Un samedi. Du soleil. Il n'en fallait pas plus à Naya pour traîner sa grand-mère au MacArthur Park, son parc préféré. Et puis... Ca lui faisait un petit moment privilégié avec sa Abuela, qu'elle ne voyait pas énormément, en dehors des dîners qu'elles partageaient tous les soirs. Naya était principalement livrée à elle-même, du haut de ses onze ans, et elle n'était pas forcément des plus sages. En effet, il lui arrivait régulièrement de commettre quelques petits larcins, comme du vol à l'étalage, rien de trop grave. Mais surtout... Surtout... Elle était particulièrement casse-cou. Toujours à grimper aux arbres, sur les structures publiques... Partout où Naya pouvait grimper, elle le faisait. Et elle était même douée pour ça, n'ayant jamais eu d'accident autre que des égratignures.

Comme à leur habitude, en arrivant au parc, Naya et sa grand-mère s'étaient acheté une glace. C'était un petit plaisir qu'elles pouvaient se permettre de temps en temps, en dépit de leurs fins de mois difficiles. Mais Naya allait avoir besoin d'énergie, si elle voulait jouer tout l'après-midi ! Une fois sa glace engloutit, elle partit s'amuser, alors que sa grand-mère restait tranquillement assise sur un banc, feuilletant un roman à l'eau de rose. Naya était bien assez grande pour savoir qu'il ne fallait pas s'éloigner du parc, ni suivre un inconnu.

Puis un cri. Celui de Naya. La petite fille était montée bien trop haut, carrément au-dessus du toit d'un toboggan, un endroit où les enfants n'étaient pas censés monter. Son pied s'était coincé dans l'écart entre deux dalles, la faisant chuter sur le côté. Elle avait réussi à se rattraper, bien heureusement, mais son pied était désormais coincé, au niveau de la cheville, qui formait à présent un angle assez inquiétant. Bien trop haute pour que qui que ce soit ne puisse l'attraper, sa grand-mère appela les secours, en essayant de ne pas céder à la panique pour rassurer Naya, d'en bas, qui ne cessait de pleurer et de hurler qu'elle avait mal.

Le régulateur des urgences, au bout du fil, annonça qu'il faisait venir une équipe de pompiers, ce qui, pour la grand-mère de Naya, fut une catastrophe : Comment allait-elle pouvoir payer les soins de sa petite fille ? Faudrait-il à nouveau qu'elle demande de l'aide à Tobias ? Ou faudrait-elle qu'elle travaille encore plus, voire se trouve un nouvel emploi ? Comme si c'était le moment que Naya se blesse...

Tout allait bien en ce moment. Après le bordel de ces derniers mois ça faisait du bien. Pouvoir rentrer à la maison et y retrouver ma femme, pouvoir embrasser Ellyn comme j'en avais envie. Oui notre vie était de retour sur de bon rail et ça se traduisait également au boulot. Après ma mise à pieds, j'avais continué à déconner, tant et si bien que mon chef m'avait menacé de me mettre en vacances forcés. Mais maintenant que ma vie personnelle allait mieux, j'étais redevenue la Maxime raisonnable que tout le monde avait connu avant. Plus aucune prise de risque inconsciente, plus de remise en cause des ordres. Mon équipe était soulagée, ma cheffe aussi et même moi, je devais bien l'avouer. Je me sentais de nouveau moi même et j'étais bien plus efficace. Comme quoi régler les soucis dans mon couple était plus qu'essentiel. La journée était calme pour le moment, nous étions donc à la caserne, en train de discuter tranquillement de tout et de rien, la plupart d'entre nous partagions des photos de nos enfants, s'enthousiasmant sur combien ils grandissaient vite. J'espérais que bientôt, j'aurais d'autres photos à montrer. En effet Ellyn et moi avions rediscuté sérieusement de cette idée d'avoir un deuxième enfant. Nous le voulions toutes les deux, il restait un seul point de discorde, qui allait le porter, Ellyn insistait pour que ce soit moi. Moi j'avais peur de ne pas être faite pour ça et en même temps, je ne voulais pas décevoir ma compagne. Alors que j'étais plongé dans mes pensés, l'alarme retentit me sortant de ma torpeur. Je regardais le chef d'équipe décrocher et hocher la tête au fur et à mesure qu'il recevait les instructions. Quand il raccrocha il ne semblait pas particulièrement inquiet, ce qui me fit dire qu'il ne s'agissait pas d'une urgence vitale. En effet, il s'agissait d'une enfant qui s'était apparemment retrouvé dans une position indésirable et qui était coincé. Nul besoin d'envoyer toute l'équipe, un binôme allait partir et appellerait du renfort si besoin. Le chef semblait hésiter, mais finalement il me désigna avec Jackson, ce qui ne me dérangeait pas, je m'entendais bien avec tout le monde. Je pris le volant et rapidement on arrivait au parc. J'attrapais la trousse de premiers secours pendant que Jackson attrapait les outils, au cas où. Et puis on se dirigeait vers le cœur du parc, à la recherche du lieu de l'accident. Nul besoin de chercher longtemps, un attroupement se formait autour de la structure de jeu. au sommet du tobogan, on remarquais déjà une petite silhouette qui n'avait clairement rien à faire là. On pressait le pas et en arrivant en bas les gens nous firent place nette. Je regardais Jackson, pour savoir qui allait faire quoi mais je connaissais bien Jackson et je savais qu'il n'était pas forcément friand des hauteurs. Alors sans dire un mot de plus, je grimpais. Rapidement je me hissais au niveau de la victime, une fillette, plus âgé que mon fils. Elle n'en menait pas large et elle était pour le moment trop agité pour me laisse agir en sécurité pour elle comme pour moi. Alors la première étape était pour moi de tenter de la calmer « Bonjour, ma grande. Nous sommes venus t'aider. Je m'appelle Maxine et toi ? » Tout en parlant, mon regard ne quittait pas sa cheville coincé et tordue dans un sens loin d'être naturel, aucun doute, il y avait une fracture. « Tu as voulue jouer les cascadeur ? Mon fils aussi est doué pour se retrouver là où il ne devrait pas »

C'était dingue ce que Naya pouvait avoir mal. Et pourquoi personne ne venait la chercher ? Elle n'était pas allée si haut que ça, si ? Visiblement si. La fillette hurlait, tant de douleur que de peur. Elle ne pouvait pas s'en empêcher, en dépit de toutes les personnes autour d'elle qui lui criaient de se calmer, que le fait de s'exciter ne pouvait qu'empirer les choses. Mais sur le moment présent, c'était beaucoup trop dur pour la petite fille. Elle voulait qu'on la tire de là, et vite. Elle ne pourrait plus se tenir très longtemps. Ses petits bras commençaient à fatiguer et à se tétaniser, pendant que sa cheville la faisait atrocement souffrir. Que quelqu'un vienne la sauver, et vite !

Naya était dans un tel état, qu'elle n'entendit même pas les secours arriver. Ce fut à peine si elle remarqua que la foule se dispersait pour laisser la place au binôme de pompiers venus la sauver. Quand elle remarqua les secouristes, sa détresse empira. C'était trop de stress pour son coeur de jeune fille de onze ans, si bien qu'elle se remit à hurler. Si les pompiers étaient là, c'était parce que c'était grave, non ? Perdue et désorientée, elle ne faisait qu'appeler sa grand-mère. Elle voulait que tout cela se termine, et qu'elle puisse serrer sa grand-mère dans ses bras. Elle la rassurerait, lui dirait que tout irait bien. Lui chanterait même peut-être une de ces berceuses en espagnol que Naya ne connaissait que trop bien. Et bien qu'elle trouve ces berceuses stupides, habituellement, là, elle donnerait n'importe quoi pour les entendre.

Quand la secouriste arriva à son niveau, Naya essaya de se calmer pour lui répondre, sans grand succès. Sa respiration était hâchée, son visage était rouge vif, et de grosses larmes roulaient sur ses joues d'enfant alors qu'elle tentait tant bien que mal de lui répondre, le corps secoué de sanglots, qu'elle essayait désespérément de contenir.

- Naya... J-je m'appelle Naya... J'ai mal... Mon pied me fait mal...

La fillette risqua un regard vers son pied, alors que ses petites mains s'accrochaient à la structure aussi fort qu'elles le pouvaient. Et ce petit coup d'oeil fut une chose qu'elle regretta instantanément. Sa cheville offrait un angle totalement anormal, ce qui accentua sa panique. Elle comprenait à présent pourquoi elle avait aussi mal. Elle tenta d'écouter Maxine, mais rien de ce que la demoiselle put dire ne la calma.

- Aidez-moi... Je vais mourir... J'suis sûre que je vais mourir...

Evidemment, Naya n'allait pas mourir. Mais sa conscience d'enfant lui disait que tout était grave, et qu'elle n'allait jamais réussir à se sortir de ce mauvais pas, d'autant plus que ses mains devenues moites commençaient à glisser. Bientôt, elle n'allait plus pouvoir se retenir, et elle allait s'écraser comme une crêpe sur le sol, comme elle le voyait dans les dessins animés.

Ce genre d'intervention était plutôt courante, alors je n'étais pas vraiment inquiète sur le chemin. Evidemment quand ça touchais un enfant, c'était toujours plus délicat, un enfant ne réagissait pas forcément comme un adulte, ils étaient plus imprévisible et parfois on se retrouvait dans une situation pire que celle qu'on avait prévue. Mais je préférais toujours être avec un enfant qu'avec une personne ivre, eux étaient encore plus imprévisible et m'agaçait profondément car ils se mettaient seul en danger. Un enfant ne se rendait pas forcément compte de ce qu'ils avaient fait. Une fois sur place, je constate la panique qui envahit tout le monde et je sais qu'il faut agir vite. Sans attendre je grimpe, je suis la plus légère et mieux vaut limiter les risques. J'arrive vite au niveau de l'enfant paniquée. J'essaye de faire ce que je peux pour la calmer. Elle me donne son prénom et c'était une information importante pour pouvoir la rassurer un peu plus. J'évalue la situation alors qu'elle me dit que son pied lui fait mal, vu comme il est tordu, ça ne m'étonne pas le moins du monde, il y a de grande chance qu'au moins un truc soit cassé. Vu comme elle s'est coincé entre les barreaux, impossible de la sortir comme elle est rentrée. Si elle était mieux placé, on aurait pu la tirer de là, mais là pas le choix, il vas falloir scier les barreaux. J'ouvre doucement le sac que j'ai emmené avec moi alors que je répond d'une voix aussi calme et douce que possible « Je sais Naya, mais on vas te tirer de là, j'ai l'habitude d'accord. On vas te tirer de là très vite » L'enfant paniqua, déclarant qu'elle allait mourir. Je sort le harnais avant de répondre « Non, ne t'en fais pas. » Doucement je prépare le harnais avant d'expliquer doucement « Je vais t'accrocher à la structure avec ce harnais, ça vas te permettre de te détendre d'accord ? » Délicatement, en essayant de la faire bouger le moins possible, je lui enfilais avant de l'attacher fermement à un point d'ancrage qui n'allait pas bouger peu importe mes manœuvres. Puis je fis un signe à mon collègue lui indiquant que la situation était sous contrôle. J'examinais doucement les barreaux de la structure, cognant doucement pour vérifier ce que je pensais, ils étaient creux. De nouveau j'expliquais. « Il faut que je sorte ta jambe de là avant de la soigner, je vais devoir couper les barreaux, ça vas faire du bruit, de la chaleur mais je te promet que ça ne feras pas mal d'accord ? » Visuellement, je cherchais le meilleur endroit pour couper  tout en demandant doucement « Dit moi Naya, tu as quel âge ? »  

Le visage et la voix de Maxine eurent le don de calmer quelque peu Naya. Il fallait qu'elle se laisse faire. La pompière était une professionnelle, quelqu'un venu pour la sauver, la tirer de ce mauvais pas. Et pourtant, en dépit de la douceur de cette femme, Naya ne pouvait s'empêcher de se laisser aller à la panique. Elle avait si mal, et ses petits bras d'enfant étaient si tétanisés... C'était comme si elle ne contrôlait plus son propre corps, et c'était une sensation qu'elle trouvait absolument horrible.

Il fallait que Maxine la fasse descendre de là au plus vite, avant qu'elle ne tombe et ne se fasse encore plus mal. Les larmes coulaient sur ses petites joues sans qu'elle ne puisse les retenir. Maxine pouvait être aussi rassurante qu'elle le voulait, Naya sentait sa douleur et sa peur s'intensifier à chaque seconde. Bien que la pompière lui dise qu'elle avait l'habitude de ce genre de situation, et bien que Naya sache que c'était son métier... Non, impossible de se calmer.

Ce fut donc sans un mot que Naya laissa le harnais la sécuriser, et ce fut une fois qu'il fut bien en place qu'elle permit à ses bras de lâcher prise. Bras qu'elle rapprocha instantanément de sa poitrine, espérant en faire partir la douleur de la tétanie. Alors que Maxine lui expliquait ce qu'elle allait ressentir à présent, la fillette hocha la tête, essayant de contrôler sans grand succès les sanglots de peur et de douleur qui la secouaient. De la chaleur et du bruit ? Couper les barreaux ? Et que se passerait-il si par erreur, par accident, Naya venait à être blessée ? Il fallait qu'elle pense à autre chose... Et la seule personne qui pouvait lui changer les idées actuellement, était cette femme, cette totale inconnue dont le métier était de lui sauver la vie.

- J'ai onze ans... Je suis en sixième... Et vous, vous avez quel âge ?

Penser à autre chose, penser à autre chose... Pourquoi ne trouvait-elle rien d'autre de plus que lui demander son âge ? Elle qui était pourtant si bavarde et pleine de ressources, avait l'impression d'être vidée, fatiguée... Comme si rien d'autre que sa peur ne comptait pour elle en ce moment. Pourtant, elle en avait beaucoup des passions et des sujets de conversation, entre le collège, la couture, ses amis, ce qu'elle voulait faire plus tard... Qui, dans un sens, ressemblait beaucoup à ce que voulait faire Maxine. Un métier qui bouge, un métier sans routine... Être pompier, elle y avait pensé pas mal de fois.

Travailler avec des enfants est plus compliqué qu'avec un adulte. Mais j'essaye de faire mon possible pour la calmer. Je sais que ce n'est pas simple pour elle et j'imagine Liam à sa place. Alors je fais preuve de toute la douceur possible pour lui expliquer ce qu'il vas se passer. Puis j'exécute ce que je viens de dire. Je passe le harnais autour d'elle, tout doucement et puis je l'accroche, lui permettant de lâcher ses bras. Elle les ramène vers elle, me rassurant sur au moins une chose. Elle n'est pas blessé au niveau des bras, je les vois entièrement. J'attrape le sac que mon collègue au sol m'a fait passé et j'ouvre doucement ce sac. Je sors la disqueuse, moi même un peu impressionné par l'engin, en général ce n'est pas moi qui la manipule, mais pas le choix cette fois. Je ne démarre pas tout de suite la machine puisque la petite répond à ma question sur son âge et me retourne la question. Je souris doucement avant de répondre « Oh je suis une vieille moi, j'ai bientôt trente ans » Mais ça vas, ce cap ne me fait pas vraiment peur, ma vie vas bien mieux que l'année dernière alors je suis sereine, mon anniversaire seras bien plus joyeux que le dernier même s'il reste une petite zone d'ombre. J'ajoute doucement « J'ai un petit garçon de quatre ans il s'appelle Liam » Oui je lui raconte ma vie, elle doit s'en moquer, mais c'est surtout pour la distraire alors que je démarre doucement l'appareil. Je commence aussitôt à scier, pour ne pas lui laisser le temps d'avoir peur du bruit.  Je suis soulagée en remarquant que les barreaux sont creux, ça iras plus vite. Mais ça fait tout de même beaucoup d'étincelle et de bruit. Alors je fais une pause, pour regarder la petite fille « Tout vas bien Naya ? C'est bientôt terminé. On vas pouvoir te descendre ensuite et on examineras tes blessures dans le camion. Tu ne seras plus toute seule » Je n'avais pas vu ses parents, enfin, il ne me semblait pas que la femme en bas soit sa mère, peut être une nourrice ou une grand mère. Je préférais ne pas trop m'avancer, pour ne pas faire de gaffe et rendre la petite malheureuse. « Je peux continuer, ça vas ? » Je savais que l'opération pouvait être impressionnante alors je préférais m'assurer que c'était bon pour ne pas avoir une crise de panique à gérer en plus du reste.