A la toute base, Winter n'avait rien prévu de faire pour les fêtes de fin d'année. D'une part parce qu'il détestait cela pour le traumatisme lors de son enfance avec tout le côté lourdement religieux que Noël représentait mais aussi parce que c'était totalement surcôté et qu'il préférait être seul qu'être entouré de gens hypocrites, dont il se fichait et réciproquement. Il fêtait parfois ces périodes là en compagnie d'ami.e.s lorsque ces derniers n'avaient rien d'autre à faire, parfois avec ses frères et/ou sa soeur, mais autrement, il n'était pas des plus motivé pour ces fêtes. Les seuls moments où il s'éclatait vraiment, c'était lors de soirées improvisées et totalement imprévues qu'il effectuait avec des proches. Il ne fallait pas croire, Winter était une personne très sociable. Il adorait les gens, il adorait les rencontres. Mais il les connaissait aussi, et il avait cette capacité d'analyse et cette façon de se lier par total feeling ou non. Remarque, à moins d'une trop grosse mauvaise première impression, il se laissait toujours le temps de connaitre un peu les gens parce qu'il acceptait le fait que les autres ne tournaient pas forcément de la même manière que lui. Et à partir du moment où il a adopté cette idée là, tout lui paraissait nettement plus facile. Enfin, jusqu'à un certain point. Winter pouvait endurer pas mal de chose, tolérer beaucoup de chose aussi. Il estimait d'ailleurs être quelqu'un sans connaissance du monde et dont l'avis pouvait changer du jour au lendemain du moment qu'on lui expliquait correctement les choses et qu'il y adhérait.

Cependant, il avait été invité par sa soeur et les amis de cettes dernière pour le nouvel an. Mais ses plans avaient totalement changés d'un moment à l'autre lorsqu'il reçut un message de la part de sa belle soeur, Lily, qui lui annonçait qu'elle ne faisait rien pour le nouvel an et proposait de faire quelque chose. Et pour rien au monde, il n'aurait manqué une occasion pareille.
Il avait donc prétexté à sa soeur qu'il avait eu une invitation de dernière minute 'qu'il ne pouvait refuser' et c'était un peu la vérité, mais il n'avait pas envie de lui dire de qui il s'agissait. En vérité, la relation, si on pouvait dire cela, qu'il entretenait avec Lily était trop précieuse pour qu'il fasse part aux autres de cela. Bien sûr qu'il l'aimait à en mourir, mais il s'interdisait de l'exprimer à quiconque, en particulier aux gens de sa famille. Il avait déjà dit à des collègues que son coeur était pris mais il n'avait jamais été plus loin que cela. Et bien qu'il était totalement célibataire et qu'il lui arrivait assez souvent de se permettre une aventure sans lendemain avec une femme, il disait vrai, son coeur appartenait totalement à sa belle soeur et ce, depuis qu'il avait posé pour la première fois les yeux sur elle. C'était elle que ses sentiments avaient choisie, "la seule" comme le disait Sam à Liam Neeson dans Love Actually. Forcément, la situation délicate dans laquelle il était vis à vis d'elle l'empêchait d'essayer ne serais-ce qu'une seule fois de la séduire. Lily vivait encore le deuil de son frère et il n'était pas ce genre de connard à profiter de la situation simplement par pur plaisir égoïste. Si Lily devait retourner avec quelqu'un d'autre, et que ce quelqu'un d'autre n'était pas lui, il l'accepterait sans hésiter. Forcément, il ne pourrait s'empêcher de ressentir de la jalousie et à vrai dire, il y songeait et se préparait déjà à cela. Mais jamais, ô grand jamais, il ne s'imposerait dans sa vie. Dieu seul sait pourtant à quel point il en avait envie, mais son bonheur à elle primait tellement sur le siens qu'il se refusait quoique ce soit. Et si, à tout hasard, le destin accepterait de les unir à un moment, ce sera parce qu'elle l'aura voulu avant tout.

Par conséquent, même si ça allait être une sorte de torture, il avait accepté son invitation à passer la soirée du nouvel an avec elle. Pour rien au monde il aurait refusé. Le seul moyen pour qu'il dise non, ç'aurait été parce que son état physique lui en aurait empêché. Du type imprévu qui l'aurait conduit à l'hôpital, ce genre de chose. Heureusement, ce n'était pas le cas et plus généralement, il n'avait pas de problème de santé particulièrement grave ou pire qu'un être humain lambda.

La soirée arrivant, il avait pris au passage un bucket de poulet frit. Les gens normaux préparaient tout un dîner de fête, lui, il se ramenait avec un équivalent de KFC, en un peu plus meilleur. Et c'était cela, son véritable kiff. Moins cher, moins compliqué, plus naturel. C'était l'image qu'il voulait donner de lui-même. Il savait qu'elle aimait cela également, sinon, il aurait apporté autre chose. Mais si cela ne suffisait pas, ils descendraient probablement pour acheter une pizza ou une connerie du genre. Un truc qui les feraient kiffer et passer une agréable soirée, ensemble, juste eux. Et ça lui suffisait, en vrai.

Arrivé chez elle, il attendit qu'elle lui ouvre. Aussitôt qu'elle apparut, ses pupilles se dilatèrent si fortement qu'il les sentait s'agrandir et il avait peur de se trahir ainsi. Ce genre de réaction du corps lors de fortes émotions que même un expert ne pouvait trahir, à moins d'être un total expert (et jusqu'ici, il en avait jamais rencontré). Il lui était, même sans cela, très compliqué de jouer le rôle du beau frère indifférent. Sa passion était telle qu'il devait prendre sur lui pour jouer le rôle de sa vie pour ne pas la brusquer ou lui faire peur. Lorsqu'on était amoureux à ce point, c'était vraiment un exercice très difficile, d'où le fait qu'il comparait cela à de la torture. Une torture qu'il aimait toutefois s'infliger, peut être était il un peu (beaucoup) masochiste sur les bords. Il se dit pourtant qu'à un moment, il lui dira. Mais pour cela, il avait besoin de temps pour lui présenter les choses, lui annoncer cela de manière à ne pas la gêner. Pour l'instant, il restait seul avec ses sentiments et c'était très bien ainsi.

"Eh bien, pour la nouvelle année, je nous ais ramené ma présence et... du poulet. Tu as toujours le droit de regretter, c'est encore possible" plaisanta-t-il.

Son coeur battait si fort qu'il s'étonnerait presque que personne ne l'entende, en particulier elle. Il n'était pas stressé ou nerveux, il subissait simplement les effets physique qu'elle lui procurait et c'était une sensation à la fois agréable et à la fois très pénible.

Winter avait pour habitude d’être assez discret et solitaire, surtout pendant les fêtes. Il avait sa propre conception des choses et autant il adorait être entouré car il était plutôt de nature sociable et qui aimait les rencontres, autant il avait besoin de sa solitude par moment. Les fêtes étaient assez terribles à passer, chaque année et qu’il hésitait toujours à accepter les invitations qu’on lui faisait ou à les décliner. L’année dernière, il l’avait fêté à une soirée et il s’était ennuyé pour partir finalement peu après minuit, après avoir souhaité la nouvelle année à tout le monde.
Cette année, pour la Nouvelle Année en tout cas, il avait prévu d’être seul, à continuer à écrire son bouquin, à écouter de la musique classique et être tranquille, loin des gens, de la pression et de toutes fêtes. Seulement, lorsque Lily lui avait proposé de le passer avec elle parce que finalement elle sera disponible et qu’elle n’avait personne, il n’avait pas pu décliner. De toute manière, Winter, c’était le genre de mec prêt à laisser tout tomber s’il pouvait se retrouver avec Lily. Depuis qu’il l’avait vue, il savait que plus rien ne serait comme avant et que, d’une manière comme d’une autre, son destin était lié à elle. Malheureusement, Cupidon avait lâché sa flèche au mauvais moment et à la pire situation que cela pouvait arriver. Il était tombé pour la femme de son frère et avait donc dû prendre le choix de ne pas tenter quoique ce soit. S’il n’avait eu aucune gratitude pour son frère, il aurait tout fait pour la séduire, pour qu’elle le préfère à lui, mais ce n’était pas le cas. Il avait beaucoup aimé Adam, c’était un type bien et qui avait aussi enduré la même famille bizarre et chiante que lui et qui avait voulu s’en sortir à tout prix. Il l’avait aidé d’ailleurs, et même s’il n’avait pas été tout le temps présent, il avait accepté d’aller à son mariage par reconnaissance, parce qu’il voulait lui faire plaisir et qu’il était tout simplement de sa famille malgré tout. Et puis, il l’avait rencontrée, la mariée. Et quelque chose s’était produit à ce moment, une voix dans sa tête avait clairement exprimé un “oh non” et bien qu’il s’était fait violence pour ne pas totalement sombrer, il n’avait pas pu s’empêcher de le faire. Plus il avait appris à la connaître, plus il en était tombé amoureux. Il aurait aussi pu s’enfuir, ne pas lui parler, faire l’autruche, comme un moyen de se protéger. A vrai dire, il y avait songé. Mais, dès qu’il fermait les yeux, son visage apparaissait dans son esprit, sa voix se faisait entendre, son rire, sa manière de le regarder, toutes ces choses qui faisait qu’il l’aimait du plus profond de son âme. Son prénom était devenu une obsession, il avait même donné son diminutif à un de ses personnages fort et qui était, on ne va pas le nier, l’une de ses préférées.

A la mort de Adam, il s’était montré le plus souvent possible pour elle, pour la soutenir dans son deuil et lui rendre la vie un peu joyeuse. Il voulait lui prouver que, malgré cette lourde épreuve, elle n’était pas seule, que la vie continuait et qu’il l’aiderait à remonter la pente. Il savait aussi ô combien elle pouvait être peinée, étant donné que si elle était amenée à décéder, il ne saurait pas dans quel état il serait et n’osait pas le penser. A ramasser à la petite cuillère, ça c’était certain. Si Lily était amenée à disparaitre, plus rien au monde ne lui donnerait goût à la vie. Ce serait comme un monde terne, où il serait simplement maintenu en vie par Dieu seul sait quelle force et que rien au monde ne pourrait le consoler. Il était tellement fortement attaché à elle que c’était ainsi qu’il voyait les choses. Mais il n’était pas question d’y penser. A sa connaissance, elle était en bonne santé et rien ne semblait prévoir une mort à l’horizon.

Il était donc arrivé chez elle, comme convenu, avec l’idée de manger… du poulet. Pas très bon pour la ligne, ce n’était pas non plus le repas de fête rêvé, mais il était comme ça Winter, naturel au possible. Les petites choses comme cela suffisait, selon lui, à faire l’affaire, à partager un bon moment. La connaissant, il était certain que ça allait lui plaire à elle aussi, mais au cas où il se trompait, il pourra toujours faire une commande quelque part ou une connerie du genre.
Après avoir sonné chez elle, la porte ne tarda pas à s’ouvrir et elle se matérialisa devant lui. Comme d’habitude, son coeur s’était mis à battre un peu plus vite et ses pupilles s’étaient dilatées, gestes de son corps qui trahissaient ses émotions et les sentiments qu’il cachait pour elle. Mis à part cela, il reprenait le contrôle et agissait normalement. Il fit même une pointe d’humour et d’auto dérision sur sa présence à ses côtés pour un événement comme celui là et elle répondit par un rire, tout en le rassurant qu’elle ne regretterait jamais d’être à ses côtés. Il secoua les épaules et fit une moue indifférente.

“Mmmh, bien. C’est à tes risques et périls” acheva-t-il, toujours dans l’humour.

Ils se dévisagèrent un petit moment avant qu’elle ne lâche prise et détourne le regard. Winter s’interrogea légèrement en espérant n’avoir pas commis de boulette sans le faire exprès. Il voulait à la fois être naturel avec elle, à la fois lui plaire par tous les moyens. Pas nécessairement sur le plan de la séduction, mais simplement ne pas se faire détester par elle.

“On peut manger dehors si tu veux. Il y a un foodtruck devant et il ne fait pas trop froid, si jamais ça te tente…” proposa-t-il en essayant de retrouver son regard.

Peu après, il sentit le bras de la jeune femme entourant le sien. Visiblement, son choix était fait mais toutefois, elle lui laissa la tâche de la programmation de la soirée. Winter émit de petits rires, à la fois amusé, à la fois surpris. Il faut dire que tous les deux n’avaient pas prévu d’être ensemble à ce moment et que tout était fait à la dernière minute.

“Eh bien, ce que je vous propose Princesse, c’est de descendre manger un bout dehors. Si on en a marre, on remonte et on voit ensemble. C’est pas comme si on avait rien à se dire de toute manière, n’est ce pas?” demanda-t-il, curieux.

Sur ces mots, ils sortirent de l’appartement pour rejoindre l’extérieur. Etonnement, il n’y avait pas grand monde, quelques gens étaient là, mais ce n’était pas la grosse foule bien dense et peuplée. C’était incroyable d’être avec elle à ce moment là, bras sur bras, comme une sorte de petit couple. Certes, tout était très amical, mais forcément, ça ne le laissait pas indifférent.
Arrivés au foodtruck, il n’eurent qu’à attendre une personne terminer sa commande pour faire la leur. Winter commanda un bucket de cuisses de poulets tout juste chaud et une fois servis, il s’installa à une table libre devant pour attaquer la soirée. En soi, il n’avait pas spécialement faim (de nourriture) mais ça fera l’affaire pour le moment.

“Alors, comment tu qualifies cette année?” demanda-t-il en commençant sa première bouchée. Il ne savait pas exactement par où commencer, quoi dire exactement, mais il ne voulait pas non plus laisser la morosité s’installer. Certes, il avait une idée de la réponse qu’elle allait lui fournir, mais il était prêt à y faire face et à lui faire penser à autre chose. Notamment, à l’avant, et non l’arrière.