La peur alors qu'elle me semblait soudainement hors d'atteinte. Que j'avais l'impression qu'elle filait entre mes doigts et qu'elle s'enfermait dans une bulle que je ne pouvais éclater. Pas ma place mais pour aussi ne pas la forcer. La peur d'aller trop loin. De faire le pas de trop, qu'un simple beau frère ne pouvait pas se permettre de faire. Pourtant… Cette unique larme avait eu l'effet d'un couteau coupant d'un coup sec mon cœur, éventrant ce battant sans aucune pitié… Un semblant de déclic semblait l'avoir ramenée. L'avoir fait fuir, vers la salle de bain. Mais je l'avais interceptée. Je l'avais arrêtée… Mes bras autour d'elle, la douleur de la voir dans cet état et le soulagement de l'entendre partager ses pensées… Sa voix était teintée des larmes qu'elle devait me cacher, dos à moi… Des larmes que j'aimerais essuyer mais je ne bougeais pas… Je restais immobile… Je redevenais l'oreille attentive que j'avais juré d'être pour elle. Du jour où elle était tombée dans le coma, où j'avais espéré chaque jour revoir son sourire. A entendre sa voix. Son rire… Ils étaient désormais rares mais ce n'était que des trésors entre mes mains. De nouveaux souvenirs avec cette "nouvelle" Ziggy… Qui était autant l'ancienne que la nouvelle… "Tu n'as à pas t'excuser… Je… Ne peux même pas imaginer ce que tu vis… Et je dois paraître égoïste en me disant que je suis simplement heureux que tu sois là, en vie… Alors que tu souffres de tout ça…" Les bras se serraient autour d'elle. Autour de cette belle sœur que je ne devais pas regarder avec un amour que j'avais pourtant réussi à oublier… Je ne pouvais m'empêcher d'avoir mal au cœur… De vouloir être, moi, amnésique, pour lui enlever ce poids. Lui enlever cette douleur. Elle n'avait jamais mérité d'être dans un tel état… Elle ne méritait pas de pleurer, qu'importait la raison… Doucement, je posais mon front sur l'arrière de son crâne, l'odeur de son shampoing titillant mes narines… Un sourire. "Ou plus ! Dire d'avoir un bon attelage pour le traîneau, non ? Ce serait dommage d'aller en Alaska et de ne pas en faire." Un léger rire, ma tête qui se redressait pour la regarder… Pour accuser le coup de ces derniers mots…

"Je suis sûr que non… Je suis simplement disponible à toute heure du jour et de la nuit grâce à mon travail !" Ces mots, je ne les disais que pour la rassurer. Pour qu'elle ne se croit pas abandonnée par son propre mari, par son enfant qu'elle ne reconnaissait même pas… Enfant qui devait avoir tant de mal à voir sa mère n'être… Qu'une inconnue ? "Je me suis promis de tout faire pour que tu reviennes, quand tu étais… Dans le coma… Et quand tu t'es réveillée, je me suis promis d'être toujours là pour toi. Je te l'ai dit que je le serai toujours…" Mais que pouvais-je bien dire à son envie de vivre autre part que chez elle ? Là où sa famille résidait ? Là où elle devrait se sentir mieux ? Cela devait être un cocon, un refuge pour elle… Pas un lieu qu'elle devrait fuir… Je martyrisais mes lèvres, je me refusais de faire ce à quoi je pensais… De le lui proposer… Comment mon frère le prendrait-il ? Comment saurais-je tenir et ne rester qu'un simple beau frère ? Comment pourrais-je résister à ce cri de mon cœur, si je me voyais la côtoyer tous les jours ? Sauf que, même avec toute la meilleure des volontés, les mots glissaient d'entre mes lèvres sans que je ne puisse les retenir… "Viens vivre chez moi… Si cela te convient. Si tu penses t'y sentir mieux… J'ai une chambre qui ne sert à rien… Ils pourront venir te voir quand ils le souhaitent et, quand Niklas travaillera tard, on pourra prendre June, je m'en occuperai pendant que tu recrées des liens avec ta fille. Enfin, ça prendra son temps pour ça mais…" Une légère inspiration, une reprise de contenance. Je ne lâchais simplement pas mes bras des siens. Si elle voulait s'en débarrasser, elle pouvait. Si elle était mieux en les ayant autour d'elle, je la laissais en profiter... Mon coeur saignant de ne pas pouvoir l'étreindre de toute l'affection renaissante pour elle, n'était qu'un détail... "Je suis sérieux dans ce que je te propose. Si c'est ce dont tu as besoin pour aller un peu mieux, les portes de ma maison te sont grandes ouvertes. Il faudra simplement en parler avec Niklas et mettre le tout en place… Mais ce ne sont que des formalités. Qu'est-ce que tu en penses ?"

Sentir la présence de Daegan dans son dos, ses bras musclés qui l'encerclent, la bercent en douceur lui fait doucement se sentir à sa place. Sans trop pouvoir l’expliquer, Ziggy se sent rassurée, protégée malgré les larmes qui roulent sur ses joues, malgré la douleur dans sa poitrine et les sanglots dans sa voix. “ Ce n’est pas égoïste non mais je.. J’y arrive pas, c’est tout. Je peux pas faire semblant, je peux pas.. ” Elle renifle, essuyant du revers de sa manche ses joues humides avant de se redresser légèrement, finissant par se tourner face à lui, enroulant ses bras autour du torse du quadragénaire. “ J’adorerais savoir faire du traîneau, ça doit être merveilleux. Comme dans les films. Tu en as déjà fais ? ” Elle sourit un instant, rêveuse, avant que la réalité ne la rattrape doucement. Pour le moment, elle est là, en Californie, vivant avec cet époux qui ne la supporte pas, et cet enfant qu’elle ne parvient pas à aimer alors qu’elle le devrait. Profond soupir qui franchit ses lèvres, libérant sa poitrine d’un poids retenu depuis bien trop longtemps maintenant. “ Non, vraiment.. Tu es le seul.. Niklas ne.. Il ne me regarde même plus, pour le peu de temps où on se croise. Il m’évite, je le sais bien, et maintenant que je.. J’ai ces flashs.. C’était.. Un coup de téléphone avec son nom, avant l’accident et je.. Je crois qu’on s’était disputés alors je.. Je sais pas.. ” Elle souffle et se masse un instant la nuque, levant doucement son regard d’émeraude vers le visage de Daegan.

Hochant légèrement de la tête, la jeune femme inspire et caresse machinalement le dos de Daegan alors qu’elle garde ses bras noués autour de son torse, posant doucement sa joue contre la poitrine de son beau-frère. C’est rassurant. Cette étreinte, la première qu’elle a depuis des mois, entendre ce cœur battre dans son oreille. Apaisée, c’est ainsi qu’elle se sent en cet instant. “ Oui je m’en rappelle.. Et j’apprécie ton offre, vraiment mais je.. Tu penses que ça ne va pas te déranger ? Je ne veux pas être un poids pour toi même si je dois avouer que oui.. J’adorerais pouvoir rester avec toi, m’éloigner de cette maison, et de lui.. ” Un doux sourire, léger, sur ses lèvres roses alors qu’elle recule finalement, laissant retomber ses bras le long de son corps. Un léger froid qui s’empare d’elle, quand elle se détache de Daegan. “ Je.. Merci, merci pour tout.. Je devrais rentrer et lui en parler, si je ne me trompe pas il a bientôt terminé le travail. ” Elle inspire doucement et se mord la lèvre, doucement, avant de se mettre sur la pointe des pieds pour lui embrasser la joue, un doux sourire venant légèrement éclairer son visage.

Désemparé, perdu et blessé de la voir aussi mal... Je n'arrivais pas à imaginer la réelle douleur, en elle, celle qui pesait si fort sur son coeur pour qu'elle pleure ainsi dans mes bras, pour qu'elle dise, de but en blanc, qu'elle n'y arrive pas... J'avais l'impression d'être totalement impuissant, combattant un ennemi invisible et dont la forme m'était totalement inconnue. Je ne pouvais rien faire de plus que lui parler, chercher des solutions à son problème... Enfin, des solutions. Des moyens pour arriver à la solution, pour découvrir la clé pour rouvrir sa mémoire et lui permettre de se sentir... Mieux. Enfin, serait-ce un mieux ? Se rappeler de tout en se remémorant de sa vie où elle était amnésique. Son corps se serrait contre le mien, alors qu'elle se mettait face à moi, que je sentais son étreinte et que j'y répondais. "Non, pas vraiment. J'avoue que je n'y avais jamais pensé avant aujourd'hui !" Un léger sourire, même si je ne ressentais aucune joie. Au contraire... J'avais beau avoir tenté de lui changer les idées, j'avais l'impression qu'à aucun moment, elle n'arrivait à réfléchir à autre chose qu'à son mal. Je ne pouvais pas lui en vouloir, je comprenais même. Ce qu'elle vivait, était trop dur que pour être oublié avec une farce, une idée loufoque de vie en Alaska. Je n'arrivais plus à défendre mon petit frère, à lui redorer son prénom car... Car je n'avais plus de... D'excuses ? Je n'arrivais plus à trouver de raisons à son comportement, à part... A part qu'il était égoïste. J'aurai pu penser qu'il fuyait, qu'il avait du mal avec ce que vivait Ziggy mais... En fait, ça restait une raison égoïste : soit il trouvait son mal-être plus important que la spirale infernale dans laquelle vivait sa femme, soit il n'en avait rien à faire... Simplement, je posais une main sur sa tête, mes doigts s'emmêlaient dans ses mèches brunes et je proposais finalement cette idée loufoque : vivre avec elle, pour la libérer de certains de ses poids.

De gauche à droite, je secouais la tête pour signifier que ça ne me dérangerait pas qu'elle emménage avec moi. Cela serait dur, de supporter la douleur de vivre à ses côtés en étant aussi attaché à elle, en ayant des sentiments aussi forts mais, pour son bien-être, je n'avais qu'à museler mon coeur. "Tu ne me dérangeras pas. Tu ne seras pas un poids et tu le dis toi-même : ça te fera du bien. Sincèrement, je me sentirai même mal de savoir que tu n'es pas bien, chez toi, alors que je peux t'offrir de t'héberger. Tu pourras souffler, ainsi, et te reprendre, à ton aise, sans te sentir obligée de t'occuper de ta fille, de ton mari..." Sauf qu'il était temps. Temps de la laisser partir. De la voir rejoindre sa famille. Mes bras la relâchaient, la libéraient, même si une pointe de douleur s'enfonçait dans mon coeur. Celle de  savoir que là-bas, elle se sentirait mal, qu'elle ne serait pas bien... Je gardais le sourire, pourtant, optimiste, l'air de rien et pour ne pas l'inquiéter plus que ça. Si elle voyait que je m'en faisais de trop pour elle, j'avais peur qu'elle n'accumule trop de poids, trop de pression... Je devais garder mon mal pour moi et m'occuper d'elle. Moi, je pourrais très bien aller mieux après. "Ne me remercie pas, c'est normal. Tiens-moi au courant et s'il faut, qu'il me téléphone, je lui parlerai moi-même." Une pression dans le torse, suite à son baiser. Une douleur autant agréable que désagréable. Je n'en faisais rien paraître, au contraire. "Et n'hésite pas, toi, s'il me faut à me téléphoner ou à venir, si jamais. Tu peux, quand tu veux, que tu en ais besoin ou pas."