oops i did it again...

Oops I did it again…

ft. Andreas Martens

Enfin une soirée où il n’était pas de garde. Ça faisait tellement longtemps que ce n’était pas arrivé, que Tobias avait presque failli se mettre à danser quand il avait compris que pour une fois il pourrait passer une soirée normale et sûrement faire une vraie nuit de sommeil. A moins d’être bipé en urgence pour l’un de ses patients, mais il espérait vraiment que ça n’arriverait pas. Ces derniers temps, il était de plus en plus épuisé, et il était parfois difficile de ne rien voir d’autre que les murs blancs de l’hôpital. Oui, c’était sa vie entière de se trouver là, de venir en aide aux gens, mais il y avait tout de même des périodes plus difficiles que d’autres. Alors sans hésiter une seule seconde, dès sa sortie de l’hôpital, il avait pris la direction de son bar favori. Ce soir, ses amis résidents n’étaient pas avec lui, mais ça ne voulait pas dire qu’il n’allait pas s’amuser. Enfin, s’amuser était sûrement un bien grand mot. Il allait boire, sûrement beaucoup, puis rentrerait chez lui pour s’écrouler comme une masse sur son lit. Ouais, ça sonnait comme un bon plan. Il entra dans le bar et se dirigea aussitôt vers le barman pour commander un scotch. Rien de tel pour commencer la soirée. Il prit une première gorgée, laissant le liquide ambré lui brûler la gorge tandis qu’il lançait un coup d’œil circulaire à l’endroit, ses yeux tombant soudain sur une chevelure blonde qui ne lui était pas étrangère. Son sang ne fit qu’un tour. Il se foutait de sa gueule, là ? Il fit claquer son verre sur le comptoir et se dirigea vers Martens, puisqu’il s’agissait bien de lui, la colère déformant ses traits.  

« Non mais sérieusement ? Donc je vous dis qu’il faut y aller mollo, que vous aurez sûrement bientôt besoin d’une greffe et vous vous venez vous bourrer la gueule moins d’une semaine après ? C’est du foutage de gueule ! »

Il avait envie de l’attraper et de le faire sortir de là par la force. Il lui avait fait peur le jour de son suivi ? Il allait découvrir qu’il pouvait réellement faire peur, quand on se foutait de lui.

oops i did it again...

Oops I did it again…

ft. Andreas Martens

Tobias fulminait. Vraiment, c’était quoi ce patient ? Il ne savait pas si ce qui l’énervait le plus c’était qu’il ne respecte pas du tout les recommandations, ou bien qu’il n’essaie même pas de se défendre. Mais quand Martens releva les yeux vers lui, il sut qu’il était foutu. Putain, il savait pas rester fâché face à quelqu’un qui pleurait, et le type avait vraiment l’air au bout du rouleau. Il soupira et secoua la tête face à ses propos. Il croisa finalement les bras puis reprit la parole, d’un ton bien plus calme.

« Je sais bien que c’est pas le truc le plus facile, mais là ce que vous faites c’est vraiment l’opposé de ce que vous êtes censé faire. Vous faire plaisir parfois avec de la nourriture pas adaptée à votre pathologie, c’est un truc. Mais venir boire de l’alcool alors que vous êtes à deux doigts de la dialyse, c’est vraiment pas intelligent. »

Il regarda autour de lui et finit par reporter son regard sur son patient.

« Bon. J’vous raccompagne chez vous. Vous allez avoir mal dans moins d’une heure. Si c’est trop douloureux je vous emmène direct à l’hôpital et c’est non négociable. »

Pourquoi il faisait ça ? Il n’en avait aucune idée. Il faisait toujours en sorte que ses patients aient les meilleurs soins possibles, mais il gardait toujours sa vie professionnelle et sa vie privée séparées. Là ? Il s’en foutait. Martens avait l’air seul, complètement épuisé, et il n’avait aucune envie qu’il lui éclate entre les doigts.

« Allez, on y va. »

oops i did it again...

Oops I did it again…

ft. Andreas Martens

Tobias avait toujours été susceptible aux larmes. Sûrement parce qu’il n’avait que trop vu sa mère pleurer devant la tombe de son frère, ou peut-être parce que chaque personne qui pleurait devant lui lui rappelait inévitablement Naya et sa petite frimousse qui, quand elle se couvrait de larmes, pouvait tirer de lui absolument tout ce qu’elle voulait. Il fut légèrement soulagé en voyant le blond se lever. Bon, au moins, il ne prendrait pas plus de risques ce soir. Quel genre de médecin aurait-il été en laissant un patient vulnérable avec une pathologie rénale en plein milieu d’un bar ? Il leva les yeux au ciel en l’entendant dire qu’il n’avait pas bu tant que ça.

« Ouais, on va essayer de pas oublier que le médecin, ici, c’est moi. Peut-être que la quantité vous semble petite, mais vu l’état de vos reins, un demi verre d’alcool c’est énorme. Donc vous êtes bien gentil mais si j’estime qu’il faut que vous alliez à l’hôpital, vous irez à l’hôpital. »

Il ne savait toujours pas pourquoi il voulait le raccompagner jusque chez lui et s’assurer qu’il ne faisait pas plus de conneries. C’était loin d’être très professionnel de sa part, de s’impliquer à ce point sur un cas. Pourtant, il sentait au fond de lui que c’était la bonne chose à faire. Ils se retrouvèrent vite dehors et alors qu’il s’apprêtait à commencer à marcher, Tobias fut retenu par la question de Martens. Il se tourna vers lui et haussa un sourcil.

« Nan. Juste ceux qui font volontairement de la merde sous mes yeux. Bon. C’est par où ? »

Son patient lui indiqua le chemin et il le suivit, le tout se passant en silence. Il ne savait pas vraiment quoi dire, c’était la première fois qu’il se retrouvait dans cette situation bizarre. L’engueuler n’était vraiment pas la chose à faire, le pauvre gars avait déjà suffisamment de problèmes. Une question lui vint soudain en tête et, n’écoutant que son franc-parler, il se permit de la poser directement, sans aucun détour, comme à son habitude, sur un ton détaché, comme s’il demandait l’heure.

« Vous voulez mourir ? »

oops i did it again...

Oops I did it again…

ft. Andreas Martens

Ah. Visiblement, Tobias avait frappé pile au bon endroit. Martens avait l’air d’avoir été giflé en pleine tronche, alors il devait avoir raison quelque part. Il le suivit tandis qu’il s’asseyait sur un banc, puis l’écouta parler. Il n’était pas vraiment du genre psy, écouter les gens – et surtout les patients – raconter leurs problèmes, ça le gonflait plus qu’autre chose, mais là… Là, il avait envie d’écouter. Peut-être qu’à force, il finissait par s’adoucir ? Mouais, peu probable. Mais ce patient en particulier semblait s’être faufilé dans sa tête, et l’idée lui vint que peut-être, en essayant de le réconforter, il finirait par en sortir ? Il était sûrement juste inquiet de le voir s’éteindre alors qu’il avait toutes les chances de s’en sortir. À mesure qu’il parlait cependant, ce n’est pas de l’empathie qui l’envahit, mais de la colère. De la colère de plus en plus puissante, se força à étouffer. Il abandonnait. Il abandonnait sans même essayer de se battre. Et ça, Tobias ne pouvait pas le comprendre. Lui n’avait jamais connu ce genre de pensées, les comprendre était donc extrêmement difficile, et ça lui faisait péter un câble. David n’avait pas eu le choix, lui. On lui avait pris la vie sans demander, alors qu’il avait encore tellement de trucs à faire. Le blond aussi avait encore des tas de choses à vivre. Il avait de longues années devant lui, et toutes les chances du monde de s’en sortir. Alors pourquoi abandonner ? Ça le foutait en rogne. Un rire froid lui échappa quand son patient lui demanda d’oublier ce qu’il venait de dire.

« Nan. Aucune chance que j’oublie. Est-ce que vous avez une idée de tout ce que vous laisseriez derrière vous si jamais une merde arrivait ? Le faire vous-même ou que quelqu’un d’autre le fasse, c’est la même chose. Vous avez abandonné l’idée de vivre et ça, c’est pas acceptable. »

Finalement, sa colère retomba. Peut-être… Peut-être que lui aussi, ou sa mère, auraient pu avoir ce genre de pensées, après David. Lui, il avait pris sa douleur à bras le corps, en avait fait une force immense. Mais tout le monde n’en était peut-être pas capable. Il soupira.

« Trouvez-vous une putain de raison de vivre. Une seule, c’est tout ce dont vous avez besoin, pas plus. Et après vous m’direz si vous êtes content d’avoir essayé de tout foutre en l’air. »

oops i did it again...

Oops I did it again…

ft. Andreas Martens

Alors qu’il venait de finir de parler, Martens se leva d’un bond. Tobias haussa un sourcil mais ne bougea pas d’un pouce. Il pensait l’effrayer là ou… ? Et alors que sa colère était retombée, elle monta à nouveau en flèche face aux paroles du blond. Non mais qu’est-ce qui lui prenait d’un coup ? S’il y avait bien une chose que le médecin n’aimait pas, c’était qu’on lui hurle dessus. Alors que son patient se permette de lui déverser autant de venin à la gueule alors que tout ce qu’il avait essayé de faire, c’était de l’aider. Ouais, non, là, c’était trop. Il se leva à son tour, la voix calme malgré son regard menaçant. Il n’allait pas se mettre à hurler en plein milieu de la rue.

« Tu me demande pour qui je me prends ? Et toi, alors ? Tu penses que quoi ? Que parce que je suis médecin j’ai une vie facile ? Que tous les gens autour de toi ont la belle vie pendant que t’es le seul à souffrir sur cette putain de terre ? Tu veux un scoop ? Tout le monde galère, tout le monde a mal, tout le monde se prend des coups de poing dans la gueule ! Mais on réagit pas tous de la même façon face aux galères, et certains d’entre nous ont quand même envie de vivre même si leur vie est pourrie. Tu veux crever ? Très bien. Fais c’que tu veux sur ton temps libre. Mais j’t’assure que tant que j’aurai ton putain de dossier et que tu seras mon patient, ta foutue insuffisance rénale te tuera pas. J’vais bien te faire chier jusqu’au bout, compte sur moi. »

C’était décidé. Il ne s’agissait pas de chirurgie – du moins pour l’instant – et ça ne touchait pas du tout à la neuro, mais il s’en foutait. Ce petit con resterait en vie tant qu’il était en charge de son cas, les choses ne se passeraient pas autrement. Et s’il y avait une chose à savoir sur Tobias, c’était qu’il était foutrement obstiné.

« Rentre chez toi, fais c’que tu veux. Mais si je te vois pas à la date convenue pour tes examens, j’viendrai de chercher par la putain de peau de ton cul. »