How did it all get so heavy ?

J’avais presque la sensation en m’échappant dehors, que j’étais enfin libre. Que le cancer était derrière moi et que je ne souffrais plus. Le temps d’un instant, j’avais la sensation d’être moi en sentant la brise sur mon visage. Et puis, la réalité me rattrape bien trop vite, parce que le cauchemar n’est que trop loin d’être terminé. J’oublie bien vite le côté salvateur de l’air frais sur mon visage alors que Maya m’assure que ma fille n’aura jamais d’autre père, que je la vois ou non, elle a hérité de moi autant que ce qu’elle fait partie intégrante de ma vie. Si Maya a raison, je ne peux me contenter d’un lien de parenté non enrichi d’interactions qui font de la paternité une réalité. J’ai conscience également que je vais bientôt devoir me passer d’elle à cause du traitement qui me rend vulnérable, et cette éventualité m’achève un peu plus. La grossesse d’Eileen, on ne l’avait pas vue venir, on s’était laissés porter par nos sentiments mais avoir un enfant si tôt dans notre nouvelle relation n’avait pas été une volonté, mais nous l’avions accueillie comme une bénédiction, et aujourd’hui alors que je m’y étais accroché dur comme fer, je ne pouvais pas jouer mon rôle. « Oui, mais je ne peux même pas profiter de sa présence autant que je le voudrais. Elle ne m’empêche pas de la voir, mais c’est comme si j’avais un droit de visite, à venir chez elle et son mari. Je ne sais même plus comment me comporter. » Je ne parlais que de ma fille avec Eileen. Plus aucune discussion ne semblait naturelle, quelque chose s’était rompu, si bien que même lorsque je la voyais, je finissais par ne pas m’éterniser, n’appréciant pas l’ambiance qui régnait en ces lieux auxquels je ne m’étais jamais fait. Je ne feignais rien auprès de Maya, mais j’avais la sensation de me plaindre alors que la pauvre demoiselle avait bien plus de tourments à gérer que moi. Elle ne vivait plus que pour sa tante, comme si elle ne s’autorisait pas à vivre pour elle tant que les autres n’allaient pas bien. C’était triste de faire un tel sacrifice, mais je pouvais la comprendre. « C’est comme si au fond, elle s’était rendue compte que je n’en valais pas la peine. » Admettais-je au sujet d’Eileen, qui m’avait plus que désarçonné, basant sa décision sur un comportement distant dans une situation exceptionnelle. Je regardais la jeune femme pris par l’émotion, alors qu’elle m’expliquait que pour elle, il fallait s’attacher aux choses positives, aux moments qu’on avait appréciés. J’ai de la peine pour elle, car elle s’accroche toujours au souvenir de ses parents alors qu’ils ne sont plus là aujourd’hui, et à l’inverse d’elle, penser à ces moments de bonheur avec Eileen, à toutes ces petites choses qui ont écrit une belle histoire, ça ne fait qu’aggraver les plaies de mon cœur. « Me replonger dans les souvenirs, ça ne fait qu’exacerber la peine. » Parce que le manque se fait sentir. Et peut-être suis-je incapable de penser comme elle parce qu’Eileen est toujours de ce monde. Elle a raison la fleuriste, nous sommes tous différents, et des intérêts divers nous animent. Si ma famille n’avait pas fait le forcing pour que je tente le traitement, j’aurais quitté la ville. « J’aurais voulu faire le tour du monde, ne pas avoir à endurer ce traitement et juste partir loin. » Je n’aurais rien planifié, me laissant simplement porter au gré du vent, histoire de profiter de mes derniers instants, moi qui n’étais plus que l’ombre de celui que j’avais été. A la question de la jeune Avila, je marque un instant de réflexion. Y a-t-il du positif à l’heure actuelle ? Si je ne vois pas ma famille comme je le souhaiterais, je suis quand même heureux d’une chose : à naitre un mois et demi avant le terme de la grossesse, elle avait prouvé qu’elle ne se laisserait pas terrasser. Un exemple à suivre, et pourtant si jeune. « Qu’Honor soit en vie. Elle a mené son combat comme une championne. » Son développement s’était achevé plus rapidement qu’on ne l’aurait cru, et personne n’aurait songé qu’elle était prématurée. Mon regard se perd un instant au loin, alors que des questions me taraudent. J’ai besoin d’entendre Maya me donner son point de vue sur la vie, parce que mine de rien, sa vision des choses à le don d’apaiser mes maux. « Tu as déjà été amoureuse Maya ? » J’ose croiser son regard, prêt à l’entendre raconter un petit bout de sa vie.

ft. @Maya Avila