Les roses, c'était trop. La bière, c'était nul. Un petit truc à manger, c'était pas assez. Et tout le reste aurait été trop enfantin ou trop déplacé. Donc, perdu dans l'océan des choix qui s'offraient à lui pour apporter quelque chose, Ryan avait décidé d'acheter une bouteille de vin. Pas un grand cru, mais pas la première piquette disponible en supermarché non plus. Nan, il avait suivi quelques conseils, et avait sélectionné un vin qui se buvait bien pour des gens comme lui ou comme Alix.

Car oui, ce n'était pas pour sa conso perso. C'était pour ne pas venir les mains vides, alors qu'il arrivait chez la belle brune.

Alix et lui se parlaient souvent, et au grand dam du pompier, aucun progrès notable ne semblait pouvoir se faire sans qu'ils se voient. Et comme l'infirmière tardait à faire un pas en avant, c'était Ryan qui s'était décidé. En cette belle petite soirée de mi-mai, il avait pris les devants, et il allait chez elle, bouteille en main, pour passer la soirée en sa compagnie... tout en lui faisant la surprise. Certes, Isao avait aidé, mais il avait simplement assuré à son pote que la belle était chez elle ce soir. Et ne travaillait pas le lendemain matin.

Il était planté devant la porte d'entrée depuis quelques secondes, se demandant ce qu'il allait dire. Il frappa doucement, avant de sonner légèrement, pour être certain de se faire entendre. Des aboiements lui répondirent depuis l'autre côté : certainement le chien d'Alix. Ryan l'adorait, et adorait les chiens tout court, mais il n'avait pas beaucoup le temps pour s'occuper d'un. Peut-être un jour ?

La porte s'ouvrit quelques instants plus tard, le tirant de ses pensées.

Son cœur manqua une marche, comme presque à chaque fois qu'il pouvait plonger ses yeux dans ceux d'Alix. Ces grands iris d'un gris presque argenté étaient l'une des choses les plus belles au monde, et sans doute l'une des innombrables qualités physiques de la brune. Mais tout était beau, chez elle, et il n'avait qu'une envie, c'était de le dire.

Mais comme c'eut été déplacé, il prononça d'autres mots à la place :

 « Hey ! Surprise ! Ça fait un moment qu'on doit se revoir, et je me disais que comme tu ne te décidais pas, j'allais venir. J'ai apporté une bouteille, si ça te dit. »

Il lui souriait, avec ce sourire qui faisait fondre beaucoup de femmes, mais dont l'éclat n'était qu'élargi par la personne à qui il était destiné. Pour cette femme-là, il aurait souri toute la journée sans interruption.

 « J'espère que je ne te dérange pas. »

Il aurait manqué que ça. Qu'il dérange. Qu'il y ait quelqu'un d'autre, là, derrière la porte, pour l'empêcher de passer du temps, seul, avec Alix.

Cela fait déjà trois semaines que je suis de retour et bien décidée à poser enfin les bagages. Fini pour moi de partir aux quatre coins du monde, il est temps de se poser et de commencer à avancer. Isao n'est pas innocent quant au fait de m'avoir aidé à voir plus clair et il avait raison dans le fond, même si ne lui ai jamais avoué. Peut-être que je devrais consulter une psychologue pour parler de tout ce qui me freine dans ma vie, mon incapacité à voir plus loin que le présent et cette peur de l'engagement. Cette peur de m'attacher et de perdre un être cher, encore une fois. Trois semaines que je suis sur le sol californien et aussi longtemps, c'est une première qui m'angoisse un peu, je dois bien l'avouer. Cependant, avoir mon appartement, mon cocon fixe ainsi qu'un boulot stable avec des horaires convenables me font du bien. Ce temps où je travaillais h24 et 7j/7, c'est du passé. J'ai encore du mal à m'endormir la nuit, mon corps est encore sous l'effet de l'adrénaline constante, il n'a pas l’habitude d'avoir des jours de repos. Pourtant, c'est mon vrai premier jour de congé et le week-end y est compris alors vive le déboussolement.

Cela fait aussi trois semaines que je cogite entre le fait de l'appeler ou non. Là encore, Isao n'a cessé de me faire comprendre que oui, je devais le contacter étant donné que son ami s'inquiète pour moi ne sachant pas où je suis ni ce que je fais. Je peux comprendre Ryan, la dernière fois que j'ai su l'avoir au téléphone plus de cinq minutes, j'étais entre les tirs ennemis occupée à essayer de sauver des vies innocentes et on peinait à se comprendre. Je secoue la tête doucement, prenant la peine de me resservir un verre de rosé. Je balade le regard à travers mon loft, il y a encore un ou deux cartons mais en soi, le plus gros est fait. C'est juste des cartons avec de la vaisselles, rien de très important. Je suis plutôt fière du rendement, je suis plutôt douée dans l'art de la déco. Qui l'aurait cru, n'est-ce pas ? Je sais même pas ce que je vais faire de ce long week-end de quatre jours, à vrai dire. Visiter Los-Angeles ? Il serait temps parce qu'officiellement, j'y suis depuis deux ans et je ne connais encore rien de cette ville. Faire des rencontres, sortir ? J'ai vu que la saison des festivals sur les différentes plages allait bientôt commencer... je me dis qu'une bonne soirée sur une plage serait l'idéal pour rencontrer des gens mais y aller seule, hum, mouais pas très réjouissant. Quoi qu'une collègue avec qui je m'entends déjà super bien m'a proposée de m'accompagner à quelques soirée histoire de m'aider à me familiariser avec ma nouvelle vie. Je vais peut-être lui dire oui, finalement. Ah et bien sûr, contacter Ryan. Enfin, surtout ne plus composer son numéro pour l'effacer par la suite en me décourageant. J'ai envie de le revoir, il me manque car il est le seul à savoir comment étouffer mes peines rien qu'avec ses blagues débiles, juste avec sa présence. Mais je sais pas trop comment faire dans ce domaine, je suis trop nulle. "Salut, ça va ? Au fait, je t'ai pas dit mais je suis rentrée depuis trois semaine, on va se boire un verre ?" Tu parles, à sa place, sans nouvelles ni rien, je lui en collerais une. Bon, c'est pas comme ci on avait franchis un cap tous les deux puisqu'à chaque rancart, ça n'allait jamais plus loin. Pourtant, c'est pas l'envie qui manquait mais toujours ce blocage omniprésent. C'est lourd à force, croyez-moi.

Dans mes pensées, je n'entends pas frapper à la porte mais par contre, la sonnette me fait sursauter. Je vous jure, va falloir que je pense à prendre du xanax, c'pas possible. Qui cela peut bien être à... dix-neuf heures. Ah oui, déjà, quand même ! Je souffle légèrement, pensant passer ma soirée seule devant Netflix et bien peinarde après avoir passé mon après-midi à cuisiner un lasagne. Bah oui, non, encore une fois, je suis pas sortie et alors ? Je dépose mon verre de vin sur l'îlot central de la cuisine et je me dirige vers la porte d'entrée sans me douter un seul instant que c'est le dernier être sur terre à qui je pensais voir aussi vite. Trois semaines, quand même, l'oublions pas.

« Ryan ? » Dis-je sur un ton surpris dans un mélange de peur et en déglutissant, je fais pas les choses à moitié. Sur le moment, j'ai envie de fuir. Non, non, non, tout le monde mais pas lui, je vous en supplie. J'vais lui dire quoi, moi ? Que je suis désolée de ne pas l'avoir appelé plus tôt mais que j'étais tétanisée à l'idée de le contacter ? Non mais sérieusement, quelle genre de personne est tétanisée à l'idée de contacter quelqu'un ? Faut vraiment pas être normal, je suis pas normale. Et je me désespère en même temps. Ça va, relax, c'est "juste" Ryan, pas de panique. Ah bah si. Il est mignon là avec son "Surprise" et sa bouteille de vin. Il est adorable, Ryan, mais il me fait peur aussi à cause de ce pouvoir débile qu'il a sur moi. Je ferme la bouche avant de lui répondre, enfin. Je secoue la tête histoire de reprendre mes esprits. « Euh... non pas du tout, entre. » avec un ton peu sûre de moi, cette fois-ci.

C'est évident, je ne m'attendais pas du tout à le voir maintenant.

 « Hey, salut toi ! T'es le meilleur chien du monde toi, pas vrai ? »

Les chiens l'appréciaient, autant qu'il les appréciait, et c'était donc avec un sourire très large et quelques gestes affectueux que le pompier se fit accueillir par le border collie. Mais l'animal, aussi sympathique soit-il, ne pouvait pas être le centre de l'attention quand il y avait, dans la même pièce, la beauté qu'était Alix. Ryan s'approcha d'une table où se trouvait déjà une bouteille de rosé, et il y déposa délicatement le vin qu'il avait apporté.

Son regard balaya l'appartement, notant sans le vouloir toute la disposition des lieux. Il n'était jamais venu ici, bien qu'il ait déjà pu en apercevoir quelques bribes via les photos qu'avait Isao. Tournant les yeux, finalement, vers la belle brune, Ryan se sentit devenir un peu nostalgique, voir mélancolique.

 « Comment tu vas ? Isao m'a dit que tu étais de retour, et comme on semblait pas trop savoir comment s'organiser quelque chose, bah... j'me dis qu'on pouvait tout aussi bien se voir ainsi. Les surprises ça fait toujours un peu plaisir. »

Elle lui avait manqué. Beaucoup.

Ils avaient déjà essayé, en plus. Des rencards, des soirées, des moments entre eux où tout semblait réuni, d'un côté comme de l'autre, pour aboutir sur quelque chose. Ryan n'avait pas peur de faire les premiers pas, ni même les suivants, mais il savait que ce n'était pas le cas de la belle infirmière. Elle était beaucoup plus réservée que lui, et des fois, il sentait qu'elle ne savait peut-être pas vraiment ce qu'elle voulait.

Il lui avait tenu la main, lui avait caressé le dos, le visage, les cheveux, ils avaient failli s'embrasser. Mais rien de plus. Cette fois serait-elle la bonne ? Certes, il était venu avec l'intention de s'imposer un peu dans sa vie, de la bousculer dans ses retranchements pour qu'Alix sache qu'elle n'était pas seule. Qu'il était là, pour elle, quand elle le voulait, chaque jour. Mais il préférait être prudent. Il ne voulait pas gâcher sa vie pour quelqu'un.

Pourtant, il restait attaché à la même brune depuis plus d'un an.

 « Comment se passe ton nouveau travail ? Isao m'a dit que tu avais réussi à enfin mettre au moins un pied sur le sol et à l'y laisser. »

Il voulait éviter le sujet de ce qu'elle avait fait avant de revenir. Il fallait qu'elle en parle d'elle-même, sinon elle se sentirait probablement prise au piège. Il avait vu ça trop souvent chez des victimes.

J'arrive toujours pas à croire qu'il soit là, juste en face de moi. Je reste un peu bête sans qu'un seul mot ne sorte de ma bouche et figée avec la bouche entre ouverte. J'ai sûrement l'air d'une débile en cet instant, je vous jure. Je ne m'y attendais pas du tout. Évidemment, j'aurais pu lui fermer la porte au nez mais vous imaginez ? Non, je pouvais pas lui faire ça, pas à Ryan alors qu'il a toujours été là pour moi même à distance. Surtout à distance en fait. Je laisse Meïko se charger de l’accueillir comme il se doit parce que là, j'en suis pas capable. Isao lui a craché le morceau, bah oui sinon comment il aurait eu mon adresse ? Va falloir que je règle mes comptes avec mon frère, pour sûr. « Isao t'a aussi dit quelle couleur de lingerie je porte ou bien ? » Loin de moi l'idée d'être désagréable avec lui mais j'avais bien spécifié à Isao de ne rien lui dévoiler et contre toute attente, Ryan est au courant de tout. Il m'a coupé l'herbe sous le pied, le sang j'vous jure la bonne blague. On choisit pas sa famille comme on dit, hum. Je prends un air désolé avant de reprendre avec une voix plus douce que précédemment. « Désolée, je suis juste... laisse tomber. » Je reprends mon verre de vin rosé avant de sauter et m'installer sur l'ilot central de la cuisine. Il a bien fait de ramener une bouteille, il me faudra bien ça. « Tout se passe très bien. Ca me fait encore bizarre d'avoir des horaires fixes mais c'est juste une question d'habitude. » Je lui souris légèrement et je ne peux pas m'empêcher de planter mon regard dans le sien. Je sais pas expliquer l'effet qu'il me procure. Quand il est là, sa présence m'apaise ma mère dirait que j'ai besoin de lui pour avancer et elle aurait surement raison si elle était encore de ce monde. Maman avait toujours raison. « Et toi, comment tu vas ? » Toujours à vouloir changer de sujet mais je suis pas du genre à me mettre en avant, j'aime pas parler de moi ni de mes sentiments.

L'idée de plaisanter sur la couleur de la lingerie n'était pas pour lui déplaire, loin de là. Mais Ryan suspendit sa blague avant qu'elle ne franchisse ses lèvres : Alix aurait sans douté viré au cramoisi en un quart de seconde s'il l'avait faite. Il préféra donc garder sa pensée pour lui, non sans avoir une légère arrière-pensée qui lui faisait se poser réellement la question. Il ne connaissait pas assez la jeune femme pour pouvoir le deviner, mais il ne doutait pas un seul instant que toutes les couleurs iraient parfaitement sur ses formes.

 « Ah ça, les horaires fixes. J'en avais au lycée, quand je travaillais dans le café du coin. Mais depuis que j'suis pompier, c'est un luxe que j'ai oublié ! A vrai dire, je suis passé ce soir, mais à tout moment, on peut m'appeler pour que je sois obligé de retourner au charbon. Sans mauvais jeu de mot. »

Ce n'était pas totalement vrai ; il n'était pas d'astreinte, aujourd'hui. Il pouvait se permettre de faire ce qu'il voulait jusqu'au lendemain matin. Mais comme la moitié du temps, il était en service ou d'astreinte, il lui était parfois bien difficile d'organiser des projets comme des vacances... ou des soirées avec une femme.

Pour Alix, il faisait des exceptions.

 « Perso, ça va, ça va. Le travail est toujours éprouvant, et on en voit de toutes les couleurs, mais je pense pas que je sois le plus à plaindre. On ne risque pas d'être au chômage, et les gens nous respectent assez pour pas nous tirer dessus, comme les flics. C'est parfois difficile de trouver la motivation pour se lever le matin... mais ça vient principalement du fait que dans ces cas-là, c'est que j'ai dormi seulement une heure. »

Il eut un léger rire. Il exagérait quand même un peu, car il lui arrivait rarement de dormir aussi peu pour retourner au boulot après. Les interventions les plus éprouvantes étaient généralement suivies d'un repos adapté, légalisé, et il ne se plaignait jamais de ses conditions de travail. Il avait un bon salaire, de bons équipiers, et tout ce qu'il avait envie d'avoir. Ou presque, songea-t-il en regardant la belle brune.

 « T'as l'air un peu mal à l'aise, tout va bien ? »

Une lueur pétillante dans le regard, il lui adressa un petit sourire taquin.

 « C'est mon physique de dieu qui te fait ça ? Tu veux peut-être que je redevienne un simple mortel, le temps de dîner ensemble. Ça m'ira très bien aussi, mes chevilles auront du mal à repartir, sinon. »

La pousser dans ses retranchements, la faire rire, la faire tourner en bourrique, c'était presque un passe-temps. Mieux : c'était la preuve qu'elle comptait pour lui. Car il ne se permettait de le faire qu'avec certaines personnes proches. Certaines personnes spéciales à ses yeux. Comme une certaine brune aux yeux gris qui, pour lui, n'était que la plus belle femme du monde.

Je remercie le ciel qu'il n'est pas bondit sur la remarque de la couleur de ma lingerie. J'ai lâché ça comme une bombe sans réellement faire attention à l'impacte que cela pouvait provoquer. Après il doit sûrement l'imaginer mais Ryan est bien trop poli pour me le faire comprendre. Je souffle légèrement et je l'écoute parler de son boulot. Ca se voit qu'il aime ce qu'il fait, que ce boulot l'anime jour après jours malgré le danger qu'il représente. Je crois pas que ce soit donné à tout le monde d'être pompier. Personnellement,  j'ai beau courir vers le danger, je me vois vraiment pas sauter dans les flammes et encore moins grimper je ne sais où ou descendre en rappel le long d'une falaise. Parce que oui, Ryan fait tout ça et plus encore. Je l'admire au fond, il est tellement courageux. Il fait tout ça juste dans le but de secourir et sauver des vies. « Tu as vraiment l'air d'aimer ce que tu fais. Mais ça te fait pas peur parfois ? Je veux dire, quand tu te retrouves devant un immense incendie, tu flippes pas ? »  Oui, ça m'intéresse vraiment de savoir ce qu'il ressent dans ces moments là. Après je sais qu'il pourra toujours compyer sur ses collègues et qu'ils sont là pour veiller sur les autres mais tout de même... « Maintenant, ça va. » Dis-je en le rassurant parce que oui, maintenant tout va bien. Quand je vous le dis que c'est le seul à savoir comment étouffer mes peines et faire en sorte de me sentir sereine. J'éclate de rire face ce qu'il vient de sortir en prenant soin de faillir m'étouffer avec la gorgée que je venais à peine de prendre. Oh god, ça me fait penser que je ne lui ai pas proposé quelque chose à boire. Je suis impardonnable vraiment. « Change rien, t'es parfait comme ça... » Je me racle la gorge. « Tu veux boire quelque chose ? J'ai tellement été surprise que je fais ma mal polie. » Je peux pas détacher mon regard de son visage, faut que je me reprenne.

Ryan garda son sourire. Il n'avait aucune gêne à discuter de tout cela avec Alix.

 « Peur ? Ouais, sans doute, parfois. Ce serait idiot de dire qu'on a pas peur du feu, qu'on ne ressent pas toute cette chaleur infernale, et qu'on ne risque pas notre vie à chaque instant dans ce genre de moments. Mais le truc, c'est qu'il faut différencier la fiction de la réalité, aussi. Dans les films, tu vois souvent les mecs qui risquent leurs vies en allant dans les flammes avec juste leur tenue et qui vont chercher tout le monde comme ça, en défonçant tout avec une hache. Dans la réalité, c'est rarement comme ça. Les gens ne sont pas idiots, ils ne restent pas bloqués dans les flammes, la plupart du temps. »

Son sourire s'effaça quand même, mais il parvint à garder un ton neutre.

 « Donc ouais, ça m'arrive de flipper. Mais c'est normal. Le feu, c'est dangereux, mais pas plus que l'océan. Et crois-moi, il vaut mieux affronter un incendie qu'un raz-de-marée. »

La nature était une force tellement puissante qu'il paraissait improbable que l'Humanité parvienne un jour à l'apprivoiser assez. Mais d'un autre côté, Ryan n'était pas payé pour se poser ce genre de questions. Il revint donc vers le regard d'Alix, avant de lui sourire à nouveau :

 « Et va pour ce verre de rosé, alors. On ouvrira la bouteille que j'ai apporté plus tard. »

Il ne rebondissait pas non plus sur le compliment de la jeune femme ; histoire de ne pas la mettre mal à l'aise là encore. Il le savait, l'occasion de le faire se répéterait maintes fois au cours de leur soirée improvisée, et il aurait donc tout le loisir de la taquiner davantage. Il préférait ne pas trop le faire, car au bout d'un moment, la plaisanterie finissait par avoir un goût salé qui n'était pas plaisant. Et la brune n'avait pas besoin de ça.

Pas plus Ryan, d'ailleurs. Il était venu ce soir avec, en tête, l'idée d'un moment parfait, où il repartirait avec le sourire et la sensation d'avoir accompli quelque chose. D'avoir fait des pas en avant sans reculer en même temps, contrairement aux autres rencards qu'ils avaient eu. Et même si, ce soir, ce n'était pas vraiment un rencard... il n'y avait pas de mal à le transformer ainsi.

 « Je connaissais pas ton chien, il a l'air méga content. Il m'aime bien, tu crois ? Tu l'as appelé comment ? T'arrives à t'en occuper convenablement, même avec tout le boulot ? »

« La plupart du temps.  »  Oui parce qu'il ne vienne pas me dire qu'il n'est jamais tombé sur des personnes complètement débiles. S'il y en a dans la vie courante, il y en a forcément dans ce genre de situation. « Qu'est-ce que tu as contre les pompiers des séries ? Moi, je les trouve sexy. » Je le chambre un peu, ca m'amuse de voir sa réaction. Du coup, j'hésite pas à remettre une couche. « Bah quoi ? C'est vrai. Ils sont musclés et la suie leur va super bien. »  Je fais une mine serieuse et en haussant les épaules tout en lui servant un verre de rosé. Je me dirige vers lui pour le lui donner accompagné d'un clin d'œil. Ryan n'a strictement rien à leur envier. Il a tout pour lui et pas uniquement sur le plan physique. Il est adorable, bienveillant, courageux, déterminé, il a le cœur sur la main... bon même s'il est peut-être un peu trop sûr de lui et tête brûlée mais c'est ce qui fait son charme. Non, vraiment, ces mecs là lui arrivent pas à la cheville et puis, ça reste des personnages de fiction. Restons fans la réalité. Je suis bien dans ma réalité actuelle, moi. « Tu as dû affronter un raz de marais ? Quand ça ?  »  J'ai bien vu à son sourire effacé l'espace d'un instant qu'il parlait en connaissance de cause. C'est comme les tsunamis... je me rappelle de celui en Thaïlande où je suis partie pour aider la population à l'époque ainsi que devoir trier les blessés et les morts... C'était en 2012 et je venais à peine d'être diplômée mais je m'en rappelle comme ci c'était hier. Ca marque à seulement vingt et un ans. Je finis par l'inviter à s'assoir sur le canapé et je m'installe sur le fauteuil en face. > « C'est parce qu'il sent que tu es un gars bien. Les chiens ont la faculté de reconnaître les bonnes personnes. »  Je lui souris, encore une fois. « Il s'appelle Hypsos. J'ai plus de temps pour lui maintenant donc tout va bien. Avant, il me suivait partout où j'allais et il a encore du mal à rester seul le temps de mon service mais il s'adapte, comme moi. Il sait que je vais finir par rentrer. »  Toi aussi  Ryan  tu peux être sûr de ça. Je t'avais dit il y a quelques mois que je finissais toujours par rentrer à la maison. Je t'en ai fait la promesse et me voilà. Si je n'ai rien tenté avec lui à l'époque c'est justement parce que je n'étais pas stable et que maintenir une relation sur une longue distance, c'est juste impensable et surtout invivable pour moi. Il fallait attendre que je revienne, que je puisse enfin me projeter dans un futur et pas me focaliser sur un présent. Ce job, cet appartement, Ryan... pour moi, c'est un signe de stabilité. Et maintenant, j'ai tout le temps d'apprendre à le connaître et passer du temps avec lui sauf que je dois encore bosser sur a ma peur de l'attachement et de l'engagement. Et j'ai pas envie de le faire souffrir. Oui, je suis rentrée mais d'un côté, si je ne l'ai pas rappelé, c'est à cause de ça en partie. Cette peur de perdre l'autre qui me bouffe à chaque minute. Cette peur de mes sentiments envers lui qui sont de plus en plus fort à son égard. Le fait qu'il soit devant moi en cet instant me rend folle et j'ai juste envie de lui sauter dessus de goûter à ses lèvres, me perdre à son contact physique... mais je peux pas. Je peux pas faire ça. Pas encore. Je me mords la lèvre inférieurs à ces pensées.  « Je suis contente que tu sois là, sincèrement. »  Je m'attends à ce qu'il me pose la fameuse question  celle de savoir pourquoi je ne l'ai pas prévenu de mon retour, de savoir pourquoi je ne l'ai pas appelé. Et il aurait raison de me le demander. Mais honnêtement, je la crains également.

 « Hypsos... viens là, mon gars ! »

Piètre tentative, malheureusement, car le chien se contenta de tourner la tête vers sa maîtresse, comme pour demander s'il devait vraiment aller voir Ryan. Tant pis ! Le chien et lui se reverraient, avec de la chance, assez souvent pour qu'ils puissent s'apprécier, et avec le temps, le pompier espérait qu'il parviendrait à s'en faire son ami aussi. Mais déjà, il voyait bien qu'Alix était ravie que son chien l'apprécie. Les bonnes personnes.

Evidemment, cela ne faisait que rappeler au trentenaire qu'il n'avait pas la chance de pouvoir s'occuper d'un chien.

 « J'aimerais avoir un compagnon comme lui. Un beau chien, assez gros, sportif, car je n'aime pas spécialement les tout petits. Mais avec mon métier, j'ai pas du tout le temps, et c'est donc complètement incompatible. Peut-être qu'un jour, je pourrai. Mais en attendant... bah je me contente d'aller caresser la tête de ceux que je croise. »

Il eut un nouveau sourire pour la jeune femme face à lui, avant de porter son propre verre à ses lèvres. Le rosé, et l'alcool en général, ce n'est pas ce qu'il préfère et il essaye d'éviter d'en boire de trop. Comparé à certains de ses collègues, qui se mettaient des mines au moins une fois par semaine, il était extrêmement mesuré et savait toujours où se trouvait la ligne à ne pas franchir. Sauf peut-être dans certaines situations festives, où l'humeur et l'alcool se mélangeaient beaucoup trop vite.

Il laissa ses yeux plongés dans ceux de la jeune femme à ses derniers mots, avant de répondre. Un bref instant de silence avant de prendre la parole, qui signifiait beaucoup. Merci, principalement. Et également, que le sentiment était totalement réciproque. Il préférait se concentrer sur ces mots, sur ce qu'il allait dire, plutôt que d'orienter le sujet sur les voyages d'Alix. Car c'était un sujet compliqué, et dont la brune n'avait peut-être pas envie de parler. Ryan, lui, n'y voyait aucun inconvénient !

Mais il avait le tact de savoir retenir sa curiosité. Et de savoir qu'il valait que ce soit la belle qui en parle d'abord, plutôt que de la presser sur ce sujet aussi.

 « Moi aussi je suis content d'être là. »

Il tordit ses lèvres en un sourire taquin, suivi d'un clin d’œil.

 « Mais je suis également content que tu sois revenue, et qu'on puisse enfin se voir. Tu t'en doutes, mais ça m'avait manqué, ces occasions de pouvoir partager un verre, une soirée, ensemble. »

Pas plus. Car sinon, il risquait de trop parler, de dire quelque chose qui gâcherait un peu la note qu'il laissait sur ses mots.

« Au pire, si tu en prends un tu peux toujours le ramener à la caserne et ce sera la masquotte. » Bah ouais, pourquoi pas s'il veut vraiment un chien ? Bon même si maintenant je peux plus le faire, j'amenais toujours Hypsos partout avec moi. Il pourrait le prendre avec lui et le laisser à la caserne lors de ses intervention. Toujours des solutions aux problèmes. Ryan finit par mettre le doigt sur le sujet. Il fallait que ça arrive même s'il le demande pas directement, je comprends tout de suite où il veut en venir. Mon silence radio. Je crois qu'un deuxième verre de rosé est de mise et je l'invite à me suivre sur la terrasse, au bord de la piscine. Les températuresont grimpées à Los-Angeles et ces vingtaines de degrés font réellement du bien. Cela me permettra de me remettre au surf et de bronzer sur les différentes plage en compagnie d'un bon cocktail. Je m'excuse auprès de lui, je monte vite fait dans ma chambre pour y enfiler un short, une fine blouse toute légère et mes lunettes de soleil. Ces dernières me permettront de pouvoir le regarder sans qu'il ne s'en apercoive. Ou pas. Je descends à la même allure et je le rejoins dehors. Il est temps de mettre les choses au clair. Je peux pas continuer à tourner autour du pot et à me voiler la face. Je sais qu'il aimerait des réponses même s'il ne me les pose pas directemen. Il doit savoir vers oùil se dirige et c'est bien normal. « Je sais que ça te travaille... le fait que je ne t'ai rien dit sur mon retour et le fait que je ne t'ai pas contacté pour qu'on se voit. » Je m'installe sur le transat qui se trouve à côté du sien. « Si je ne t'ai pas contacté c'est parce que je ne savais pas encore où me positionner dans tout ça. J'en ai beaucoup discuté avec Isao et si je lui ai fais promettre de ne rien dire, c'était parce que je voulais être sûre de moi. Je veux pas que tu sois ou que tu te sentes comme un objet qu'on prend et qu'on jette par la suite. Je veux pas te faire de mal et ça, même si mes sentiments pour toi sont bien réels. » Je marque une pause, je bois une gorgée avant de reprendre. Je viens quand même de lui avouer mes sentiments là, c'est pas rien. Je souffle légèrement pour évacuer ce stress. Je n'ai jamais su mettre des mots sur mes émotions et encore moins mes sentiments. « Mais pour le moment je veux pas aller trop vite. Je prends seulement mes repairs, je me suis pas encore habitué au fait de rester dans un endroit pour toujours. J'ai tellement eu l'habitude de bouger tout le temps, tout ça, c'est nouveau pour moi et je dois bien t'avouer que ça.me perturbe. Je dois encore faire pas mal de travail sur moi et je veux pas t'entraîner dans mes travers. »  Je sais qu'il est assez grand pour prendre ses décisions tout seul. « Et pour le moment je ne me vois pas m'engager dans une relation. »  Il ne s'en rend peut-être pas compte mais je le protège en mettant un frein. Je suis trop instable, encore et les démons dans ma tête font encore trop ce qu'ils veulent de moi. C'est pas l'envie qui manque d'essayer de me poser avec lui, loin de là. Mais si je veux fragment que ça marche, je dois d'abord me reprendre en main. Mais bon, après, je me plante peut-être carrément et il ne veut pas d'une relation sérieuse mais plutôt d'une amitié avec plus si infinité. J'en sais rien.