Il avait envie d'hurler, de casser quelque chose. Mais il restait là complètement immobile sur le sol en bois du chalet. Il aurait pu aller parler à son jumeau, à une de ses soeurs. Mais il ne fit rien de tout ça. Il ne voulait pas ruiner le week end de tout le monde avec ses problèmes. Et on pouvait être sûr qu'il allait encore faire comme si tout allait bien le lendemain. Comme à chaque fois qu'il va mal.

Son téléphone vibre par terre, mais il ne répond pas. Ca finit par s'arrêter. Et ça recommence, encore et encore. Ca en devenait angoissant, ce bruit. Il avait fini par attraper le téléphone, répondre mais ne pas parler. Il l'écoutait mais il ne répondait pas. Un énorme silence, lourd. Ce silence était tellement long qu'on pourrait croire qu'il s'est passé une éternité.

Finalement, il répond. Enfin.

« Pourquoi ? »

Sa question n'était pourtant pas dur à répondre dans la théorie, mais dans la pratique...

La question à laquelle, bien sûr, il fallait s'attendre. La question pourtant qu'il redoutait le plus. À laquelle il pourrait ne pas répondre, encore. Trouver une excuse, discuter. Tenter d'embobiner Tomas une fois de plus en sortant les justifications toutes plus nazes les unes que les autres.

Mais il ne peut pas. Pas alors que même s'il n'entend plus les larmes de Tomas à l'autre bout de la ligne, il y a encore sa respirations, si douloureuse. Il y a juste... juste Tomas. Et si il pouvait facilement nier et se trouvait à lui même toutes les excuses du monde quand Tomas n'est pas sous ses yeux ou à portée d'oreille, en l'ayant en direct... ce nest pas du tout la même chose. Il ne peut pas. Il ne peut pas mentir encore. Se mentir encore.

Et c'est malgré tout à son tour de laisser un silence. Un peu long. Pas trop, parce que Tomas pourrait raccrocher. Juste ce qu'il faut pour arriver à rassembler sa voix. Et lacher : "Parce que t'as raison. Je suis un connard. Un connard qui a juste crevé de touille sur tout ce que je ressens quand je suis avec toi."

Il n'arrive pas à continuer, parce que la voix vient se briser dans sa gorge, à son tour. Il peut juste espérer que Tomas le croit...

Même si Tomas voulait cette fichue réponse, c'était pas pour autant qu'il n'en avait pas peur. Il la redoutait. Cette réponse, elle pouvait être tant dévastatrice que libératrice. Il fermait les yeux tant le silence après son pourquoi était dur, ne lui laissant que le loisir d'encore plus appréhender les mots que Benjamin va prononcer. Il n'aurait jamais du appelé, il le savait mais il était ivre et quand il est ivre, il ne contrôle plus rien. Et Benjamin imaginait même pas à quel point il était difficile pour Tomas de prononcer rien qu'un "Je t'aime.". C'était un exercice difficile. Un exercice où il devait s'ouvrir complètement sur ses sentiments. Et quand on connait un minimum Tomas on sait qu'il dit quasiment jamais ce qu'il ressent.

Il avait à peu près retrouvé un semblant de respiration plus stable, mais les sanglot revinrent aussitôt quand son ancien amant lui répond. Ancien amant, ou amant d'un jour ? Il ne saurait même plus quoi dire, ce qu'avait été leur... relation. Et ça faisait mal.

« Et tu crois que j'avais pas peur ? » qu'il finit par demander. Il lui en voulait. Il lui en voulait tellement. « La minute où on s'est embrassé pour la première fois, j'étais mort de trouille. J'avais peur de me tromper, j'avais peur de te perdre, que tu me rejettes.  » qu'il dit, avouerait presque. Mais il ne s'arrête pas là, non. « Tu... » il n'arrivait pas à prononcer ce qu'il voulait vraiment dire. « Tu as tout gâcher. Rien ne sera plus jamais comme avant... »

Il a vraiment fait ça, n'est ce pas ? Il a vraiment blessé Tomas si profondément ? Il est vraiment responsable, entièrement, de la situation. Il lui a fait mal, peut être plus que personne ne lui avait fait avant - et c'est peut être un peu présomptueux de le penser, mais de 1, Benjamin a toujours eu son égo, et de 2, il.ne veut pas croire que Tomas ait déjà eu si mal avant. Pas comme ca. Pas si fort. Tomas... Tomas, il ne mérite pas ça. Il mérite, il mérite tellement, tellement mieux. Il mérite le meilleur et lui, qu'a-t-il fait ?...

"Je suis désolé, Tomas. Je... je ne voulais pas ça." Mais qu'est-ce qu'il voulait, exactement ? Il ne sait même pas lui-même. Il se sent tellement stupide maintenant. Tellement minable. "Je... il faut qu'on se voit. Où est-ce que tu es ? Écoute, je... je ne peux pas te perdre... Je ne veux pas te perdre."

Mais est-ce que Tomas, lui, voudras encore de lui maintenant ?

Benjamin avait beau lui répéter qu'il ne voulait pas ça. C'était pourtant exactement ce qu'il avait fait. Tout a une putain de conséquence et ils ne faisaient tout deux que subir celles-ci. On aimerait qu'une erreur de détruise pas tout, pourtant c'est bien ce qui était en train de se passer. Même si on peut réparer, encore fallait-il avoir la force de le faire. Et cette force était aussi dans la reconnaissance de notre erreur et de nos torts. Et c'était surement bien plus difficile que de réparer l'erreur elle-même.

« Et tu voulais quoi... hein ? » qu'il demandait, même si c'était plus rhétorique qu'une réelle question. Parce que ça ne changeait absolument rien. Le tort était fait, la blessure était bien là, ouverte et béante. « Tu m'as déjà perdu. » Oh que c'était dur, dur à prononcer. Il en pleurait, ça lui faisait mal. Il ne voulait même pas prononcer ces mots, mais Benjamin l'avait perdu. Peut être pas définitivement, mais à l'instant T, c'était le cas.

« Si tu veux me voir, il faudra que tu attendes. J'ai besoin de temps. » qu'il rajouta, plus doucement. Lui montrant, que malgré tout, il avait une chance d'au moins lui parler en face à face.

Il avait bien failli lâcher son portable. Ou plutôt, le jeter contre un mur. De colère. De rage. De... De douleur. Pure. Et si intense. Mais il ne le fait pas, et il se contente de serrer si fort l'appareil entre ses mains qu'il en arrive à avoir mal aux doigts. Et c'est juste un râle qui s'échappe de ses lèvres, même alors qu'il essaye de le contenir. Il n'a pas tendance à avoir les larmes faciles, pas comme Tomas - même s'il ne le lui reprocherait certainement pas. Mais là. Mais là ses yeux le brûlent, à tel point qu'il est obligé de les fermer, de les presser de sa main libre, pour tenter d'atténuer un peu la douleur. Et puis il y a sa gorge, si serrée qu'il a l'impression que plus aucun souffle n'y passera plus jamais.

Et quelque part, ce serait si simple. Tellement moins douloureux que ce qu'il est en train de vivre à présent. Par sa seule et unique faute...

Il a bien failli raccrocher, oui, ou faire en sorte que son smartphone ne fonctionne plus. Mais il ne l'a pas fait. Et il est presque content, juste une seconde, au milieu du reste, de ne pas l'avoir fait. Parce qu'au milieu de tout ce mal, il y a une lueur d'espoir. Mince, si faible. Mais bel et bien là. "Je... C'est ok. Je comprend. J'attendrais... tout le temps qu'il faudra." Ce ne sont pas des mots vains. Il pourrait attendre toute sa vie, s'il le fallait. Le peu qu'il lui reste à vivre, vu comment son coeur a mal. "Est-ce que je peux juste... t'envoyer des messages, de temps en temps ? Ou communiquer. Je ne sais pas. De la manière que tu veux. Même si tu ne me répond pas." Il ne le fera pas, si Tomas refuse. Mais il se rend compte, maintenant, à quel point cela lui a manqué, ce qu'il a refusé de voir, pendant tous ces jours. Et il veut juste. Il veut juste.

Il a tellement, tellement besoin de lui.

Tomas avait fini par plaquer sa main sur sa bouche pour bloquer les sanglot qui sortait de sa bouche et surtout, pour s'empêcher de crier un bon coup. Il ne savait plus comment évacuer les horribles émotions qui le prenaient de part en part. Pourquoi est-ce que c'était si dure ? La chute était violente. Il aurait dû s'écouter. Et donner raison à son anxiété n'était qu'encore plus un bon moyen pour le détruire à petit feu.

Benjamin disait qu'il attendrait le temps qu'il faut. Mais Tomas se sentait tellement mal, il ne voualit plus ressentir ce qu'il ressentait et pas sûr qu'il ait le courage, au fond de replonger la dedans plus tard.

« On verra bien. » qu'il avait soufflé, sa voix étant entre coupé par ses sanglot qu'il tentait de ravaler. Quand à sa demande, il ne savait pas quoi lui répondre. Ca le mettait en colère, qu'il aurait dû se réveiller lui-même mais c'est trop tard maintenant. Et il n'était pas sûr de supporter lui parler avec tout ce qui s'est passé. « J'en sais rien. » qu'il avait répondu, il sait pas dit non ou oui. C'était trop difficile pour lui.

Bien sûr. Bien sûr qu'il ne peut rien lui dire maintenant. Bien sûr qu'il ne peut rien lui affirmer, rien lui promettre. Bien sûr qu'il s'efforce de doucher de quelques mots les espoirs auxquels Benjamin a une envie folle de pouvoir se raccrocher. Bien sûr.

Benjamin le mérite, il le sait. Cette douleur dans la poitrine, il la mérite. Cette impression qu'on vient de lui arracher les poumons, rendant chaque respiration presque impossible, il la mérite. Cette boule dans sa gorge, ces yeux qui brûlent, tout ça, il les méritent. Et même ce sanglot qui s'entend dans sa voix, alors que c'est acté, déjà, par la bouche même du principal intéressé et par son entière faute, à lui, qu'il a au fond déjà tout perdu... Tout ça, toute cette souffrance, il les méritent. Et Tomas, lui... Tomas... Il est bien trop précieux pour tout ça...

"Ok... Ok. Je comprend." Il comprend, surtout, qu'il n'a plus rien à attendre, au fond. Mais il le fera quand même. Parce qu'il se rend compte uniquement maintenant, que c'est trop tard, qu'il n'a jamais voulu renoncer à tout ça. "Je voudrai tout effacer, tu sais... Je voudrais ne pas avoir été aussi con. Je voudrai... Je voudrai pouvoir t'offrir le monde, Tom..." Sa voix n'est plus qu'un chuchotement un peu étranglé. Il voudrait lui offrir le monde, oui. Et même le monde, ce n'est pas encore assez.

Il ne savait pas ce que ressentait Benjamin à l'autre bout du fil. Peut être était-il aussi mal que lui. Peut être que tout ça, ce n'était encore un mensonge pour le manipuler. Il ne pouvait pas le savoir et de ce fait, il faisait tout pour s'en détacher et c'était difficile. Il s'était laisser tomber en arrière, couché au sol, les yeux rivé sur le ciel étoilé. Il devait être quoi ? Trois heure et demi du matin maintenant. Il était épuisé.

« Arrêtes, c'est trop tard maintenant. » qu'il avait dit. C'était surement violent. Mais il ne pouvait plus l'entendre. C'était la faute de Benjamin pas la sienne et il devait se le rentrer dans le crâne et ce que faisait Ben lui faisait se sentir coupable.

« Je suis fatigué, je vais me coucher. » qu'il avait finalement dit, coupant l'appel et éteignant son téléphone. Allant véritablement se coucher. Il était gelé et il ne voulait plus entendre sa voix.

Trop tard. Trop tard. Trop tard.

Les mot résonnent encore et encore dans ses oreilles. Trop tard. Il le sait. Il ne peut pas.. Il ne peut pas se permettre de supplier Tomas. Il n'en a pas le droit. Il l'a perdu, en ne répondant pas à son message, déjà. En faisant croire qu'il avait quelqu'un d'autre dans sa vie, ensuite. En laissant cette situation pourrir jusqu'à la moelle, enfin. Et il peine à articuler un simple mot, après cette sentence qui semble tellement sans appel : "Ok..."

Il ne peut pas le retenir, non plus. Il n'a pas le droit de lui demander de rester encore un peu, de lui parler. De discuter, pour tenter de normaliser de nouveau leur relation. Pour tenter de le faire, peut-être, revenir à de meilleurs sentiments envers lui. Pour tenter d'apaiser sa douleur, un peu. Pour tenter de le faire revenir vers lui, lui qui a tout fait pour tenter de l'éloigner - et même, de le faire disparaître de sa vie.

Il ne peut pas le retenir, et Tomas ne lui en laisse de toute façon pas le temps. Et Benjamin le comprend alors même qu'il répond aux derniers mots de Tomas : "Bonne nuit, Tomas..." Mais ses mots se perdent dans le silence, parce que Tomas a déjà raccroché. Et la suite de sa phrase, à peine murmurer, ne sera entendu de personne d'autre que de lui-même : "Je t'aime..."

Ce qu'il aurait dû dire, ce jour-là, le jour du mariage. Ce qu'il aurait dû répondre, le lendemain, le jour de noël, même par message. Ces mots qu'il ne pourra vraisemblablement jamais lui dire et qui resteront dans le secret de sa chambre. Mêlée à des larmes silencieuses qu'il n'avait pas versé, or éran, depuis tellement de temps. Peut-être jamais.

Il a définitivement tout gâché.