« Va voir Maël ? » Je regarde Lily dans mon rétroviseur, alors que la main d’Emma le caresse doucement la cuisse. Depuis le week-end de mon anniversaire, Lily nous demande souvent des nouvelles de Maël, comme si ce petit garçon l’avait touché, elle aussi. Elle n’a pas conscience que moi, aussi il me touche. Moi aussi, il me manque. Pour le moment, personne n’a voulu l’adopter parce qu’il est bien trop réservé, bien trop silencieux pour son âge. Il est timide, reste dans son coin, parle à peine. Il est simplement bousillé. Et pourtant, avec moi, il s’ouvre. Il change. J’avais déjà émis l’idée de l’adopter, et si j’ai déjà fait les papiers de l’adoption pour Lily, j’en ai profité pour faire la même avec Maël. La procédure sera plus longue, mais la demande est là. Traîne dans mon coffre, dans l’attente de deux signatures. Celle d’Emma, et la mienne. Et je sais qu’elle sera la première à vouloir l’y inscrire. Mais je bloque parce que mon monde est bien trop noir pour des enfants, il est bien trop dangereux pour compliquer officiellement les choses. Je mets ma vie en pause, de ce côté-là, en attendant qu’Ezra nous dépatouille de ce merdier. Je suis surtout fatigué des derniers évènements. Revoir Victoria, m’émanciper d’elle et trouver la force de surmonter ça, en partie grâce à Emma, m’a beaucoup coûté. Oh, je sais que je finirai par aller mieux, que chaque jour me renforce sur cette conviction, mais le contrecoup est difficile à encaisser. Et ça doit se ressentir, je suppose. Assez pour qu’Emma ose parfois s’inquiéter en me demandant si je vais bien. Mais revenant à Lily qui me regarde, je finis par répondre : « Oui, on va le voir » alors qu’elle déjà tape des mains, comme si elle était heureuse. Moment réservé aux enfants de l’orphelinat, Emma étant en pause maternité et Lily en vacances, j’ai simplement pris ma journée pour pouvoir passer une journée complète avec eux. Avec Maël. L’orphelinat étant ouvert à aux visiteurs ce mois-ci, pour diverses activités festives, je gare avec difficulté la voiture. « Y’a du monde » Je grogne un peu, sans pour autant en vouloir, parce que c’est une bonne chose. Enfin garé, Lily court déjà vers l’entrée, alors qu’Emma me saisit la main en se frottant le ventre. Sa rondeur se voit bien trop désormais, et les enfants ne le savent pas encore. Un peu stressé de cette grande annonce sur le qui-vive, on finit par rentrer dans l’énorme bâtisse bien trop décorée. Certains adolescents sourissent et me saluent de loin, chuchote en voyant le ventre d’Emma grossir, et dès que mon regard se verrouille sur Maël, il est déjà en train de courir vers moi. Je lâche la main d’Emma, saisit le petit et le ramène dans mes bras. « Comment tu vas mon grand ? » Dieu qu’il m’a manqué !
Je tiens énormément compte d’Eli. Attentive et à l’écoute, depuis Thanksgiving je suis incapable d’agir autrement. L’avoir vu aussi mal, autant détruit par cette femme dont je refuse de prononcer le nom – un peu comme Voldemort quoi – m’a poussé à veiller d’autant plus sur mon petit ami. Je ne m’oublie pas pour autant, surtout avec la grossesse. Il faut que je fasse attention à moi. Le risque d’une fausse couche n’est pas encore écarté et si ma gynécologue est parvenue à me rassurer, j’ai toujours cette crainte que le pire arrive à mon bébé. La dernière fois le stade n’était pas aussi élevé, si je venais à perdre mon bébé maintenant, je sais que je serais incapable de m’en relever. Ces tristes pensées chassées de mon esprit, je me focalise sur quelque chose de plus joyeux : la soirée de Noël à l’orphelinat. Là pour les enfants qui y vivent, je n’aurais manqué ça pour rien au monde, encore moins en sachant que ça nous permet de voir Maël. Lily a souvent réclamé après lui suite à notre week-end à Big Bear Mountain. Il y a eu quelque chose entre ces deux-là, un lien que nous avons très vite remarqué avec Eli. J’aurais seulement aimé lui permettre de le voir plus souvent. J’ignore où Eli en est quant à l’adoption de Maël. Nous avons parlé rapidement de celle de Lily, mais le sujet Maël n’a pas été abordé de nouveau depuis un moment. Il a besoin de temps pour se faire à l’idée d’être père, peut-être que le fait de l’être de trois enfants d’un coup est un peu trop. Quoi qu’il en soit, je patiente tout en étant heureuse de pouvoir voir la petite bouille blonde ce soir. « Va voir Maël ? » Demande Lily, installée confortablement dans son siège-auto. Regard posé sur Eli dont je caresse la cuisse, je le laisse répondre avec un petit sourire en coin. « Oui, on va le voir » Frappant dans ses petites mains pour exprimer sa joie, je souris avec tendresse tandis que nous approchons du manoir où je n’ai jamais vu autant de voitures. « Y’a du monde », « C’est une bonne chose. » Répliquais-je malgré sa difficulté à trouver une place où se garder. Cet évènement va permettre de récolter de l’argent pour les orphelins, leur offrir un Noël digne de ce nom et potentiellement leur trouver une famille, ce n’est pas rien. Enfin sortie de la voiture, j’apprécie le fait de pouvoir m’étirer en laissant Eli gérer Lily qui s’empresse de courir vers l’entrée sans nous attendre alors que ma main trouve celle de mon petit ami, l’autre se posant sur mon ventre bien rond. « Heureusement qu’il y a pleins d’enfants, elle a trop d’énergie ce soir. » Je râle alors que nous gagnons à notre tour l’entrée du manoir. Sans prêter attention aux regards et aux chuchotements à notre arrivée, je vois surtout Maël courir droit vers Eli qui me lâche et l’attrape au vol. « Comment tu vas mon grand ? », « A va. » Qu’il répond avec un sourire qui me fait fondre. Puis son regard passe sur moi, son sourire s’élargit puis se dissipe un peu lorsqu’il fronce les sourcils en voyant mon ventre arrondi. Il se penche en restant dans les bras d’Eli en tend une main. « Y a un bébé ? » Qu’il demande de sa petite voix fluette, parvenant à toucher mon ventre lorsqu’Eli l’y aide. « Oui, petit comme ça. » Je lui montre à peu près la taille du bébé – soit petit – et vois ses yeux pétiller aussitôt. Il se redresse vivement et regarde Eli avec un petit sourire puis lui fait un bisou sur la joue. « Okay, je vais aller chercher Lily avant de me mettre à pleurer. Soyez sages. » Baiser déposer sur la joue de Maël, j’embrasse Eli et fonds dans la masse à la recherche de ma fille parmi tous ces enfants.
« Heureusement qu’il y’a pleins d’enfants, elle a trop d’énergie ce soir. » me dit-elle en râlant lorsque Lily court rejoindre les autres enfants. A chaque fois, c’est la même rengaine. Fille unique pour le moment, elle adore jouer avec les autres enfants. Bientôt, cette dynamique changera, nous le savons tous. Est-ce que ce sera un petit gars ou une petite fille ? Nous n’en avons aucune idée. Je ne veux pas savoir pour le moment, de peur que cette révélation change l’acceptation que j’en fais. J’en ai peur, et Emma respecte ça pour le moment. Qu’importe le sexe de ce bébé, il sera aimé, je le sais. A peine nous rentrons dans le manoir que Maël se rue vers moi pour que je le prenne dans mes bras. Il m’a manqué, beaucoup trop. Au même titre que Lily, j’ai déjà commencé les démarches pour son adoption. Mais je ne peux pas le faire pour le moment. « Y’a un bébé ? » demande-t-il après m’avoir dit qu’il allait bien. Mon regard suit le gros ventre d’Emma qu’elle ne peut plus cacher, alors qu’elle sourit. Je me penche un peu pour l’aider à toucher : « Oui, petit comme ça » Une si petite taille encore, qui me fait sourire malgré moi. Il sourit, se redresse et me planque un bisou sur la joue alors que je resserre mon étreinte contre lui : « Okay, je vais aller chercher Lily avant de me mettre à pleurer. Soyez sages. » Je réponds à son baiser, avant qu’elle nous laisse seuls. « Alors, qu’est-ce que tu veux faire ? » Il désigne l’animation au loin, où des gamins jouent à choper des canards dans de l’eau. Je m’en approche, le dépose, et lui tends le nécessaire pour le laisser jouer. « T’es bénéfique pour lui, tu sais ? » La voix d’Anaeli me fait presque sursauter. Je lui souris, en mettant mes mains dans les poches de mon pantalon à pinces. « Il est ouvert que lorsque t’es dans les parages. C’est à peine s’il ose nous dire bonjour. Mais avec toi… »« Je sais… » Je soupire, en prenant doucement conscience qu’inconsciemment, Maël m’a choisi. Autant qu’il me rappelle ce petit garçon que j’étais autrefois. « T’as déjà pensé à… » « L’adopter ? » Je finis sa question avant qu’elle n’ose continuer. C’est un peu brut, mais c’est aussi ce qu’on demande aux bénévoles, d’oser poser la question et de trouver un foyer heureux pour les gamins. « J’y ai pensé, oui. Mais c’est pas le bon moment » Elle acquiesce et sourit : « Je comprends » Au fond, j’en doute, elle est simplement polie. Mais mon regard lui n’a pas quitté Maël. Ce petit qui mérite toute l’attention du monde, ce petit qui mérite d’être avec nous constamment. Putain…Ezra, qu’est-ce que tu fous ?
Je sais que cette soirée compte pour Eli. Je sais ce qu’elle représente pour tous les enfants qui vivent au manoir et je sais également qu’une part de lui angoisse. Il angoisse à l’idée que d’autres parents décident d’adopter Maël. C’est un risque, nous le savons tous les deux, néanmoins je sais que dans son cas ça le travaille énormément. Ce petit garçon le touche. Ce petit garçon fait remonter certaines choses en lui et je sais qu’il l’aime déjà démesurément. Un amour que Maël ressent également envers mon petit ami. Seulement cette crainte de précipiter les choses que semble avoir Eli fait qu’il laisse le risque grandir un peu plus chaque jour. Je le respecte que trop pour juger sa décision et cette patience qu’il s’efforce d’avoir. La seule véritable crainte que j’ai en les regardant tous les deux, presque comme père et fils, c’est que si Maël finit par être réellement adopté par une autre famille, Eli ait du mal à s’en remettre. Ce n’est pas des pensées à avoir maintenant, pourtant je ne peux pas m’en empêcher. Je veux le meilleur pour lui parce qu’il le mérite et que je l’aime à ce point, j’ignore seulement de quelle façon l’aider à effacer sa peur et à passer cette étape sans trop encore le pousser. Baiser échangé après lui avoir annoncé aller chercher Lily, je me faufile à travers la foule, une main posée sur mon ventre de moins en moins discret. J’ai arrêté d’essayer de le cacher ces derniers jours. Ne rentrant plus dans une grande partie de mes vêtements, j’ai dû renouer avec les vêtements de grossesse et laisser mon ventre se faire de plus en plus visible. Et, à vrai, j’en suis plutôt fière désormais. Il est la preuve de notre amour, des progrès que nous avons fait l’un et l’autre. Retrouvant ma fille dans un petit groupe d’enfants, elle revient immédiatement vers moi et pose sa petite main sur mon ventre. La discussion sur la grossesse s’est avérée plus facile que ce que je pensais malgré ma crainte qu’elle vive mal la naissance du bébé. « On a trouvé Maël, tu veux toujours jouer avec lui ? » Secouant vivement la tête, j’attrape sa main et balaye les alentours du regard pour les retrouver à ce qui me semble être un petit stand de pêche au canard. Eli en discussion, je le laisse un peu et préfère rapprocher les enfants. « Maël, t’es d’accord pour que Lily joue avec toi ? » Je sais qu’il est important de demander les choses à un enfant plutôt que de leur imposer et j’ai compris qu’avec le petit garçon, c’est d’autant plus important. Confirmant d’un mouvement du chef, il va jusqu’à tendre une canne à pêche à Lily. Large sourire aux lèvres, je les embrasse tour à tour et ajoute : « Amusez-vous bien, on est juste derrière avec Eli. » Je leur montre du dos l’endroit où Eli se trouve désormais seul et je file le retrouver, me glissant dans ses bras malgré mon ventre. « T’as l’air soucieux. » Annonçai-je en ramenant une main sur sa joue. « Qu’est-ce qu’il y a dans ta tête, Wayne ? Dis-moi. » J’ignore si c’est vraiment le moment et l’endroit pour qu’il s’ouvre mais depuis Thanksgiving j’ai d’autant plus besoin qu’il me parle pour savoir de quelle façon l’aider ou, du moins, essayer de le faire. Jamais plus je ne veux le revoir dans l’état dans lequel il était lors de cette soirée et si je dois anticiper ça, il me faut savoir ce à quoi il pense. Un minimum du moins.
Ana s’éclipse, sans un mot. Mais mes pensées sont légèrement obscures. Elles sont concentrées sur Maël, Emma, Lily. Sur les Castiglios. Sur Ezra. Je sens que quand tout va exploser, tout va partir en vrille. Mon instinct ne me trompe souvent jamais, et je crains que ce moment-là, tout ce que j’ai osé construire se détruise à jamais. J’aimerai pouvoir faire les choses autrement. J’aimerai pouvoir avancer dans ma vie, sans avoir des boulets au pied, qui me ramène sans cesse à mon passé, à des responsabilités que je ne veux guère. Lily rentre dans mon champ de vision, et je relève aussitôt la tête vers Emma qui semble aussi douce avec Maël. Je souris malgré moi, avant qu’elle ne se relève, et n’arrive vers moi. Mes bras s’ouvrent instantanément pour qu’elle s’y glisse, son parfum m’enivrant assez rapidement. Très peu de monde m’ont vu en couple, en réalité. Et cela étonne sans doute de me voir si proche et si tendre avec une femme, mais Emma, c’est le diamant précieux de ma vie. « T’as l’air soucieux. Qu’est-ce qu’il y a dans ta tête, Wayne ? Dis-moi » Je soupire, parce qu’elle lit en moi comme dans un livre. Comment arrive-t-elle à faire ça, hein ? Comment me comprends-t-elle sans avoir besoin de me parler ? Bien qu’elle n’ait aucune idée de ce que j’ai dans la tête, elle sait que mes pensées ne sont pas claires. Peut-être que Thanksgiving y est pour quelque chose, mais ça continue de m’étonner. Je viens déposer un baiser sur sa joue, puis dans son cou, avant de souffler : « C’est rien. Profitons de la soirée, c’est important pour eux » Je désigne Lily et Maël, mais aussi les enfants. Je préfère rester en retrait pour le moment, et leur laisser le plaisir d’en profiter. Son regard tente de m’étudier une seconde, elle veut savoir, je la connais. Mais peut-être parce qu’elle juge que ça doit venir de moi, elle n’insiste pour le moment pas. A la place, elle me caresse la joue avec tendresse, et je viens l’embrasser rapidement sur ses lèvres. Je t’aime, Emma Sheridan. Ne l’oublie jamais » C’est devenu une facilité, de le lui dire. J’ai mis des années à comprendre mes sentiments pour elle. J’ai mis des mois à lui dire ces trois petits mots. Mais maintenant, c’est comme dire une évidence. Comme si, ces paroles sont infimes par rapport à tout ce que je ressens pour elle, si bien qu’ils deviennent presque insignifiants. « Eh bien, félicitations Eli ! » Mon regard se retourne vers une de nos investisseurs : cheveux bouclés, longues gambettes, décolletés toujours admirables... Gabriella. Une adoratrice des enfants, mais qui n’a jamais réussi à tomber enceinte, qu’importe ce qu’elle ait osé tester. L’adoption n’a jamais été une option pour elle, parce que son boulot a fini par lui prendre tout son temps, mais parfois, je me demande si sa réelle intention avait été d’aider les enfants de l’orphelinat ou tout simplement rentrer dans mon cercle. Sa main retrouve aussitôt mon épaule, son sourire est niais : « C’est une jolie opportunité que vous donnez là aux enfants » Je souris par habitude, tout en osant pas enlever sa main de mon épaule. Emma toujours dans les bras, elle semble s’en apercevoir sans pour autant limiter son contact. « Gabriella, je vous présente… »« Emma Sheridan, personne n’a besoin de la présenter » dit-elle d’un ton presque trop autoritaire. « Ma compagne » J’ajoute, en regardant Emma pour ajouter : « Je te présente, Gabriella, un de nos anges gardiens pour les gamins » La main de Gabriella glisse cependant de mon épaule, à mesure qu’Emma s’impose et me ramène contre elle. J’ai toujours aimé voir Emma prendre autant d’assurance, et être aussi protectrice. Comme si j’étais sa propriété. La sienne. Et au fond, je n’arrive pas à supprimer ce petit rictus qui se dessine sur mes lèvres.
Eli, je le connais par cœur. Non seulement ça fait des années que nous nous connaissons – depuis adolescents très exactement, voire même plus loin que ça – mais j’ai d’autant plus appris à la cerner depuis que nous sommes ensemble. S’il parvient à deviner mes pensées, j’en fais de même. Je sais que quelque chose le travail, il est bien trop pensif, bien trop observateur pour me le cacher. Là sans vraiment l’être, lui qui a pour habitude de se mêler au reste des enfants, il reste bien trop à l’écart pour me cacher que ses pensées se bousculent dans son esprit. Mais si j’aime qu’il s’ouvre à moi, qu’il se confie pour ensuite se sentir mieux, il sait également que s’il ne veut pas parler maintenant, jamais je ne l’y forcerai. « C’est rien. Profitons de la soirée, c’est important pour eux » Mon regard dévie vers les enfants bien que ma main reste posée contre sa joue que je caresse avec tendresse. Je l’étais déjà beaucoup auparavant mais depuis le début de la grossesse, depuis nos disputes assez violentes, j’ai ce besoin de garder un contact physique avec Eli, de préférence tendre. Pour autant, je tente de savoir malgré moi ce qu’il se passe dans sa tête. Mon altruisme et mon amour pour lui font que je ressens ce besoin de m’assurer qu’il va bien, qu’importe s’il parle ou non. Il me faut seulement l’analyser pour être sûr qu’il est bien ici et qu’il n’a pas besoin de rentrer. « Je t’aime, Emma Sheridan. Ne l’oublie jamais » Je souris en entendant ces quelques mots qui me font toujours autant de bien. « Je t’aime aussi, Eli. De tout mon être. » J’attrape doucement sa main que je pose sur mon ventre. C’est ce petit être qui grandi qui nous prouve chaque jour à quel point nous nous aimons, à quel point nous sommes prêts l’un et l’autre à nous dépasser pour ce que nous ressentons. « Eh bien, félicitations Eli ! » Dans un léger sursaut, je me tourne vers la nouvelle venue que je détaille sans un mot. Une femme qui n’éprouve aucun gène à poser sa main sur l’épaule de mon petit ami comme si je n’étais pas là. « C’est une jolie opportunité que vous donnez là aux enfants » Collée à mon petit ami, je détaille cette femme en évitant de plisser les yeux ce qui prouverait que je tente de trouver par quel moyen la faire dégager. Je préfère me rapprocher d’Eli sans un mot. « Gabriella, je vous présente… », « Emma Sheridan, personne n’a besoin de la présenter », « Ma compagne. Je te présente, Gabriella, un de nos anges gardiens pour les gamins » Désormais lover contre Eli comme si j’étais un bouclier entre lui et Gabriella, je tends une main en lui offrant un sourire parfaitement faux mais poli. « Ravie de faire votre connaissance, Gabriella. J’espère que les louanges d’Eli sont véridiques et que vous saurez faire une nouvelle fois preuve de votre générosité. Ces enfants ne pourront qu’en être heureux. » En d’autres termes ce n’est pas pour Eli qu’elle signera ce chèque mais pour les gosses. C’est pour eux qu’elle doit être là et non pas pour tenter de lui tourner autour à moins de vouloir que je lui arrache moi-même les yeux et lui coupe sa main ! « Evidemment ! » Déclare-t-elle même si je note le petit tremblement dans sa voix qui me fait sourire. Elle nous regarde tour à tour et fuit vers les autres invités ce qui me fait ricaner tandis qu’Eli me regarde. « Quoi ? C’était ça où je lui faisais bouffer sa main. » Dis-je en haussant simplement les épaules.
« Je t’aime aussi, Eli. De tout mon être » Dire qu’il y’a des mois, je n’arrivais pas à le lui dire. Je n’arrivais pas à simplement comprendre ce que c’était l’amour, ce qu’Emma me faisait ressentir. Aujourd’hui, c’est net, clair comme de l’eau de source. Je n’ai aimé personne d’autre qu’elle. Victoria ? C’était autre chose, rien de comparable, réellement. Mon libre arbitre était biaisé, ma dépendance me rendait aveugle. C’est devenu simple de le lui dire, de lui ouvrir mon cœur, parce que je sais exactement qu’elle y voit tout aussi net. Je souris quand même lorsqu’elle attrape ma main pour la déposer sur son ventre bien rond désormais, même si c’est une courte durée puisque Gabriella nous interrompre comme jamais. Gabriella qui empiète mon espace vital, comme à chaque fois, parce qu’elle suppose qu’elle a le droit de me toucher autant qu’elle le désire. « Ravie de faire votre connaissance, Gabriella. J’espère que les louanges d’Eli sont véridiques et que vous saurez faire une nouvelle fois preuve de votre générosité. Ces enfants ne pourront qu’en être heureux » Je regarde le regard de Gabrielle flancher une seconde, avant de regarder Emma qui semble très satisfaite d’elle-même. « Evidemment ! » dit Gabriella avant de tourner et de s’éclipser pour filer comme si le diable était à ses trousses. Je continue de regarder Emma avec un sourire très large : « Quoi ? C’était ça où je lui faisais bouffer sa main » Je ris, venant lui déposer un baiser dans le cou. « Je n’ai d’yeux que pour toi, tu le sais » Parce que je pourrais avoir une armée de Miss Univers sous le nez, je regardais uniquement elle. Mais j’aime son côté possessif, parce que je sais que je lui appartiens. Je sais que moi, elle ne m’échangerait pour rien au monde – et quelque part, ça me rassure et fait gonfler ma fierté. « Allez, viens…on va aller jouer un peu avec les gamins » On se rapproche de la table, main dans la main, pour tenter de se frayer un chemin, et jouer avec eux. Cette journée spéciale pour eux, permet à des familles de venir rencontrer un peu les gamins, et potentiellement les pousser à l’adoption. Maël très proche de nous, rit aux éclats, et attire les regards de nombreuses de personnes. Lorsque je constate qu’un couple nous regarde un peu trop insistant, je fronce des sourcils. Le type me fait signe une seconde, et je souffle à Emma : « Je reviens » Je me lève, m’éclipse du petit groupe, et tends une main : « Eli Wayne, enchanté » « Le propriétaire de l’orphelinat ? » « Moi-même » Je remets correctement ma chemise, avant que l’homme se racle la gorge et ajoute : « Ce petit garçon, c’est bien Maël, c’est ça ? » Je sursaute une seconde, et retourne la tête vers eux : « Oui, c’est bien Maël »« A vrai dire…ça fait plusieurs fois qu’on vient à l’orphelinat, parce que l’adoption est….notre chance » J’acquiesce doucement, alors que je sens au fond de moi quelque chose qui va me tirailler les entrailles. « Ma femme a remarqué Maël, la dernière fois…et on avait peur qu’il soit un peu trop introverti avec nous, mais il rit aux éclats avec vous, alors…on s’est peut-être trompé » J’encaisse les informations, mais ma tête ne retiens qu’une information : ils ont remarqué Maël. Mes poings s’enfoncent dans les poches de mon pantalon alors qu’ils se contractent. « Disons que l’histoire de Maël est compliqué. Il s’ouvre difficilement »« Mais à vous oui… ? » Ils semblent perdus, et je peux comprendre. « C’est le cas. C’est un petit garçon qui a beaucoup souffert, mais il mérite de trouver une famille qui le rends heureux tout en étant prêt à accepter que ce ne sera pas facile » La femme prend alors la parole et ajoute : « On…est patient » Je déglutine, mais ajoute par courtoisie : « Alors…Revenez-nous voir un jour plus calme pour vous montrer son dossier, en attendant…vous pouvez aller lui parler. Venez » Qu’est-ce que je fous ? Je tourne des talons, et me penche vers Emma : « Laissons un peu Maël tranquille, d’accord ? » Ma voix est ferme, presque trop renfermée sur elle-même. Je sais qu’au regard d’Emma qu’elle s’interroge, mais lorsqu’elle voit ce couple, c’est moi qu’elle ne quitte pas des yeux. Pourtant, on s’exécute, les laissant tranquille.
Il y a certaines choses qui n’ont jamais changé, des choses que nous avions déjà pour nous depuis le début : cette facilité à se comprendre l’un et l’autre. Pourtant, nous l’avons énormément négligé au début à cause de notre fierté et du fait que nous n’étions pas prêts à accepter notre relation et encore moins nos sentiments. Désormais que c’est chose faite, je sais dire en un seul regard lorsque mon petit ami ne va pas bien. Il pourra me dire ce que bon lui semble, je le sais. Il y a cette lueur dans son regard qui ne trompe pas, cette lueur qui veut dire qu’il va mal mais qu’il fait de son mieux pour le cacher. Et Eli y parvient merveilleusement bien. C’est un maître dans l’art de camoufler ce qu’il ressent, malheureusement – ou heureusement – pour lui, ça ne fonctionne plus avec moi. Néanmoins, je respecte son désir de se focaliser uniquement sur les orphelins aujourd’hui ce qui est tout à son honneur. La compassion et l’amour dont fait preuve cet homme sont incommensurables et je ne suis pas certaine qu’il en ait conscience, encore maintenant. Mais ce qui me fait très vite penser à autre chose c’est cette femme dont la main se pose librement sur l’épaule de mon petit ami. Cette main qui tente de prendre du territoire sans que sa propriétaire n’ait la moindre idée de ce qui l’attend en face. Possessive envers Eli, bien que je sache n’avoir aucun souci à me faire – même en étant enceinte et énorme, c’est dire – je ne supporte pas qu’on tente de s’approprier ce qui m’appartient. Et, étant donné ma tendance à mordre lorsque c’est le cas, je ne me retiens pas. Gabriella remise à sa place de façon assez subtile, je jubile presque de la voir s’éloigner en tâchant de garder la tête haute ce qui n’échappe visiblement pas à mon petit ami. « Je n’ai d’yeux que pour toi, tu le sais » Souriant de toutes mes dents – ou presque – j’apprécie son baiser autant que ses propos. « Ce n’est pas parce que je le sais qu’elle a le droit de toucher à ce qui m’appartient. Et ce n’est pas non plus ce ventre énorme qui m’aurait empêché de lui en coller une. » Oui bon, j’ai aussi parfois tendance à être violente ce qui n’est pas une nouveauté avec mon caractère de merde. Allez, viens…on va aller jouer un peu avec les gamins » Acceptant l’idée avec envie, je le suis, une main sur mon ventre que je caresse par automatisme alors que nous retrouvons Maël et Lily qui ne nous lâchent plus. La complicité entre ces deux-là est évidente, assez pour que j’ai envie de prendre le petit à la maison plus souvent pour les voir jouer ensemble et les entendre rire. Je sais que d’ici quelques mois le manoir accueillera un autre enfant, qu’il faudra jongler avec de nouvelles responsabilités mais voir Maël et Lily jouer ensemble c’est … touchant. « Je reviens » Sortie du puzzle que je faisais avec les enfants, je lève la tête vers Eli qui pourtant s’éloigne déjà en direction d’un couple plus loin. Etant donné ce pourquoi cette journée est faite, je ne suis pas plus étonnée que ça et je me focalise très vite de nouveau sur le puzzle. « Allez Maël, je sais que tu sais où va cette pièce. » Assure-je en caressant sa petite joue encore un peu potelée d’enfant qui sort du stade bébé. Concentrée sur le fait d’aider à mettre les pièces au bon endroit et dans le bon sens, je sursaute lorsque je sens le souffle d’Eli près de mon oreille. « Laissons un peu Maël tranquille, d’accord ? » Cette froideur dans sa voix ne m’annonce rien qui vaille. Sourcils froncés, j’accepte néanmoins de me lever et le suis pour nous éloigner du groupe d’enfants. Seulement cette tension que je sens émaner de lui a trop vite raison de ma patience. Je glisse ma main dans la sienne et l’entraîne un peu en retrait jugeant que la notre conversation ne regarde que nous deux. « Ils t’ont posé des questions à propos de Maël, pas vrai ? Tu te fermerai pas autant s’il était question d’un autre enfant. » J’anticipe sa réponse pour ne pas l’entendre me dire qu’il ne veut pas en parler ou qu’il m’expliquera plus tard. « Eli … Je comprends que tu aies besoin de faire les choses à ton rythme mais je ne comprends pas pourquoi tu retardes autant l’adoption de Maël ? Tu le veux et tu sais que je le veux aussi. A retarder tu prends le risque qu’une famille l’adopte et on sait tous les deux que tu le vivras mal. » Je le connais par cœur, autant que je connais son attachement pour ce gamin, la seule chose que je ne saisi pas c’est la raison pour laquelle il refuse d’adopter le petit maintenant.
Je sais que je mets en pause ma vie. J’essaye de faire les choses bien, peut-être parce que j’ai une tendance à m’autodétruire en voulant surprotéger les gens que j’aime au plus profond. Mais, cette situation commence à être de plus en plus difficile à gérer. Comment m’en sortir ? Je ne sais pas. Expliquer à Emma la situation n’est pas possible : ça la détruirait, ça réduirait la confiance qu’elle a en moi. Je ne le supporterai pas. Je pense à ses papiers qui attendent sagement – parce que oui, j’ai fait les démarches – et qui pourrait devenir réalité en une fraction de seconde. Mais, je ne l’ai jamais donné. Je sens la main d’Emma se glisser dans la mienne, me faisant un peu sursauté en revenant à la réalité. Elle m’entraîne, laissant Lily rejoindre un autre groupe d’enfants. Mais je ne fais plus gaffe à rien, ce n’est que lorsque nous sommes que tous les deux que le regard d’Emma s’abat sur moi comme pour m’achever : « Ils t’ont posé des questions à propos de Maël, pas vrai ? » Je déglutine difficilement, sans arriver à le lui confirmer. Mais elle le sait, de toute manière. Cette femme lit en moi comme dans un livre. Comment j’arrive à lui cacher encore des choses ? Ça relève d’un miracle. « Tu te fermerai pas autant s’il était question d’un autre enfant »« C’est… » Compliqué, mais je n’ai pas le temps de commencer qu’elle ajoute me coupant l’herbe sous le pied : « Eli…je comprends que tu aies besoin de faire les choses à ton rythme mais je ne comprends pas pourquoi tu retardes autant l’adoption de Maël ? » Parce que ce serait le mettre en danger, au même titre que Lily, que toi. Parce que ce serait te dire que ton père trempe dans des affaires dangereuses et qu’il me force à en faire de même. Parce que ce serait t’avouer que je te mens depuis des mois. Voilà, tout ce que j’ai envie de lui dire, mais je me tais. « Tu le veux et tu sais que je le veux aussi. A retarder tu prends le risque qu’une famille l’adopte et on sait tous les deux que tu le vivras mal » J’enfonce mes poings fermés de nouveau dans mes poches, en ajoutant un pauvre : « C’est trop tôt » Je dois trouver des excuses, je dois trouver comment lui cacher tout ça, tout en étant convainquant. Et je me haïs de lui mentir comme ça, mais je n’ai pas d’autres solutions. « J’imaginais pas ma vie avec des gamins, Emma. Tu peux comprendre que trois gamins à charge, c’est compliqué à me faire digérer, non ? » Faux. Je n’ai jamais été aussi certain de toute ma vie : la grossesse m’a été difficile à encaisser, mais maintenant…elle m’a fait ouvrir les yeux. Elle m’a donné un but, un avenir. Maël et Lily aussi. Mais pour leur sécurité, je me dois de jouer ce jeu encore un peu plus longtemps. « Il mérite d’être heureux, ce gamin. Pas moi en père. » Je soutiens son regard, à mesure que mes ongles rentrent dans la paume de ma main. Merde…pourquoi est-ce si difficile de lui mentir comme ça ? De rejeter Maël alors que oui…l’idée même de le savoir heureux avec une autre famille me donne la gerbe ? Mais le pire reste de voir son regard qui ne change pas, parce qu’Emma me connait. Elle sait que quelque chose ne tourne pas rond dans ma tête, et qu’elle ne lâchera pas tant que je n’aurai pas craché le morceau. Mais…pas aujourd’hui. Je suis même à me dire que je préfère m’engueuler avec elle plutôt que de lui révéler toute cette merde. Parce que je sais que ça, ça la détruira, elle.
Ma vie, je la donnerais pour cet homme. J’ai toujours eu cette tendance à trop donner sans attendre en retour, une tendance qui n’a pas disparu depuis que je suis avec Eli, bien au contraire. J’aime démesurément, il le sait. Ca aurait pu le faire fuir, ça aurait dû le faire fuir et pourtant nous sommes là, tous les deux prêts à affronter un futur que nous n’avions pas imaginé. Un futur dans lequel je sais que je continuerai à me donner parce que c’est de cette manière que je fonctionne. Alors oui, je donnerais énormément pour mon homme et malgré ça je dois admettre que certaines de ses réactions, certains de ses choix m’échappent. Exactement comme ce soir. Nous savons tous les deux qu’il désire adopter Maël au même titre que je sais qu’il veut adopter Lily. Il est déjà un père pour ces deux enfants, se comporte comme tel et les aime comme tel. J’ai beau savoir qu’il veut aller à son propre rythme, je n’arrive pas à saisir qu’il soit prêt à prendre le risque de perdre sa chance avec Maël. A vrai dire, il y a encore bien des choses à propos d’Eli Wayne que je ne comprends pas. Le temps fera les choses, je le sais bien, ce soir j’ai simplement du mal à le comprendre. Peut-être suis-je en train de pousser un peu trop à tenter de le faire parler comme je le fais mais il sait comment je suis, il sait cette manie que j’ai à vouloir l’aider à parler et à extérioriser. « C’est … » Débute-t-il sans que je lui laisse pour autant l’occasion d’en dire plus. Je continue de développer ce que j’ai à dire, mon regard perdu dans le sien. « C’est trop tôt » Un soupire m’échappe sans que je parvienne à le camoufler. J’entends cette phrase sans arrêt et malgré ça, chaque jour j’ose croire qu’il se prouve avoir tort. « J’imaginais pas ma vie avec des gamins, Emma. Tu peux comprendre que trois gamins à charge, c’est compliqué à me faire digérer, non ? Il mérite d’être heureux, ce gamin. Pas moi en père. » Mes dents se serrent et sans avoir à voir mon reflet, je sais que mon regard s’est quelque peu assombri. Mes bras se croisent sous ma poitrine devenue d’autant plus imposante avec la grossesse et je maintiens mon regard dans le sien. « Cette excuse pourrait marcher si on avait pas déjà dépassé ça, Eli ! Tu l’as très bien digéré le week-end de ton anniversaire, arrête de me donner cette excuse maintenant. » Ce n’est pas forcément ce qu’il a envie d’entendre et alors ?! Il y a ces moments où il a besoin d’être secoué comme un prunier. « Il est heureux et tu es déjà un excellent père ! Je comprends pas ce qu’il se passe pour que d’un coup, tu fasses deux pas en arrière comme ça. Il y a une chose dont tu ne m’as pas parlé ? A propos de Maël ? » Je ne peux me retenir de demander certaine qu’il y a forcément une chose que j’ai manqué pour qu’il réagisse de cette façon et se ferme autant.
Accueil
Mar 15 Déc - 18:00