Profitant d'un jour de congé, Ryan se promenait tranquillement quand il se rendit compte qu'il n'avait pas été faire un tour à Pacific Park. Ce parc d'attractions était très célèbre, et il y avait toujours un truc sympa à y faire. Le pompier y avait fait quelques rencontres amicales, d'autres un peu plus qu'amicales – notamment Giulia – et il gardait de très bons souvenirs de cet endroit. Peut-être qu'aujourd'hui, ce serait encore une journée avec une belle rencontre ?

Il ne savait pas trop où aller, alors il se rendit dans un premier temps auprès d'un vendeur de glaces. Il faisait encore suffisamment bon pour en prendre une, même si les clients près de l'étal étaient assez peu nombreux. La plupart des visiteurs et autres touristes préféraient les boissons chaudes et les hot-dogs, conscients que l'hiver approchait dangereusement. Mais lui, ça ne le gênait pas. Il avait toujours aimé le froid, aussi bien que le chaud.

Hiver comme été, il se sentait bien.

Il partit en direction de quelques stands de tir et de jeux divers. Il y avait quelques enfants, notamment, avec leurs parents, et il s'amusa à penser qu'il n'avait jamais autant apprécié ces trucs-là que lorsqu'il était adulte. Enfant, il n'avait jamais vraiment accroché à ça. Aujourd'hui, il rêvait de pouvoir participer à tous. Il vit un stand de tir à la carabine, un autre où il fallait lancer des fléchettes, un autre avec un tir à l'arc d'enfant, et un autre où il fallait envoyer un certain nombre de balles dans des bocaux.

C'est vers un stand comme celui-ci qu'il se dirigea. Il y avait déjà quelques clients, et le mec qui tenait le stand lui proposa alors de faire une compétition contre l'autre personne qui passait.

Haussant les épaules, et un peu joueur, Ryan accepta.

 « Que le meilleur gagne ? »

La fête foraine de Pacific Park. Adelina y était allée la dernière fois avec Andreï mais son travail l'avait cette fois-ci empêché de venir en profiter avec sa sœur. Elle proposa donc à un collègue qui se défila dix minutes avant de se retrouver. Super. Quitte à être sur place, autant faire le tour pour voir ce qu'il se faisait. La jeune femme repéra bien vite les auto-tamponneuses, et ô combien elle adorait ça, surtout quand elle était enfant. La fratrie Vacaresco avait grandi mais elle se souvenait des rires et des chamailleries comme si c'était hier. Adelina parvint à s'installer dans une voiture inoccupée et se lança à l'assaut de ses concurrents. Mais elle n'arrivait pas à autant apprécier ce moment qu'en étant accompagnée. Ce fût un peu lasse qu'elle préféra plutôt se rendre dans la zone des jeux pour mettre sur table cette chance qui ne lui faisait généralement pas trop défaut. Elle passa devant les machines à peluches. La tentation était forte mais la jeune femme ne tomba pas dans le piège. Combien d'argent elle avait perdu pour au final rapporter une minuscule peluche qui ne valait même pas un dixième de ce qu'elle avait lâché pour l'avoir.

Puis elle arriva aux niveaux des stands de tir. Là, ça devenait intéressant. Adelina commença par celui des fléchettes et sans trop savoir comment, elle parvint à repartir avec une peluche géante d'ours polaire qui ferait sans doute plaisir à quelqu'un. Plus loin, il y avait les tirs à la carabine. Elle laissait plus ça pour ses frères. L'autre stand à côté attira davantage son attention. Lancer des balles lui paraissait tout de suite plus simple avec ses petits bras, enfin si on enlevait le fait que c'était sûrement truqué. Ce fût là que, comme un coup du destin, elle reconnu un visage familier mais fit semblant de ne pas ce souvenir du pompier qui lui avait sûrement évité le pire quelques mois plus tôt.

Le forain leur proposa d'ailleurs de participer à une petite compétition avec un prix à la clé. Elle aimait jouer Adelina et n'hésita pas une seconde à accepter le challenge. Elle posa son ours en peluche sur le comptoir, donna ses tickets et se saisit d'une des cinq balles.

« Que le meilleur gagne ? »

Que son rival lui demanda. Un rictus se dessina sur son visage. On ne lui répéterait pas deux fois : bien sûr qu'elle était prête à en découdre. Pour le jeu, plus que pour le gain en réalité.

« Que le meilleur gagne. »

Son premier lancer fût réussi, arrivant directement dans le bocal visé. Mais au total, la brune parvint à en atteindre deux. On dirait bien qu'elle avait perdu mais reparti tout de même avec un petit porte-clé de licorne en guise de cadeau. Adelina ne comptait pas partir comme ça et tenait tout de même à remercier l'homme - dont elle ignorait toujours le nom, pour ce qu'elle estimait être une belle démonstration d'une victoire écrasante.

« Hé bien bravo. Je dois dire que vous avez une sacrée détente, on aurait dit que vous avez fait ça toute votre vie. »

Taquiner avait toujours été un des moyens pour la Vacaresco de briser la glace. A tous les coups, elle tenait ça de son père. Non, c'était même sûr.

Ryan n'était pas le moins doué de la caserne à ce genre de jeu, et il le prouva aussitôt en mettant cinq balles sur cinq dans les emplacements prévus. Remportant le lot, qui prit la forme de deux tickets gratuits pour n'importe quelle autre attraction du parc, le pompier remercia le forain et se tourna vers la jeune femme qui venait de perdre contre lui. Son ours en peluche géant dans les bras, elle ne semblait pas spécialement contrariée d'avoir perdu ; au contraire.

Il lui adressa un sourire poli.

 « Ce n'est pas faux... bien que je sois plus habitué à utiliser une lance incendie qu'à lancer des balles. Mais j'ai toujours bien aimé les exercices de tirs ou de lancer. Vous vous débrouillez bien aussi. »

Ryan cilla, réfléchissant. Il était certain d'avoir déjà rencontré cette femme, mais en étant totalement incapable de se rappeler d'où. Malheureusement pour lui, il faisait un métier où les visages se succédaient souvent, et il en voyait partout, des personnes qu'il avait croisées. Difficile pour lui de se souvenir des noms, et encore plus des circonstances des rencontres. Cela dit, il nota deux-trois détails insignifiants, comme le fait qu'elle était jolie.

Il se maugréa intérieurement.

Depuis le départ d'Alix, sa vie sentimentale avait été compliquée.

 « On ne se serait pas déjà croisé, vous et moi ? J'ai l'impression que votre visage m'est familier. Navré si je ne vous reconnais pas, je croise beaucoup trop de gens dans mon métier et... 'fin, vous voyez ce que c'est. »

Adelina prit cette défaite avec le sourire. Elle n'avait jamais eu vraiment de chance dans le lancer de précision de toute façon. Il suffisait de voir le résultat avec le nombre ridicule de paniers qu'elle arrivait à mettre lors des matchs de basket qu'elle avait pu faire à l'école. Le prix de cette victoire était l'obtention de deux tickets de manège valables dans tout le parc, ce qui était plutôt pas mal vu le prix de certaines attractions à 4$ voire 5$ le tour. Remerciant le forain pour avoir organisé ce petit jeu fort sympathique, elle se tourna définitivement vers l'homme à ses côtés tandis qu'ils commençaient à s'éloigner du stand dans une marche improvisée.

« Ce n'est pas faux... bien que je sois plus habitué à utiliser une lance incendie qu'à lancer des balles. Mais j'ai toujours bien aimé les exercices de tirs ou de lancer. Vous vous débrouillez bien aussi. »

Le métier de pompier demandait une rigueur physique et mentale particulièrement tenaces. Ce n'était pas pour rien qu'on les appelait les soldats du feu et Adelina leur vouait une admiration toute particulière, davantage depuis le dernier incident dans son ancien appartement. Physionomiste, elle se souvenait encore de ce regard qu'était le sien et de son visage une fois le casque enlevé une fois l'intervention terminée. Il avait eu des mots rassurants face à une femme paniquée comme elle l'avait jamais été auparavant, elle qui était normalement de nature à avoir les épaules solides.

« Je comprends mieux comment vous avez pu réussir à faire un score parfait. A l'inverse les jeux de tirs et moi, c'est un peu aléatoire mais au moins j'aurais essayé. »

Elle se disait qu'il devait être le genre à apprécier s'entrainer sur des stands de tirs à balles réelles. Il n'y avait qu'aux Etats-Unis qu'on pratiquait ce genre d'activité, lié à cet amour des armes que même la constitution plébiscitait. Elle avait un avis assez tranché là-dessus qu'elle avait d'ailleurs exprimé dans certains de ses articles qui n'avaient pas fait vraisemblablement pas fait l'unanimité au sein de ses lecteurs. Et alors qu'Adelina se plongea brièvement dans ses pensées, cette dernière remarqua le regard un peu curieux de son interlocuteur.

« On ne se serait pas déjà croisé, vous et moi ? J'ai l'impression que votre visage m'est familier. Navré si je ne vous reconnais pas, je croise beaucoup trop de gens dans mon métier et... 'fin, vous voyez ce que c'est. »

La jeune femme eu un petit rictus amusé. A la seconde où la brune l'avait vu, elle l'avait reconnu. Hormis la familiarité de ses traits, il dégageait une aura qui lui plaisait beaucoup. Elle aurait pu s'amuser à feinter l'ignorant mais préféra finalement la jouer franche.

« Si effectivement, on s'est déjà rencontrés à Bel Air. Quelqu'un avait mis le feu à mon appartement et vous étiez intervenu pour l'éteindre. On a échangé quelques mots mais je ne crois pas que nous nous étions présentés plus que ça. »

Adelina s'arrêta. Elle resserra son ours géant contre elle afin de libérer une de ses mains et la lui tendre tout naturellement.

« Je m'appelle Adelina, et vous ? »

Hochant la tête, Ryan esquissa le début d'un sourire. Maintenant qu'elle en parlait, il replaçait le contexte et la tête de la jeune femme. Certes, il aurait pouvoir dire qu'ils s'étaient vus dans de meilleures circonstances, mais... pourquoi pas, au final. Il avait déjà rencontré des gens dans des conditions plus étranges. Alix, par exemple.

Il se corrigea intérieurement, refusant d'y repenser.

 « Ryan. Cette fois, je vais tâcher de retenir votre nom et votre visage. »

Il rit légèrement, serrant la main tendue de la jolie jeune femme. Il aimait les gens qui vous regardaient dans les yeux quand ils vous saluaient, et il appréciait aussi cette poigne. Elle avait du caractère, ne se laissait pas démonter, et il avait généralement plus de facilité avec les gens comme ça. Il n'aimait pas l'hypocrisie ou le mensonge.

Il lâcha la main d'Adelina.

 « Je suis navré, encore une fois, de ne pas me souvenir de vous plus facilement. Je croise trop de gens, comme je l'ai dit. Mais je suis ravi de voir qu'au moins, vous avez gardé un bon souvenir de moi... même si aujourd'hui, je crains de ne pas avoir été bien tendre. Je vous ai battue et pour seule récompense, je vous offre une politesse. »

Il désigna le reste du parc d'un mouvement de tête.

 « Vous souhaitez quelque chose ? Ou aller quelque part dans le parc ? Vous avez l'air d'être ici en solitaire, et c'est également mon cas. Et ça évitera qu'on reste tous les deux plantés là comme deux poteaux gênant le passage des autres clients. »

Poli, mais pas trop entreprenant. Ryan avait pris l'habitude de rester un peu prudent envers les femmes, ces dernières semaines, et il aimait que ça reste ainsi. Cela ne l'empêchait pas, toutefois, de ressentir une certaine satisfaction quand une jolie femme se souvenait de lui.

Repenser à cette fameuse soirée ne remontait pas en Adelina de merveilleux souvenirs, à part un faciès agréable qu'elle retrouvait devant soit que la jeune femme qualifierait volontiers de beau. Poliment, il était venu saisir sa main toute petite et menue comparée à la sienne.

« Ryan. Cette fois, je vais tâcher de retenir votre nom et votre visage. »

Elle afficha un sourire satisfait, ravie de pouvoir enfin poser un nom au lieu d'en faire un éternel inconnu. Ce qu'elle trouverait bien dommage compte tenu de la personne bienveillante qu'il semblait être et que la Vacaresco ne serait pas contre de compter en plus parmi ses relations.

« Hé bien enchantée Ryan. »

Il lui inspirait une certaine sérénité, dans sa façon de parler, dans le ton de sa voix. Adelina ignorait s'il était tout le temps ainsi mais quelque chose lui disait que oui. Ou en tout cas, vouloir croire qu'elle finirait déçue comme elle avait pu l'être à de trop nombreuses reprises. Elle détestait l'hypocrisie et était même capable, à force, de la sentir à des kilomètres. Une impression que la brune n'avait pas à son égard et cela avait de quoi la rassurer sur l'image positive qu'elle se faisait déjà de Ryan.

« Je suis navré, encore une fois, de ne pas me souvenir de vous plus facilement. Je croise trop de gens, comme je l'ai dit. Mais je suis ravi de voir qu'au moins, vous avez gardé un bon souvenir de moi... même si aujourd'hui, je crains de ne pas avoir été bien tendre. Je vous ai battue et pour seule récompense, je vous offre une politesse. »

La Vacaresco secoua la tête, signe que cette dernière s'apprêtait à réfuter le fait qu'il n'en avait pas fait assez à son égard. Au contraire même, c'est elle qui avait l'impression de ne pas avoir été à la hauteur de sa gentillesse.

« Bien sûr que j'ai gardé un bon souvenir de vous. Vous êtes le seul à être venu me voir et me rassurer quand j'étais en pleine détresse. Vous allez me dire que vous n'avez fait que votre travail mais moi je n'ai pas les mots pour vous dire à quel point je vous reconnaissante pour tout ce que vous avez fait. »

Ironique quand on sait que le maniement des mots, elle en avait fait son métier en exerçant en tant que journaliste. Revivre une telle frayeur, elle n'était pas prête à en réitérer l'expérience. C'est d'ailleurs pour ça qu'Adelina avait décidé de déménager sans être totalement rassurée de ne pas être de nouveau assaillie par un malade qui lui voudrait encore la peau. Pourtant, elle ne faisait que son travail. Exercer son droit à la liberté d'expression. Elle n'en avait pas vraiment parlé à personne de ses craintes, pas mêmes à ses frères, jusqu'à envisager de peut-être se reconvertir dans quelque chose de moins dangereux. La critique cinématographique peut-être, tiens.

« Vous souhaitez quelque chose ? Ou aller quelque part dans le parc ? Vous avez l'air d'être ici en solitaire, et c'est également mon cas. Et ça évitera qu'on reste tous les deux plantés là comme deux poteaux gênant le passage des autres clients. »

Les clients ? Observant machinalement tout autour d'elle, la jeune femme se rendit compte qu'il avait raison. Elle recula alors suffisamment de sorte à ce qu'ils ne soient plus une gêne pour les autres avant de reprendre la suite de leur conversation.

« Vous allez rire mais je comptais justement vous le proposer. J'ai toujours plaisir à partager quelque chose que rester seule dans mon coin, même si je dois avouer qu'à l'origine ce n'était pas prévu que je me retrouve en plan avec ce gros ours en peluche dans les bras. »

La prochaine fois, la journaliste réfléchira à deux fois avant de redemander à ce collègue pas très fiable. Elle était du genre compréhensive, quoiqu'un peu rancunière sur les bords parfois. Heureusement, Adelina pourra profiter du parc en bonne compagnie parce que pour être honnête, elle avait vraiment envie de se changer les idées.

« Je n'avais pas d'idée précise en faisant mon tour par ici mais puisque vous le proposez, que dites vous d'un tour de montagnes russes ou du manoir hanté ? A part si vous avez une préférence pour autre chose, auquel cas je vous suivrai. Je ne suis pas difficile. »

Elle avait juste envie de s'amuser et de profiter.

 « Va pour le manoir hanté, Adelina. J'aime bien les montagnes russes, mais je préfère quelque chose de plus terrestre pour l'instant. »

Ryan prit la direction de cette autre attraction, suivi par la jeune femme à ses côtés. Il sourit en voyant du coin de l'oeil l'ours en peluche se balancer au rythme de leur marche.

 « Ha, je crois qu'on risque pas beaucoup d'être effrayé par les fantômes et les vampires du manoir hanté. L'ours en peluche que vous avez là risque plutôt de leur faire peur à eux, si je ne ris juste pas en le voyant. Sans vouloir vous offenser, avec ce truc, vous avez l'air d'une ado qui vient de gagner un prix pour sa petite sœur et qui ne sait pas quoi en faire. »

Il ne pensait pas à mal, bien sur, pas le moins du monde. C'était un trait léger, histoire de détendre un peu l'atmosphère. Il ne se serait pas permis de se moquer de quelqu'un qu'il ne connaissait pas, d'autant plus qu'il l'avait vue à l’œuvre ; nul doute qu'elle était capable de lui coller une beigne si nécessaire.

Leurs pas les guidèrent vers le manoir, qui était assez grand mine de rien. Ils prirent deux tickets, et commencèrent à s'aventurer le long d'un premier couloir qui demandait de se baisser et d'esquiver des fausses toiles d'araignée. Sans les araignées, factices ou non.

 « Allez, je vous parie un sandwich ou un verre, comme vous voulez, qu'il n'y aura pas de vampire dans ce manoir hanté. »

Il passa le premier, se retrouvant dans une pièce aux lueurs rouges, comme dans une chambre noire. Il attendit que sa partenaire le rejoigne, et ils commencèrent à explorer un peu la pièce, avant de finalement trouver la suite de l'attraction sous la forme d'un couloir étroit. Sur les murs étaient disposés des ouvertures, sûrement destinées à de fausses créatures qui surgiraient pour faire peur aux touristes.

Il se retourna vers Adelina, histoire de faire une blague, quand il remarqua que dans le dos de la jeune femme venait de surgir un employé du manoir, déguisé en zombie. Le déguisement était sacrément réussi, mais l'avait-elle vu ? Et comment allait-elle réagir ?

Bon visiblement l'idée de s'aventurer dans le manoir hanté avait l'air de le séduire. Adelina aurait pensé que son choix se porterait sur les sensations fortes procurées par les montagnes russes mais force est de constater qu'elle se trompait. Peu importe car dans tous les cas, elle était partante. S'étant mis d'accord sur le choix de l'attraction, ils se dirigèrent vers la fin de fil qui s'était constituée devant le manoir. Puis elle remarqua ce petit sourire amusé se dessiner sur les lèvres de Ryan qui l'interpella aussitôt.

« Ha, je crois qu'on risque pas beaucoup d'être effrayé par les fantômes et les vampires du manoir hanté. L'ours en peluche que vous avez là risque plutôt de leur faire peur à eux, si je ne ris juste pas en le voyant. Sans vouloir vous offenser, avec ce truc, vous avez l'air d'une ado qui vient de gagner un prix pour sa petite sœur et qui ne sait pas quoi en faire. »

Sur le moment, elle ne savait pas trop comment le prendre parce qu'il venait de lui lâcher à demi-mots qu'elle n'était pas prise au sérieux avec cette peluche géante dans les bras. En toute honnêteté, cet ours l'encombrait plus qu'autre chose et regrettait presque d'avoir eu les yeux plus gros que le ventre en choisissant ce prix. Pourtant, la jeune femme ne lui en tint pas rigueur. Après tout, il avait raison et avait plus l'impression d'une taquinerie qu'une réelle moquerie à son encontre.

« En fait je comptais l'offrir à l'un de mes frères ou même mieux, à une association pour redonner le sourire à un enfant. Le seul problème c'est que je ne vais pas avoir le choix que de me le trimballer jusqu'à chez moi en ayant ramassé toutes les toiles d'araignée sur mon chemin. Après il n'y a rien de dramatique dans ça. Ni de ressembler à une ado, l'espace d'une soirée du moins. Le lieu s'y prête un peu après tout non ? »

Finalement, la journaliste répondit sur un ton tout aussi léger. Mature d'ordinaire, il lui arrivait parfois de faire preuve d'un grain de folie notamment en présence de sa famille qui s'y connaissait en festivités et frivolités en tout genre. On était comme ça chez les Vacaresco.

Leur tour arriva assez rapidement, invitant les deux participants à pénétrer dans la funeste demeure factice.

« Allez, je vous parie un sandwich ou un verre, comme vous voulez, qu'il n'y aura pas de vampire dans ce manoir hanté. »

Adelina était difficilement impressionnable mais se prêtait volontiers au jeu de l'exploration et de la prédiction formulée par son compère qu'elle pensait, pour le coup, erronée.

« Et moi je vous parie ce que vous voulez que oui. »

Et elle n'avait qu'une parole. Son air de défi se fondit ensuite dans le rouge tamisé de la pièce dans laquelle ils entrèrent, progressant prudemment à l'intérieur à l'affût du moindre mouvement suspect. A part des araignées, des squelettes en plastique et des faux rires maléfiques censés faire peur, rien à signaler. Ils parvinrent ensuite à s'engouffrer dans un long couloir avec des trappes qui laissait peu de place à l'imprévisibilité...Enfin presque. Trop concentrée à atteindre la sortie qui se trouvait devant elle, Adelina fut surprise par une main venue agripper fermement son poignet. La brune sursauta et se retourna par réflexe, tombant nez à nez avec un zombie. Ou plutôt une employée jouant un mort vivant qui répétait le mot cervelle. Evidement elle réussit à se libérer de son emprise et passa la porte qui se referma violemment derrière eux. La Vacaresco fit une moue un peu honteuse d'avoir rien vu venir alors que tout paraissait évident pourtant.

« Bon sang...Comment j'ai pu me faire avoir aussi facilement ! »

Adelina ria tout de même de la situation, ma foi, pas mal cocasse et entreprit de passer devant pour descendre l'escalier situé un peu plus loin qui les mena directement vers un sous-sol ou plutôt un cimetière plein de cercueils...Et si un vampire y résidait dans l'un d'entre eux ?

« Alors, êtes-vous aussi sûr de ne pas faire la rencontre d'un vampire ou de Dracula en personne ? »

Même si le cadre s'y prêtait, rien n'était encore gagné.