La main vient tapoter le coussin, arrange le plaid, pousse un peu le popcorn sur la table basse et y ajoute quelques boissons avant qu’il ne s’arrête dans son geste, maugréant dans son souffle. Jamais il n’aura regardé de films avec quelqu’un, même lorsqu’il était en couple. Sûrement que ça ne lui a pas effleuré l’esprit de partager un tel moment, esprit trop pratique et fermé aux amitiés. Lui, ce qui l’intéresse, ce sont les tas de ferrailles et les calculs, pas les super héros. Alors pourquoi est-il là à vouloir regarder ça avec lui ? Pourquoi a-t-il accepté ? Ce n’est pas comme s’il était capable de lire dans ses pensées, certes il a un carnet à sa disposition, mais jamais il ne pourra deviner ses ressentis – ce qui est bien dommage par ailleurs. Il finit par déposer la dernière bière sur la table basse et se retourne vers son établi, le seul endroit désorganisé, le reste semble trop propre en comparaison. De toute façon, personne ne peut toucher à son lieu de travail, vrai temple pour lui. Des prothèses de jambes pas encore terminés pour des clients, des faux yeux, de quoi avoir l’air d’un savant fou. La porte laissée ouverte, exprès pour Veni afin de le laisser débarquer quand il veut, Skye paraît peu patient toutefois, venant s’adosser sur le palier. Les bras croisés (peu agréable lorsque le métal se frotte contre son torse, néanmoins ça lui donne un style se dit-il), le regard est fixé sur l’escalier, il attend son arrivée parce qu’il est bien curieux de comprendre ce qu’est de regarder un film avec quelqu’un. Comme si pour une fois, il découvre quelque chose de nouveau, l’esprit en vadrouille, il sait qu’il réfléchit trop : il aurait pu saisir cette chance pour laisser tomber ses interrogations constantes, mais c’est ainsi qu’il est, la logique par-dessus tout.
T’es vraiment un gros trouillard, sérieusement qu’est-ce que tu veux qui s’passe sale blaireau, on inspire, on expire, on inspire, on- anxiété avalée par le brouhaha inopiné, vacarme éphémère propagé par le fracas de la porte qui ricocha contre le mur. Dans l’embrasure, sa grand-mère franchit le seuil, les bras croisés et l’air perplexe. Soupir exaspéré, elle approcha son petit fils et réajusta son col, un sourire désormais vissé sur les lèvres. Quoi, pourquoi tu souris ? je pue le tabac c’est ça ? je sens mauvais ? merde faut que j'me change alors, je suis déjà- débit réduit au silence le plus total lorsque sa tutrice lui pinça le nez, geste qu’elle eut maintes fois utilisé par le passé, symbole qui lui fit savoir qu’il dût respirer et cesser de jacasser à tout va. Tu sens très bon, je souris parce que c’est rare de te voir prendre soin de toi pour sortir, est-ce c’est un- comment vous dites les jeunes… un date ? le regard attendri tatoué sur le fruit d’une lignée pourtant maudite, elle glissa la main sur sa joue d’un caresse empreinte de tendresse, comment elle s’appelle ? soudain, il réalisa qu’il dût sans doute en faire trop pour qu’elle en déduise de pareilles absurdités. C’est Skye et c’est pas un date abuela, on va juste regarder un film et boire quelques verres, s’empressa-t-il d’expliquer, les doigts déjà nerveux perdus dans les boucles, sois prudent d’accord ? et pour lui promettre qu’il le sera, il noua son petit doigt au sien avant de lui embrasser le front. Sitôt, Veni se saisit de la sacoche, la bandoulière autour de l’abdomen, il y rangea ses indispensables habituels et poursuivit sa grand-mère jusque dans la cuisine. Tiens hijo, tu lui donneras ça, dit-elle, une boîte de cookies maison tendue vers lui, inévitablement, un sourire naquit sur les lèvres alors qu’il récupéra les mets délicieux, écrasant un baiser sur sa tempe, ne passe pas la nuit devant ta télénovela, et alors qu’il lui tourna le dos, il l’entendit bougonner.Le ricanement se mêla aux mélopées de la porte lorsqu’il la ferma, peu après quoi il prit la route, l’anxiété persistante. Solitude carnassière délaissée, troquée pour la présence désinvolte de Skye, à l’antipode de sa zone de confort où sa seule âme trouva répit, c’est ce sentiment nouveau qui lui tordit l’estomac lorsqu’il pénétra le sanctuaire du mécanicien aux doigts d’argent. La boîte entre les paumes, il s’enfonça dans le dôme où métal et talent fusionnèrent, les pupilles perdues sur les alentours familiers. Sa silhouette se hissa jusqu’aux escaliers qu’il grimpa deux par deux et finalement, se retrouva front à Skye qu’il salua d’un simple signe de tête, tiens, ma grand-mère a fait ça pour toi, dit-il en lui tendant les cookies, j’ai aussi apporté des joints, il est cool ton bras, j’aimerai bien l'toucher un jour, t’as choisi quel spiderman ? et sinon tu comptes me faire rentrer ou- il valait mieux qu’il se taise, alors il se tût, comme ça, sans même achever sa phrase.
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Aussitôt s’imagine-t-il le garçon débarquer que le voilà arriver, muni d’une petite boîte mystérieuse. Est-ce une farce pour l’embêter ? Il l’ouvrira et bang, une araignée sortira pour l’effrayer. Oui, ça doit être ça, pourquoi viendrait-il lui apporter un cadeau sinon ? C’est absurde, personne ne lui offre des choses. Jamais. Le regard s’attarde sur sa silhouette. Il y a quelque chose de différent. Sa tenue. Plus soigné, plus réfléchi. Il s’est préparé pour ce soir, après tout, par messages il avait bien dit vouloir faire du shopping pour l’occasion. Le garçon s’arrête devant lui, tend la boîte que Skye attrape, méticuleux. Les sourcils froncés qui finissent par se hausser à la remarque, sincèrement surpris par l’attention. Lèvres s’entrouvrent pour le remercier, toutefois se scellent face au monologue habituel de Veni, parsemé de questions. Avant de lui répondre, il l’encourage à rentrer, main posée sur le dos pour l’avancer et une fois la porte fermée, Skye se met à déambuler dans le living room, l’incitant à faire de même. « J’ai choisi le tout premier, je savais pas vraiment lequel prendre à part ça… y a tellement de films, » qu’il répond, ouvrant la boîte pour découvrir des cookies. La mine appréciative, il en prend une pour goûter et un hmm s’échappe, là tout de suite, il aimerait juste dévorer le reste pour n’en laisser qu’aucune miette, mais il se contient. Finalement il s’assoit sur le canapé, tapote à côté de lui de sa main libre. « Viens. On va s’allumer un joint et tu vas pouvoir toucher mon bras. Autant que tu le veux, même, c'est ta création après tout » sa marque de fabrique, son sourire en coin, de retour, il peine à comprendre pourquoi il s’amuse autant à le taquiner. Peut-être est-ce ses réactions farfelues, ou alors sa manière d’être, toujours incongrues et inconventionnelles. Peut-être, oui.
Il est temps de te faire des amis, la vie est trop imprévisible pour passer le peu de temps que nous avons ici bas seul, promets-moi d’essayer, comme promis par le serment du petit-doigt, Veni s’y prêta dur comme fer, il y mit du sien, toutefois rien ni personne ne put jamais remplacer le souvenir carnassier laissé par Sami, tentatives sans cesse essuyées par l’échec intarissable. Solitude satinée fut jusqu’alors un choix plus qu’une obligation - bien que trop bavard, nombreux furent les messages amicaux, les requêtes quémandant son temps, son attention au détour d’un verre, d’une sortie inopinée, cependant jusque là, l’âme juvénile ne l’eût accordé qu’au fruit du lien tissé par un passif commun, Stormy. Pour elle, son exil à mille lieues du contact humain fut écrasé par sa loyauté imparable. Or, aujourd’hui, sa zone de confort fut remise aux mains du hasard, déléguée à l’inconnu et cette fois, submergé par l’interrogation, englouti par la nouveauté, toute sa sollicitude gravita autour de Skye tel le roi soleil en orbite dans l’immensité de la galaxie. Voyage dans l’ailleurs inachevé, ramené sur terre par la paume dans son dos qui l’incita à entrer en terrain étranger, celui-ci lui répondit et Veni renchérit d’un signe de tête pour appuyer le choix du film, la pupille trop occupée à balayer le moindre détail du temple inconnu, là où il s’imagina naître toutes les idées folles du mécanicien, là où la magie naquit dans la tête, ici même où le talent fut encagé. Durant un court laps de temps, le regard s’égara, insatiable, perdu sur l’autour, sur tout et rien à la fois, affamé d’en savoir plus, d’en découvrir davantage par le simple biais d’un objet, d’un outil, de n’importe quoi de suffisamment éloquent pour lui révéler ne serait-ce que le plus infime des secrets. Déraciné de sa latence, Skye l’invita à le rejoindre et, sans l’ombre d’un mot, il vint s’asseoir à ses côtés. Tel un animal sauvage sur des terres qu’il lui fallut apprivoiser avant de s’y aventurer, les mots dansèrent au bord des lèvres sans jamais fendre l’air - pourtant diable ce qu’il aurait voulu lui dire de s’étouffer avec son espiègle sourire né pour le taquiner. D’abord silencieux, Veni sortit un porte-cigarettes métallique de l’intérieur de son blouson, duquel il extirpa un joint qui vint vivre au coin de la bouche en manque constant d’oxygène. Le temps de fouiller ses poches en quête d’un briquet qu’il lui tendit, allume-le moi, formule de politesse occultée, l’esprit vissé sur une seule et même chose, au même titre que le regard tatoué sur le bras d’un acier qui luit dans la rétine similaire à des artifices de fêtes foraines. Il ne demanda pas l’autorisation, il ne dit rien, à la place, Veni glissa les doigts sur le métal froid, contact humain pourtant métallique auquel il n'eût plus été habitué, toutefois, il apprécia plus que de raison la sensation du métal frigide contre sa peau, j’aime bien, finit-il par dire, incapable d’en détacher les yeux. Ça te fais quoi quand j’te touche ? Tu le sens ? la parole revenue plus vite qu’il ne l’eut prédit, son temps d’adaptation en présence de Skye fut réduit de moitié, cependant, ça ne l’empêcha pas de renchérir, quand j’touche ton bras j’veux dire, précision précipitée, aucune chance qu’il ne lui fournisse l’opportunité rêvée de se moquer de lui, encore.
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Là, tout de suite, la proximité ne lui dérange guère. Synonyme d’intimité de partager sa bulle avec quelqu’un d’autre, il aurait pu s’en sentir mal à l’aise, aussi paradoxal que ce soit pour quelqu’un de lui, un habitué des contacts sensuels. Et il est là le souci. Il n’y a rien de sexuel entre eux, pour le moment. Pas de baiser, pas de vêtement délaissé. Il n’aime pas ça habituellement. Ce soir toutefois, c’est tout le contraire. Il semble sauvage, Veni. Comme un chat que l’on a laissé chez un inconnu, il regarde les alentours, prend ses marques, s’habitue, s’installe le petit sauvage. Qu’il est intriguant, lui et sa manie à en trop dire, néanmoins, à chaque révélation à son propos s’ajoute une couche de mystère. Peut-être est-ce pour ça que Skye n’en est pas lassé. Il aurait pu l’être. Il saisit le briquet, sans lui demander pourquoi est-ce une tâche aussi compliquée pour lui, il s’approche, plus près encore, allume le joint perché, l’iris vissée sur le visage qu’il scrute. Chaque petit détail, les cieux remerciés pour sa mémoire photographique. Impossible de l’oublier, maintenant. Toutefois, lui paraît attiré par autre chose. Le bras. Les doigts glissent sur le métal, tout en longueur et les questions fusent, aussitôt suivie d’un autre, un peu pour réparer l’erreur commise – bien sûr qu’il allait le charrier. Skye aborde un léger sourire, ne répond pas tout de suite et au lieu de ça, il grimpe sa main le bras de son voisin lui aussi. « Ferme les yeux et imagine, » qu’il déclare, sans le vouloir dans un souffle. Sans attendre, il part à l’aventure. Explore le bras, sur le tissu, tente alors de deviner les plaies sous les doigts. « Imagine que c’est ton bras gauche que je caresse là maintenant et pas le bras droit. Essaie de ressentir les frissons qui grimpent le long de ta peau, s’évertuent jusqu’à ton dos, parcourent chaque parcelle de ton épiderme, » la voix devenue un murmure, une histoire racontée tel un secret, il ajoute : « Je le sens parce que j’imagine, Veni, » il laisse sa phrase en suspens, retire sa main et s’affale dans le canapé, un peu plus à l’aise à ses côtés, brisant alors ce moment pour les ramener à la réalité. « Mais on est pas là pour expérimenter, pas vrai ? » conclut-il dans un petit rire, amusé, saisissant la télécommande pour mettre le film. C’est toujours aussi irréel. Lui, regarder un film, avec quelqu’un. Tout autant que de caresser une personne pour lui montrer ce qu’il ressent, sans en profiter pour lui sauter dessus, là sur le canapé. Il aurait pu le faire, écraser ses lèvres contre les siennes, à la recherche d’un baiser jusqu’à n’en plus pouvoir respirer, l’allonger, découvrir sa peau autrement que par des photos. Mais il ne le fait pas, non.
Fais-le, vas-y, fais-le, qu’il voulut dire. Les mots écorchèrent la langue, brûlèrent les lèvres et moururent dans l’oubli, dans l’intarissable néant qui avala chaque syllabe pour n’en rejeter que des cendres, un amas de poussières qui céda la place au silence immobile. Il ne put rien exprimer sans craindre de voir la vérité fendre l’air, l’inacceptable vérité, celle qui souligna son incapacité à rester de marbres, celle qui soumit à l’esprit étriqué qu’il eût songé un court instant l’invité à glisser les doigts sous l’épais tissu de son blouson, juste un instant, juste de brèves secondes où il aurait pu autoriser le contact, l’initier peut-être, enfin et depuis des années, sentir la peau de quelqu’un effleurer la sienne, sans arrière pensée, sans désir particulier, juste un contact humain duquel il fut privé depuis l’adolescence. Toutefois, les yeux clos comme quémandé plus tôt, il resta enterré dans un mutisme plat, imparable lorsqu’il s’agit de taire le besoin inhumé au creux de l’estomac. L’imagination bercée par l’indication murmurée, agitée par la voix de Skye, les méninges s’imprégnèrent des sensations jusqu’alors évincées, les sourcils froncés par la confusion tempétueuse qui gît dans les veines. Soudain, sa main le quitta, le givre l’enlaça à nouveau et il ouvrit les yeux, les pupilles automatiquement tatouées sur le visage voisin, ouais non je- t’as raison, j’suis pas venu pour ça, j’ai- c’était cool en tout cas, de pouvoir toucher ton bras, j’aime bien, c’était cool, cool, cool, nervosité à peine déguisée, appuyée par les tocs récurrents qui le poussèrent à faire tourner les bagues autour des doigts de manière répétées. Aussitôt Skye installé et le film lancé, Veni s’affala à son tour dans le sofa, toujours peu à l’aise avec la nouveauté d’une pareille situation, tu vas voir, il est cool le premier, bon il est pas aussi bien que ceux qui ont suivi parce personne ne surpasse andrew garfield mais il est bien quand même et- j’parle beaucoup non ? j’vais être insupportable alors juste pour cette fois si tu veux que j’me taise, frappe-moi quand j’te saoule, c’est ok, j’suis d’accord, mais juste pour cette fois, du coup j’disais quoi ? ah oui… et durant le générique du début, il fit l’éloge des acteurs et ne put s’empêcher de débiter un nombre de mots incalculables à la minute, ce qui, de toute évidence, fit savoir ô combien il put être relativement difficile de visionner quoi que ce soit à ses côtés.
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Atmosphère bien curieuse lorsque les doigts gisent sur le bras, animés par le simple but de lui faire comprendre la sensation, la sienne. Toutefois, il aurait pu s’arrêter là et passer d’un sujet à l’autre comme si de rien n’était, mais là tout de suite, il s’en voit quelque peu perturbé par son propre acte, sans en assimiler la raison. Un sourire subtil est esquissé face au stress mystérieux de Veni, l’étiquette de timide vient se poser sur lui aussitôt, ça ne peut être que ça, une pudeur unique à lui et étrangement, il est loin de trouver ça ridicule, simplement intriguant. Sûrement un peu mignon, aussi. Mais juste sûrement. Le film lancé, le monologue de son voisin aussi, néanmoins, l’écouter ne lui dérange pas, contre toute attente, il semble même apprécier l’entendre s’étaler dans les moindres détails. De nouveau, son ‘ami’ retrouve sa gêne particulière. Skye paraît de plus en plus décontracté dans son canapé, tirant davantage le plaid sur eux, saisissant alors le coussin pour l’agripper, l’oreille tendue vers Veni. « T’es pas insupportable, ça m’dérange pas que tu parles pendant le film, » qu’il admet, l’occasion saisie pour parler à son tour. Lentement, la silhouette se décline vers l’hispanique, laissant son corps glisser sur lui, tête posée faiblement sur son épaule, il ne réalise pas à quel point ce moment lui paraît confortable et apaisant. Plus les minutes s’écoulent, plus il s’approche de lui, jusqu’à définitivement se caler contre lui, comme s’il s’agissait de quelque chose des plus normaux. « Pourquoi tu aimes autant Spider-Man du coup ? C’est un film de ton enfance ? » qu’il questionne, le menton relevé vers lui, sans la moindre moquerie, par simple curiosité : probablement un exploit pour Skye.
Cet instant fut comme du velours, semblable au soleil qui chatouilla le visage le matin, identique au satin des draps qui glissa sur la peau telle une caresse empreinte de tendresse, cet instant c’était ça et pour rien au monde il ne l’aurait échangé, non, pour rien au monde il n’aurait voulu changer quoi que ce soit. Tout ce qui engloutit ce moment le ramena à des minutes de vie passée, à des souvenirs qu’il chérit suffisamment pour ancrer celui-ci dans les méandres de ce qui put exister de meilleur dans sa vie. Du film qui passa à l’écran, au plaid réajusté sur eux d’une attention toute particulière en passant par la tête de Skye à demie posée sur son épaule, non, rien ne put être mieux qu’être ici, maintenant. Les mots couvrirent le silence, annotant d’un fait qui lui soutira un sourire discret. Quand à son tour l’interrogation fendit l’air, l’oxygène lui manqua un instant, assez pour poser sa tête contre la sienne. Plus ou moins, répondit-il d’abord, les pupilles tatoués sur l’écran, c’était le film préféré de Sami, le renseigna Veni, les doigts s’amusant distraitement du plaid et l’esprit nébuleux, jamais vraiment guéri de cette douloureuse tragédie. J’ai grandi avec lui, on a quasiment toujours vécu ensemble et il parlait sans arrêt de spiderman, il se marrait toujours devant le jeu de l’acteur, cette brèche du passé fit naître un mince sourire, nostalgie à peine dissimulée, il ne vit pas le but de mentir, pas ce soir, Sami est mort, conclut-il, le soupir marqué par la monotonie de la voix lorsque l’aveu s’éteignit dans l’air, t’aimes bien le film pour l’instant ? demanda Veni pour essuyer la vérité nue qu’il eut énoncée, là, juste comme ça.
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Gestes satinés, proximité rassurante, jamais il n’aurait imaginé un tel moment couvert de complaisance, en réalité, il ne sait pas ce à quoi il s’est attendu. Peut-être rien qu’un instant gênant, où l’un et l’autre ne saurait pas comment se comporter ou alors, des taquineries qui se termineraient en dispute : après tout, c’est souvent ainsi que les choses se déroulent avec Skye et le monde entier. Mais non, pas cette fois. Presque surpris lorsqu’il sent la tête de Veni s’écrouler doucement sur la sienne, il se surprend lui-même à s’affaler davantage dans le canapé et l’espoir secret que le film ne s’arrête pas lui traverse l’esprit, avant qu’il ne le balaie, préoccupé par ce désir soudain de rester encore plus à ses côtés. D’une oreille attentive, il l’écoute et comprend que la lecture d’un carnet ne suffira pas à en savoir toujours plus sur lui. Sami, un ami. Décédé. La curiosité pointe son nez, décédé à cause de quoi ? Un accident, un meurtre ? Il façonne tous les scénarios du monde, allant même jusqu’au plus farfelu. Est-il décédé dans une explosion que Veni aurait mal géré ? Après tout, s’il ne savait pas que quelqu’un était là dans les parages, il aurait très bien pu faire de même… mais ça lui paraît étrange, sans en comprendre la raison. Pour ne pas l’enfoncer dans le malaise visible, il rétorque brièvement : « Il avait l’air sympa. » Sûrement que Skye n’aurait pas été apprécié par cet ami, au vu de son comportement parfois imbuvable avec le plus jeune. A sa question, il se permet de se redresser un peu, lui jetant un coup d’œil sincère accompagné d’un petit sourire. « J’aime vraiment bien, même si la tête de l’acteur est parfois ridicule… » Il conclut par un petit rire et alors, il reprend sa position initiale. Plus le film continue, plus il se laisse aller contre lui, sans forcément le réaliser, parce qu’il le sait, une fois qu’il captera qu’il n’agit pas tel un futur ami, il s’éloignera. C’est à la toute fin, quand le générique se déroule qu’il se met à se détacher, pas par honte soudaine, non, simplement il a peur d’en profiter davantage. Il vaudrait mieux mettre une barrière invisible, qu’il se dit, gardant toutefois la même aise. « Je t’avoue que c’est la première fois que j’regarde un truc avec quelqu’un… je pensais que ça allait être gênant, » mais que fait-il ? songe-t-il, désireux de s’arrêter dans l’explication, pourtant malgré lui, il s’élance à nouveau : « Mais ça l’était pas du tout, c’était super sympa. Tu veux hmm… qu’on continue la soirée dans un bar, comme prévu ? » La question posée pour se sauver, sûrement pour éviter une sorte de pitié face à l’annonce d’une telle anecdote, peut-être aussi surtout pour ne pas se sentir trop confortable dans la douceur de cette relation…
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Ven 20 Jan - 17:38