Comment est-ce que j’en suis arrivé là ? Je ne parle pas seulement de mon état actuel, car ça, c’est une autre histoire, mais de ma vie dans son ensemble. Moi qui pensais faire quelque chose de bien en rejoignant l’armée. Finalement, cela n’a fait que me gâcher la vie. J’ai perdu des hommes, j’ai perdu mon âme, j’ai perdu l’amour. Pour faire simple, j’ai absolument tout perdu.
Peut-être est-il temps de parler de mon état du moment. Ivre. Ni plus ni moins. Ce n’est pas difficile à comprendre. Je crois que c’est l’accumulation des ces derniers jours qui m’a fait craquer. Entre toutes ces choses qui me bouffent de l’intérieur, le fait de revoir Lou, mais surtout, d’avoir appris qu’en fin de compte, mon ancienne fiancée ne m’a pas dit la vérité et qu’elle semble avoir rencontré quelqu’un. Ce qui fait de moi un souvenir, une ombre dans son passé.
Alors oui, je n’ai pas trouvé mieux que de passer toute l’après-midi ainsi que mon début de soirée dans un bar. Je ne sais même pas l’heure qu’il est, depuis combien de temps je suis ici, ou même combien de verre, je me suis envoyé. Et à vrai dire, je m’en fous. Tout ce que je voulais, c’est penser à autre chose, oublier. Mais c’est pire qu’avant, bien pire. Je n’ai qu’une seule envie, débarquer chez elle pour m’expliquer, histoire de lui dire ce que je pense.
Mais en fait, qu’est-ce qui m’en empêche ? Absolument rien. Et c’est même ce que je vais faire, rien à faire de savoir si j’ai bu ou pas, si je la dérange chez elle ou non. Après tout, elle ne s’est pas gênée pour me mentir droit dans les yeux durant notre discussion. Il est temps d’avoir une véritable réponse. Je sors du bar et devant, sur le trottoir, je fais signe à un taxi, difficilement et en me tenant à un arbre, histoire d’aller chez elle. Vu l’alcool que j’ai dans le sang, c’est mieux pour moi de ne pas prendre le volant.
C’est après plusieurs dizaines de minutes de voiture que je me trouve dans son quartier. Le taxi s’arrête, je lui donne une poignée de billets pour la course. Je ne sais même pas combien, mais peu importe. Et me voici, juste en face de chez elle. On va bien voir, si j’ai eu raison de venir ou non. J’espère surtout ne pas la trouver avec un homme chez elle, car si c’est le cas, je ne suis pas certain de pouvoir me maîtriser.
Devant sa porte, j’ai vraiment du mal à tenir debout. Je m’appuie contre le bord du mur, et je commence à frapper, avec beaucoup de force, à plusieurs reprise. “LOU ! Ouvre la porte ! J’te préviens, je ne vais pas bouger d’ici tant qu’t’ouvres pas !”
Every time I see you, I die a little more. Stolen moments that we steal as the curtain falls, it'll never be enough. It's obvious you're meant for me, every piece of you, it just fits perfectly. Every second, every thought, I'm in so deep but I'll never show it on my face. But we know this, we got a love that is homeless.
Les gardes s’enchaînaient et j'avais l'horrible impression de n'avoir le temps de rien. D'ailleurs, je réalisais que ce n'était pas réellement qu'une impression mais bel et bien la réalité. Cela dit, je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même puisque je n'avais pas choisi la spécialité la plus simple. Le regrettais-je ? Pas du tout même si j'aimais me plaindre de mon manque de sommeil par moment. Heureusement, se plaindre était typique de l'être humain et je n'étais donc pas la seule à avoir se vice. La médecine était une passion mais j'étais consciente qu'elle prenait souvent le pas sur le reste de ma vie privée. Vie privée qui avait été volontairement mise en stand-by depuis deux ans, je ne pouvais pas me mentir à moi-même même si j'étais devenue assez douée dans le domaine. Depuis ma rupture avec Luke, j'avais été le stéréotype de la femme au coeur brisé qui faisait semblant d'aller bien mais qui se refusait à trouver quelqu'un d'autre. C'était un peu pitoyable quand on y pensait mais j'avais peut-être eu besoin de ce lapse de temps pour me découvrir, me retrouver ou simplement me trouver.
Après une longue journée, j'étais rentrée chez moi et m'étais étalée dans le canapé. Je n'avais pas vu Luke aujourd'hui et le manque que j'avais presque réussi à enfouir en moins pour ne plus le ressentir était remontée de la façon la plus violente qui soit. Un échange de paroles, une étreinte et il me manquait. Je m'en voulais de ressentir tout ça mais qui pouvait se vanter sur terre de contrôler ses sentiments ? L'angoisse qu'il parte comme un voleur restait présente mais je tentais de me dire qu'il n'était plus capable d'une telle chose, du moins j'espérais. J'avais fini par aller me doucher avant d'enfiler un short et un tee shirt pour me sentir plus à l'aise dans mes mouvements ; mouvements qui allaient se contenter d'être assise puis allongée dans mon canapé ou mon lit. A peine installé, je sursautais lorsque j'entendais crier et taper contre ma porte. Le temps d'une seconde, j'avais senti l'angoisse m'envahir mais je reconnaissais rapidement la voix de la personne qui faisait tout ce remue-ménage. J'allais ouvrir la porte sans m'attendre réellement à ce que j'allais découvrir ; Luke visiblement éméché. « Luke ! Mais ça ne va pas, bon sang, tu vas réveiller tout l'immeuble ! » Je n'avais pas vraiment regarder l'heure mais peut-être que mes voisins se couchaient tôt après tout. Je le regardais m'attardant sur la façon dont il avait de se tenir qui ne ressemblait pas à celle que je lui connaissais. « Tu as bu ? » Ma question était presque rhétorique mais je voulais qu'il m'explique, si son état le permettait, la raison de son état.
La vie est tellement plus difficile avec de l’alcool dans le sang. Je n’arrive pas à réfléchir, à marcher, ou même à parler correctement. Mais ce qui est sûr, c’est que ma détermination elle, est bien présente. Même un peu trop. Je ne vais pas oublier mon objectif, avoir une réponse à ma question. Ca me fait quand même peur, car je ne suis pas certain de vouloir apprendre qu’elle est avec quelqu’un d’autre. Et si c’est vraiment le cas, je ne sais pas du tout ce que je vais faire…
Devant moi, la porte s’ouvre. Lou me regarde d’une façon pas très plaisante. En même temps, il suffit de me regarder pour dire que je ne suis pas dans mon état normal, ce qu’elle a remarqué, j’en suis certain. “Oh ça va les petits vieux, ils ne vont pas m’emmerder !” J’sais même pas pourquoi je dis ça, mais c’est sorti tout seul, sans même que je remarque. Mais dans un sens, c’est vrai, est-ce que ça m’importe de savoir si je vais réveiller quelqu’un ou non.
Quand elle me pose la question pour savoir si j’ai bu, j’ai un grand sourire qui vient s’afficher sur mon visage. Avec beaucoup de mal, je me redresse, ne tenant pas forcément sur mes jambes, titubant de droite à gauche, avant de m’arrêter d’un coup net, en la regardant. Et sans rien, sans même demander la permission, je me permets de pousser un peu plus sa porte et de rentrer dans son appartement. Elle va sûrement criser, mais bon, au moins, je ne risque pas de réveiller quelqu’un. “Nooooooooooooon, pas une goute !” Mensonge, bien entendu. Puis bon, c’est très simple à comprendre que c’est totalement le contraire. “Tu sais quoi Lou, j’ai presque cru à ton numéro de l’autre jour. Tu sais, les larmes, tout ça, blablablabla.” Je m’avance dans son salon puis je m’étale dans son canapé, posant mes pieds sur la table basse. “Finalement, tu m’as juste pris pour un con, c’est ça ?”
Puis arrive dans mon esprit, cette idée. Peut-être qu’il est la, présent dans l’appartement, son nouveau mec. Peut-être qu’elle est en train de passer la soirée avec lui. Si c’est le cas, j’avoue que la situation va devenir vite gênante, mais au moins, ça pourrait répondre à ma question. Rapidement, manquant presque de tomber au sol, je me relève et me mets en face d’elle. “Alors, il est où ? J’peux savoir son prénom ? Avec un peu de chance, il va bientôt te passer la bague au doigt ! Mais qu’est-ce que je suis con franchement. Dire que tu m’as menti, juste en face de moi… Je… Bah c’est moi qui te déteste, tu sais quoi !”
Every time I see you, I die a little more. Stolen moments that we steal as the curtain falls, it'll never be enough. It's obvious you're meant for me, every piece of you, it just fits perfectly. Every second, every thought, I'm in so deep but I'll never show it on my face. But we know this, we got a love that is homeless.
En ouvrant la porte, je ne m'étais pas attendue à voir Luke dans cet état. D'ailleurs, je n'avais pas réellement pris conscience de ton taux d'alcool jusqu'à ce qu'il parle ou devais-je dire qu'il crie. Je faisais de grands yeux en regardant à droite puis à gauche afin de vérifier qu'aucun de mes voisins n'étaient sorti de chez lui pour se plaindre voir m'insulter à ce stade. « Chuuuut ! » lui ordonnais-je fermement avant qu'il n'entre dans mon appartement. Je me retenais de dire quelque chose préférant, vu son état, qu'il termine dans mon salon plutôt que sur mon palier. Je n'étais pas locataire depuis longtemps mais si je n'arrivais pas à le canaliser, il était évident que je n'y resterais pas plus. Jusque là, j'avais eu de bon rapport avec le voisinage mais mes efforts d'amabilité allaient peut-être être réduit à néant par mon ex fiancé, bien trop alcoolisé... Je me retenais de lui mettre la tête sous l'eau froid pour le faire reprendre ses esprits. Luke avait du mal à rester debout et je me rapprochais prête à le retenir si son corps basculait trop... J'étais en colère de le voir dans cet état mais je n'avais pas non plus qu'il s'explose la tête contre ma table basse ou pire contre le sol. « Pas une goutte, juste trois bouteilles. » répondis-je en secouant la tête ne comprenant pas comment on pouvait volontairement se mettre dans un tel état. Je le regardais, choquée de ses paroles et de son arrogance qui n'avait, cette fois, plus rien de sexy. « Tu es bourré Luke, tu devrais te taire avant de regretter tes paroles. » Je n'avais pas encore pris conscience de ce qu'il me disait même si ses paroles, que j'espérais non pensées, me faisait du mal. « Fais comme chez toi... » lançais-je ironiquement lorsque il s'installait dans le canapé, les pieds sur la table. Je ne savais pas ce qu'il avait consommé mais cela ne devait pas s'arrêter à deux verres de vins rouge.
Soudain, il se levait avec plus de mal qu'il ne devait avoir prévu et je lâchais un juron, agacée mais inquiète aussi de le voir comme ça. Je fronçais les sourcils ne comprenant pas ce qu'il me racontait. Enfin, je comprenais ses mots mais ils n'avaient aucun sens puisque ce n'était pas du tout ma situation et je ne savais pas qui était ce 'il' dont il semblait parler. « Tu divagues complètement... Tu devrais t'asseoir, tu vas vraiment finir par te faire mal. » Je le poussais gentiment vers le canapé. J'avais envie de lui crier dessus, de lui dire qu'il était stupide de boire mais je savais pertinemment que ça ne servait à rien ce soir. Bien sur, s'il continuait à m'inventer une vie, mon sang froid allait probablement me quitter mais j'avais bon espoir qu'il finisse par se calmer. « Déteste moi assis alors. » Je lui montrais le canapé d'un signe de main n'ayant aucune confiance en sa capacité à tenir debout. J'attendais quelques secondes prête à le pousser dessus s'il ne m'écoutait pas et quelque chose me disait qu'il n'avait pas franchement envie de m'écouter.
Elle semble tenir le compte, alors qu’elle n’était même pas avec moi. Je pense qu’effectivement, trois bouteilles, ça doit être proche de ce que j’ai pu boire ce soir. Enfin ce soir… il faut dire, j’ai commencé tôt aussi. Quelle merveilleuse activité durant son jour de repos, un plaisir. Ou pas, en fait, car je ne me sens pas forcément super bien et ce n’est pas que l’alcool, mais toute cette situation qui me rend malade. “J’peux te dire que non, je n’ai pas l’intention de me taire ! C’est quoi le problème ? Tu as peur de dire certaines choses ? Des trucs que tu ne vas pas assumer ? Moi ça va hein, j’peux dire ce que je veux.”
C’est certain que dans cet état, je peux vraiment dire tout ce qui me passe par la tête. Aucun filtre, aucun contrôle, les mots sortent de ma bouche sans même qu’ils soient passés par ma tête. Un automatisme, mais je devrais quand même faire attention, même si c’est difficile. “Moi, je divague ? Ooooooh arrête Lou, c’est bon. Plus besoin de le cacher maintenant.” Elle me force à me déplacer vers le canapé pour que j’arrête de bouger dans tous les sens, ou peut-être pour que j’évite de me ramasser et de me faire mal. “Ouais ouais, te détester assis, bien sûr.” Le plus drôle, c’est quand elle veut me pousser pour me faire tomber dans le canapé. Plus facile à dire qu’à faire j’ai l’impression. Je perds quand même un peu l’équilibre, mais j’arrive à me rattraper et toujours tenir debout. “J’sais pas si j’ai envie d’être assis.”
Je commence alors à me balader dans la pièce, fouillant un peu partout dans les placards. Jusqu’à ce que je trouve enfin ce que je cherche. Une bouteille et un verre. Au pire, j’avais pas forcement besoin du verre mais bon. Je me sers un verre que je commence à boire en la regardant, tout en souriant, puis je me mets à rigoler, tellement fort et je ne m’en rend même pas compte. “Bon alors, c’est quoi son p’tit nom à ton nouveau mec ? T’es certaine qu’il n’est pas dans le coin ?” Je regarde un peu autour de moi, car je ne connais pas du tout les lieux. Le mieux que je trouve à faire, c’est de continuer à hurler. “ALORS TU VAS SORTIR DE TA CACHETTE, JE VOUDRAIS BIEN VOIR LE NOUVEAU MEC DE MON EX FIANCÉE.” Mais aucune réponse, rien, hormis le regarde de Lou qui me dévisage, on dirait bien que je lui fais honte, que je la dégoûte. “Tire pas cette tête ma belle, c’est avec ce joli visage que tu as réussi à me remplacer.” Et je ne sais même pas pourquoi, mais le fait de dire cette phrase venait réellement de me mettre sur les nerfs. Je termine mon verre et d’un geste sec et violent, l’éclate contre le sol. “Tu vois, ça c’est moi à l’intérieur. Explosé comme ce verre. À cause de toi.”
Every time I see you, I die a little more. Stolen moments that we steal as the curtain falls, it'll never be enough. It's obvious you're meant for me, every piece of you, it just fits perfectly. Every second, every thought, I'm in so deep but I'll never show it on my face. But we know this, we got a love that is homeless.
Je le regardais alors que je ne comprenais pas réellement ou il voulait en venir. D’ailleurs le savait-il lui-même ? Il avait l’air d’avoir consommé beaucoup d’alcool et de ne plus se contrôler. Je ne savais pas comment il avait fait pour venir jusque ici ou même pour se rappeler mon adresse, qu’il devait avoir eu par Faye d’ailleurs. Notre amie n’avait pas du voir le mal en lui communiquant l’information et je ne lui en voulais pas puisque je ne considérais pas ça comme un secret. J’avais quitté notre maison, deux ans plus tôt et j’avais eu du mal à retrouver un endroit ou je me sentais chez moi. « Je ne vois pas ce que je n’assumerai pas. Et oui, je vois bien que tu dis ce que tu veux même des choses incohérentes. » dis-je en levant légèrement les yeux au ciel. J’étais agacée mais ma patience n’avait pas encore été mise à rude épreuve, c’était sûrement parce que je ne savais pas encore ce qu’il allait faire. « Cacher quoi ? Luke tu racontes n’importe quoi ! » Ça n’avait encore une fois aucun sens et je soufflais alors qu’il tentait une énième fois de ne pas tomber. Si j’avais émis l’idée qu’il ait bu trois bouteilles, je commençais à croire que c’était le quart de la vérité. « Pourtant tu devrais t’asseoir avant de te faire mal. » Je n’avais pas envie de finir aux Urgences ce soir, d’une parce que cela voudrait dire qu’il se serait fait extrêmement mal et de deux parce qu’arriver avec un collègue, titulaire qui plus est, ivre mort n’était pas vraiment éthique.
Il commençait à faire le tour et je croisais les bras, ne comprenant pas ce comportement. Que cherchait-il en venant me voir bourré ? Certainement pas ma compassion. J’allais vers lui alors qu’il fouillait désormais dans mes placards. « Luke bordel ! T’es pas au bar ici et tu as assez bu ! » lançais-je en tentant de lui arracher la bouteille des mains. Malheureusement pour moi, il était bien plus grand et avait plus de force que moi. Cette action le faisait rire et je sentais que j’allais exploser sous peu. « Mais quel mec ? Ou tu es allé chercher ça?! » Je secouais la tête avant de refermer un placard. « Arrête de parler aussi fo... » A peine avais-je fini ma phrase qu’il criait dans l’appartement. Mes yeux étaient écarquillés et je restais presque choquée de ce que j’entendais. La colère s’emparait de moi et je ne gérais plus mes émotions d’ailleurs Luke non plus puisqu’il éclatait le verre qu’il avait en main par terre. J’avais un geste de recul et de protection avant de le regarder. « Mais ça ne va pas ! PUTAIN MAIS MERDE ! T’as pas le droit de venir comme ça ici, de crier ta colère, d’exploser ce verre et de me dire que MOI je te fais souffrir ! Même si j’avais quelqu’un d’autre ce serait mon droit Luke ! T’es parti, TU m’as laissé seule, TU m’as abandonné pendant deux ans alors celle qui doit péter un câble c’est moi ! » J’avais laissé tomber l’idée de ne pas faire trop de bruit pour mes voisins. Désormais c’était le cadet de mes soucis. « Dégage d’ici, dégage! » criais-je hors de moi alors que le sentiment que j’avais eu en le retrouvant à l’hôpital avait laissé place à la déception et à la tristesse. Il n’avait pas le droit de me traiter ainsi, et je n’allais certainement pas le laisser faire sans rien dire. L'ivresse le faisait parler et pour ma part, j'étais aveuglée par la colère.
Je suis vraiment dans la pire situation la pour le coup. Je ne sais pas vraiment quoi faire. Le truc, c’est que je ne peux pas m'arrêter maintenant, c’est idiot. Ca fait genre le gamin qui vient de taper sa crise. Mais je sais aussi très bien que si je continue, ça va être de pire en pire. Le problème, c’est que je ne me contrôle pas du tout quand je suis dans cet état. Les mots sortent tout seul de ma bouche sans même que j’y réfléchisse avant. Foutu pour foutu, le mieux qu’il me reste à faire, c’est de balancer tout ce que j’ai à dire. “Tu veux vraiment partir sur ce terrain-là ? Dans ce cas j’imagine que moi aussi, je vais être franc.”
Remarque, je le suis depuis le début, ça c’est vrai. Même si, je vais regretter pratiquement tout ce que j’ai pu lui dire ce soir. C’est difficile de me dire que je suis en train de lui sortir des mots qui font mal alors que ce n’est même pas ce que je pense en réalité. Comme quoi l’alcool n’est vraiment pas un allié pour résoudre les problèmes, cela ne fait qu’en créer encore plus. “Oh c’est bon Lou, arrête de faire semblant. Les gens en parlent même à l'hôpital ! Ca doit te faire plaisir de savoir que maintenant je suis sûrement en train de souffrir autant que tu as pu souffrir… Ce n’est que mérité, n’est-ce pas ?”
Bon par contre, c’est vrai que de casser ce verre, c’était le geste de trop. Dans le genre théâtral, je ne pouvais pas faire mieux. Mais quand je vois ça réaction, c’est là que je comprends que la discussion venait de prendre encore plus d’ampleur. Jusqu’ici, elle avait réussi à garder son calme, mais ce n’est plus le cas. Maintenant, je me fais enchaîner et je n’ai même pas le temps d’en placer une. J’attends simplement qu’elle termine pour reprendre la parole. “Tu veux réellement que je dégage ? Un peu comme y’a deux ans au final. C’est ça aussi que tu voulais ? Que je dégage de ta vie, en me lâchant un ultimatum de ce genre ? Tu voulais peut-être te débarrasser de moi ?” Je m’approche d’elle, la regardant dans les yeux. “Parce qu’au fond, je suis peut-être parti Lou, mais est-ce que toi, tu as cherché à prendre de mes nouvelles ? Tu ne fais que me remettre la faute sur le dos, mais tu ne devais pas tellement croire en notre couple… ou encore en notre mariage, si tu avais tellement besoin de me laisser choisir. C'est ce que tu voulais, que mon choix se porte vers l'armée ?”
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Depuis son arrivée, j'avais presque réussi à être calme, cela dit ma patience avait totalement quitté mon corps au fil de la discussion. J'avais beau savoir qu'il était ivre, je n'arrivais pas à ne pas être touchée par ses paroles qui sortaient, totalement, de je ne savais ou. Je ne savais pas, non plus, qui lui avait monté la tête comme ça mais tout n'était que mensonges. « A croire que tu ne me connais pas si bien que ça pour penser que mon seul but est de te voir souffrir ! » dis-je alors que je ne supportais pas le ton qu'il employait avec moi. Il était ivre et toute la bienveillance dont il avait fait preuve lors de nos 'retrouvailles' s'était envolée pour ne laisser place qu'aux reproches et à la méchanceté. Il me faisait passer pour une garce et c'était insupportable. J'avais gâché deux ans de ma vie pour lui et à ce stade, je me disais que j'aurais probablement du me jeter dans les bras du premier venu, ces accusations auraient alors eu un sens.
Il venait de casser le verre et j'avais eu un geste de recul. Je détestais la violence et il le savait. Il savait aussi que j'en avais peur et que c'était quelque chose que je fuyais. Ce geste n'était pas anodin et j'étais désormais hors de moi... je n'avais pas bu mais je criais presque aussi fort que lui. Je le regardais encore une fois blessée de ce qu'il osait me dire. Il se rapprochait sans hésiter une seconde à m'achever une nouvelle fois oralement. « Ca t'arrange bien de comprendre les choses comme ça ! Je voulais que l'armée dégage de notre vie Luke ! » L'armée nous avait éloigné et pour ça, je ne pouvais pardonner. La suite de ses paroles étaient insupportables à entendre et je le repoussais de colère. « Tu crois que je ne voulais pas de tes nouvelles ? Tu crois que je n'ai pas cherché à comprendre et à savoir ou tu étais ? Tu es parti sans te retourner, tu es parti je ne sais ou avec tes hommes et tu n'as pensé qu'à toi ! Tu n'as toujours pensé qu'a toi et même cet ultimatum n'a rien changé. Celui qui ne croyait pas en nous, c'est toi ! Si je comptais autant tu aurais laissé tout ça derrière toi et peut-être qu'aujourd'hui tu ne serais pas brisé en mille morceaux et qu'ils ne seraient pas morts ! » J'avais dépassé les limites moi aussi mais je me devais de lui balancer ces horreurs à mon tour. Peut-être que cette claque orale allait le faire redescendre sur terre du moins je l'espérais. « Tu te barres mais moi, la gentille Louanor j'aurais du te courir après ? Mettre toute ma vie entre parenthèses ? Tu n'es qu'un putain d’égoïste. » crachais-je toujours dans un état de colère que je ne contrôlais pas. Ce que je ressentais pour Luke était intense mais malheureusement pour moi il l'était autant dans le positif que dans le négatif... Peut-être étions nous obligés de passer par cette dispute pour y voir plus clair, je n'étais sure de rien à ce stade.
De pire en pire. Je ne sais vraiment pas quoi faire maintenant. Mais ce qui est certain, c’est que je ne veux plus me battre. C’est assez nul de dire ça, sachant que je suis celui qui a lancé les hostilités en débarquant ici, tout en gueulant sans me retenir. Au moins, sur ce point, elle a raison. Je n’avais pas à faire ça, mais je ne sais pas pourquoi je n’ai pas réussi à me contrôler en sortant du bar. Je commence vraiment à avoir honte de moi-même, ce qui n’est pas très glorifiant. “Je te connais parfaitement, au contraire. C’est bien pour ça que je ne comprendrai jamais pourquoi tu m’as demandé de faire ce choix.”
Sur le coup, je me dis qu’il est peut-être temps de calmer un peu le jeu. Je n’irai pas jusqu’à m’excuser maintenant, car je sais très bien que c’est inutile, maintenant que le mal est fait, mais au moins, ne pas empirer la situation, est déjà un bon début. Le problème, c’est que j’ai l’impression que je viens de réveiller le dragon qui se cache en elle. Je ne l’ai pas vu souvent comme ça. Moi qui voulais me calmer, le fait qu’elle me repousse venait de me réveiller légèrement. Mais le pire reste encore à venir. Un sujet qui n’aurait pas dû arriver sur le tapis. Intérieurement, je suis en train de bouillir. Si c’était un homme en face de moi, il aurait déjà pris mon poing dans la tronche, surtout avec mon état. Je ne suis pas quelqu’un de violent, loin de là même, mais je dois avouer que l’armée à réveiller ce petit truc en moi qui fait qu’il ne faut pas trop m'énerver sur la durée. Bien entendu, jamais je ne me permettrai de toucher à une femme de cette manière. Et encore moins Lou. Je la laisse terminer puis je décide de laisser tout sortir. “Tu ne sais pas de quoi tu parles, alors arrête ! Je ne pensais pas à moi, sur le moment, mais plus aux gens qui avaient besoin de moi. Ces personnes qui sont prête à mourir pour défendre des inconnus. Ils comptaient sur moi pour les garder en vie si jamais un problème arrive.” Et le problème est arrivé, bien entendu. Mais bien plus que ça. “J’ai vu la moitié de mes hommes mourir juste devant mes yeux. Tu ne sais pas ce que c’est toi. D’entendre des cris, des balles, des explosions. Quelque chose que je ne veux plus jamais revivre.” Ce qui va suivre, j’aurais bien entendu préféré le garder pour moi, car personne n’est au courant de ça, hormis ma sœur et Shiloh. “Mais ce que tu ne comprends, c’est ce que j’ai dû faire pour m’en sortir.” Je regarde ma main, dans laquelle je tenais l’arme au moment où c’est arrivé. Cette main ou j’ai l’impression de toujours avoir du sang dessus. “Quand je suis arrivé dans l’armée, comme tout soldat, on m’a donné une arme. Pour moi, ce n’était rien, car je pensais vraiment que je n’allais jamais l’utiliser. Et pourtant, pour sauver le peu d’hommes que j’avais avec moi, mais aussi pour me sauver la vie, j’ai dû tuer quelqu’un ! Alors oui, je suis peut-être différent, ce qui est normal, car depuis ce jour, je suis totalement mort intérieurement.”
Je ne sais pas si c’est une bonne chose de lui en parler. Mais dans un sens, il faut dire que c’est l’alcool qui m’aide à le faire, sinon je n’aurais pas du tout eu le courage de lui en parler aussi facilement. Elle va sûrement me juger, sûrement être dégoûté d’apprendre ça, peut-être même ne plus jamais vouloir m’approcher. En soit, je pourrais le comprendre. “Tu as peut-être raison, de ne pas vouloir me courir après, de vouloir passer à autre chose.” Et c’est le moment où je ne peux plus me retenir. Des larmes, qui commencent à apparaître. Je n’ai plus la force de me battre. Je me laisse glisser, dos au meuble, terminant au sol. Autour de mon cou, je sors une petite chaîne, qui était caché par mon haut. “Tu vois ça ?” Accroché à cette chaîne, mon alliance. On l’avait choisi, ainsi que celle qu’elle devait porter, quelques jours avant mon départ. “Je n’ai jamais eu le courage de m’en séparer. J’avais un peu l’impression que tu étais à mes côtés à l’autre bout du monde. Je n’ai jamais arrêté de penser à toi. Mais est-ce que c’est vraiment utile de te parler de ça ? Tu as raison de refaire ta vie avec quelqu’un d’autre, parce que je ne suis pas certain de mériter quelqu’un comme toi.” Impossible de retenir mes larmes, qui sont de plus en plus présentent. “Un minable, c’est exactement ce que je suis. Un minable égoïste qui n’a maintenant plus rien dans sa vie.”
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Les choses tournaient vraiment mal et je m'en voulais presque d'avoir réagi ainsi alors que Luke n'était clairement pas en possession de tous ses moyens. J'avais été stupide mais ma colère avait été impossible à maîtriser lorsque j'avais entendu ses mots. Je ne savais pas s'il les pensait réellement ou si l'alcool qu'il avait bu lui tournait tellement la tête qu'il en était venu à m'inventer une vie. D'ailleurs, il ne faisait pas que ça, et je soufflais pour ne pas exploser à nouveau. « Parce que pour moi, ce n'était pas un choix, c'était une évidence mais pas pour toi. » Je devais lui dire ce que je pensais et ressentais même deux ans après. J'avais toujours pensé qu'en lui donnant cet ultimatum, il allait réaliser que nous étions plus important que l'armée mais ça avait eu l'effet inverse et je m'en étais mordue les doigts.
La colère avait pris possession de moi et j'avais lâché des mots que je ne pensais pas ou pas réellement. Je savais que parler de ce qui avait pu se passer là bas avec ses hommes était une grave erreur mais j'avais ressenti le besoin de le bousculer un peu. Il devait comprendre ce qu'il n'avait pas compris depuis son départ et peut-être que cette attaque allait lui permettre, malgré son état, d'enfin s'ouvrir à moi. Il reprenait la parole et évidemment il lâchait tout ce qu'il ne m'aurait jamais dit en étant sobre. Je le regardais, écoutant chacun de ses mots. Chaque syllabe était liée à une image que j'imaginais mais que lui avait bien en tête... Au fond, je ne savais pas comment on pouvait survivre à tant d'horreurs et comment on s'en remettait si tel était le cas un jour d'ailleurs. Je ne le quittais pas des yeux et entendre sa voix se briser, ses yeux s'embuer de larmes, me brisait le cœur. Je ne peux m'empêcher de mettre ma main devant ma bouche lorsque il avoue avoir tuer quelqu'un. Je connaissais les horreurs de la guerre mais je n'avais pas pensé qu'il en avait été le principal témoin... Il avait du tuer pour sauver sa vie et celles de ses hommes. Je ne savais pas à qui il avait retiré la vie mais je préférais que ce soit dans ce sens que dans l'autre.
Je me sentais atrocement mal mais ma colère avait disparu et je me laissais tomber à genoux près de lui qui s'écroulait presque contre le sol, posant mes mains sur ses joues. « Luke... » dis-je doucement avant de découvrir son alliance sur sa chaîne. Je fermais les yeux quelques secondes avant de laisser, à mon tour, couler un flot de larmes sur mon visage. Je n'avais pas fait grand chose d'autre depuis 48h mais c'était surement nécessaire. « Arrête... Tu n'es pas un minable... » Je caressais sa joue de mon pouce avant de toucher son alliance de ma main libre. « J'arrive pas à croire que tu l'as gardé... » Je la lâchais avec délicatesse pour essuyer ma joue avant de plonger mon regard dans le sien. « Je ne sais pas ou tu as entendu ça mais je n'ai personne Luke... Je n'ai personne dans ma vie parce que j'ai déjà quelqu'un dans ma tête. » Je me rapprochais doucement et posais mon front contre le sien. « Je suis tellement désolée de ce que tu as vécu là bas... Je suis désolée d'avoir dit ça et que tu aies du affronter cette épreuve seul. » soufflais-je doucement avant de le serrer contre moi comme si ma vie en dépendait.
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Mar 10 Déc - 22:27
