Nathaniel & Noa

Starting anew

Apprendre tous les deux ? Ça lui allait. Nate sentait qu’il avait énormément de choses à apprendre et surtout sur lui-même, en réalité. Comment est-ce qu’il était réellement, quand il était en couple ? Dans un vrai couple, pas dans une relation d’habitude le contraignant à renoncer à tous les gens qui l’entouraient ? Il avait hâte de découvrir tout ça, de se découvrir lui-même. Peut-être qu’il se lançait trop vite là-dedans, qu’il aurait mieux fait de prendre le temps d’être seul avant de tenter quoi que ce soit ? Il préféra mettre fin à ces pensées un peu trop complexes pour l’instant en posant une question, cherchant à en savoir plus sur Noa. Après tout, ils avaient énormément parlé depuis qu’ils se connaissaient, mais est-ce qu’ils se connaissaient réellement ? Ils avaient menti tous les deux, comment savoir ce qui était réel ou non ? Il fronça légèrement les sourcils en voyant la gêne se peindre sur les traits du plus jeune, puis il lui sourit doucement en entendant sa réponse, attrapant sa main pour la presser légèrement.

« Y’a pas de honte à avoir, tu sais ? Je sais que t’as vécu une année compliquée, je pense que beaucoup de gens n’auraient même pas retenté une dernière année. T’es courageux. »

Il le pensait réellement. S’il avait été à la place de Noa, s’il avait perdu sa famille, il n’aurait probablement pas été capable de continuer quoi que ce soit. Certes, il n’était plus aussi proche d’eux qu’il l’avait été, mais il se rendait compte aujourd’hui de leur importance. C’est d’ailleurs ce qui ressortit de sa réponse à la première question de ce fameux test. Sa relation avec sa sœur jumelle semblait sur la bonne voie, mais il espérait réellement pouvoir un jour retrouver la normalité d’un vrai repas en famille.

« Je dirais que ce n’est pas catastrophique, mais ce n’est pas non plus tout rose. Je... On en parlera plus tard, si ça ne t’embête pas ? Je n’ai pas vraiment envie de me plonger l)-dedans, pour l’instant. »

D’autant que tout ça été majoritairement de sa faute. Certes, tous les torts n’étaient pas de son côté, mais avait-il réellement envie de présenter à Noa l’abruti égoïste qu’il pouvait être ? Pas tout de suite. Ce n’était pas un mensonge, il finirait par lui parler de ce qu’il s’était passé. Mais pas pour l’instant. Il écouta simplement sa réponse, attristé par le fait qu’il ait ainsi été délaissé par son frère alors qu’il était la seule personne qu’il lui restait au monde.

« Je vois, je comprends. Tu sais... Je suis pas trop du genre à croire en quoi que ce soit, mais sûrement que de là où elle est, elle est fière de toi. Tu t’en sors plus qu’un peu, tu t’en sors super bien. T’as réussi à retrouver ton frère, tu te construits une nouvelle vie... Tu t’en sors bien. »

Nouveau sourire, il essayait d’être le plus rassurant possible. Il était censé dire quoi, au juste ? Il n’avait pas perdu sa mère, lui, alors il ne pouvait pas savoir ce que Noa ressentait. La question suivante le fit rire et il haussa les épaules.

« Célèbre, célèbre, je sais pas trop. Enfin oui, un peu. Mais on peut pas non plus dire que je suis poursuivi par des foules en délire. Redevenir invisible... Je sais pas trop, je crois pas. J’aime bien l’idée qu’on me connaisse pour la seule chose que je sais faire. Et toi, t’aimerais être célèbre ? »

C’était une question un peu étrange pour apprendre à se connaître, mais pourquoi pas. La question suivante n’était pas des plus intéressantes, mais celle d’après plutôt rigolote.

« C’est quoi un jour parfait, pour toi ? »

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Comment est-ce qu’il avait su ? C’était une question bien vaste. Est-ce qu’il avait su, d’ailleurs ? Est-ce qu’il s’était posé la question ? Plus il y pensait, plus il se disait qu’il n’avait pas vraiment eu le choix, en fait. Ça lui était un peu tombé sur le coin de la tête, tout ça. Il avait découvert qu’il était doué et il avait juste suivi le chemin qu’on ouvrait devant lui. Il fronça les sourcils tandis que les rouages tournaient dans sa tête. Finalement, il haussa les épaules.

« J’en sais rien. Je suis juste allé là où on me disait d’aller, j’ai fait ce qu’on me demandait de faire et... Ouais, voilà. Et je sais pas vraiment si c’est plus facile. Parce que t’as pas réellement d’autre opportunité si t’as un réel talent. On te dit de le suivre, de l’améliorer et voilà, c’est tout. Et si tu te foires... C’est fini. Avec un chemin plus classique, tu peux te tromper, changer de voie, faire autre chose. Ça a l’air cool, aussi. »

Il se demandait parfois comment sa vie se serait déroulée s’il n’avait jamais posé les doigts sur un clavier. Peut-être qu’il aurait travaillé avec sa sœur ? Qu’il l’aurait aidée dans son projet de pâtisserie et qu’ils auraient fait quelque chose de chouette ensemble. Peut-être que ça aurait pas marché beaucoup plus, mais au moins ils auraient affronté ça ensemble. Les choses auraient pu être tellement différentes... Il préféra dévier le sujet de conversation pour tenter de rassurer Noa. Il n’avait pas vraiment fait face au deuil, lui, même s’il avait perdu des gens. Alors il disait peut-être n’importe quoi, mais au moins il disait ce qu’il pensait réellement.

« T’as le temps de construire, Noa, y’a rien qui presse. Moi non plus j’ai rien construit, quand on y pense. Regarde, quand je me suis cassé les doigts tout aurait pu s’envoler d’un seul coup. C’est comme ça, y’a rien de gravé dans le marbre. Et surtout pas en étant aussi jeune que toi. Et puis je la connaissais pas, mais je suis presque sûr qu’être fier de quelqu’un c’est pas juste être fier de ses accomplissements. Je sais pas, y’a le fait d’être une bonne personne aussi. Ça compte. Et tu m’as tout l’air d’être une bonne personne. »

Après tout, lui était fier de sa sœur, au fond. D’avoir essayé des trucs, d’avoir foiré, et de s’en être sortie malgré tout. D’être cet esprit de feu qui ne se laissait jamais faire. Il ne le montrait absolument pas de la bonne façon et passait son temps à la critiquer, mais il était fier d’elle, de la personne qu’elle était devenue. Vint ensuite la question de sa célébrité, qu’il ne considérait même pas comme existante. Il savait que son nom était connu, qu’il remplissait des salles et qu’on lui demandait des photos et ce genre de choses... Mais le mot « connu » ou « célébrité » ne le définissait pas pour autant selon lui. La réponse de Noa à cette même question le fit sourire comme un bienheureux et il ne put s’empêcher de le fixer quelques secondes avant de détourner le regard, ne souhaitant pas le mettre mal à l’aise.

« Je pense que je peux comprendre. C’est intimidant parfois d’avoir plein de regards braqués sur toi. Mais je crois que j’y suis habitué depuis le temps. J’espère que tu t’habitueras aussi... Parce que moi j’adore te regarder. »

C’était carrément cliché et cul-cul, mais c’était vrai. Maintenant qu’ils s’étaient rencontrés, Nate était peut-être bien en train de devenir accro au visage du plus jeune. Il était adorable, rougissait à la moindre parole, portait toutes ses émotions sur ses traits. Il ne se lasserait probablement jamais de le regarder. N’empêche qu’il espérait réellement que Noa se détendrait petit à petit et serait de plus en plus à l’aise avec le temps. La question suivante fut posée et le plus jeune y répondit assez rapidement, une étincelle de tristesse au fond des yeux qui serra le cœur de Nate.

« Je suis désolé... C’est vraiment nul de sa part. Tu veux que je le trouve et que je lui règle son compte ? J’peux le faire, hein. »

Il voulait essayer l’humour pour détendre l’atmosphère et essayer de lui faire penser à autre chose. Quant à sa réponse personnelle...

« Moi, euh... J’en sais rien. Je sais pas. Juste une journée calme, un peu de piano et une promenade dans la forêt. Tranquille, simple. »

L’idéal serait bien évidemment que ce soit avec sa sœur, s’ils retrouvaient un jour leur lien, mais il préférait ne pas l’évoquer pour l’instant. Il avait dit à Noa qu’il ne voulait pas parler de sa famille, alors il n’allait pas ramener le sujet sur le tapis de lui-même. Nouvelle question, un peu plus complexe cette fois.

« Trois choses ? Hm... J’imagine... Qu’on aime tous les deux la musique, déjà ? Qu’on n’a pas des familles tout à fait simples et... Qu’on est pas très doués en ce qui concerne les relations amoureuses ? »

C’était sûrement bizarre, mais c’était très loin d’être faux, quand on y pensait. Peut-être que quelqu’un de normal aurait évoqué des choses bien plus simples, mais selon Nate, c’étaient des points importants. Ils se ressemblaient beaucoup, au fond, dans les aspects les plus compliqués de leur vie. Ils continuèrent d’enchaîner les questions les unes après les autres, en apprenant de plus en plus l’un sur l’autre. Et puis vint la fin du test et les fameuses quatre minutes durant lesquelles il fallait se regarder droit dans les yeux.

« On... On n’est pas obligés de faire cette partie, si ça te gêne. Déjà les questions, c’était bien. Ou alors on peut réduire le temps. C’est toi qui vois. »

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Cet échange dépassait toutes les attentes que Nathaniel avait pu avoir. Il ne s’était pas attendu à grand-chose en demandant à Noa de venir, et voilà qu’ils apprenaient à réellement se connaître, au-delà d’un écran de téléphone ou d’ordinateur. Ils en savaient des choses l’un sur l’autre, c’était indéniable, mais pas à ce point-là. Et s’il était vraiment honnête, il avait envie de tout savoir sur le plus jeune, absolument tout. De sa couleur préférée à ses phobies, en passant par tout et n’importe quoi d’autre. Du moment que c’était à propos de lui, il était certain que ça l’intéresserait. Et puis la fin du test arriva bien plus rapidement que prévu et avec elle le moment de se fixer droit dans les yeux pendant plusieurs minutes. Ayant bien entendu ce que Noa lui avait dit plus tôt, Nate proposa de sauter cette étape, n’ayant vraiment pas envie qu’il se sente mal à l’aise. Mais non, il était d’accord pour continuer, pousser l’expérience jusqu’au bout, voir où ça les mènerait. Le pianiste n’aurait pas pu en être plus heureux, et son sourire se fit éclatant en entendant Noa accepter. Il imita les gestes de son vis-à-vis, s’installant assez confortablement pour ce qui allait suivre. Les joues rougissantes du plus jeune lui tirèrent une moue désolée, qu’il remplaça rapidement par un sourire, perdu dans ses prunelles. Il ne savait pas ce qu’il y lisait, mais ça faisait battre son cœur un peu plus vite. S’il avait été un chat, il aurait pu se mettre à ronronner tellement il se sentait bien, là. L’alarme sonna la fin du temps imparti, mais aucun d’entre eux ne bougea. Ils étaient comme agrippés l’un à l’autre, alors qu’ils ne se touchaient même pas. Et puis, Nate rompit le contact visuel, se racla la gorge, secoua légèrement la tête.

« Alors... T’en penses quoi ? T’es amoureux ? »

Mains moites, cœur à l’envers, lui aurait répondu sans hésiter qu’il l’était déjà depuis longtemps. Il le savait, au fond. Il avait voulu lui dire ce jour-là, quand ils s’étaient vus pour la première fois, mais Jasper était encore là, faisait encore partie de l’équation. Il n’avait pas le droit de le trahir, même dans les mots. Mais s’il était entièrement franc, les battements de cœur s’étaient accélérés depuis longtemps déjà, au milieu de la nuit, au cours d’une discussion ou d’une autre, après avoir lu un mot ou un autre. Il était tombé complètement fou amoureux, encore fallait-il réussir à se l’avouer à lui-même, l’avouer à voix haute. Pas tout de suite. Chaque chose en son temps. Mieux valait ne pas effrayer le jeune homme, il l’avait déjà trop fait...

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Question peut-être idiote, mais qui était la suite logique de ce qu’ils venaient de faire, après tout. Et la réponse laissa Nate sans voix, sourire idiot aux lèvres en entendant Noa avouer qu’il l’était. Avant qu’il ait le temps de dire quoi que ce soit, il continua à parler, sans s’arrêter une seule seconde et lui laissa l’occasion de parler, de dire que lui aussi était amoureux, depuis un moment déjà. Il avait raison sur un point, cependant, c’était la rapidité de tout ça. Il avait rompu avec Jasper si récemment, son esprit était tout embrouillé, ses sentiments confus... Peut-être qu’il se trompait sur ce qu’il ressentait ? Mais non, il était certain de ce qu’il se passait en lui quand il pensait au plus jeune, quand ils se parlaient, quand ils se voyaient... Mais il lui avait demandé de ne pas parler, peut-être par peur d’être rejeté, peut-être parce qu’il ne voulait pour l’instant pas l’entendre. Ils avaient décidé de prendre leur temps et Nate n’était pas sûr qu’ils en soient capables s’ils s’avouaient dès maintenant tout ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre. Alors il se contenta de se taire, d’hocher la tête et de sourire. Lui savait pertinemment ce qu’il avait au plus profond de son être, mais ça ne servait à rien de se précipiter. Apprendre à nouveau à se connaître – pour de vrai, cette fois – s’apprivoiser maintenant qu’ils pouvaient se voir... Ils avaient tout le temps du monde pour tout ça. Les ‘je t’aime’ finiraient par venir, il en était persuadé, mais le moment n'était pas le bon. Ils se levèrent et il le prit dans ses bras sitôt la demande formulée, le serrant doucement contre lui, le nez perdu dans ses cheveux. Il savoura l’instant, le fit durer aussi longtemps que possible, ses narines s’emplissant de l’odeur de l’autre, son corps profitant de sa chaleur. Il aurait pu rester des heures ainsi, et il se réjouissait d’avance de savoir qu’ils auraient de nombreux autres moments comme celui-ci, juste tous les deux, pour apprendre à devenir ce qu’ils voulaient être.

« Merci de me laisser une chance... »

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