Une mère absente mais malgré tout exigeante, un frère qui signifiait beaucoup pour elle, un père qui choisit le divorce et de prendre le frère de Mia avec lui, voilà qui résume plutôt bien toute l'histoire. Mais autant rentrer dans les détails.

Mia Stapleton est née en Mars 1995 dans la ville de Los Angeles et directement, elle grandit dans une famille aimante, ou plutôt aimante en majorité. Elle passait beaucoup de temps avec son père et son frère car sa mère travaillait énormément, elle est d'ailleurs repartie à l'hôpital dès qu'elle avait pu le faire par rapport au congés maternité. A l'hôpital ? La mère de Mia, Eleanor, était une chirurgienne de grande renommée dans la chirurgie générale. Elle avait gagné de nombreux prix et ses diagnostics étaient excellents. Bref, une chirurgienne réputée, mais un emploi du temps bien rempli qui ne lui laisse que trop peu de temps pour sa famille pourtant bien remplie. C'est une absence que Mia a ressenti assez vite, même très vite, mais ça n'avait pas duré longtemps. A l'école, elle se débrouillait bien, très bien même. Elle était toujours dans les premiers de la classe et ses professeurs aimaient croire qu'elle était surdouée. A vrai dire, elle l'était peut-être mais en réalité, c'était malgré tout peu probable. Si tous les premiers de la classe étaient des surdoués, on ne les appellerait plus des surdoués. Simon -son frère- et elle étaient assez proches, tout comme elle était très proche de son père. Mais plus le temps passait, moins elle supportait l'absence de sa mère. Elle profitait pleinement des congés de cette dernière mais plus le temps passait, moins elle était capable d'en profiter. Dès que sa mère était là, elle essayait de faire en sorte que Mia donne le meilleur d'elle-même, même quand elle était bien trop jeune pour passer des heures à travailler. Elle savait que cette pression que sa mère mettait sur ses enfants pesait sur toute la famille, elle en avait pris conscience en arrivant au collège. Comment elle le savait ? Parce qu'elle avait entendu son père lui faire la remarque à sa femme plus d'une fois.

Et son père dans tout ça ? Disons qu'il était diamétralement différent de sa femme. Beaucoup plus détendu, à rechercher le bonheur de ses enfants avant tout, il n'était pas un énorme acharné du travail comme pouvait l'être sa femme. D'ailleurs, il ne travaillait pas à l'hôpital non plus, sauf que ça a créé beaucoup de tensions chez les deux mariés. Son frère, qui avait 7 ans de plus qu'elle, comprenait plus ce qu'il se passait et il essayait de la préparer à l'inévitable, le divorce. D'après lui, ça allait finir par arriver mais pour elle, c'était inimaginable. Les années avaient continuées de passer et au final, il y avait eu un élément déclencheur. Quand Mia avait 14 ans, elle était rentrée au lycée de Los Angeles sauf qu'à la fin de l'année, on lui avait proposé de sauter une classe. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait mais en général, ça n'arrivait pas car son père n'était pas d'accord. Sauf que cette fois, sa mère avait insisté et Mia avait sauté cette fameuse classe. Ca avait lancé les derniers débats entre les parents et le père de la jeune lycéenne avait demandé le divorce. Simon avait décidé de suivre son père, il était à peine majeur alors que Mia restait avec sa mère. Elle en avait voulu à son frère, prenant son départ et celui de son père comme un abandon, les préventions de son frère ne lui avaient clairement pas suffi. Sauf que c'est aussi à cette période-là qu'elle avait découvert ce qui l'intéressait réellement, la médecine.

Elle avait déjà été intéressée par ce que racontait sa mère, mais ce n'était rien d'assez concret pour qu'elle puisse réellement se décider. Puis elle avait réellement découvert la médecine et à ce moment-là, elle avait également découvert sa passion. Sa mère, en l'apprenant, avait commencé à faire en sorte de lui apprendre un maximum de choses, comme si elle voulait qu'elle suive ses traces. C'était à la fois très plaisant pour Mia qui avait la sensation d'enfin avoir un réel lien avec sa mère mais en même temps, c'était désagréable. Elle lui mettait toujours une grosse pression, lui apprenant des gestes comme la suture sur des bananes alors qu'elle était censée faire ses devoirs. D'après Eleanor, Mia ne faisait jamais les choses assez bien. Ca ne l'a malgré tout pas empêchée de postuler dans le cursus de médecine de la faculté de l'Université de Los Angeles, cursus pendant lequel sa passion n'a fait que se confirmer et se renforcer. Ce qu'elle voulait ? Faire partie des meilleurs pour s'assurer une bonne place dans les rotations cliniques, mais elle voulait également rendre sa mère fière. Sauf que ce qu'elle faisait n'était toujours pas suffisant. Ses résultats étaient excellents et elle était presque toujours major de sa promotion, mais ce n'était jamais suffisant. A la fin de la fac, Mia est devenue interne. A ce moment-là, elle entendait sa mère parler d'elle, parlant de sa fille qui allait également devenir une chirurgienne de renommée. Comment est-ce que sa mère pouvait dire ce genre de choses alors que derrière les portes fermées de leur maison dans le centre de Los Angeles, elle critiquait tout ce que Mia faisait ? Ca n'avait pas de sens. Sept ans après la fin de son lycée, elle était dans le programme de résidence, extrêmement proche de toucher à son rêve, la chirurgie.

La pression de sa mère ne faisait qu'augmenter mais c'est aussi là-bas qu'elle a rencontré ses camarades de résidence, comme Tobias avec qui elle avait rapidement tissé des liens. Mia travaillait d'arrache pied et pourtant, le résultat était toujours le même. Sa mère vantait ses mérites auprès de ses collègues mais continuait de la critiquer le plus possible lorsqu'elles n'étaient que toutes les deux à la maison. Mia avait gardé contact avec son frère, Dieu merci, ça lui permettait de garder les pieds sur terre. Pour satisfaire sa mère, dès la fin du lycée, elle s'était enfermée dans le travail, rejetant toute forme de vie sociale trop exacerbée. Encore aujourd'hui, du haut de ses 25 ans, elle n'a jamais été dans une relation, elle savait que sa mère aurait trouvé des choses à redire. La seule chose qu'elle savait ? Elle était bisexuelle. Elle avait fait son coming-out à son frère et à ses amis, mais sa mère n'en savait rien. Non pas que Mia ait eu peur qu'elle soit homophobe, c'est plutôt qu'elle lui aurait dit que ce n'était qu'une perte de temps. Mais ce n'était pas seulement au niveau des relations amoureuses qu'elle était intéressé par les deux bords, c'était également en médecine. Un de ses plus gros dilemmes a eu lieu pendant ses premières années de résidence et a toujours lieu aujourd'hui alors qu'elle a entamé sa troisième année. La neuro, ou la chirurgie générale ? Les deux la passionnaient plus que tout, mais ce qui la dérangeait le plus en chirurgie générale est que c'était également le domaine de sa mère. Elle voulait à tout prix se défaire du chemin tout tracé par sa mère, c'était aussi un des objectifs de la résidence. Elle ne voulait pas qu'on la voit comme la fille d'Eleanor Stapleton, elle voulait être Mia, la résidente en chirurgie qui se débrouillait bien. Pourtant, son coeur balançait et avait même tendance à pencher vers la chirurgie générale.

Au final, le rythme de travail en non stop et de pression de sa mère était presque devenue une habitude, peu importe à quel point c'était nocif. Mia cherchait la fierté de sa mère alors que cette dernière attendait la perfection
de la part de sa fille tout en vantant ses mérites à l'hôpital dès que l'occasion se présentait. Jusqu'au jour où tout s'arrêta. Un mois avant aujourd'hui, à la fin du mois de décembre 2020, à peine quelques jours après Noël, le téléphone de Mia avait sonné. Elle devait aller à la morgue pour identifier un corps, corps supposé comme étant celui de sa mère. Son monde s'était effondré. Elle avait pris le peu de force qu'il lui restait et était partie à la morgue, se laissant tomber sur le sol en pleurant en reconnaissant le visage de sa mère qui dépassait de l'ouverture faite dans le sac mortuaire. Sa mère était décédée. Vu son visage, elle n'avait pas l'air d'avoir souffert, sa mort avait apparemment été soudaine et immédiate, mais ça ne changeait rien pour elle. Ok, sa mère n'avait pas souffert, très bien, mais Mia se retrouvait seule, tout ça à cause d'un fichu accident de voiture. Encore aujourd'hui, elle ne se souvient pas comment elle a fait pour rentrer chez elle. A peine quelques jours plus tôt, elle fêtait Noël avec sa mère et maintenant, elle était seule. Elle s'était retrouvée hors de l'hôpital pour quelques jours, en train d'organiser les funérailles et de s'occuper de la paperasse mais elle n'attendait qu'une chose, retourner travailler. Le vide et le silence de la grande maison dans laquelle elle habitait maintenant seule étaient insupportables mais une fois rentrée à l'hôpital, après les funérailles, les choses étaient presque pires. Les gens la regardaient avec des yeux plein de pitié, ils passaient leur temps à s'excuser tout en lui disant que sa mère était une grande femme, qu'elle était douée et qu'elle devait être fière d'elle. Certains lui disaient de prendre plusieurs jours de repos en plus mais ce qu'ils ne savaient pas, c'est que c'était encore pire.  

Non, sa mère n'était pas fière d'elle ou en tout cas, elle ne le lui avait jamais dit. Non, elle ne voulait pas entendre parler des mérites de sa mère parce qu'elle les connaissait déjà par coeur et surtout, elle ne voulait pas prendre des jours de repos en plus. Elle était prête à reprendre le travail, elle le savait, elle ne mettrait pas la vie d'autres personnes en danger si elle n'était pas sûre. Après avoir travaillé d'arrache pied pour satisfaire sa mère, elle se retrouva à travailler d'arrache pied pour prouver à ses collègues et à ses supérieurs qu'elle en était capable. Au final, les "tensions" avaient fini par se calmer et elle avait repris un rythme normal au travail. Mais sa vie était loin d'être normale, elle était nocive au possible. Au travail, elle ne réfléchissait pas, n'avait pas d'émotions, elle se contentait de travailler efficacement comme un robot mais dès qu'elle rentrait chez elle, les nerfs lâchaient et elle s'effondrait. Encore aujourd'hui, un mois après la mort de sa mère, elle souffrait toujours de son absence. Tout à l'hôpital lui rappelait sa mère et en même temps, tout chez elle lui rappelait également l'absence de cette dernière. Le pire dans tout ça ? Elle ne savait même pas si elle avait été suffisamment bien aux yeux de celle qui l'avait mise au monde et qui était ensuite devenue une sorte de mentor pour elle. Elle n'avait jamais apprécié la pression mais au final, c'était à se demander si cette pression ne lui manquait pas. Elle était incapable de mettre des mots sur sa relation avec sa mère et pourtant, cette dernière lui manquait. Encore aujourd'hui, elle a ce rythme plus que nocif à la limite du robotisme, juste parce qu'elle n'a pas trouvé un moyen de rééquilibrer tout ce qu'elle ressent. Quand les gens lui en parlent, elle répond à peine, elle ne veut pas qu'on la plaigne, elle ne veut pas qu'on la prenne pour une folle. Elle veut être Mia, la résidente avec du potentiel sauf qu'actuellement, c'est comme si quelque chose l'empêchait de le faire. Les résultats de ses opérations et de ses travaux sont toujours excellents et pourtant, c'est comme si elle n'était pas au maximum de son potentiel parce qu'une partie d'elle était restée attachée à sa mère qui n'est maintenant plus là.