kalia et avant d’avoir pu la sortir de la maison, Danny est arrivé comme je l’ai dit aux flics. Mais … » Je soupire un coup et laisse ma tête tomber en arrière, les yeux fermés. « Il a fini par avoir le dessus et Kalia lui a tiré dessus. » Ma tête se redresse et mon regard tombe sur Roxy. « Elle a assez subi, Roxy, les interrogatoires, la possibilité de passer devant un juge, elle n’aurait pas supporté. » Je suis un grand protecteur, ce n’est pas une nouveauté et encore moins une surprise. Seulement je n’ai pas envie de parler uniquement de moi, de Kalia et de notre drame, je veux aussi savoir comment elle, elle va. « Arrête, tu comptes autant que les autres. Alors dis-moi seulement si tu tiens le coup. » Je tends la main vers elle pour qu’elle la prenne mais aussi pour la forcer à parler.
Shiloh ne démentait pas et ça ne faisait que confirmer ce que je pensais. Il faisait en sorte de me rassurer sur son état alors qu'il souffrait le martyre. Je serrais les lèvres ne pouvant rien faire pour le soulager puisque d'une je n'étais pas médecin et de deux, il ne voulait pas abuser de la morphine, ce qui en soit, était compréhensible. « Tu sais que même si tu me dis que ça va, je m’inquiéterai quand même. » Parce qu'il n'était pas ici pour rien et à voir l'état de son corps, je ne croyais pas une seule seconde qu'il pouvait bien se porter. De plus, il grimaçait à chaque respiration, à chaque mot qu'il prononçait et j'avais l'impression de le faire souffrir en le faisant parler. Cela dit, j'avais besoin qu'il se confie, j'avais besoin de connaitre la vérité sur ce qui était arrivé autant pour l'aider que pour aider Kalia. Je n'avais plus vu la jeune femme depuis des années, pas même depuis son retour en ville mais si elle comptait pour mon meilleur ami, je me devais de faire quelque chose. Je savais que ce que j'utilisais sur les gens que j'arrêtais, la pression que j'arrivais à mettre sur certains individus pour leur faire cracher le morceau ne marchait pas sur Shiloh. On se connaissait trop bien et quand bien même, je voulais qu'il me parle à moi, Roxy, pas à la fédéral que j'étais même si c'était l'agent spécial qui pouvait le sortir de cette merde. Il me racontait les faits et je posais ma main sur ma bouche alors que j'avais bel et bien imaginé ce scénario mais je n'avais pas voulu y croire avant de l'entendre de la bouche du blessé. « Et merde... » soufflais-je. « Je vais vous aider... tous les deux. » Peu importe ce que cela me coutait, j'avais de toute façon déjà négocier quelques arrangements avec le directeur de la prison ou ils voulaient emmener Shiloh. « Tu sais que cette vérité sera bien gardée. » En somme, il pouvait me faire confiance et j'allais, dès ma sortie, appeler son avocat. Je serrais sa main qu'il me tendait et j'avais la sensation que le masque que je portais jusque là tombait littéralement en mille morceaux. « C'est dur en ce moment... » avouais-je. Il avait été honnête avec moi, je ne pouvais décemment pas lui mentir droit dans les yeux. « Ce qui est arrivé à Casey et Ben, toi... Blake... » A vrai dire dans le prénom de mon mari, j'englobais la perte du bébé et aussi les tensions qu'on rencontrait depuis le début de sa mission. « Mais ça va aller... Je vais tenir le coup. » Comme toujours.
Un petit sourire apparaît au coin de mes lèvres malgré ma douleur. Ce petit sourire que je lui donne à chaque fois que je suis touché ou même amusé de son inquiétude envers moi. Roxy est ainsi, elle protège et s’inquiète pour les gens qu’elle aime, je m’estime très chanceux d’en faire partie. « Je sais mais ça finira par passer, c’est encore trop récent. » Comme une mauvaise blessure lors d’un match : ça fait mal un temps et puis ça fini par passer au point que j’oublie … Jusqu’à la fois suivante bien évidemment. Là j’admets que c’est un peu plus sérieux qu’une mauvaise chute, une entorse ou autre, mais ça finira par passer aussi. Avec le temps … De toute manière ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus. Ma peur va vers Kalia, la crainte qu’elle soit obligée d’encaisser aussi plus que nécessaire. Je peux bien prendre ça pour elle, assumer à sa place. Après tout l’arme était là à cause de moi, elle est à moi, c’est ma responsabilité et je tiens à la protéger elle. Pourtant, avoir dit la vérité même de façon succincte à ma meilleure amie ne me soulage pas. Je revois encore Kalia choquée par ce qu’elle a fait, brisé d’avoir tué un homme même si c’était pour me sauver la vie. Ce sont des images que je ne pourrais jamais effacer complètement de ma mort, au même titre que ma culpabilité. Quelque part, prendre sa place c’est aussi me punir de ne pas avoir su la protéger. « Rox’ t’implique pas trop pour moi. Je connais mes droits, je connais la loi. » Dis-je en attrapant sa main comme je le peux avec mes côtes douloureuses. « Ça ne sera pas simple, mais je peux parfaitement m’en sortir … avec du temps. » Il va seulement falloir que je me replonge dans le code civil si je dois en arriver là, si je tombe sur un flic déterminé à m’enterrer. Mais j’ai l’entêtement dans le sang et un grand-père connard mais avec un très bon réseau, je ne m’inquiète pas plus que ça. « Je sais, je n’ai jamais douté de toi et j’aurais aimé ne pas te rajouter ça en plus de tout ce que tu traverses en ce moment. » Sans compter que je déteste être un poids pour mes proches … chose à laquelle j’aurais dû réfléchir avant de me ramener armé chez un malade mental désormais mort. Son sérieux effacé pour une expression plus fatiguée, je me sens d’autant plus coupable de lui rajouter ça à tout ce qui la tracasse en ce moment. « T’es forte, Roxy. Je l’ai toujours su et toujours admiré, mais n’oublie que des fois tu es autorisée à craquer. Tu es humaine avant tout, alors n’essaye pas de me rassurer. » Je resserre un peu plus sa main et la regarde avec tendresse. « Si tu veux craquer maintenant, ça ne sortira pas d’ici et mon épaule reste à ta disposition. Elle l’a toujours été et le sera toujours. » Il m’arrive d’être absent pour mon travail ou autre, mais si elle a besoin, si elle en fait la demande, je serais là pour elle.
Le petite sourire au coin de ses lèvres, je le connais plus que bien. C'était souvent celui qu'il m'offrait quand il était heureux ou simplement reconnaissant. Shiloh et moi étions un peu pareil sur l'expression de nos sentiments ; tout dans la retenue mais toujours honnête. J'approuvais de la tête alors qu'il n'avait pas tord, ses douleurs étaient bien trop récentes pour qu'elles se résorbent déjà et il allait faire preuve de patience. Je n'aimais pas le savoir dans cet état mais j'étais totalement impuissante face à ses blessures même si menacer une infirmière de lui injecter un anti-douleurs plus fort m'était passé par la tête et je n'en étais même pas désolée. « Tu sais que je ne peux que m'impliquer... On parle de toi, de ta vie. » Je n'étais pas étonnée de ce qu'il avait fait pour Kalia, et si je regrettais qu'ils en soient arrivés là, j'allais faire ce que je pouvais pour les aider et éviter qu'ils paient plus qu'ils ne le devaient, l'un comme l'autre. « Je sais que tu connais la loi. » Je serrais sa main sans trop forcer pour éviter de lui faire mal là ou il n'avait pas de plaies apparentes. « Du temps ? Et t'en as du temps ? Shiloh, je ne te laisserai pas faire 5, 10, 20 ans dans une prison, c'est mort. » Et c'était le mot adapté. Je le regardais alors que je tentais de garder la face mais j'étais submergée par tout ce qui arrivait. En réalité, je n'étais pas certaine que quelqu'un de normal puisse encaisser autant que ça, je n'étais donc surement pas si normale que je le pensais. Je mordais l'intérieur de ma joue à ses mots. « T'en fais pas, je peux tout surmonter. » Du moins, c'était ce que je tentais de me convaincre tout comme à mon entourage. J'avais toujours été la forte tête, celle qui tenait debout quand les autres s'effondraient... Je n'avais pas vraiment le choix surtout pas dernièrement avec Casey qui n'était que l'ombre d'elle-même et plus sensible que jamais et Blake qui oscillait entre docteur Jekill et mister Hyde. Je souriais légèrement avant de souffler. « Merci. » J'avais envie de rester forte, garder la tête haute mais je n'y arrivais plus. Je baissais la tête, posant mon front contre nos mains liées et je laissais quelques larmes m'échapper. C'était trop, juste trop. « Je ne veux pas amocher plus ton épaule, je me contenterai de ta main. » dis-je en souriant, reniflant et chassant les larmes de mes joues. « C'est toi qui est menotté à un lit et moi qui pleurs... C'est nul. » tentais-je de dédramatiser pas réellement à l'aise avec la faiblesse que j'exprimais. Je n'étais pas habituée à cette position mais j'avais assez confiance en lui pour savoir qu'il n'allait pas me juger, au contraire.
Je crois que la voir elle, parmi toutes les personnes que j’avais besoin de voir me fait du bien. Elle ne sait peut-être pas tout sur moi, à commencer par le fait que je trempe dans des affaires pas franchement légales depuis des années, mais elle en sait assez. Je la considère comme une sœur, je l’aime comme une sœur, je suppose qu’il en va de même pour elle. « Je le sais, Rox, et tu sais que je tiens à ce que tu sois en sécurité même si c’est toi l’agent spécial. » Je souris encore une fois comme pour rendre mes paroles un peu plus sincères. Je suis un incorrigible protecteur avec toutes les personnes que j’aime. Si je peux m’assurer qu’elle soit saine et sauve, que la noirceur dans ma vie ne l’atteigne pas, je le ferais. « Je ferais pas de prison, je te le garantis. » Je m’avance sans doute un peu trop mais je sais que je ne ferais pas des années derrière les barreaux, quelques jours ou quelques semaines tout au plus. « Encore une fois, je connais la loi et elle est en ma faveur, je peux même me défendre tout seul s’il le faut. » Ce n’est pas payer qui me pose problème, c’est tomber sur un avocat merdique qui foutra mon affaire en l’air. Je me représenterai s’il le faut mais j’ose encore espérer ne pas en arriver là. Cela dit je considère que nous avons bien assez parlé de moi et je m’inquiète pour Roxy. Elle a pas mal enchaîné ces derniers temps, je suis impressionné de la voir tenir encore debout. Mais encore une fois, je sais que c’est une femme forte bien qu’elle n’ait pas à jouer à ce jeu en ma présence. « Hm, tu n’es pas surhumaine aux dernières nouvelles. Je te connais par cœur, je sais quand tu parles pour nous réconforter et c’est exactement ce que tu es en train de faire. » Dis-je avec tendresse. Mais j’accepte qu’elle se contente de ma main si elle a réellement peur de me faire mal. « Mon épaule pourrait supporter pourtant. Allez dis-moi … parle-moi Roxy. » Je serre un peu sa main. J’ai besoin et envie qu’elle me parle. J’ai besoin et envie de savoir comment elle va réellement et ne pas me contenter de ces excuses qu’elle sert aux gens pour qu’ils ne s’inquiètent pas.
Accueil
Sam 30 Mai - 10:19
