Echo lointain qui se rapproche. Son aux rythmiques diverses s’échappant de ce lieu intemporel. Divers nominatifs pour qualifier tantôt les salves de danseurs effrénés, tantôt les consommateurs aguerris ou, d’autres fois, les prédateurs en chasse. Rebelles quant à une autorité assagie lors des journées, culte sur le dancefloor lorsque s’ouvre la nuit. Ténèbres filantes sous ces étoiles complexes. Heure qui n’a rien de sage pour les enfants déjà endormis. Les loups rôdent déjà là où les brebis regagnent leur foyer. Mille feux qui s’avancent dans le large complexe géré d’une main de maître par le bellâtre Banks. Décadence à tout va, luminaires vertigineux, prestations de qualité. Espace perdu dans le temps. Secondes qui ne défilent plus tant le souffle se coupe à chaque changement de mélodie. C’est un peu l’antre des merveilles. Y pénétrer, c’est à ses risques et périls. Impossible de savoir ce que l’on peut y gagner et y perdre. Les insouciants s’y pensent roi alors que cheminent le regard de la belle, fausse innocente sur ce terrain miné de tout sauf de bonnes intentions.
Soirée qui s’accorde à celles ordinaires. Travail tardif, dossiers classés et terminés lorsqu’Alyona quitte son bureau. Morne sont les routes qui la conduisent à son domicile mais sacrées sont les idées qui l’habitent. Il y a plusieurs jours qu’elle ne l’a vu. Qu’elle ne l’a entendue. Avouer ce manque reviendrait à dévoiler une faiblesse qu’elle n’est prête à offrir en pâture à ce monde. Néanmoins, prétexter l’envie de converger sur la musique demeure moins percutant. Perchée sur des talons qu’elle maîtrise, boucles lâchées contre son visage et maquillage redoré la transforment en parfait oiseau de nuit. Ce n’est guère la faim qui la tiraille mais une émotion beaucoup moins palpable, capable de rendre l’humain fou. Folie qu’elle maîtrise, pour l’heure. Chemin fait jusqu’au Joker dans cette robe noire qui épouse ses trente-six années passées. Vestiges qui passent mais qu’elle ne craint tant qu’il habite les prochaines. Dans son cœur. Dans sa tête. Contre sa peau.
On ne la présente plus à l’entrée et, telle une reine au milieu de ses sujets, elle parade en offrant quelques hochements de tête amicaux. Plus serait fraterniser avec ceux qui sont de passage et l’avocate s’y refuse. Epaules dénudées, ses mains s’ancrent autour d’un cocktail déjà servi, qui l’attend sur le comptoir du bar. Iris déjà en traque quand ils s’accrochent à la silhouette tant convoitée. Le gérant n’est guère loin et la lionne s’engouffre dans la foule jusqu’à sa hauteur. Lippes étirées en un sourire feignant la surprise, elle ne lâche désormais plus du regard. Etrange compagnie que la sienne lorsque cette inconnue parade autour du chef des Phantom Squad. Sang qui tambourine contre ses tempes et mains qui se crispent contre le verre. Breuvage qu’elle ramène à ses lèvres. Proie verrouillée, chevauchée programmée. Arrêt imminent à ses côtés, quelques centimètres règlementaires accusent sa jalousie déguisée. Jalousie ayant rangé son sourire pour se tordre en sévérité extrême. « Bonsoir » lâche-t-elle d’un ton d’outre-tombe et son bras côtoie maintenant celui de l’homme. Capture assurée en toute innocence et transparence. Corps qui se tourne vers l’intéressé. « Surprise ! » qui sort de sa bouche et sonne d’une fausseté presque malsaine. Baiser qu’elle dépose contre les lèvres de Sigma. « Vous êtes ? » lancé à cette pièce rapportée dont elle ne connait l’ascendance. Nouvelle recrue ? Flatterie pour le gérant ? Cette promiscuité lui coûte et elle doit contenir sa fougue pour ne sauter sur l’ingénue. Elles sont nombreuses ses admiratrices. Rivales ? Elle n’y croit point mais ses nerfs sont toujours de sortie lorsque pareille scène se joue, interminablement. Main tendue vers la dénommée ‘garce’ d’où glisse maladroitement son verre. Sourire furtif qui traverse son minois contrits. « Je suis d’une maladresse, n’est-ce pas Sigma ? » Invitation dans cette danse qu’ils mènent depuis de trop nombreuses années déjà.
Sourire cordial que tu t'efforces de garder quand tu t'occupes de cette paperasse administrative qui te fait ô combien regretter d'être dans la rue là où toute l'action se passe. Tu as beau être le chef de cette bande organisé depuis maintenant un peu plus de treize ans, tu as toujours du mal à t'habituer à cette tour faite d'or et d'argent, unique est l'adrénaline que te procure ce duel en face-à-face avec la faucheuse, sevrage que tu ne réussiras jamais complètement, ton destin est probablement de finir six pieds sous terres de la pire manière possible. Rares sont ceux dont tu fais parti qui pourront fièrement lever la tête face à Hadès en lui disant : « J'ai vécu. » simple mots et pourtant si lourd de sens lorsqu'on y pense.
Tu pourrais laisser vagabonder tes songes avec beaucoup d'aisance si tu n'avais pas à t'occuper de ton Eden nocturne, repère de tous ceux qui désirent se réfugier sous le voile majestueux de Nyx. Tu te dois d'être un hôte d'exception pour faire du Joker le repère des insatiables consommateurs de sensations fortes, tu te dois de faire de cet endroit l'une des références en la matière pour prétendre à l'ouverture d'une chaîne et renforcer ton influence tant officielle qu'officieuse. Lieu de rassemblement pour tous ceux qui recherchent à mettre leur vie sur pause, ceux qui recherchent une compagnie charnelle éphémère ou pour les habitués et fidèles consommateurs de votre produit phare «Wild Eagle», nom loin d'être équivoque pour tous ceux qui ont eu la chance de fouler le sol de cet antre.
Succès apparent quand le glas sonne l'heure de l’indécence et que les âmes corrompues s’engouffrent dans ce palace. D'un hochement de tête, tu salues les plus importantes, désireux de fidéliser l'élite, bergers qui te ramèneront un bon nombre de moutons en échange de quelques grammes d'une poudre qui en vaut bien des autres. Sachet dissimulé sous des cendriers amenés par des serveuses aux tables VIP. À défaut d'être un bon comptable, tu es un hôte prestigieux, tu as appris au fil des années à caresser dans le sens du poils les Hommes pour en faire des pantins qui agissent comme tu le désires.
Sourire esquissé au coin des lèvres quand certaines n'hésitent pas à venir danser près de toi, simple aura par laquelle elles sont attirées ou jeu beaucoup plus vicieux auxquelles elles s'adonnent pour s'attirer les bonnes grâces du Zeus local. Tu trouverais cela presque amusant et te laisserait presque prendre dans cette danse dangereuse, mais Héra n'est jamais loin et son regard perçant sait toujours te trouver même derrière une foule agitée. Jeu qui prend fin lorsqu'elle s'autorise à te dérober un baiser que tu ne fais que renforcer. Fidèle à elle-même elle éjecter ce pion insignifiant d'un revers de la main, parce que sur cet échiquier géant elle n'accepte que les deux-pièces principales, roi et reine, royaume qui ne tient en place uniquement de leur union inavouée. Rire que tu te forces de garder en toi, une fois de plus la lionne à sortie les crocs et tu mentirais si tu n'avouais pas que ton palpitant apprécie cet acte. « Bien trop dommage, allez au vestiaire, ils s'occuperont de vous. » et quand l'ombre de cette âme déchue disparaît, engloutie par les ténèbres de cette foule grouillante, tu reposes tes yeux sur l'élu. « Une énième entrée fracassante. Tu m'as manqué » aveux que tu ne retiens aucunement. Mimiques, mots doux, jeux pervers et moments charnels qui te semblent bien trop loin, le palpitant tambourine lorsque tu te permets de goûter à nouveau aux lèvres de la belle. Les mains qui s'ancrent sur ses hanches, la tête penchante qui vient susurrer au creux de l'oreille de la belle. « Madame veut danser ou elle préfère qu'on aille trinquer à son retour. » Qu'importe le choix, qu'importe la suite, cette soirée sera mémorable, parce que tu désires qu'elle sache à quel point tu tiens à elle, parce que tu veux lui montrer que tu as besoin d'elle pour avancer et que tu la chérie bien plus que tout autre être sur cette terre éphémère.
Et les innocents s’aligneront face à Hadès, réclamant leur sentence des suites de leur mort peu glorieuse. Avortons agglutinés tels des pantins désarticulés. Masse peu éparse qui gravite autour de ce seul centre, matérialisé sous le visage de Sigma. Homme des enfers qui se délecte probablement de la populace qui parade. Cerbère qui s’annonce lorsque de son regard foudroyant brûle ce feu qui tempère les ardeurs de certaines. Greluches sans vergogne en quête d’un Eden qu’elles ne trouveront point ici. Joker, blague diffuse qui distille son venin et se rit du bienfondé des pensées de ces douces. Enragées elles sont peut-être mais au rang de simples mortelles elles demeureront. Revers d’un main au sens propre comme physique qui balaie la première de la file. Lippes qui maculent l’appartenance du natif de l’Olympe. Sigma qui, comme pour Ulysse, envoie voguer l’impartiale vers d’autres contrées jusqu’à ce qu’elle rentre chez elle. Retour vers les limbes pour la consternée que les orbes d’Alyona suivent un instant, teintées de vifs éclats de colère. Emotion tempérée aussitôt par le compagnon qui lui glisse quelques mots. Palabres qui filent et capturent une fois de plus le cœur de la brune. Vibrations qui manquent presque un battement qu’elle étouffe derrière ses lèvres contre la joue du propriétaire des lieux, simple marque d’affection. Innocence retrouvée à ses côtés. Révélation qui la ravit et à laquelle elle répond : « La réciproque est aussi vraie ». Jargon d’avocat lâché qu’il comprendra aisément. Sentiments décuplés quand sa main frôle désormais sa main. Adolescence en devenir. Vestiges d’un passé taché de nombreuses ombres. Nébuleuses dissipées par sa seule auréole. Banks a ce don de transformer en or tout ce qu’il touche. Carson qui ne devient statue mais semble s’éveiller à son simple contact.
« Chercheriez-vous à me saoûler Monsieur Banks pour profiter de moi ? » Sourcils froncés sans grande incidence. Douce euphorie qui la gagne alors qu’elle lui fait désormais face, ses deux bras encerclant sa nuque. Œil contre œil. Bout de ses doigts qui balaient la racine des cheveux de l’adonis. La musique n’est qu’un lointain écho, la foule se dissipe à ses yeux pour que ne reste que sa silhouette, miroir de sa propre image. Lecture aisée de ses intentions même si déchiffrer le grand méchant loup entièrement s’apprend. Il lui manque encore quelques ficelles pour qu’ils se découvrent. « J’ai l’exclusivité Sigma ou je dois prendre un ticket ? » Pique versatile qui n’entache pourtant rien à son humeur tant son sourire éclaire son visage. Tête inclinée vers la piste de danse qu’elle désigne. Terrain de leurs jeux audacieux. Il n’existe plus rien que leurs deux êtres dans le Joker. Salle ayant vu se perpétrer leur idylle initiée il y a déjà de nombreuses années. Enfant à peine grande rescapée d’une vie singulière, rattachée à cet autre naufragé, Banks. Compagnon d’infortune, soutien sans faille. D’abord simples alliés, aujourd’hui récif qu’elle se refuse à lâcher. Egoïsme ? Possessivité ? Romantisme qu’ils ont depuis longtemps dépassé. Stade d’une vraie relation qu’ils explorent souvent sans jamais mettre ces mots qu’ils devraient. Pensées qui s’envolent quand le son renait au creux de ses oreilles quand s’est dissipé celui des mots de Sigma. Bulle qui flottait dans l’air depuis tout à l’heure. Frisson qui parcourt son échine car sans même être lovée contre lui, c’est déjà l’adrénaline sur son épiderme. Comment faisait-il ? Probablement qu’il dissimule quelques pouvoirs magiques venus d’un autre âge pour l'hypnotiser à ce point. L’effet semblait opérer dans les deux sens car il ne réclamait pas la première ingénue. Ce n’est contre lui mais contre ses vipères que sa rage se dresse.
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Mer 25 Nov - 14:20
