Nous avons été piégés. Ils se sont joués de nous. J’avais négligé la possibilité d’avoir été berné par un de nos informateurs. Et le résultat avait été pire ce que j’aurais pu le croire. Mon équipe et moi nous étions rendus dans cette base secrète, armés jusqu’aux dents nous étions prêts à lancer un assaut. Mais contrairement à ce que nous pensions, ils nous attendaient. Un à un j’avais perdu mes hommes, comme si le baron que nous souhaitions arrêter voulait que je sois le seul debout à la fin de l’épopée. J’avais échappé à l’explosion de la base en me ruant sur le dernier hélicoptère qui décollait, passant un trajet interminable dans le froid des airs, pour rejoindre les montagnes glaciales des Rocheuses. A l’atterrissage, je m’étais caché un moment, ne me doutant pas qu’ils m’avaient épargné pour une bonne raison. Ils me tombèrent dessus peu de temps après, me rouant de coups, avant de m’interroger, me mettant à mal. Je pouvais sentir le sang couler dans mon abdomen, j’étais exténué, mais je tenais bon. Et puis je le rencontrais enfin. Il savait qui j’étais. Il m’attendait. Il tenta de me faire dégoupiller en me faisant culpabiliser sur la perte de mes hommes. La vérité, c’est que j’aurais dû voir venir le piège, mais mon esprit était trop occupé par ma vie personnelle qui me rongeait et travaillant sur deux gros dossiers en même temps, j’avais présumé de mes forces, et j’avais fauté. L’homme me disait pugnace, un talent inexploité, et au lieu d’en finir avec moi, il me proposa un marché : je devais fermer les yeux sur leurs actions et il me laisserait la vie sauve. Je me souviens avoir ricané à sa proposition, comme si ma vie pouvait avoir de l’importance. Le rire machiavélique qui s’en suivit me refroidit. Il savait tout de moi, de ma vie, et pour la première fois de ma vie, j’avais peur. Acceptant, je pensais qu’il allait me laisser partir sans histoire. Je dus sauver ma peau en quittant les lieux avec hâte fracassant mon corps sur des roches, me perdant dans la forêt, jusqu’à retrouver une route, où un routier me récupéra sans histoire quand je lui montrais mon insigne.
Ca faisait deux jours que je n’étais pas rentré à la maison. Quand j’ouvris la porte de notre appartement, il devait être quatre heures du matin. Je me trainais. J’étais dans un piteux état physique, mais j’étais encore plus atteint moralement. Aussi, je ne prêtais attention à rien. La porte claqua avec fracas, je retirai ma chemise en grognant de la douleur que me provoquait juste le fait de retirer mes bras des manches, et passai dans la salle de bains où je constatai l’état de mon visage, tuméfié, et les hématomes présents sur mon abdomen. Ma peau était perforée à un endroit et j’appuyai dessus tandis que je cherchais de l’alcool à mettre dessus, renversant la moitié des choses présentes sur le lavabo. J’étais épuisé, à bout de forces et je ne tenais sur mes deux jambes que grâce à la force de mon caractère. Mais je chancelais, deux fois, avant de verser la moitié de la bouteille d’alcool sur la plaie, retenant un cri en serrant les dents, m’asseyant sur le rebord de la baignoire. Je me doutais même pas du vacarme que j’avais fait, réveillant par la même occasion ma fiancée.
J’étais à la limite de la rupture. Plus rien ne fonctionnait. Ma tête ne suivait plus, j’étais une bombe à retardement prête à exploser à tout moment. Il ne me restait plus aucun self-control, je ne supportais plus de tout garder pour moi, de ruminer chaque jour, que ce soit l’incompétence des uns, les refus de la hiérarchie qui songeaient que je n’étais pas prêt à gérer plus de responsabilités, si jeune, et mon couple qui, je me le demandais, s’il en était encore un tant je voyais mes collègues plus que la femme qui partageait ma vie. J’en avais gros sur le cœur, et j’étais arrivé à un point où je ne pouvais plus encaisser sans dire quoi que ce soit. Mon esprit étouffait, mon corps ne supportait plus le poids d’Atlas sur les épaules. La douleur physique est terrible. Je me souviens de celle ressentie pour le sternum brisé, mais là, c’est tout mon corps qui a encaissé, subi des tortures et sévices qui ne se manifestent que maintenant que l’adrénaline est tombée. Et puis je réalise : Jenkins, Phelps, Dawson, Delfino et Cortez, morts. Le monde autour de moi n’existe plus, j’ai les oreilles qui sifflent. Tout est de ma faute. Comment vais-je pouvoir expliquer ce qui s’est passé à leurs familles ? Dawson n’était pas loin de la retraite, Cortez venait d’être papa, Jenkins parlait d’avoir un second enfant. La porte s’ouvrit avec fracas sur ma pauvre carcasse, Roxy fit irruption dans la pièce un flingue à la main : signe qu’elle avait encore peur, signe que son traumatisme était encore bien présent. Elle semblait étonnée de me voir ici, à croire qu’elle ne m’attendait pas. Mon visage ne s’illumina pas quand je la vis. Et pourtant, elle avait été la seule raison qui m’avait fait tenir bon jusqu’à la fin. Je voulais la voir sourire, pas pleurer. Sans que je ne sache pourquoi, alors qu’elle me signala qu’elle avait presque appuyé sur la détente, je marmonnai, le regard dans le vide. « C’est peut-être que t’en avais envie. T’aurais dû. » Elle vint ensuite poser ses mains de part et d’autre de mon visage. Elles étaient chaudes, contrairement à ma peau encore glacée, pâle comme jamais. A sa question, je ne répondis pas. Je ne voulais pas en parler. Je ne voulais pas craquer devant elle, pas lui raconter que j’avais tué mes hommes, que je n’étais plus assez concentré sur mon travail parce que je ne pensais qu’à ses retrouvailles avec Derek et que ça me consumait de l’intérieur. C’était con mais le weekend passé avec ses sœurs plutôt qu’avec moi, bien que ce soit égoïste de le penser, m’aurait été bénéfique. Au final, je ne m’étais pas reposé, j’avais travaillé et cherché à m’occuper l’esprit sans ma fiancée. Retirant ses mains de mon visage, je me levais en grimaçant tenant mon ventre qui me brûlait les entrailles. « Va te recoucher, je vais aller au bureau. » Ca ne faisait aucun sens, j’avais passé 48 heures sans dormir, j’avais perdu cinq personnes de mon équipe, je n’avais plus aucune force, et tout ce à quoi je pensais c’était mon travail. Je titubais, tentant de me hisser pour attraper une bande pour panser ma plaie, j'en étais incapable. Je m'écroulais une première fois. Je me relevais. M'écroulais une seconde fois. Mon poing atterri dans la porte de placard et je criais: « MERDE! » Accablé, j'étais à genoux, les doigts douloureux devant ce putain de placard, évitant de croiser le regard de Roxy. Je ne voulais pas passer mes nerfs sur elle, comme un compte à rebours, je me sentais prêt à exploser.
J’étais dans un état second, comme si la réalité n’était pas tangible, comme si j’étais resté là-bas, où le chaos m’avait étreint. Je ne me reconnaissais plus, moi qui étais fier de ma force de caractère, qui ne laissais pas les émotions prendre le dessus sur moi, j’étais à leur merci. Je ne pouvais plus réfléchir, j’étais à bout, sans solution, accablé, tel un pantin désarticulé. D’ordinaire, j’aurais accueilli à bras ouverts le soutien de ma fiancée, j’aurais juste eu besoin de l’avoir dans mes bras et tout n’aurait été qu’un mauvais souvenir. Pas là. J’étais complètement déconnecté, enseveli par le remords et la culpabilité qui me rongeait. Ces personnes avaient péri, je ne pouvais les ramener, et personne ne savait ce qui s’était passé. En tant qu’unique survivant, j’avais le devoir d’en avertir famille et hiérarchie. Et je croyais pouvoir le faire, mais Roxy était bel et bien plus lucide que moi sur le coup. Alors qu’elle m’imposait de ne pas quitter la maison, je relevais le regard vers elle et me mettait en colère comme un adolescent qu’on empêche de sortir. « Tu comprends pas, je ne peux pas rester ici ! » Mais ce n’était pas vraiment de la colère, c’était de la paranoïa pure et simple. La crainte qu’on me retombe dessus, qu’on me passe à tabac sans que le FBI ne soit au courant de ce qu’il s’était passé là-bas et l’idée qu’il puisse s’en prendre à tous ceux que j’aimais. « Il sait tout de moi, il va s’en prendre à toi… il…je dois y aller ! » J’oubliais précisément son marché, je ne pouvais pas le laisser agir impunément. Je délirais. Je n’arrivais plus à déterminer ce qui sortait de mon imagination, ce qu’il s’était passé ou ce que j’avais envisagé.
Je devais offrir un triste spectacle à Roxy. Elle se demandait probablement pourquoi elle avait accepté de m’épouser dans un moment comme celui-ci, face à cette abnégation débile et inutile. Je m’épuisai à vouloir tout faire seul. J’étais ridicule. Comment j’espérais pouvoir gérer un état qui me submergeait tel un tsunami, une déferlante d’émotions qui m’aveuglait dans tout jugement ? Roxy vint se placer en face de moi, me sommant de la laisser s’occuper de moi alors qu’il est une heure avancée de la nuit et qu’elle travaille dans quelques heures. C’est à peine si je sentais ses mains dans les miennes. Un instant, je la laisse dégager mon visage des mèches, passant le coton imbibé d’alcool sur mes plaies, mais mon visage se tord de douleur alors qu’elle me signale qu’elle est là pour moi. Avant cet événement, j’aurais accueilli ces mots avec joie, rassuré, mais là tout ce que je voyais c’était les corps de mes collègues, et puis cette explosion de la base secrète qui les avaient tous condamnés. « Mais eux non… » Que je m’étrangle, me relevant en bousculant une nouvelle fois Roxy, pas parce que je voulais lui faire mal, mais parce que je ne commandais plus mes mouvements qui devenaient brusques, saccadés. Mes yeux ruissèlent tels les chutes du Niagara et je recommence à faire les cents pas dans la pièce principale, sentant la culpabilité et la rage prendre possession de moi. « Tout ça parce que j’ai pas été vigilant… » Je m’essuie les yeux, j’attrape ma chemise laissée sur le canapé, et je la jette au sol en piqué avec rage. Je regarde le plafond en marchant pour tenter de me calmer, mais en vain. Je claque ma main sur un cadre photos qui valse à travers la pièce et je dis des choses que je ne devrais pas. « A cause de toi et ton putain de réalisateur. » Submergé, tous mes tracas remontent et je porte mes mains à mon visage en racontant les échanges d’il y a à peine une cinquantaine d’heures. « Jenkins voulait avoir une petite fille comme second enfant, elle disait à Cortez comme il allait adorer être papa, Dawson voulait s’acheter un bateau qu’il promettait de nous mettre à disposition, Phelps a pas eu le temps de dire à sa femme qu’il voulait l’emmener voir le Taj Mahal, et Delfino… c’était une gamine, elle avait la vie devant elle. » Je crie de rage, je ne maitrise plus rien. Ca fait mal d’être le seul debout alors que je sais pertinemment que je le mérite pas. « Je les ai emmenés à l’abattoir. » Je pleure inlassablement, j’ai besoin d’exploser, je ne sais plus ce que je fais. « Je peux plus réfléchir clairement, tout ce que je vois c’est toi et lui parce qu’on se voit plus… Parce que tu m’aimes plus. » Je parle dans le vent, rien n’a de lien et attrapant mon insigne sur la table, je le regarde un instant, serrant le petit portefeuille dans ma main avant de l’envoyer à travers la pièce, sans me douter que Roxy est sur la trajectoire. Cet épisode trop intense m’achève, je m’écroule de nouveau à genoux et j’éclate en sanglots, prenant ma tête entre les mains. « Qu’est-ce qui cloche chez moi ? Pourquoi ce type m’a épargné, pourquoi il ne m’a pas achevé alors qu’il le pouvait ?! » Je connais la réponse. Il veut se servir de moi. Il tire sur la corde sensible, le machiavel. Je relève les yeux en direction de Roxy, l’implorant du regard, un aveu de faiblesse qu’elle méconnait probablement puisque ça me semble tout nouveau. « J’en peux plus… » Les doutes que j’avais tenté de contenir depuis cette fameuse dispute n’avaient fait que s’amplifier dans l’ombre face au déceptions et à la pression du travail, et l’homme que je croyais si fort était en fait un amas de faiblesses.
J’étais devenu sourd et aveugle au monde qui m’entourait. Roxy avait disparu, le monde s’était noirci, je ne distinguais plus rien. Un vrai cyclone qui emportait tout sur son passage. Jamais je n’avais ressenti une telle chose, comme si les nombreux revers depuis mon enfance s’étaient tous ligués contre mon esprit pour prendre le dessus et détruire tout ce en quoi j’avais foi. Je ne connaissais pas la colère, ma famille m’appelait la ‘force tranquille’, jamais je ne m’énervais. Le seul aperçu, Roxy avait pu l’expérimenter quelques semaines auparavant. Là, ça dépassait l’entendement. Au final, parlais-je de cet homme qui était prêt à bouleverser toute ma vie et qui m’avait mis plus bas que terre, ou mentionnai-je la personne que j’étais en m’adressant à Roxy ? Je n’en étais même plus sûr. J’étais face à mes démons, et le bruit incessant des coups de feux, cognait mes tympans avec tant de force que j’aurais voulu me recroqueviller au sol en attendant que ça passe. La voix de ma fiancée était lointaine, mon champ de vision était flou. Etait-ce ce que l’on ressentait à la guerre ? Je détestais ces sentiments négatifs que je pouvais ressentir : la jalousie, la vulnérabilité et la colère face à ce triste portrait, qui n’était qu’une réaction vaine. Je pense à mes coéquipiers, à la joie qu’ils ressentaient de les avoir laissés entrer dans ma vie, eux qui suggéraient que j’étais haut perché dans ma tour d’ivoire à tort, et que je manquais de superbes soirées bowling, et un partage que je ne connaitrais donc jamais. Je redoutais le moment où j’allais devoir annoncer la douloureuse à ces personnes qui ne devraient pas se trouver dans une telle situation. « Pas autant que moi… Comment je vais pouvoir l’annoncer à leurs familles ? Il faut toujours que je fasse souffrir quelqu’un. » J’avais toujours joué tout seul, les autres enfants disaient que j’étais bizarre, ma mère ne voulait pas de moi et tout ce que je conservais au plus profond de mon être jaillissait à présent, au fur et à mesure que mes yeux s’inondaient et que la détresse m’accablait. Je ne pouvais pas croire que je n’étais pas responsable. J’étais le seul épargné de ce jour noir dont j’avais été l’instigateur. « Si, tout est ma faute. » Dans ma fureur, je n’ai plus rien réalisé, j’ai juste jeté mes dernières forces dans une bataille contre mon ombre jusqu’à tomber, vidé de toute énergie, complètement anéanti. A cet instant, Roxy s’approche une fois de plus, une main sur mon épaule, dans un rôle que je ne lui connais pas. D’ordinaire, je suis celui qui la porte à bout de bras quand ça va mal, et elle n’est pas encore tout à fait sur pieds, je le sais. Pourtant, elle est là, à essayer de panser mes plaies physiques et morales. Posant un regard défait, vitreux sur elle, je lui pose une question dont elle n’a probablement pas la réponse. « Pourquoi ça fait si mal, Roxy ? » C’est à ce moment que je réalise que la bouche de Roxy est tâchée de sang. Incapable de me souvenir de ce qui vient de se passer, je bouge lentement mon regard pour avoir une vue d’ensemble, face au carnage. Reportant mes yeux foncés sur elle, alors qu’elle a raison, je devrais dormir, je prends son visage entre mes mains et m’inquiète : « Qu’est-ce que tu as au visage ? C’est moi qui t’ai fait ça ? » L’ai-je frappée dans ma démence ? Aurai-je osé ? Je ne peux le croire, elle est tout ce que j’ai de plus cher, et pour la première fois de ma vie, j’ai peur de ma propre personne. Si je deviens un danger pour elle, c’est que j’ai besoin d’aide. « Je suis tellement désolé, je sais pas ce qui m’a pris. » Je caresse son visage, cherchant des réponses dans son regard, dans ses traits qui pourtant n’ont pas l’air de former une once de colère. « J’ai levé la main sur toi ? Comment j’ai pu faire une chose pareille, pardon mon amour, je… Tu restes avec moi ? » Je m’accable, mais je ne peux qu’accepter sa main tendue. Et j’ai besoin d’elle. A cet instant, elle est mon pilier, ma bouée de sauvetage dans une mer déchainée. Mais je réalise qu’elle va devoir partir dans un moment. Elle ne peut pas juste prendre une journée pour veiller sur son fiancé. « Il faut que je prévienne le bureau… » Que je lui souffle. Ils ne savent pas que je suis rentré, nous avions perdu toute communication au moment où la base a explosé. Les connaissant, ils me forceront à rendre des compte à l’instant où ils décrocheront. Mais je ne crois pas être capable de subir les conséquences tout de suite.
Cinq familles décimées, un survivant. Même si je n’en menais pas large, j’étais bel et bien là, portant le poids de la culpabilité sur mes épaules, rongé par la fatigue accumulée de ces dernières semaines, tracassait par une dispute qui continuait d’avoir un impact monstrueux sur moi. A l’heure actuelle, j’étais plongé dans un état végétatif, comme si je ne pouvais répondre de rien. Il était hors de question que je ne réponde pas de mes actes et que je ne prenne pas mes responsabilités pour m’adresser aux familles des victimes. C’était mon devoir. Je voulais les aider à surmonter cette épreuve que je peinais à affronter moi-même et surtout leur dire ô combien cette équipe-là avait toujours été une élite formidable. Je ne les connaissais pas tous très bien, et c’était un choix pour éviter de souffrir, mais les regrets m’assaillaient maintenant et j’aurais voulu avoir un tout autre comportement. « Je voudrais le faire quand même. Ils méritent que je parle de leurs derniers exploits, que je leur rende hommage aussi… Personne d’autre était là… » Personne ne peut raconter leur professionnalisme, personne au bureau ne peut témoigner de leur bravoure. Moi je le pourrais, et il faudrait inévitablement que j’assiste à leurs obsèques. Cinq punitions sur un long chemin de pénitence. Roxy veut me protéger, elle veut me préserver d’une chute interminable et compliquée, mais je n’ai pas le droit de me défiler, ces hommes et femmes sont morts dans cette embuscade, cette opération suicide. C’est moi qui suis accablé par les remords, la mort, la perte et pourtant c’est sur le visage de Roxy que je cherche de la souffrance, comme pour me détruire un peu plus. « Je te fais souffrir toi aussi. Je le vois bien. » Est-ce la réalité ou est-ce mon esprit qui me joue des tours, je suis incapable de le dire. Je ne raconterai pas les détails, pas même à mes supérieurs ou bien la psy que je verrais cette fois bien moins souriant, mais je ne sens que la mort et la peine qu’elle provoque. « J’aurais dû être à leur place. » Ce n’est pas la meilleure chose à dire, mais je fixe le sol d’un regard vide et froid, incapable de faire taire le rire de cet homme machiavélique qui a fait de moi un pantin désarticulé. Dans un moment de lucidité, je me raccroche aux traits angéliques de ma future femme, que j’examine longuement à la recherche d’une trace de violence me ma part sur mes mains et son visage. Mais je ne vois que sa lèvre ensanglantée. « Je suis désolé, tu es la dernière personne à qui je voudrais faire du mal. » Je secoue la tête, dépité. Elle n’a pas besoin de ça, et pourtant elle est là, prête à rester avec moi, sachant très bien que je vais probablement passer la journée à dormir. « Merci… Tu peux dire à ton bureau que c’est ma faute, mais j’ai besoin de toi. » Je resserre mes doigts sur les siens, m’ancrant dans ma nouvelle réalité, comme si je ne reconnaissais pas les lieux dans lesquels je vivais depuis tant d’années. Sans elle, je n’ai plus de repères. Elle que j’ai eu hâte de retrouver. Roxy se charge de tout. Moi, sans force aucune, je me laisse faire comme une poupée et je me retrouve allongé dans le lit en très peu de temps sentant mon corps lâcher prise. Les douleurs se réveillent, je grimace, je n’ai pas envie d’être allongé. Alors que Roxy me gratifie d’un baiser frontal rassurant, je l’interpelle avant qu’elle quitte la pièce : « Rox ? Je t’aime tu sais ? Je devrais te le dire plus souvent. » La vie peut s’arrêter à tout moment. Comme l’énergie peut s’épuiser en un rien de temps. Très vite, je sombre dans un sommeil obscur, tel un trou noir. Roxy pendant ce temps-là, se charge des formalités. Et quand le chef Banks décroche le téléphone, celui-ci tempête : « Bordel Ellis, ça fait plus de trente heures qu’on essaye de vous joindre ! Où êtes-vous ? On a perdu toute communication ! La cible a-t-elle été capturée ? détruite ? Je veux vous voir immédiatement pour un rapport, et j’espère pour vous que les nouvelles sont bonnes ! » Il n’a aucune idée de ce qui l’attend.