“ There's a saying that goes ; "I don't give a rat's arse about right and wrong, I'll act as I see fit." Mère qui ne souhaitait pas voir sa liberté entravée, mais qui n'a pas trouvé en elle le courage de les faire adopter (ou même de ne pas les porter à terme). Mère présente durant les premières années, jusqu'à ce qu'ils apprennent à se débrouiller seuls. Dès lors mère absente, les deux enfants livrés à eux même dans les limites du raisonnable. Michael se souvient de son enfance comme on se souviendrait d'une mauvaise colocation.

Le seul qui était toujours là était Zacharia, son jumeau. Il n’ose s’imaginer à quoi aurait ressembler les treize première années de sa vie s’il avait été le seul enfant de cette femme qui n'avait pas la fibre maternelle. Il aurait été tout seul, des centaines de soirées devant la télé. Lors des fêtes à se demander qui est plus intéressant pour qu’elle ne soit même pas là. Si les questions se sont posées, il n'a à l’époque jamais cherché à trop comprendre pourquoi leur mère était tant absente. Il avait son jumeau, ils savaient se débrouiller sans elle. Alors pourquoi se les poser ? Pour eux cette situation était normale.

Jumeau qui pardonne, si facilement. Depuis leur plus jeune âge, Michael a l’impression d’être celui qui ne laisse rien passer aux autres. Zacharia se laissait amadouer par une étreinte, par quelques paroles qui n’avaient pas plus de valeur que la femme qui les prononçaient quand elle rentrait et s’excusait. Et lui, lui toisait leur mère du regard et espérait qu’elle se ferait écraser par un bus en traversant une rue. N’importe laquelle. N’importe quand. Il la détestait, au plus haut point, car dans leur vie elle n’était que de passage et elle était l’intruse, chez eux, dans leur bulle, leur famille. Et puis, pour ces quelques instants volés où elle agissait comme une mère et non une inconnue, Zacharie arrivait à agir comme un fils. Michael n’en a jamais été capable. Un frère, il l’est. Un fils ? Il n'a jamais été le fils de personne. Encore moins celui de cette femme.
Bien évidemment, il ne savait pas ce que seraient les conséquences si elle venait réellement à disparaître. Et malheureusement, il a appris ce qu’elles étaient sans même que ça n’arrive. La petite vielle du 107, cette satanée mégère qui passait ses journées devant sa fenêtre à observer l’entrée de l’immeuble, à écouter à sa porte dès que quelqu’un traversait le couloir, a contacté les services sociaux. Elle a fini par comprendre, que les deux gosses étaient livrés à eux-mêmes. Elle a fini par le comprendre bien des années trop tard, ils n’avaient plus besoin d’aide, ils savaient se débrouiller.

Pourtant, les services sociaux les ont retiré à leur mère pour négligence. Ils n’en avaient que faire, que les deux gamins étaient parfaitement capables de s’occuper d’eux-mêmes. Cuisiner, faire le ménage, la lessive, les courses… Non. Il a fallu que cette ratée soit incapable de faire suffisamment acte de présence pour que rien ne change. Si les jumeaux avaient simplement été placés ensemble, bien évidemment, Michael aurait sans doute même su apprécier ce changement. Mais ce ne fut pas le cas, et la pire des choses qui put arriver arriva.

Séparés. Et comme si ça ne suffisait pas, placés dans deux familles d’accueil qui n’auraient pas pu vivre plus éloignés l’une de l’autre.

Ce fût insupportable. Treize longues années à ne connaître que la présence de son jumeau. Son frère, son meilleur ami. Sa seule famille, le seul qui le comprend, qui le connaît. Michael en a fait des cauchemars, pendant des années. Des crises d’angoisses, au point où la femme qui le gardait l’a une fois emmené aux urgences. Certes il fuyait cette maison, ce quartier, dès qu’il le pouvait, pour retrouver son frère. Ils n’ont jamais été replacé ensemble, il n’y avait pas de famille pour les accueillir tous les deux. Alors ils faisaient fugue après fugue pour se retrouver, attendant le jour J pour enfin anéantir les kilomètres qui les séparaient.

À dix-huit ans, les services sociaux ne se sont plus concernés de leur sort. C’est ainsi que va la vie. Et les jumeaux ont su se retrouver, louant un appartement ensemble. Michael a toujours su qu’il voulait aller à l’armée, mais retrouver son frère était une priorité. Ne pas l’abandonner, ne jamais l’abandonner. Et pendant deux ans, les jumeaux ont chacun de leur côté accumulé les petits boulots. Une galère. Michael ne se voyait pas vivre ainsi éternellement. Et puis l’armée, ça paie bien et l’argent il ne le dépenserait pas immédiatement de toute façon. Alors à vingt ans, il a enfin rejoint l’armée de terre. Sujet de disputes avec le frangin. Peut-être qu’il l’a en quelque sorte abandonné, c’est vrai, mais dans sa tête, Mikey lui donnait la possibilité de ne plus s’inquiéter du loyer, d’employer son argent pour autre chose. Peut-être se payer des études.

Les années passent, il est soldat et il aime ça. Il a trouvé une deuxième famille, d’autres frères même si ça ne remplace certainement pas son jumeau. Michael n’a aucune relation qui dure plus de quelques heures, voir quelques jours tout au plus. Il n’arrive pas à s’attacher, il n’arrive même pas à rester fidèle. En 2014, son frère lui annonce qu’une femme l’a trouvé en lui disant qu’il était père. Sauf que ça ne pouvait pas être Zacharia, mais elle ne savait pas que Michael avait un jumeau qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Lui était en déploiement à l’époque et à son retour le voilà qui était papa, il n’a jamais vérifié si c’était bien son gosse et non celui d’un autre. Il n’est pas le père modèle ou très présent, mais il s’occupe de son gamin quand son ex le lui demande. C’est déjà plus que ce que sa propre mère à fait pour eux.

Il croyait faire toute sa carrière dans l’armée, cependant il fût grièvement blessé en 2016 et reçu sa décharge l’année d’après. L’état de son dos ne lui permet plus d’être soldat, ni d’un jour pouvoir retourner sur le terrain. Et faut bien dire ce qui est, l’armée c’était sa vocation, alors depuis il fait des boulots qui ne lui plaisent jamais vraiment.