Mon crayon tape nerveusement sur la table devant moi. Pourquoi ce meeting est si long ? Nous faisons le point sur la prochaine édition du magazine et j'ai l'impression que tout ça prend une éternité. Que le bla-bla habituel avec trois ou quatre mots de plus. Je prends mon téléphone afin de noter toutes les dates que notre patron nous donne. Je sens que j'aurai bien du boulot pour le prochain mois. Remise d'articles par-dessus articles. Une fois le tout entré dans mes notes, je ferme mon écran de téléphone et relève la tête lorsque j'entends la fameuse phrase ; « Vous pouvez quitter. » Sans plus attendre, je prends mes affaires et quitte la salle. Aujourd'hui, j'avais décidé de travailler de la maison. Belle occasion pour passer du temps avec Maverick aussi.
En quittant le bureau, j'avais prévu de faire un tour par la maison de mon ami Jake. Je lui avais envoyé des messages toute la semaine comme à mon habitude, mais j'avais gardé le secret quant à mon retour. Je pouvais déjà voir le trajet rempli de lignes rouges sur mon téléphone. Vers dix-sept heures, les rues de Los Angeles se retrouvaient toujours bondées à la sortie des travailleurs. Peu importe, j'avais environ une trentaine de minutes de voiture à faire pour ... une dizaine de kilomètres, pas plus. Je mis un temps fou (bon .. trente minutes!) à me rendre au domicile de Jake et je me garais sur le côté du bâtiment afin qu'il ne voit pas mon véhicule.
Pendant tout ce temps, je lui envoyais des messages subtils pour lui demander ce qu'il faisait, s'il était chez lui. Bingo, il y était. Je montais les escaliers du bloc où il habitait rapidement. J'étais beaucoup trop heureuse de le revoir, j'avais pas mal de choses à lui dire, peut-être même un peu trop et je l'étourdirais. Une fois devant sa porte, je me risquais à tenter d'ouvrir celle-ci. Il avait l'habitude de ne pas la verrouillée et j'avais une petite envie de lui faire un saut. Sans être trop étonnée, je réussi à ouvrir la porte. Il y avait de la musique dans la cuisine, il devait être la. Je me glissais dans son appartement doucement et longeais le mur pour le trouver. Il était là, dans la cuisine. Je me contenta simplement de taper sur un mur, histoire de piquer sa curiosité.
J’suis supposé faire quoi? Ça fait des semaines qu’on me demande de faire du temps supplémentaire sans même considérer les cernes qui semblent s’être installées définitivement sous mes yeux. J’avais clairement besoin de repos et pourtant j’étais le genre de mec qui avait beaucoup de mal à rester assis et rien faire. Alors pour une fois j’avais décidé de penser à moi et à moi seul. J’avais simplement appelé pour aviser que j’étais malade et j’en avais principalement profité pour reprendre quelques heures de sommeils. C’est la vibration de mon téléphone qui me fit sortir de mon cauchemar, parce que oui, dès que je fermais les yeux des scènes horribles défilaient dans ma tête. Allie. Un p’tit sourire se dessina sur mes lèvres alors que mes pouces s’activaient sur le clavier pour lui répondre. Ça faisait un p’tit moment qu’on ne s’était pas vue, faut dire que New York n’était pas à la porte et que mes finances se faisaient plus limitées dernièrement. Après avoir envoyé le message je regardais rapidement l’heure, 17h passé. « Eh merde. » J’avais trop dormi… encore une fois!
Je me levais rapidement avant de me diriger vers la cuisine, la musique jouait encore d’un peu plus tôt. Je commençais à fouiller dans le frigo histoire de trouver quelque chose à manger pour ce soir… peut-être une lasagne? Pas trop compliqué à faire et puis comme ça j’aurais des restants pour la semaine. Je venais tout juste de mettre les pâtes dans l’eau bouillante lorsqu’un bruit non loin de moi me fit sursauter. « Putain….. A.. Allie? » Mon cerveau mit quelques secondes à comprendre ce qui était en train de se passer. Impossible… je devais encore rêver. Quoi que c’était d’autant plus impossible puisque je ne rêvais jamais… des cauchemars et que des cauchemars. Je m’avançais vers celle-ci mes bras venant systématiquement l’enlacer comme pour constater par moi-même qu’elle était bien là, que ce n’était pas une illusion. « Ok là j’y comprends rien de rien… qu’est-ce que tu fais ici? J’suis un peu perdu. » Ça faisait tellement longtemps qu’elle n’était pas venue à LA… et pourtant une part de moi avait toujours espéré qu’elle reviendrait dans le coin. C’était la seule personne qui avait vraiment réussi à percer ma carapace… alors de la savoir à l’autre bout du monde ça n’avait jamais été facile pour moi.
Je voyais mon ami dans la cuisine, il semblait chercher quelque chose dans le frigo. Auparavant, lorsque nous sortions pour aller au restaurant, au simplement lorsqu'on se cuisinait un repas ensemble, Jake mangeait pour trois personnes. Il finissait même mes propres repas parfois. Alors le fait de le voir farfouiller dans son frigo me semblait tout à fin normal. J'avais cogné sur le mur avec mon poing, histoire d'attirer son attention. Il se retourna en sursautant et je ne put m'empêcher d'éclater de rire. « Je t'ai fais peur ? » ajoutais-je entre deux rires. En l'espace de quelques secondes ses bras vinrent m'enlacer et il me serrait contre lui. Des semaines s'étaient écoulées depuis notre dernière rencontre. Il venait souvent me voir à New-York, mais nos horaires des dernières semaines avaient été plutôt difficiles à agencer. « Maverick avait trop hâte de te revoir ! »
J'entourais mes bras autour de son cou, tout en le serrant contre moi. Je ne pouvais pas être plus heureuse de retrouver mon ami. Je me reculais un peu, le libérant de mon étreinte. « En fait, je suis de retour. » Je fis le tour du canapé pour finalement prendre place sur celui-ci. Non, en fait je me laissais tomber littéralement dessus. « Je voulais me rapprocher de ma soeur, de toi et de tous les gens que je connais en fait. Je pense que c'est mieux pour Maverick d'être ici et moi aussi. » Sur la table, il y avait une bouteille de bière, je la touchais pour vérifier la température. Je me rendis compte qu'elle devait dater de plus tôt dans la journée, elle n'était pas fraîche, mais pas chaude non plus. Je pris une gorgée de celle-ci et me retournais vers mon ami. « Et je suis maintenant rédactrice en chef pour le magazine ! Mon talent est inépuisable ! » Je gloussais, comme une gamine. « Et puis ? Dois-je faire attention aux demoiselles nues qui vont défiler dans ton appartement ? J'imagine que tu pêche beaucoup dans la ville, non ? »
Mon cœur battait encore la chamade suite à ton apparition imprévue dans ma cuisine. Mon cerveau n’arrivait toujours pas à comprendre ce que tu faisais ici… et d’ailleurs pourquoi n’avais-tu pas pris la peine de m’appeler pour m’annoncer la bonne nouvelle. La seule chose qui faisait finalement du sens dans ma tête c’était tes multiples textos que tu m’avais envoyés histoire de savoir où j’étais et ce que je faisais; chose que tu ne me demandais jamais en règle générale. « Putain oui.. déjà parce que je ne t’ai pas entendu arriver et ensuite parce que je te croyais à New York! » Je n’avais quand même pas perdu de temps avant de venir te serrer dans mes bras, comme si le simple contact de ton corps contre le miens rendait la situation un peu plus crédible. « C’est réciproque… je le vois pas assez. » ajoutais-je un peu plus sérieusement. J’avais pas eu un bon exemple de figure paternelle et on aurait dit qu’une part de moi espérait arriver à l’être aux yeux de Maverick. Malheureusement je n’avais pas l’occasion de le voir aussi souvent que je le souhaitais.
Finalement, tu m’avouais être de retour pour de bon et je restais là, bouche bée, à te fixer alors que tu te dirigeais vers le sofa. Tes mots résonnaient dans ma tête et pourtant je n’y croyais toujours pas. Toi? Ici? Tout le temps? Impossible… « Mais… c’était sur un coup de tête ou bien c’était planifié? Tu comptes t’installer dans quel coin? » Spontanément j’avais envie de te proposer de t’installer ici pour l’instant, mais ça me semblait vite idiot sachant que c’était petit et peut-être pas aussi luxueux que ce que tu as l’habitude de t’offrir. Je grimaçais en t’observant prendre le restant de bière qui trainait sur la table basse. « Ok je suis pas riche, mais j’ai quand même de quoi t’hydrater… » ajoutais-je avant d’en prendre une du frigo, de l’ouvrir d’un tour de main et de te l’apporter. « Rédactrice en chef… ben dit donc. Je sais pas pourquoi j’suis pas surpris. Ils sont chanceux de t’avoir en fait. » Tout comme l’homme qui pourra partager sa vie avec toi. Petite pensée qui me traversait souvent l’esprit depuis qu’on est amis. « Et honnêtement? Non, aucun risque. Tu sais bien que je fais pas tellement confiance et puis… je sais pas. Comme j’ai du mal à m’investir pleinement dans une relation je me vois mal ramener une fille juste pour une nuit.. c’est compliqué. » J’avais plutôt l’habitude d’être seul et c’était très bien comme ça. Autant je ne voulais pas faire de peine aux filles, autant je n’avais pas envie de m’investir pleinement et de devoir expliquer de long en large mon passé qui n’a rien de très joyeux. « Mais toi je suppose que ça ne saurait tarder… te connaissant tu auras tous les hommes que tu souhaites à tes pieds, non? » ajoutais-je en rigolant faussement parce que ouais, ça me faisait chier de te voir avec d’autres.