... Quand l'injustice t'immobilise ... et te détruit ...
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Je me sens si faible... je suis étourdi, je ne sais pas ce qui se passe. Je ne comprends rien.
Mon corps est lourd, tellement lourd. J'essaie d'ouvrir les paupières, mais je n'y arrive pas. Même bouger un seul doigt me semblait une épreuve en soi. Qu'est-ce qui m'arrive ? Ou suis-je ? J'entends parler, mais je n'arrive pas à savoir ce qu'ils se disent. Qui parle ? Qu'est-ce qu'on va faire de moi ?
Je mets du temps à me connecter à la réalité. J'essaie d'être lucide, mais c'est comme ci un voile brumeux m'empêchait de comprendre et interpréter la réalité... J'ai... j'ai mal. C'est mon premier contact avec la réalité. Je crois que je ressens de la douleur. J'ai mal au bras, au visage, au dos, au ventre, à la jambe.
Cette voix... c'est une voix féminine, je commence à la percevoir doucement. Le seul mot que je comprends est ''infirmière''. Bon, j'imagine que ma douleur est fondée alors. Peut-être suis-je dans une clinique ou un hôpital. Je percois des bruits de machine. Bordel, mais qu'est-ce qui s'est passé ?!
- Monsieur, cette chambre est privée. Êtes-vous un proche de monsieur Blair ?
Des bleus partout, un oeil au beurre noire, un bras cassé, la lèvre qui saigne encore, un petit trou dans la cheville, j'étais dans un piteux état. Heureusement, je n'étais pas conscient de mon apparence, ni de la gravité de ma situation. Du moins pas encore.
Je panique et j’angoisse. J’angoinique, en résumé. Pourquoi? Parce que Oakin m’a appelé et qu’à la base, j’ai cru que c’était pour m’annoncer que je retournais en prison malgré le fait qu’on m’a déclaré innocent une semaine plus tôt, sauf que lorsqu’il m’annonça la raison de son appel, j’avoue que j’aurais préféré que ça soit mon hypothèse. Une pierre sembla tomber dans le creux de mon estomac en l’entendant me dire que Clematis avait été retrouvé salement amoché sur le sol de son appartement et que son état était sérieux au point de devoir le transporter à l’hôpital. La peur au ventre, les larmes aux yeux et de violentes bouffées d’hystérie menaçant de sortir de ma gorge, je m’étais précipité vers l’hôpital dans lequel il était, même si Oakin m’indiqua qu’on ne me laisserait sans doute pas passé. Après tout, une enquête allait être ouverte pour agression et je me doutais bien qu’on voulait éviter que l’agresseur ne vienne achever ce qu’il avait commencé.
Telle une furie, j’entre sur le département qui le retient captif et je passe ma tête dans toutes les embrasures de porte, cherchant la chevelure rousse de l’un de mes amis les plus chers. Je commence à perdre espoir lorsqu’enfin je le trouve. J’entre dans la chambre et je me fige. Sa peau normalement diaphane est maintenant tachée d’hématomes violacées et de contusions, ses cheveux sont emmêlés et il semble si petit et fragile… « Oh mon dieu, mais qu’est-ce qu’on t’a fait? » Murmurais-je d’une voix enrouée par la tristesse et l’horreur alors que je me rapproche du lit. Sauf que bien évidemment, les chiens de garde en uniforme rappliquent pratiquement aussi vite et m’interdise de m’approcher de lui. « Oui je suis un proche » Affirmais-je en ne le quittant pas des yeux.
Sauf que bien sûr, cette réponse est si vague qu’elle n’est pas satisfaite, cette gorgone! Je me mords la lèvre, sachant que si je répondais que j’étais son ami, on m’ordonnerait de partir et le quitter sans savoir ce qui s’était passé, c’était tout bonnement impossible. « Je suis Darius, son fiancé. C’est Oakin, son frère, qui m’a prévenu de son agression. J’étais au travail » Mentis-je doucement en la regardant. De toute évidence, l’inquiétude qu’elle lu dans mon regard fut assez authentique pour qu’elle me laisse finalement passer. M’assoyant doucement sur le lit à côté de lui, j’attends qu’elle parte définitivement de la chambre avant de me pencher vers lui et de lui embrasser le front doucement. « Clem…réveille-toi, c’est moi, Darius » Suppliais-je doucement alors que je commence à recoiffer ses longs cheveux autant pour tenter de me détendre que pour son bien-être. « Tu es en sécurité maintenant » Rajoutais-je pour le rassurer lui autant que pour me rassurer moi.
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Je le sens... un baiser sur mon front. Quelqu'un est là pour moi. Je m'accroche à ce petit bout de réalité qui vient de m'être offert. Je suis certain que ce baiser est réel et j'y tiens de toutes mes forces pour ne pas replonger dans l'inconnu et la désorientation.
Il s'agit d'efforts considérables, mais je ne dois pas abandonner. Je reussi à sortir une petite plainte de ma bouche... c'est un début pas trop mal. Je sens cette personne inconnue jouer dans mes cheveux. À sa voix, c'estun homme... enfin je crois. Je ne comprend pas un traitre mot quand il s'adresse à moi.
De... la lumière ? Je vois un peu de lumière, mes paupières qui pesent des tonnes se sont ouvertes, mais l'image est floue et la lumière me brûle les yeux, m'obligeant à les refermer en vitesse. Je crois que je me connecte de plus en plus au réel.
Cette personne près de moi m'aide beaucoup. Je ne sais pas pourquoi, mais il me fait sentir bien, comme en présence d'un vieil ami. J'espère de tout coeur que ce sentiment est vrai. Je parvins à ouvrir une seconde fois les yeux, tentant de discerner quelque chose
Je m’inquiète de plus en plus, parce que j’ai vraiment l’impression que Clematis n’est plus vraiment là. Je sais que c’est idiot puisqu’il est devant moi, mais le voir aussi faible, malmené et tranquille me fait trembler de peur. Que s’était-il passé? Qui avait bien pu lever sa main contre lui? Mon petit chaton roux était l’un des meilleurs humains de Los Angeles, pourquoi devait-il souffrir autant? Mes larmes s’évadent de mes yeux alors que je continue de caresser ses cheveux. Non, je ne devais pas craquer, je devais rester fort pour lui, sauf qu’avec mon emprisonnement et la tentative de suicide de Lilas, je devais avouer que le Darius confiant et fort s’était un peu effacé dernièrement. « Je suis là, personne ne te fera de mal, je te le promets » Dis-je doucement, d’une voix si faible que je ne savais même pas s’il pouvait m’entendre. Le voir aussi silencieux et immobile me faisait peur. Et s’il ne se réveillait jamais?
Incapable de rester aussi loin de lui alors qu’il était aussi fragile, je retire ma veste rose et mes chaussures à talon hauts. Je me glisse sous les couvertures et je m’étends près de lui, le serrant dans mes bras. Il semble glacial, un peu comme une statue de pierre sauf que je sens son souffle contre ma peau et j’entends son cœur battre. « S’il te plait, ouvre les yeux…Clem, c’est moi, Darius » Le suppliais-je de nouveau. Je voyais bien qu’il luttait pour ouvrir les yeux, mais j’avais égoïstement besoin de voir qu’il en était capable, qu’il n’était pas qu’une enveloppe vide. Devinant que la lumière était peut-être un peu trop éblouissante pour lui, j’ai étiré mon bras vers la sangle bleue qui flottait calmement entre le lit et la lumière du plafond et j’ai tiré doucement dessus.
Aussitôt, la lumière s’éteignit et seuls les écrans lumineux des multiples appareils entourant le lit de mon ami nous illumina. Je continue de caresser ses cheveux sans le brusquer, profitant juste de sa présence calme à mes côtés. Si Lilas ou Hadès me voyaient en ce moment, ils seraient suspicieux vu notre proximité, mais personne ne pouvait vraiment comprendre la relation que Clematis et moi entretenions. « Mon chaton roux, s’il te plait, regarde-moi….il y a moins de lumière, tu ne souffriras pas de photosensibilité » Dis-je alors que je le voyais lutter contre son corps pour maintenir ses paupières ouvertes.
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Ma tête se bascula sur le côté lorsque je sentis cet homme s'étendre près de moi. Pour l'instant, le flou m'empêchait de le voir, malgré mes yeux ouverts et la lumière éteinte, mais petit à petit, l'image se clarifiait lentement.
Je finis enfin par souffler, d'une voix totalement cassée et lourde
- Rius ?...
Je voyais les cheveux noirs en bataille et un peu des traits de ce visage magnifique. Son nom venait tout juste de me revenir en mémoire. Je l'avais oublié, comme tout le reste, mais là s'était revenu.
Je me souviens maintenant, Darius, cet homme extraordinaire qui a bouleversé ma vie et qui la bouleversera jusqu'à ma mort. Pour être franc, il était l'une des personne que je voulais le plus auprès de moi pendant cette épreuve.
Mes yeux se referment à nouveau, mais pas pour me reposer, mais pour laisser échapper des larmes. Je commence à pleurer fortement. Des bouts de souvenirs atroces des dernières heures me revenaient en tête,,, Je sanglote et j'ai mal partout. Pour la première fois depuis longtemps... je ne vais vraiment pas bien.
Rius…. Mon cœur bondit de joie et de soulagement lorsque le filet de voix faible de mon amis franchit ses lèvres pour venir danser jusqu’à mon oreille. Quand Oakin m’avait annoncé que Clematis était hospitalisé après une attaque féroce, j’avais imaginé le pire, mais il était là, vivant et dans mes bras. Je savais que j’avais au moins mille raison de ne pas me montrer aussi tactile avec lui vu notre passif amoureux et le fait que j’étais en couple en ce moment, mais je ne pouvais pas m’en empêcher, j’avais eu si peur de le perdre! Alors je fais taire la voix de la raison qui marmonne ses avertissements à mon esprit et je le sers un peu plus fort contre moi, comme si je cherchais à le réchauffer ou le rassurer par ce geste. « Oui, c’est moi, mon chaton…je suis là, il ne t'arrivera plus rien, je te le promets » Lui Murmurais-je à l’oreille en mettant toute ma confiance dans mes mots.
Pourtant, je ne suis pas très costaud, ni très fort. Si quelqu’un me frappe, je ne sais pas répliquer pour me défendre, pourtant, je sais que je tenterai toujours de sauver Clem au détriment de ma vie…parce que notre histoire ne pouvait pas s’achever sur un acte aussi violent qu’une pluie de coups. Nous faisions partit de ces amants maudits qui s’étaient aimer passionnément et dont l’histoire avait parcouru le fil de leur vie à la vitesse d’une étoile filante…mais l’amour, la tendresse et la volonté que l’autre soit heureux étaient encore imprégner en nous. Enfin…en moi, ça l’était toujours. Clematis ne méritait pas ce qui lui était arrivé.
D’ailleurs, lorsqu’il referme les yeux, je commence à le bercer pour l’aider à s’apaiser, sauf que plutôt que de se rendormir, il pleure. Il pleure cette souffrance et cette violence qu’il n’aurait jamais dû connaître. Ses larmes ont un effet dévastateur sur moi ; elles me détruisent peu à peu. « Tout va bien chaton…je suis là. Pleure autant que tu le désirs…je suis là pour te soutenir et t’aider » Lui dis-je en le berçant doucement, toujours collé à lui dans son minuscule lit d’hôpital. Je ne sais pas si ces mots le réconfortent, mais je sais que moi, j’aurais aimé que quelqu’un me les disent à ma sortie de Prison. Tu as le droit de pleurer…c’est normal, tu n’es pas faible pour autant. « Je serai toujours là pour toi » Promis-je en le serrant contre mon cœur. « Clem…qu’est-ce qui s’est passé ? » Demandais je finalement. J’avais besoin de savoir pour l’aider et lui, il devait se vider le cœur.
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Les souvenirs me revenaient. Douloureux et terrifiant. Je balbutia des mots un peu incompréhensible, vu ma voix déformée, cassée. Je mis un petit moment à la stabiliser, malgré mes pleurs qui n'aidaient pas ma cause.
- Il... m'a tiré... dans le pied... m'a cogné contre le comptoir... frappé... et frappé... et frappé...
Mes sanglots s'intensifiaient à nouveau. Me souvenir de tout ça était juste horrible. Jamais je n'aurais cru me retrouver dans cette situation. Moi qui avait donné ma vie à aider ceux dans le besoin, voilà que ça s'était retourné contre moi.
À ce stade-ci j'étais... perdu, désemparé, profondément blessé, mais lui était là. Darius était un cadeau du ciel, moi qui n'avait jamais rien demandé. Ses bras autours de mon corps était le plus grand remède, et la seule chose dont j'avais besoin. C'était peut-être même un peu trop pour moi. Je donne. Je ne suis pas censé recevoir autant, mais pour une fois, j'accepte ce cadeau sans rechigner.
La vie peut parfois être si cruelle. Me détruire ainsi et me donner comme consolation mon amant impossible. La vie ne semble pas m'aimer beaucoup...
- Pourquoi... pourquoi j,ai tellement mal... pourquoi j'ai plus mal dans mon coeur que dans mon corps... pourquoi c'est pas mes blessures qui font mal...
J’ai le cœur gros alors que j’écoute Clematis parlé. C’est horrible, comment a-t-on pu lui faire subir une telle violence alors qu’il n’est qu’un ange de douceur et de tendresse. Si les gens étaient un peu plus comme lui, il ferait plus bon vivre dans ce monde de fou. Je continue de l’écouter sans cesser mes caresses dans ses cheveux, un torrent de larmes menaçant de s’écouler sur mes joues à tout moment. Sauf que jamais, elles ne s’échapperaient, ces petits orbes d’eau salée. Parce que Clem n’a pas besoin que je pleurs pour lui sa souffrance, il a besoin d’un rock sur lequel s’accrocher afin de pouvoir remonter à la surface de l’océan de violence physique et mental qu’il a vécu. Je me tends, mon cœur bat fort, mais je ne pleure pas. Je lui devais bien ça. « Ne t’inquiète pas, tu es en sécurité ici, plus rien ne peut t’arriver » Murmurais-je doucement sans l’empêcher de parler.
J’avais été victime de violence, il y a quelques semaines et lorsque j’avais eu besoin de revivre le moment avec mes mots afin de l’exorciser de mon être, on m’en avait empêché. Je ne reproduirais pas cette erreur avec celui que je considérais comme l’un de mes meilleurs amis. Se sentir en sécurité passait aussi par le fait d’être écouté sans craindre des représailles ou un jugement quelconque. Ses sanglots redoublèrent, me déchirant l’âme et le cœur un peu plus. « Tu ne méritais vraiment pas les actes horribles que tu as vécus mon chaton et je t’en conjure, si tu connais le nom de cet immonde connard, dénonce le aux flics, ne tente pas de le protéger » Le suppliais-je doucement en posant doucement mon doigt sous son menton pour lui relever doucement le visage vers moi, afin qu’on puisse se regarder un peu.
Depuis les viols que j’avais vécu en prison, c’était la première fois que j’étais aussi tactile sans angoissé avec un autre homme. C’était comme si l’urgent besoin de le protégé avait pris le dessus sur tout le reste. Il était dommage de constaté que je me retrouvais alors que lui se perdait peu à peu. « Tu as mal à ton âme parce que tu es l’innocence et la pureté la plus totale. Jamais tu n’as fait de mal à personne et c’est quelqu’un qui te connaissait de toute évidence qui t’a fait ça. Un bras cassé, ça se soulage avec des médocs, une âme meurtris, c’est toujours plus difficile. Mais j’ai confiance, tu retrouveras ton merveilleux sourire quand tu auras…assimilé les événements qui se sont déroulé » Dis-je doucement, ne sachant pas si ce que je disais lui ferait du bien.
Après tout, je n’étais pas très doué dans l’art de réconforter les autres vu que j’étais foncièrement égocentrique, mais Clem avait cette particularité de rendre les autres un peu meilleurs à son contact. « Tu veux que je prévienne quelqu’un? Une ou un ami? Un petit-ami? Le refuge? » Demandais-je. C’est là que j’ai compris que je ne connaissais plus du tout l’entourage de cet homme qui avait été l’être le plus important de ma vie, autrefois
... Quand l'injustice t'immobilise ... et te détruit ...
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- Si toi, tu es au courant... c'est que les gens les plus importants sont déjà prévenus...
Une main lourde et pesante se soulève pour se poser sur sa joue. J'avais besoin de sentir sa peau douce sous le bout de mes doigts, même si cela n'était pas des plus facile.
- Je l'ai accepté... sous mon toit, pour l'aider... Il voulait mon argent... sans crier gare, il est sortit de sa chambre... Il m'a violenté et a tout prix... avant de fuir... en me laissant dans mon sang... sur le plancher de la cuisine...
C'était le maximum que j'étais capable d'expliquer. Je ferme les yeux doucement.
- Darius, tu es absolument... Tout ce que j'ai besoin...
Je tourne la tête, l'orientant vers le plafond, les yeux toujours clos et débordant de larme, mais silencieuses cette fois. Mes sanglots se calmèrent doucement.
- Hadès est le seul homme sur terre que je déteste... Je vais haïr cet homme de tout mon âme, jusqu'à ma mort... Je le déteste, et j'ai mal à l'âme... pour la même raison... parce que Hadès détient la seule personne essentielle à ma vie...
Je soupire lourdement, ne bougeant toujours pas.
- La seule personne qui me rend pleinement heureux... et complètement dingue...
Je ne bouge plus, j'ai un peu mal à la tête. Il faut dire que j'ai fait pas mal d'effort pour réfléchir et dire tout ça. Vu mon état, c'était colossal, mais je le devais. C'était sincère et vu les circonstances, je me devais de le dire. Si je ne le disais pas maintenant, je n'aurai jamais l'audace de le dire. Peu importe comment il réagirait, j'étais déchargé d'un lourd fardeau. Certes, il était implicite entre nous depuis des lunes, mais j'étais le premier à l'extériorisé, pour le meilleur ou pour le pire...
Je reste étonné lorsqu’il souffle que je fais partie des gens les plus importants à aviser en cas d’urgence. Moi? Mais…pourquoi? Ça fait des années qu’on ne s’est pas côtoyé et bien qu’on ait renoué contacte depuis plusieurs semaines, je l’avais quitté d’une façon si abrupte et cavalière quelques années plus tôt que je m’étonnais d’avoir encore cette place dans son esprit. Clematis avait toujours été intouchable, dans le temps, il se décrivait comme un simple passage dans la vie de ceux qu’il aidait, alors le fait qu’il exprime aussi fermement cette phrase m’étonnait beaucoup. Surtout que bon, il faut être un peu timbré pour me vouloir à ses côtés quand ça va mal puisque j’avais des tendances à l’hystérie qui pouvait en exaspérer plus d’un. Pourtant, cette confession me toucha et me bouleversa. Serait-ce possible que j’existe assez pour être…positif, dans la vie d’une personne? « Ne dit pas ça, je suis sûr que tu as des gens de valeur dans ta vie qui t’aime et qui s’inquiète pour toi » Soufflais-je doucement, dans un élan de fausse modestie. Fausse? Peut-être pas. Clematis était tout de même l’une des rares personnes avec qui je n’avais pas envie de jouer un jeu.
Sa main contre ma joue est chaude et pourtant glacial. Il me regarde, mais dans ses yeux c’était comme s’il revivait ce moment où son agresseur l’a tabassé avant de l’abandonné pour mort, s’enfuyant avec son argent et ce qu’il possédait. Ce connard, si on pouvait me dire son nom, je m’arrangerais pour faire de sa vie un enfer. Certes, je n’étais pas très menaçant ni même particulièrement costaud, mais je connaissais beaucoup de monde dans les bas quartiers de Los Angeles et très peu d’entre eux étaient recommandable. « En sortant d’ici, je vais passer chez toi et je vais tout nettoyer. Comme ça à ton retour, tu ne seras pas confronté au bordel que ce salaud a laissé chez toi » Promis-je doucement, sans ajouter également qu’ainsi, il ne verrait pas son propre sang imprégné sur les sols, les murs et les meubles de sa demeure. Il ne replongerait pas dans ses terrifiants souvenirs en franchissant le pas de la porte de son appartement, foi de Darius!
Je suis tellement déterminé à rendre son retour le plus agréable possible que je n’entends pas sa phrase concernant le fait que j’étais tout ce dont il avait de besoin. De toute façon, même si je l’avais entendu, je ne l’aurais pas cru puisqu’en ce moment, la vie s’acharnait à me montrer à quel point j’étais futile dans cette existence. C’est seulement lorsqu’il prononce le nom d’Hadès que je comprends qu’il a recommencé à parler. Je reste d’abord un peu surpris puisque je n’ai jamais parlé à Clematis de l’homme d’affaire qui m’avait fait croire qu’on pouvait m’aimer…avant de disparaitre de ma vie sans aucun mot, aucune explication, aucune accusation ou même excuse. Pourquoi parle-t-il de lui? Mon esprit est en effervescence alors que je l’écoute parler. Il déteste Hadès? Est-ce que c’est lui qui l’a attaqué? Lilas m’avait dit qu’il pouvait être violent lorsqu’il était en colère et j’avais tout de même remplacé son avocat par le frère de Clematis en lui spécifiant que c’était le frère de mon ex…même si Clem et moi n’avions jamais vécu d’histoire en tant que tel, juste de petits intermèdes volés au rythme effréné de la vie.
Ses paroles me confortent de plus en plus dans cette idée et l’envie me prend d’appeler Hadès pour lui demander pourquoi il avait fait ça…mais la dernière phrase de Clematis me frappe de plein fouet. Non, ce n’était pas Hadès qui l’avait violenté…c’était lui qui lui avait dérobé le cœur de celui que Clematis désirait dans sa vie. Moi? Je secoue la tête doucement. « Clem, c’est le choc et la peur d’avoir frôlé la mort qui te fait dire ça…voyons, c’est moi, Darius…le mec qui est sympa à baiser, mais détestable à supporter… » Dis-je, d’une voix perdue, sans croire les paroles qu’il venait de dire. L’une des raisons de ma fuite à l’époque c’était mes sentiments pour le roux atomique que je tenais contre moi, mais également parce que je savais que celui qui m’avait tant aidé ne nourrissait pas la volonté d’être amoureux. Pourquoi ça aurait changé? Non, c’était sans aucun doute le traumatisme qui le faisait parler comme ça. « Je pense que je devrais te laisser te reposer, tu vas commencer à dire des trucs que tu regrettes, comme cette déclaration, et après, tu en seras mortifié » Répondis-je avec douceur, ne voulant pas le rejeter, mais ne voulant également pas me manger un autre coup à l’égo lorsqu’il me dirait dans quelques jours que c’était l’angoisse qui l’avait fait dérailler.
Je sors doucement du lit, je lisse mes vêtements et j’esquisse un sourire si timide et peu moi qu’il doit me défigurer le visage. « Ne t’inquiète pas, je vais remettre ton appartement en état…j’ai encore ma clé, je ne te l’ai jamais rendue » Avouais-je finalement en espérant que ce petit détail le ferait sourire ou même rire.