«J'te recroise, t'es mort. » arcade sourcilière pétée, liquide carmin qui coule sur ton visage, t'aurais pas cru qu'tu en viendrais avec les mains avec lui, mais il l'a cherché. Il a niqué le moral de ta mère et t'es bien remontée contre lui. Heureusement qu'on vous a séparé lui et toi, parce que tu t'es sentie bien capable d'le tuer de tes propres mains. Petite blonde enragée, la vie t'as fait aucun cadeau et tu comptes bien l'envoyer se faire voir ailleurs la vie... une belle connasse oui. Frère jumeau envoyé à l'armée, qui a servi de chair à canon, mort pour sa patrie qu'ils ont dit à ta pauvre mère, effondrée sous le porche de votre maison.

La vie lui a déjà enlevé l'amour de sa vie et voilà qu'ils lui ont enlevé son fils, le dernier homme de la maison. C'est l'meilleur ami de ton frère que t'as cogné, parce qu'il a pas été foutu d'garder en vie ton seul allié dans cette ville minable. Tu t'demandes encore aujourd'hui pourquoi t'es restée si longtemps à Dublin alors que t'aurais pu t'barrer du jour au lendemain... sauf que t'as clairement été incapable d'abandonner ta pauvre mère.

Qui a perdu la boule depuis la mort d'Aaron. Presque folle. Placée en hôpital psychiatrique quelques mois après l'enterrement. Incapable de te reconnaître, incapable de se souvenir que son fils lui a été arraché. Cette douleur dans ton palpitant à chaque fois que tu la vois. Elle qui se laisse mourir à petit feu, pensant qu'elle a perdu tous ses enfants, à te demander à chaque fois qui tu es, si tu étais une amie d'Aaron, si tu l'as connu... cette douleur au cœur à chaque visite.

Puis t'as fini par partir. Par abandonner ta pauvre mère. T'as mis les voiles pour les Etats-Unis, à 18 ans, pris toutes les économies que tu avais de côté pour te payer le billet d'avion et d't'offrir une nouvelle vie là-bas, vivre ce fameux american dream dont tu entendais souvent parler.
Au départ, c'était galère, puis t'étais même pas au courant de l'existence de ta cousine Cheryl, faut dire aussi que ta pauvre mère avait coupé les ponts avec toute sa famille quand elle a épousé un type pas très net, un irlandais pur sang. Un irlandais un peu mafieux, qui traînait dans des histoires pas très nettes, mais eh, c'est comme ça que ton jumeau et toi vous êtes nés alors bon...tu lui en veux pas à ta mère d'être tombée amoureuse d'un sale type. Sale type qui aimait quand même sa famille et ses deux rejetons. La prunelle de ses yeux qu'il disait quand il avait un coup dans le nez.

Puis quand t'as débarqué à LA, comme ça, paumée et même pas majeure aux States, t'es venue demander du boulot au culot dans l'une des seules boutiques irlandaises du quartier où tu t'es installée. C'est grâce à tes origines surtout et à ton accent à couper au couteau que t'as pu t'en tirer, qu'le vieux croûton et proprio de la boutique t'as prise sous son aile. Puis les années sont passées, le vieux a cané en t'laissant tout son héritage, sa boutique, en t'disant que c'était à ton tour d'voler de tes propres ailes.