Je fais les cent pas, j'hésite à l'appeler après nos derniers échanges. Faut que j'assume après tout. Je peux pas attendre, ça me démange trop. Je m'assois sur le bord de mon lit, je prends une longue inspiration, cherche Morgan dans mes contacts, puis appelle. Ça sonne une fois, deux fois, trois fois et ça décroche. " Allo ? " j'essaye de paraître assuré mais mon coeur bat à cent à l'heure. " B-Bon alors... C'est quoi le problème ? Hein ? "
Perché sur l'escaliers de secours, en pause, le portable dans une main, une cigarette dans l'autre, Morgan contemple la ville en attendant qu'Enzo ne l'appelle. S'il ne le fait pas dans les cinq minutes, il attendra, tant pis pour lui. Ou peut être qu'il appellera de lui même. Il hésite encore quand au déroulé de cette soirée, de cette discussion. Il faut qu'ils en parlent, d'une manière ou d'une autre. Le garçon vient de lâcher une bombe, il ne peut pas s'attendre à ce que Morgan reste de marbre. L'écran s'illumine, le coeur d'Every loupe un battement. "Hey..." C'est quoi le problème ? Ca arrache un léger rire au barman qui reprend une bouffée de nicotine en haussant les épaules. "J'sais pas, c'est toi qui m'appelle. Qu'est-ce qu'il se passe ?"
Il a le don de vraiment me faire péter un câble parfois. Je lève les yeux au ciel, me mord la lèvre inférieure. Je pensais pas que ce serait aussi difficile. J'ai essayé de désamorcer cette discussion mais c'était impossible avec lui. " T'es sérieux ? " je lâche un faux rire. " C'est toi qui a arrêté de me répondre. Pourquoi ? J'comprends pas Morgan... " j'hausse les épaules comme s'il était là, en face de moi.
Il a le sourire aux lèvres. Parce qu'il sait très bien que l'talien se contient. Qu'il abuse, Every, qu'il cherche toujours la petite bête avec lui. "Très." Il réprime un rire, porte son regard sur l'horizon. "Tu t'en fou de mon avis. Je te le donne pas, c'est tout." C'est du moins comme ça que l'a perçu le barman, qui est bien décidé à le faire languir un peu.
Il va me faire vriller. Je me contiens, de lui hurler dessus voir même de raccrocher tellement il me fait chier a ce moment précis. Je ferme les yeux, inspire profondément, il doit l'entendre d'ailleurs. " Putain j'ai jamais dit ça Morgan ! Arrête de te faire des films ! " mon ton s'est haussé instinctivement. " C'est juste que.. Que j'avais pas prévu d'te dire ça... " c'est murmuré cette fois, je me jette sur mon lit, regarde le plafond, pousse de nouveau un soupir.
"Mais tu te ravise avant même de m'écouter. C'est pareil." A ses yeux, en tout cas. Il sent bien qu'il ne peut pas trop pousser, qu'il ne peut pas abuser encore longtemps. Le barman n'a aucune envie que la discussion vire à l'engueulade. Encore moins celle ci. "Ouai mais tu l'as dis..." Encore une fois, il hausse les épaules, marque une pause en fumant sa cigarette. "Et j'ai peut être pas eu la meilleure des réponses. Mais tu m'as pris de court, là !" Un léger rire s'échappe de ses lippes, mordillant sa lèvre inférieure. "Alors vas y, refais la."
Je peste, manque de lui envoyer une insulte dans la gueule parce qu'il me gave, puis fini par juste le laisser parler. Je déteste quand il joue au plus malin et j'ai l'impression que c'est exactement ce qu'il fait. " Refais la ? " je fronce légèrement les sourcils, sans comprendre vraiment. " Refaire quoi ? Ma phrase ? J'cromprends pas... Sérieux tu me gaves. C'est pour ça que j'aurais jamais dû dire ça, tu vois ! "
L'italien s'énerve au bout du fil, arrachant un soupire à Morgan qui lève les yeux au ciel. "Arrête de t'énerver..." Il se replace sur les marches, le coeur tambourinant, léger sourire aux lèvres. "Ouai, ta phrase...." C'est murmuré, tout doucement, en espérant apaiser les tensions. "Je suis sérieux. J'ai pas su quoi répondre, maintenant je sais. Vas y..." Et ce sera peut être plus facile pour lui de ne pas l'avoir en face de lui, finalement.
Je sens que mon coeur bat de plus en plus, je ne sais pas pourquoi, comme si Morgan faisait monter une sorte de pression. Ou alors c'est juste la situation qui fait que. " J'suis pas énervé... " je lui crache presque, comme gamin pris sur le fait. Il me demande de redire ma phrase, je comprends pas. " À quoi tu joues sérieux... ? " je souffle tout doucement tout en pinçant l'arête du nez. Il me pousse dans mes retranchements. " Pourquoi tu m'fais ça sérieux Morgan ? Putain... " j'ai peur de redire, de me confier, c'était beaucoup plus simple par écrit. Et s'il se foutait juste de ma gueule ? J'en sais rien putain. Alors après une longue inspiration, je décide de me lancer. " N-Notre discussion... Ça m'a.. ça m'a donné l'impression que j-je pourrais... Avoir envie d'aller plus loin... Plus loin avec toi. " je balbutie comme un gamin, j'ai jamais autant angoissé et je déteste ça, c'est la pire sensation. J'ai perdu le contrôle avec lui et c'est terrifiant, encore plus parce que je ne sais pas si ça vaut vraiment le coup. Pourtant il me fait tout remettre en question...
Il ne réprime pas un rire face à la réaction de l'italien, soupire une nouvelle fois quand il rétorque. "Je joue pas..." Il a peur, ça se sent. Il ne peut le comprendre, son palpitant à lui aussi s'affole. Il craint la suite, autant qu'il l'attend. Laisse sa jambe trembler contre la marche, termine sa cigarette qu'il balance du haut de l'immeuble. "Parce que... Fais moi confiance." Il sait bien que ce n'est pas simple pour lui. Aucun d'eux n'est à l'aise dans cet situation. Aucun d'eux n'est doué pour exprimer ce qu'il ressent. Une nouvelle fois, son coeur loupe un battement, souriant bêtement. Il est presque content, finalement, qu'Enzo ne soit pas là pour se moquer de son sourire un peu trop étiré. Volontairement, il marque une pause, inspirant fortement à son tour. "Tu sais, j'étais sérieux, quand je te disais que tout ça... Ca me fais flipper." Il soupire, doucement, mord sa lèvre en tentant de trouver du courage au fond de lui. "Mais j'me rappelle pas de la dernière fois où je me suis sentit aussi bien, avec quelqu'un. Ca me fait flipper, mais putain... Je veux pas passer à côté. Tant pis si on se foire..." C'est murmuré, tremblant encore, dans l'appréhension. "J'aimerais ça, ouai, qu'on aille plus loin..."