Home - Brentwood - Plus le temps passait et plus je sentais que je perdais pied dans la vie que je tentais de mener. J'avais pourtant toujours tout fait en mon âme et conscience et ce même si je m'étais parfois un peu perdue en chemin. Après tout, personne ne pouvait dire qu'il avait toujours bien agi et qu'il n'avait pas quelques casseroles aux fesses. L'être humain était doté d'une capacité absolument grandiose pour foirer ce qu'il s'efforçait de maintenir. C'était ce que je retenais en tout cas et j'étais certaine que cette prise de conscience allait forcément m'aider à un moment donné. En attendant, je me garais dans l'allée de mon appartement, respirant un grand coup comme pour me donner le courage d'entrer et de faire face à la vie que j'avais mise de côté le temps de quelques heures, le temps de prendre un café avec mon ex-petit ami. Je ne savais pas comment j'allais expliquer ça à Blake mais j'avais espoir qu'il ne s'énerve pas -ce qui en soit allait aussi m'énerver et donc ne mènerait à rien-. Shiloh m'avait confirmé que je ne faisais rien de mal en sirotant un verre avec Derek et j'étais persuadée qu'il avait raison. On ne trompait pas en partageant une boisson après tout.
J'arrêtais de me poser des questions et j'entrais chez moi. Je posais les clés sur la tablette à gauche de la porte et posais mon sac au sol, sans vraiment le ranger, comme d'habitude. Je n'étais pas vraiment du genre maniaque contrairement à mon fiancé qui ne supportait pas qu'un papier ne dépasse de la pile ou que les affaires ne soient pas à la place qu'on leur avait donné. « C'est moi ! » criais-je en posant ma veste sur le porte manteau. Je parcourais le salon avant de trouver Blake en cuisine. Je souriais et allais lui déposer un baiser avant d'ouvrir le frigo pour prendre une bouteille d'eau que j'ouvrais. « Désolée, j'ai été prise par un dossier au bureau et je n'ai pas vu le temps passer. » Ce n'était pas faux, j'avais travaillé d'arrache-pieds avant de voir Derek. « Tu as passé une bonne journée ? » demandais-je ensuite me posant contre l’îlot central pour jeter rapidement un œil à ce qu'il cuisinait.
Il est tard quand je passe la porte de la maison et que je retrouve une fois n’étant pas coutume, l’obscurité dans laquelle mon habitat est plongé. Comme d’habitude, toujours sur mes gardes, j’allume la lumière et fait un tour de la maison. Ça peut paraitre déluré comme attitude, mais pas pour un agent du FBI. Encore moins ces derniers temps. L’appartement inspecté, je retire et pends ma veste, rangeant également soigneusement mes chaussures. J’ai toujours été méthodique dans ce que je fais, et je ne laisse pas de place à l’imprévu, ça a le don de me stresser ou de m’agacer. Consultant mon téléphone, aucun message intéressant n’y apparait. Ma mère, me raconte sa vie, dans la conversation de groupe que j’ai mise en sourdine, agacé par les messages inutiles toute la journée durant. Le remettant dans ma poche, je relève les manches de ma chemise pour m’apprêter à cuisiner. Ouvrant le frigo, je finis par opter pour un poulet colombo et m’empresse de sortir les tomates, les épices, le lait de coco et le riz pour accompagner les morceaux de viande. En fond, j’allume la chaine hifi pour écouter le Lac des Cygnes de Tchaïkovski, un de mes préférés. Ca me permet de décompresser après une journée éreintante. Je profite d’être seul, pour éviter à Roxy le supplice d’écouter de la musique classique. Notre mariage arrive à grand pas, et je me rends compte que je suis presque sur les nerfs tant je souhaite que ce jour reste le plus beau de sa vie. On en a fait du chemin depuis cinq ans. Bien que très différents, on a réussi à créer un équilibre. Je m’inquiète pour elle cela dit. Elle a traversé pas mal d’épreuves, et j’ai l’impression de ne pas être suffisamment présent pour elle. Ce n’est pas comme si je peux demander conseil à mes parents, ils mènent une vie loin d’être en phase avec la mienne. Coupant la viande, les légumes, faisant revenir le tout dans les oignons, j’entends la porte d’entrée s’ouvrir et éteint automatiquement la chaine hifi. Je souris malgré moi, ma fiancée me fait toujours le même effet. Je m’estime heureux d’avoir trouvé la femme de ma vie. Elle incarne tout ce que je recherche chez un être humain. Alors qu’elle me rejoint dans la cuisine et retrouve mes lèvres dans un baiser, je me remets immédiatement aux fourneaux pour éviter de rater mon plat. Elle s’excuse de son retard et d’un geste de la main je lui fais signe que ce n’est pas important. « T’en fais pas, je ne suis pas rentré très tôt non plus. » Nos métiers respectifs nous prenaient du temps et on savait l’un comme l’autre que ça amenait des imprévus et imposait de la flexibilité. Sortant deux assiettes pour les dresser, je me retournais vers elle pour répondre à sa question : « Oui, je bosse sur le démantèlement d’un réseau de trafiquants en ce moment, on avance bien. » Je marquais une pause avant de reprendre : « Il faudra probablement que je me rende au Texas bientôt pour interroger quelques personnes. » Ca ne semblait pas passionnant, mais mon métier me fascinait et je me réjouissais toujours d’aller sur le terrain. La seule chose qui me tracassait, c’était de laisser ma fiancée seule lors de missions. « Et toi ? Pas trop fatiguée? Tu travailles sur quoi ? » Les assiettes étaient enfin prêtes, et je les déposais alors sur le comptoir, avant de me tourner vers ma future épouse et de l’enlacer, embrassant son front d’un baiser. « Je sors une bouteille de vin ? » Autant profiter des bouteilles que mon beau-père nous offrait à tour de bras.
Home - Brentwood - Si passer du temps avec Derek me retournait le cerveau, j'avais la sensation que rentrer chez moi, retrouver Blake et notre quotidien m'aidait à ancrer les pieds dans le sol mais surtout dans la réalité qui faisait ma vie depuis quelques années. Je ne pouvais décemment pas laisser mon ex petit-ami bouleverser tout ce que j'avais construit et ce juste après un café... J'avais beau ne pas être la femme la plus stable et la plus réfléchie du monde, je savais pertinemment que je ne devais pas laisser mon passé et tout ce que j'avais ressenti prendre le dessus sur la personne que j'étais aujourd'hui. Blake ne méritait pas ça, je ne méritais pas ça.
Je souriais légèrement lorsque il coupait la musique. Je savais qu'il le faisait pour moi puisque si je n'avais jamais rien dit sur ses goûts musicaux, Blake savait que je n'étais pas très réceptive à l'opéra et au classique. Bien sur, je respectais totalement le fait qu'il aimait et que cela pouvait le détendre après une longue journée de travail. Nous étions très différents l'un de l'autre mais nous n'avions pas réellement de mal à nous accepter et à nous respecter malgré tout. Je devais bien avouer que mon fiancé m'avait appris beaucoup sur la tolérance et l'ouverture d'esprit. « Gros dossier alors... J'ai de la chance de te voir à la maison avant minuit. » dis-je en souriant légèrement en coin, prenant en même temps une gorgée d'eau. « D'accord... » Je n'étais pas fan des déplacements comme celui ci mais je ne pouvais rien dire, cela faisait partie intégrante de son métier comme du mien même si depuis que j'avais été affectée au bureau fédéral de Los Angeles, j'étais moins amenée à quitter l'état. « Si je suis crevée... Mais on est sur une sale affaire. Un mania des affaires serait aussi trafiquant pour le compte d'un cartel... Bref, des têtes vont tomber et franchement, j'ai hâte. » Je ne supportais pas ces personnes baignant dans l'argent tout en se pensant intouchable. Personne n'était intouchable, personne. Je passais mes bras autour de son cou, caressant sa nuque. « Oh oui, j'ai besoin d'un verre de vin pour survivre à ce qui m'attend demain. » plaisantais-je avant de déposer un baiser sur ses lèvres me glissant ensuite vers la table ou nos assiettes nous attendait. « Merci pour le diner, je n'aurais pas eu le force de te préparer quoi que ce soit... Mais je t'ai tout de même ramener des macarons. » grimaçais-je en lui montrant le paquet à quelques mètres de nous, avant de reprendre. « Tu es sure de vouloir m'épouser ? Je suis déjà une mauvaise épouse. » Je plaisantais, puisque Blake savait pertinemment ce que je pensais des femmes sous la coupe de leur mari et de leurs exigences malgré ça, j'étais consciente de ne pas être très attentive à notre foyer depuis quelques semaines.
Roxy et moi on est comme les contraires qui s’attirent. Avant d’en arriver aux fiançailles, elle ne m’appréciait pas, comme bon nombre de personnes, mais j’avais pourtant envie de lui plaire, contrairement au reste du monde qui ne m’atteignait guère. On disait que j’étais trop rigide pour quelqu’un d’indépendant comme elle, mais je pouvais être la stabilité dont elle avait besoin pour ne pas se perdre, et elle pouvait être la porte de la libération pour moi. Je l’aimais comme je n’avais jamais été capable d’aimer auparavant. Si bien que j’avais été capable de mettre de l’eau dans mon vin, d’accepter que l’on soit différent et de composer avec chacune de nos différences. Je n’abhorrais pas ma vie pour autant, bien au contraire. Elle me paraissait légère, appréciable, loin de tous les problèmes engendrés par une famille bancale. Et pourtant, le poste que j’occupais n’avait rien de banal, et si elle avait fait le choix de s’éloigner du terrain, je ne pouvais m’y résoudre. Roxy semblait apprécier que je sois à la maison malgré cette affaire délicate. J’en avais aussi besoin. J’avais le sentiment qu’on ne passait que très peu de temps ensemble ces dernières semaines. « C’est plutôt moi qui devrais dire ça. Tu rentres plus tard que moi. » Elle avait le sens du devoir, elle était passionnée, et je ne l’en blâmais pas, mais parfois, j’aimerais qu’on ait plus de temps pour nous. Je pouvais ressentir à ce moment qu’elle n’était pas enchantée à l’idée que je m’absente, même pour quelques jours. Affichant une moue désolée sur mon visage, je me pinçai les lèvres avant de lâcher un soupir : « Tu sais que j’ai pas le choix… Je me ferais pardonner pour mon absence. » Texas. Pour ne pas dire Mexique. Car je savais que c’était fort probable. Mes paroles ne faisaient aucun sens. Un docteur ne se fait pas pardonner d’opérer plus longuement. Cependant, j’avais la sensation que Roxy me cachait quelque chose. Peut-être me blâmait-elle pour une raison ou une autre, mais elle était distante, on se voyait peu, et un déplacement n’arrangerait rien, je préférais donc tempérer les choses. Elle pouvait tout aussi bien être simplement tracassée par son affaire. « Hm. Peut-être qu’il y a des connexions avec mon affaire. Peut-être devrais-je demander un rendez-vous avec une certaine Roxy Lennox… » Je lui souris, et puis elle vint se raccrocher à moi, et enlaçant sa taille, je lui soufflai : « Ne pense pas à demain, ça se passera bien. Tu es à la maison, laisse le travail au bureau ! » Elle avait besoin de sérénité. Ou d’un remontant. C’était comme si c’était fait. Sortant la bouteille de notre petite cave à vin, je la débouchais d’une traite avant de lui servir un verre puis un autre pour ma consommation personnelle. Alors qu’elle me remerciait pour le diner et qu’on s’attablait, je plaisantai alors en souriant : « Je suis de toute façon meilleur cuisinier que toi. » Ravi qu’elle ait pensé au dessert, je l’interrogeai sur leur provenance, curieux. « Oh, d’où viennent-ils ? Ca fera un bon dessert. » A sa propre blague, je relevai la tête vers elle, circonspect. Etait-ce une façon dissimulée d’aborder un véritable problème. Me levant de ma chaise, je viens la rejoindre à côté de la sienne, m’accroupissant à ses côtés, saisissant ses doigts pour les entrelacer aux miens. « S’il y a une chose dont je suis sûr, c’est de t’épouser. » Persuadé qu’elle redoutait le mariage, j’essayai alors de lui faire part de mes propres doutes. « Ca t’effraie ? Je crois que c’est normal d’avoir peur. Je te mentirais si je te disais que j’ai pas peur de tout foirer, d’avoir l’air débile à notre mariage… » C’était une évidence, je voulais tellement que tout soit parfait, que je pensais irrémédiablement au pire. Jamais venant d’elle, toujours de moi. « Mais je sais aussi que j’ai eu beaucoup de chance qu’une femme telle que toi puisse voir au-delà de ce que je pouvais montrer au reste du monde. » Je suis sincère, je lui souris, caressant sa joue, avant d’embrasser son front. Cherchant à lire en elle, je finis par briser la glace et lui poser la question que j’avais jusque-là, gardée pour moi. « Ca va peut-être te paraitre bizarre comme question, mais… y a quelque chose qui te tracasse ? »
Home - Brentwood - Nos premiers échanges avaient été explosifs -et loin de la féerie de nos jours- et je me souvenais encore de ce que j'avais ressenti pour Blake, lors de cette rencontre. Je m'étais promis d'être meilleure que lui à l'académie pour le moucher un peu et quelques années plus tard, je me retrouvais à partager ma vie avec lui. La vie était parfois étonnante mais je ne regrettais pas d'avoir regarder au delà des apparences et évidemment, je ne pouvais que le remercier, lui aussi, d'avoir vu plus loin que la personne froide et distante que je pouvais être au premier abord. Je savais pertinemment que je n'étais pas quelqu'un de facile au quotidien et qu'il me fallait encore du temps pour baisser toutes les barrières que j'avais à baisser. La patience de Blake m'étonnait chaque jour et je devais bien avouer que ça me charmait totalement. « Pour une fois, c'est vrai. » lui accordais-je en souriant légèrement. « Je le sais et je sais aussi que c'est le jeu dans ce métier... Jamais je ne t'empêcherai d'y aller parce que je détesterais si tu le faisais pour moi mais promets toi d'être prudent. » Le Texas, je savais pertinemment qu'il n'allait pas forcément rester que là bas... Je ne connaissais que trop bien les raisons qui poussait le FBI a envoyer ses agents là bas. « Tu es sur de toi ? Parce qu'il parait qu'elle n'est pas facile... mais par contre elle est canon. » plaisantais-je en lui adressant un sourire complice. Je n'étais pas du genre à me complimenter, à vrai dire j'étais plus du genre à ne rien me trouver du tout... mais j'avais de l'humour au moins. « Tu as raison, je dois profiter de l'instant et surtout de toi. » Parce que je ne savais pas pour combien de temps mon fiancé allait rester dans le coin et j'avais envie de profiter de chaque seconde que l'on pouvait partager ensemble. Je riais en l'entendant parler de ma cuisine et je ne pouvais pas vraiment le contredire, j'étais le genre de cuisinière à rater des pancakes, ça en disait long sur mes talents. « Heureusement, j'ai d'autres talents. » ajoutais-je sans en dire plus bien que me connaissant, je savais que Blake allait deviner mon sous-entendu. « D'une petite pâtisserie, pas très loin du bureau, so french ! » tentais-je de dire avec l'accent français que je ne maîtrisais pas trop mais l'important était d'essayer. Nous n'étions pas des gloutons, au contraire, nous aimions les bonnes choses et javais considéré que des macarons, de tradition française, étaient un cadeau goûté.
Je regardais Blake se lever de sa chaise et venir vers moi. Il se mettait à genoux, prenant mes mains dans les siennes. Ses mains étaient chaudes et rassurantes ce qui me forçait à sourire. « Tu n'auras jamais l'air débile, tu ne sais pas faire ça. » répondis-je doucement. « Je crois que j'ai la peur logique de toute future mariée... » Je grimaçais légèrement avant de déposer un baiser sur sa main que je ne lâchais pas. « C'est moi qui ai de la chance de t'avoir... Si tu savais. » J'entendais son compliment mais je ne considérais pas être plus exceptionnelle qu'une autre, loin de là. Quand on y pensait j'étais probablement une des seules personnes à Los Angeles à avoir plus de selfie d'animaux dans son téléphone que d'elle-même ou alors en version cocooning ce qui n'avait rien de très sexy. En revanche, Blake était le seul homme sur terre qui était aussi patient, doux et rassurant avec moi et j'en avais atrocement besoin. Je fermais les yeux lorsque il embrassait mon front et je souriais avant de le laisser reprendre place sur sa chaise. « Non... Je veux dire, j'ai juste pas mal de choses en tête depuis quelques jours, quelques semaines, beaucoup de trucs à gérer et... En sortant de mon rendez-vous à l'hôpital, j'ai croisé Derek. » Je le regardais ne sachant pas réellement comment il allait réagir. J'avais attendu longtemps pour lui dire et encore, j'avais passé sous silence que je l'avais déjà recroisé quelques semaines plus tôt. Nos rencontres étaient du au hasard, je n'avais donc pas eu envie d'en parler avec Blake, puisque ça n'avait pas d'importance jusque là, ou presque.
Parfois, il m’arrivait de me demander ce que Roxy avait pu trouver chez moi. Elle avait probablement plus de points communs avec d’autres et je trainais des casseroles familiales. Mais ce jour où je lui avais évité une blessure – voire la mort – en venant à son secours et la poussant hors d’atteinte de la balle, je savais que les choses changeraient. On avait tissé des liens, trouvé des points communs et des moyens de s’apprivoiser, et on s’était rapprochés inévitablement. Roxy m’avait subjugué, fait passer par toutes les émotions, conquis, tout simplement. Si je comprenais son inquiétude liée aux missions qu’étaient les miennes, je tenais à la rassurer. « Je le serais, j’ai aucune envie de rater mon mariage, et puis la mauvaise herbe, ça crève pas ! » Je plaisantais, mais j’étais sincère. Le FBI ne m’enverrait pas à l’abattoir. Notre métier c’était avant tout garantir notre sécurité et celle d’autrui. Pour autant, je comprenais ses craintes, parce que j’avais pendant de longues années, nourri les mêmes pour elle. L’avantage que j’avais, c’était qu’elle était plus en sécurité au bureau fédéral à présent. « Mais j’avoue que je suis rassuré de te savoir au bureau fédéral… Même si en même temps j’adorais bosser avec toi. Je ne supporterais juste pas qu’il t’arrive quelque chose. » Je voulais être honnête, comme pour lui montrer que je respectais son avis et que je ressentais les mêmes choses qu’elle à son égard. Quand on aime, on souhaiterait accaparer l’être aimé pour le protéger de tous les dangers. Et Roxy était la personne que je chérissais le plus. Pour détendre l’atmosphère, on plaisantait à son sujet et nos affaires respectives. Fanfaronnant, j’adoptais une moue fière et lui assurait d’un clin d’œil qu’elle me verrait probablement à la première heure le lendemain : « Les gens pas faciles, je les dompte ! Si elle est canon en plus… Je veux le premier rendez-vous de la journée ! » Ce n’était pas parce que je voulais l’envahir mais plutôt que pour obtenir des informations venant d’elle, il fallait que je me déplace et le fasse dans les règles de l’art. Ca serait drôle dans quelques semaines d’appeler au bureau de Mme Ellis. « Profiter de moi, attention agent Lennox, ça pourrait être mal interprété ! » Une chose que j’appréciais grandement avec elle, c’était notre complicité. Ca n’était pas fin, on était capable de plaisanter, de se comprendre par des petits regards, et ça me prouvait chaque jour qu’on était faits l’un pour l’autre. Elle a raison, elle a de multiples talents. La cuisine n’en fait pas partie, mais il y a un talent chez elle qui n’a pas d’égal, et je n’ai même pas besoin de le lui dire, mon expression mutine se transforme en un sourire qui en dit long. Les couples n’ayant pas d’alchimie à ce niveau-là ne durent pas longtemps. Je n’en rajoute pas, et puis alors que j’éclate de rire à son accent français aussi mignon que ce que je suis incapable de parler la langue de Molière, je fais une suggestion, comme si on n’avait pas assez prévu pour le jour le plus important de nos vies. « Peut-être que s’ils sont bons, on pourrait en offrir aux invités au mariage ? » Essayant à mon tour d’utiliser un mot français, je baragouinais un « meurci beaucoupe ». Un jour j’y arriverais. Cherchant à rassurer ma future femme du mieux que je pouvais, c’était exactement l’inverse qui se produisait : elle était là à complimenter mon égo, comme pour s’assurer que ce n’était pas moi qui flippais davantage. « Ah bon tu es sûre ? J’avais pas l’air débile la première fois où je t’ai demandé de m’épouser ? » J’arque un sourcil et je me laisse embarquer dans un rire. J’ai décidé de rire de cette situation qui a l’époque m’avait vraiment mis mal à l’aise tant je m’étais senti stupide. Si chacun avait de la chance de s’avoir dans la vie de l’autre, alors notre mariage serait une réussite. « On fait la paire alors… » Lui offrant un sourire rassurant, je retrouvais ma chaise et saisit mon verre que je portais à mes lèvres pour gouter le vin blanc offert par mon beau-père. Le liquide à peine dans ma bouche fit tout de suite le chemin inverse, crachant à l’entente de ce prénom irritant qui avait passé les lèvres de ma future femme. « Merde. » Regardant avec effroi la table tâchée par ma bévue, je me levais immédiatement pour essuyer le tout, une main portée sur ma bouche pour éviter de le vin ne tâche le parquet. Derek. Etait-ce la raison pour laquelle elle était distante ? Que faisait-il ici ? Pourquoi ne m’avait-elle rien dit ? Mon esprit ne focalisait même pas sur l’hôpital alors que j’aurais dû. « Oh je vois donc c’est pour ça que tu es bizarre depuis quelques temps ! » Que je crachais alors, éponge à la main pour essuyer le vin de la table. La colère qui prenait possession de moi était insupportable à gérer. J’aurais voulu qu’elle m’en parle, qu’elle ne me laisse pas me faire des idées comme c’était le cas à ce moment même. « Je sais pas si tu le fais exprès pour m’énerver, mais je remarque une chose c’est que tu ne me dis rien. Ca me donne d’autant plus de raisons de croire que c’est pas la première fois. » Pourquoi me mentait-elle ? C’était con de se sentir vulnérable, parce qu’un homme qui l’a blessée par le passé refait surface. Mais c’était aussi légitime, parce que je savais que ce gars, elle l’avait aimé, et probablement plus que ce qu’elle ne m’aimera jamais. Tentant tout de même de me canaliser, je me rasseyais devant mon plat, mais ça m’avait coupé l’appétit. « Et ne me dis pas que tu fais rien de mal, car tu me le cacherais pas sinon. » On allait se marier dans quelques semaines, et je commençais à croire que je ne connaissais même pas la femme de ma vie. « Est-ce que tu te mets à ma place des fois? Ce mec t'a détruite, et moi je fais ce que je peux pour te rendre heureuse, mais à croire que ça sera jamais assez bien! »
Home - Brentwood - Je n'avais plus vraiment de grosses missions sur le terrain depuis quelques mois et si j'avais décidé d'entrer au bureau fédéral, je ne cachais pas que parfois, cette adrénaline me manquait. Je savais parfaitement ce que Blake ressentait et c'était aussi pour cette raison que je ne me mettais jamais entre lui et son métier. Peut-être que cette compréhension dont je faisais preuve nous aidait à garder le cap malgré des vies professionnelles complexes et par moment dangereuses. « Si tu oses le rater, je te tues, sache le. » Bien sur sous cette petite boutade se cachait une vraie inquiétude mais je lui faisais confiance et je savais qu'il ne ferait rien qui mettrait sa vie ou celles de ses collègues en danger. « J'adore les mauvaises herbes. » dis-je doucement en portant une dernière fois ma bouteille d'eau à la bouche avant de lui offrir un petit sourire en coin. « Le seul gros danger du moment c'est de me coincer les doigts dans la photocopieuse... » plaisantais-je alors qu'avec l'affaire que j'allais suivre prochainement, j'allais sortir de mon bureau et de ce cadre de protection qu'il m'offrait. Cela dit, ce n'était pas vraiment le moment d'en parler et rien n'était encore officiel... L'égo de mon supérieur pouvait encore me recaler au second plan. « Je pourrais être jalouse mais... même pas, je vais te laisser y aller et la dompter. » riais-je alors que malgré la plaisanterie, j'allais bel et bien lui garder une heure demain matin pour qu'on échange sur nos deux affaires. « Oh je risque des ennuis ? » demandais-je alors qu'avoir des ennuis avec Blake, du moins des ennuis comme ça, je ne disais pas non. Nos complicité était palpable et c'était ce que j'aimais entre nous aussi. Tout était simple, fluide et nous n'avions pas de mal à échanger sur tous ce qui nous passait par la tête mais aussi sur ce que nous ressentions, preuve en était avec notre mariage et les peurs que cela pouvait engendrer. « On pourrait oui... Je suis même prête à goûter tous les macarons de la boutique pour leur offrir les meilleurs. Si ce n'est pas un beau sacrifice ça. » Je souriais largement, presque fière de mon idée qui même si elle restait une vaste plaisanterie n'était pas désagréable à imaginer. Avais-je besoin de préciser que j'étais gourmande ? J'explosais de rire en l'entendant parler français et je mettais immédiatement la main devant ma bouche. Je ne voulais pas me moquer mais j'adorais réellement cette tentative de français, bien qu'un peu loupé. « Mmm si totalement pour le coup mais je ne t'en tiens pas rigueur. » ajoutais-je en pinçant mes lèvres en repensant à cette scène. Aujourd'hui, on en riait mais à l'époque pas vraiment.
Si jusque là nous avions beaucoup rit, lorsque le prénom de Derek était sortie de ma bouche, le comportement de Blake avait littéralement changé. Je le regardais manqué de s'étouffer et je lui servais de l'eau dans son autre verre sans pour autant qu'il y prête attention. Je n'avais évidemment pas voulu le blesser, ma seule intention avait été d'être honnête puisque cette fois, j'avais eu un réel échange avec mon ex petit ami. « Bizarre ? Mais pas du tout, de quoi tu parles ? » J'apprenais donc que j'étais bizarre depuis quelques temps, dernière nouvelle ! « Blake, calme toi, tu t'emballes totalement là ! » Il avait envie de s'énerver, pas de soucis, je pouvais aller sur le même terrain que lui. Evidemment, si je faisais ça, on en avait pour la soirée voir la nuit. « Tu parles comme un parano, sache le. » Mon ton était un peu froid mais je n'aimais pas du tout ses accusations et encore moins ses insinuations. « Bien sur que je n'ai rien fait de mal ! Et je ne te cache rien puisque je te dis que je l'ai croisé. C'est un crime apparemment ! » J'étais abasourdie par ce que j'entendais et je tapais la main sur la table d'agacement. « Non mais tu t'entends ? Jamais assez bien ? Parce que j'ai croisé par hasard Derek ? Est ce que tu réalises la bêtise de tes paroles Blake ? On s'est croisés et on a discuté, chose qu'on avait jamais fait depuis des années. Finalement je n'aurais rien du te dire au moins là j'aurais mérité le statut de menteuse. » Je me levais repoussant mon assiette et j'allais vers notre chambre qui était située à quelques mètres de là mais assez en recul pour être au calme quand il y avait du bruit dans le salon ou la cuisine.
La menace de Roxy me faisait doucement rire. Elle comme moi savions très bien que j’attendais ce jour avec impatience, et il était donc pour moi hors de question de le manquer. Ce que je lui assurais une fois de plus. « Même avec un bras, une jambe en moins, je serais toujours là pour mon mariage ! Je veux te voir resplendissante dans ta robe de mariée ! » Elle aurait le loisir de me tuer après le mariage si ça lui disait. De toute façon, je n’étais pas censé me rendre dans des endroits à risque. J’étais simplement censé interroger quelques personnes. Je n’en étais pas au point de connaitre chacun des membres du réseau que je souhaitais voir sombrer. J’ajoutais une dernière touche à mon plat tandis qu’elle poursuivait dans ses plaisanteries sur la mauvaise herbe que je représentais ou la photocopieuse maléfique. « Ca me va, au moins tu te préserves ! Et si la photocopieuse te fait du mal, je serais obligé de la désintégrer ! » Et je prétendais tirer dans une machine imaginaire devant moi. Je la plaignais quelque part. Ca ne devait pas être intéressant tous les jours quand on était actif comme elle. Mais au moins, je pouvais dormir sur mes deux oreilles. Un avantage à ne pas porter le même nom était que si l’un des deux était impliqué dans une situation délicate, l’autre ne serait pas mis en danger. J’y avais songé, mais en même temps je ne pouvais laisser les risques dicter ma vie. On avait beau parler de Roxy à la troisième personne, on se plaisait à discuter comme si elle était une personne différente. Au travail, on avait toujours cherché à garder des relations cordiales et professionnelles, même si tout le monde savait qu’en parallèle on se fréquentait. « Surtout que j’y vais pour des raisons strictement professionnelles ! » Dis-je en levant le doigt au ciel comme si je mettais un point d’honneur à tenir ma parole. Mais je ne voulais pas lui provoquer des ennuis. Contrairement à ce que j’insinuais ensuite : « Peut-être qui sait ? Je pourrais vous arrêter mademoiselle ! » J’adoptais un air sérieux avant d’éclater de rire. La légèreté de notre conversation nous faisait du bien. Parce qu’avec Roxy, la glace brisée, tout semblait simple. « Et je me permettrais de t’entretenir pour que tu rentres dans ta robe ! L’esprit d’équipe, c’est beau ! » Je n’étais pas sérieux. Jamais je ne me permettrais d’insinuer qu’elle n’était pas à mon goût physiquement. Parce que si c’était le cas, je lui permettrais de me faire le même genre de réflexion. Alors qu’elle se moquait et essayait de contenir son rire je la regardais d’un air mi-amusé mi-vexé, mais je n’ajoutais rien, après tout j’étais d’accord avec elle, mon français était déplorable. « J’avais donc raison ! » Dis-je en levant les bras au ciel, comme si j’avais gagné une bataille, parce qu’elle admettait que j’avais déjà été ridicule, et cette scène restait gravé dans ma mémoire, si bien que j’avais sorti le grand jeu pour la seconde demande. Malheureusement, la légèreté et la bonne humeur se dissipe pour une information glanée par ma fiancée et qui ne me plait absolument pas. Elle a beau s’offusquer, je sais que quelque chose cloche. Bizarre n’est pas le mot, mais il y a quelque chose sous sa façade, je peux le sentir. Qu’elle insinue que je fabule me met hors de moi. Je me tape sur le torse, toussant pour faire passer le vin avalé de travers. Levant les bras au ciel, impuissant, j’insiste. « Je sais pas, Rox, à toi de me le dire ?! Je te trouve différente ! » Comme si je n’étais pas digne d’écouter quoi que ce soit. Comme si elle ne me faisait pas confiance. « Oui c’est ça le problème vient de moi ! » Parano qui s’emballe. Je n’ai pas l’habitude de céder à mes émotions, mais Derek c’est un sujet sensible. « Croisé, discuté, et vous allez vous revoir, et moi je suis le con qui prépare à manger en pensant que tu étais au boulot. » Elle ne peut pas me dire que je fabule. Je sais qu’elle craquerait si elle finissait par le côtoyer de nouveau. Et ca m’effraie. Je sais qu’il est l’inconnue qui fera basculer ma relation dans un cauchemar. « Tu aurais pu m’avertir par message. » Sur le moment, m’avouer qu’elle l’avait croisé, c’était bien mieux que de me l’annoncer après m’avoir dit qu’elle avait eu beaucoup de boulot. Mon diner est un échec. Elle s’isole dans notre chambre et aussi difficile que ce soit de laisser trainer le repas, je finis par la rejoindre là-bas, toujours agacé, mais cherchant tout de même à lui expliquer la raison de mes doutes. « Je crois pas qu’il t’ai croisée par hasard. Et j’ai pas envie qu’il te détruise à nouveau, m’entrainant aussi avec. » Soupirant, je pose un regard sur elle : « Je sais que j’ai aucune chance face à lui. Que tu l’aimeras toujours plus que moi. Et je l’accepte, mais je ne veux pas te perdre. » On était les premiers à plaisanter, mais d’ordinaire, je gardais ces choses-là pour moi.
Home - Brentwood - J'avais souvent pensé au jour ou j'allais me marier depuis que Blake m'avait fait sa demande. Je n'arrivais pas vraiment à imaginer comment cette journée allait se dérouler, j'oscillais entre le stress, l'excitation et la peur que quelque chose ne se déroule pas comme prévu... Heureusement, j'avais une super organisatrice de mariage et j'étais certaine que Lara allait tout faire pour que nous n'aillons à ne nous occuper de rien le jour J. « Oui mais du coup si tu as tout ça en moins, je ne sais pas si je vais dire oui. » plaisantais-je en lui adressant un sourire complice. Evidemment je ne pensais pas ce que je disais mais depuis le temps que nous étions ensemble, je n'avais plus à le préciser et en toute franchise, même sans son bras ou sa jambe, je ne comptais pas tourner le dos à mon fiancé. D'ailleurs, je laissais échapper un rire en le voyant mimer la fameuse désintégration de photocopieuse. « Sachant que c'est une des seules machines qui fonctionnent bien dans le service, je préférerai que tu l'épargnes ! » Malgré de belles donations, le bureau fédéral n'était pas aussi bien vu que le reste de la maison mère, le dit FBI. Ce manque de moyens avait tendance à m'agacer mais quand je voyais les conditions de travail dans certains commissariats de la ville, je ne pouvais pas vraiment me plaindre. Je souriais quand il précisait ne venir que pour des raisons professionnelles et si c'était vrai, je n'étais pas contre une visite autre que professionnelle même si j'avais toujours mis un point d'honneur à ne jamais parler de notre relation sur notre lieu de travail ou à nos collègues. Je considérais que ma vie privée ne regardait personne et je connaissais le caractère intrusif de certaines personnes autour de nous, ce qui m'avait d'autant plus poussé à nous protéger. « Flûte, les menottes... » soufflais-je en faisant une petite moue boudeuse avant de légèrement rire. Si je devais laisser quelqu'un me les passer, il était évident que je choisissais Blake mais bref. « Tant de sacrifices juste pour que j'entre dans ma robe, tu es trop bon Ellis. » riais-je avant de mordre ma lèvre comme une enfant prise sur le fait d'une bêtise. Effectivement, il avait été un peu ridicule mais quand j'y repensais, je trouvais son action -bien que posée au pire moment- assez touchante.
La légèreté et l'humour avait littéralement quitté notre discussion voir notre maison lorsque j'avais évoqué le prénom de Derek. Malgré la réaction de Blake, je ne regrettais pas d'avoir parlé de ma rencontre avec mon ex petit ami et ce même si je n'avais pas eu le temps de dire quand, comment et pourquoi, je l'avais rencontré. Il semblait évident que mon fiancé manquait de confiance mais je ne savais pas si c'était envers moi, envers notre relation ou envers lui-même. Comme souvent, j'étais rapidement sortie de mes gongs et comme un oiseau blessé, j'avais répondu à ses remarques par l'attaque et la fuite. J'avais peur de dire des mots que je ne pensais pas réellement et je savais pertinemment que ma colère était parfois difficilement contrôlable. « Je ne suis pas différente ! » dis-je sans attendre alors que je ne comprenais pas ce reproche et je n'avais pas envie de le comprendre non plus. D'ordinaire, je ne me serai probablement pas agacée aussi vite mais la fatigue aidant, je n'étais pas apte à prendre du recul sur ce que me disait Blake. « Actuellement, il vient de toi oui. » Un peu cash mais j'étais comme ça et si je faisais souvent des efforts, ce soir n'était pas le bon soir. « C'est exactement ça oui croisé, discuté, se revoir, coucher ensemble pendant qu'on est dans les putains de raccourcis ! » Je m'emballais aussi, clairement mais je ne supportais pas ce que j'entendais. « Je ne vais pas te dire à chaque fois que je rencontre quelqu'un dans la journée Blake. » Ça ce n'était pas possible. J'étais une femme libre et j'allais le rester, je ne supportais pas rendre de compte surtout pas lorsque je ne faisais rien de mal. J'avais décidé de m'isoler dans la chambre et je ne savais pas si c'était vraiment la bonne chose à faire. Tourner le dos à Blake et quitter la pièce n'était pas l'acte le plus mature de l'année... Cela dit, il ne me laissait pas ruminer bien longtemps puisque il me rejoignait. « C'était totalement du hasard. Il est à Los Angeles depuis des années, on ne s'était jamais vus, c'est arrivé par h-a-s-a-r-d, je n'ai rien préparé. » Et c'était vrai. Du moins presque vrai puisque j'avais recroisé Derek quelques semaines plus tôt mais notre échange avait été maladroit, vif et surtout bref. Rien n'en était ressorti et j'avais continué ma vie comme avant, j'avais donc décidé en accord avec moi-même de faire comme si ce n'était jamais arrivé. Je relevais le regard vers lui alors que ses paroles me brisait le coeur, pour lui. Je passais mes mains sur mon visage avant d'expirer comme pour me donner le courage de répondre. « Ne dis pas ça... Ça n'a rien à voir... Vous n'avez rien à voir et... Je ne peux pas te dire ce que je ressens pour lui, je ne lui avais pas parlé depuis tellement d'années. C'est un peu comme si c'était dans une autre vie. » Je n'étais plus la même et il n'était plus le même non plus. « Lui aussi a refait sa vie. » C'était peut-être nécessaire de le préciser puisque savoir qu'il avait quelqu'un allait peut être calmer la parano de Blake ou alors, ce que j'avais dit n'allait que l'accentuer, c'était tout l'un ou tout l'autre.
Je me souvenais encore du jour où j’avais regardé les bagues de fiançailles. J’avais passé plus d’une heure dans la boutique à essayer de trouver la bague idéale, envoyant sur les roses les vendeuses parce qu’elles ne saisissaient pas ce que je souhaitais exprimer. Et j’avais ensuite tout gâché avec ma demande. Aussi, il était important pour moi de pas reproduire la même erreur et de ne laisser aucune place au doute en ce jour si particulier. Lara devait probablement détester chacun des rendez-vous où j’étais présent, exaspérée par mes questions incessantes, mais je voulais que Roxy s’en souvienne pour l’éternité. Eclatant de rire à sa remarque sur les membres en moins, je renchérissais en m’imaginant encore plus immonde qu’Homer Simpson. « S’il y a que le physique qui compte… Attends qu’on soit mariés et que je fasse ma patate sur le canapé avec des miettes de chips sur le torse et les doigts plein de gras ! » Je préfèrerais qu’elle me quitte si j’en venais à un tel comportement. Mais mon hygiène de vie me permettait de m’assurer un tout autre destin. Les moyens n’étaient pas toujours investis dans l’utile au travail, et si je ne me considérais pas pénalisé puisque j’étais très souvent sur le terrain, je comprenais qu’elle puisse pointer du doigt le manque de fourniture de qualité. D’ailleurs, j’avais une anecdote pour elle, qui la ferait probablement sourire : « De ce côté-là, je délègue la paperasse ! » En effet, je détestais passer trop de temps enfermé dans un bureau si ça ne concernait pas directement l’enquête. Les photocopies envoyées à d’autres services ne me concernaient pas, alors j’avais trouvé un moyen d’optimiser mon temps en demandant un agent plus intéressée par l’informatique et l’administratif que moi. « Je crois que la préposée aux photocopies s’appelle Tracy chez nous, ou Darcy… ou Tibby. Je sais plus ! » Je devais avouer que je lui adressais à peine la parole. On me reprochait toujours mon arrogance au travail ; ils avaient tout faux, je ne savais juste pas parler de la pluie et du beau temps. D’ailleurs, il était hors de question que le bureau soit invité à notre mariage. Faisant mine de réfléchir en posant mon doigt sur mes lèvres, je finis par en venir à une idée farfelue. « C’est une idée ça, à la place des alliances… » Les mimiques de ma fiancée étaient à se damner et je me contentais d’afficher une moue plutôt que de renchérir, ou nous allions finir par ne pas diner. Quoiqu’il en soit, il semblerait que mon repas du soir finirait dans le frigidaire. Je ne parvenais pas à trouver les mots pour tenter de lui expliquer ma vision des choses, la colère avait pris le dessus, et je ne trouvais alors qu’un moyen de prouver mon point de vue en usant d’un événement qui aurait dû être abordé d’une autre manière tant ça pouvait être important. « Si tu me caches des choses ! Comment ça se fait que tu ne sois pas allée à ton rendez-vous chez le psy ? » Elle allait m’en vouloir, mais la connaissant, j’avais laissé mes coordonnées à son psy en cas de problème. Ce qui me faisait bisquer, c’est que je ne lui cachais jamais rien. J’avais toujours été honnête à 100% avec elle, et je ne pouvais pas en dire autant de la femme que j’aimais. Levant les yeux au ciel alors qu’elle me blâmait pour cette dispute provoquée par ce que j’estimais être un grand manque de communication, je soupirai bruyamment alors qu’elle exagérait mes propos sachant très bien que ça allait me faire bisquer. Et comme elle ne semblait pas comprendre ce que je tentais d’exprimer, j’haussais le ton inévitablement : « Tu parles de raccourcis ! Il ne s’agit pas d’une personne lambda, il s’agit de la personne qui pose problème dans notre relation depuis cinq ans ! » Tout ce qui n’allait pas le concernait. Parce qu’elle avait souffert et que j’avais fait en sorte de la ménager, mais on en revenait toujours à Derek. Et elle pouvait essayer de fuir la conversation, j’en avais pas terminé. Elle me soutenait qu’elle n’avait rien planifié, et je secouai la tête vigoureusement face à son interprétation – erronée – de mes propos. « J’ai pas insinué que TU l’avais préparé, mais que lui possiblement ! Bizarrement juste avant notre mariage, comme ça il te retourne bien le cerveau, moi je pète un plomb, et lui il est content. » Je ne connaissais pas ce type, et je ne souhaitais en aucun cas le rencontrer, parce que malgré toutes ces années, il était encore ce poison qui coulait dans les veines de Roxy et l’empêchait de vivre. Là debout contre l’encadrement de la porte, dépité par ce qu’elle me disait. Le mal était déjà fait à mon sens. « C’est justement ça le problème. Tu ne sais pas ce que tu ressens pour lui. » Me passant une main sur le visage, je prenais une profonde inspiration et me tirait une balle dans le pied – au sens figuré – à lui mettre en tête une possibilité qu’il pense encore à elle plutôt que de renforcer mon couple. Mes craintes étaient trop grandes pour me protéger. « Et ça devrait me rassurer ? Peut-être qu’il t’a retrouvée parce qu’il n’est pas heureux et qu’il se rend compte à quel point il a été con de t’abandonner ? » Réalisant toutefois que je ne pouvais pas continuer à lui hurler dessus, je vins m’asseoir à ses côtés, et prenant ses mains dans les miennes, je cherchais à capter son regard : « Sois honnête avec moi. T’as ressenti quoi quand tu l’as revu ? » Je voulais qu’elle me décrive les choses, juste pour apaiser ou renforcer ces craintes que le conte de fées finisse par s’achever.
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Mar 31 Déc - 11:52