Cette cigarette était comme un trophée. Nous nous l’échangions, comme pour savoir qui finira par céder aux avances de l’autre. Ce n’était pas vraiment un échange, mais une compétition. Cette femme m’avait entrainé dans une force indescriptible. Nos regards étaient liés un à l’autre, comme pris dans un tunnel intemporel. Je me sentais aspiré par son regard, et les lumières qu’elle dégageait par sa parade m’envoutaient complètement. Elle brillait, me brisait par cette écho qu’elle faisait résonner à l’intérieur de mon corps. Elle avait réussi à lever mon âme hors de mon corps, défenestrer mon existence du monde. Nous étions comme extirpé de toute cette ambiance, comme au-dessus de tous, dans un état de transe absolu. En apesanteur, volant par la force de nos désirs les plus profonds. Figés dans un rêve, nous tentions de communiquer et fusionner dans une danse particulièrement excitante. Cette femme me dominait par sa posture et sa prestance. Son corps dressé au-dessus du miens était maître de la situation. La lumière semblait lui donner des ailes. Par le regard elle créait cette liaison infernale. Je souffrais de ne pas pouvoir l’acquérir, cette beauté divine. Elle était comme un ange, à la fois noire et blanche. A la fois terrible et complaisante. A la fois ignorante et attentionnée. J’étais maintenant à l’étroit, en négociation avec mon esprit pour ne pas céder à la tentation.
Son jeu était féroce, impliquant de ne pas bouger et d’accepter que le moment n’était pas encore le bon, mais la cigarette était consumée. La cigarette donnait le ton et appelait à la continuité, alors je regardais son manège dans un silence, m’extirpant de la fièvre pendant quelques secondes. Mais je sentais son corps qui se contractait contre le miens. Ses cuisses semblaient me serrer d’avantage quand elle mit fin au jeu de la cigarette. Mon regard, mon instinct me poussaient à la regarder, étudier ses courbes. Elle était sublime. J’avalais difficilement ma salive, une goutte de sueur perlait lentement le long ma joue. Cette chaleur était insoutenable. Cette ambiance taquinait la température entre nous…
Après cela, j’observais sa prise de décision, joueuse et ensorceleuse… Elle passait ses bras de part et d’autre de ma tête, comme pour s’appuyer sur le dossier du canapé. Des frissons me remontaient le long du dos, me laissant imaginer ce qu’elle allait engager cette fois-ci. C’est alors que je sentais son bassin jouer. Son regard semblait de plus en plus intense et décidé. Elle savait où elle allait et ne connaissant pas sa route, je tentais de contempler où elle m’emmenait.
Nous étions simplement deux fous qui s’étaient clairement trouvés ce soir. Sans connaître nos prénoms respectifs, nous avions commencé cette danse bestiale sans se poser de questions. Nos codes étaient les mêmes. Nous venions d’un même monde imaginaire et à part, où seules les entités jumelles pouvaient se retrouver et s’aimer.
Cette étreinte magique n’était pas de tout repos. Elle laissait présager une symbiose des plus délicieuses avec cette magnifique inconnue. Je savourais la douceur de sa peau, et l’immensité des essences que contenait son odeur. Un mélange entre le caractère de son parfum et la suavité de sa peau. La métaphore parfaite d’une fleur pleinement éclose, ne demandant qu’à être cueillie. La quintessence de sa fragrance était pareille à la la grâce de sa beauté. Je voyageais dans son intimité, accroché à ses valeurs indéfectibles, comme une impression de lui appartenir tout en la découvrant de l’intérieur. Son corps n’était qu’une enveloppe charnelle à laquelle j’offrais généreusement la bienséance. Je m’étais montré résilient mais ma patience arrivait à ses limites… J’avais chaud, très chaud. Ses mains dans mes cheveux me faisaient clairement frémir. Je sentais alors qu’elle s’accrochait à moi. Je la désirais plus que tout. Comme si que c’était écrit. Comme si que c’était elle que j’avais attendu. Comme si qu’elle était mon âme sœur. Cette étreinte valait bien des efforts mais le plus dur était de lui résister. Résister, dans cette situation là, me demandait une certaine énergie que je puisais littéralement dans ma faculté à patienter. Mon corps humide laissait deviner mes peines car je souffrais littéralement. La résistance est un combat intérieur où s’entrechoquent l’abandon et la volonté. La résistance est une répression, une punition qui se veut droite et sans rancune.
Sierra. Elle s’appelait Sierra. La femme qui avait brisé les chaînes de mon coeur, ce soir là, s’appelait Sierra. Et sans attendre, elle avait imprimé son nom dans mes entrailles. Son nom s’était inscrit dans les recoins les plus précieux de mon organe vital, par son regard, son odeur et son approche. Une inconnue qui avait laissé une trace indélébile, me laissant croire qu’une fois dans notre existence, la vie pouvait nous offrir un signe. Et ce à l’improviste, au moment le plus imprévu de notre quotidien.
Quand je la regardais, je tombais dans un précipice sans attache. Je me laissais aspiré par une spiral semblable à la drogue, celle qui réveille les sens. J’étais l’homme animal, celui qui n’avait plus les mots et qui pouvait simplement s’exprimer par la caresse, le regard et la pensée. Le nom de ces choses là, ce n’est pas l’amour ? Un processus chimique s’était révélé positif. J’avais une attirance particulière pour cette femme. Cette femme qui savait me rendre extrêmement doux et tendre, parce que je ne souhaitais pas la blesser. C’était une force qui me donnait envie de la protéger et de me soucier éperdument de son bien-être. Inexplicable.
Perdu dans mon quotidien, ma vie se résumait à la continuité du cabaret. Depuis mon arrivée à Los Angeles, j’étais soucieux de toujours justifier mon permis de séjour. Je tenais le cabaret au centime près, menait le recrutement des artistes avec exigence. Mon rêve était là, mais ma seule compagne n’était autre que la Cocaïne. Personne n’avait réussi à percer ma routine, alors que ce soir je sentais cette femme qui se filait dans les mailles ce tricot, de cette histoire. Clark avait une emprunte dans tout ça, c’était évident. Il était celui qui avait donné de belles notes à mon quotidien. Il me rappelait ma jeunesse, mon combat pour réussir dans la vie. Naturellement je ne pouvais que m’attacher à cette figure et ses parades pour me plaire. Mais je devais être honnête, avec cette inconnue tout était différent… J’étais face à une grosse personnalité, une maturité à laquelle je m’accrochais indéniablement. Elle parlait le français, en plus d’être magnifique physiquement. J’étais certain que la revoir allait me faire découvrir un caractère étonnant et surprenant… Je pensais déjà à la revoir, c’était difficile de ne pas le vouloir… Alors que nous en étions qu’aux prémisse de la parade sexuelle, nous étions comme deux félins, à se tourner autour…
On aurait pu me présenter tous les plus beaux paysages du monde. Les magnifiques neiges du pôle nord. Les chutes du Niagara. Les déserts arides, chauds et insoutenables du continent africain. Une vue imprenable sur les campagnes françaises. Le levé du soleil sur les plages de cocotiers des Bahamas. La vue des contrées américaines au pied du symbolique « Hollywood ». Le Golden Gate à San Francisco. Le carnaval de Venise. Les plus belles merveilles du monde. Les pyramides d’Égypte. La sacré coeur de Paris. La grande muraille de Chine. La statut du Christ à San Janeiro. Les ruines anciennes des tribus Maya. On aurait pu tout me présenter, mais rien n’était plus époustouflant que son corps en mouvement…
Je la serrais contre moi en passant mes bras contre sa poitrine. Nous nous trouvions très proches tous les deux alors je laissais mes lèvres déposer de doux baisers sur sa joue.. Je finis par lui dire quelques mots tout en chuchotant. « Heureux de faire ta connaissance Sierra... » Nous passâmes quelques secondes dans cette position. Je profitais de son odeur dont je n’arrivais plus à me passer. Le temps s’était comme arrêté, je découvrais enfin qui elle était vraiment, la couleur et la douceur de sa peau. Je laissais filer mon nez contre ses cheveux pour sentir son identité. Mes mains caressaient doucement ses seins, descendant lentement sur son ventre, son bas ventre et ses hanches. Je finis par me reculer lentement pour enlever le préservateur et le mettre dans la poubelle qui se trouvait à côté du sofa.
Je me rappelais soudain que des flûtes et une bouteille de champagne nous attendaient sur la table basse. J’allais donc nous servir pour que nous puissions profiter d’un moment à deux. Mon coeur battait encore très fort et mon souffle n’avait pas encore totalement repris sa stabilité. Nous avions fait un effort monumental tous les deux, en si peu de temps d’ailleurs depuis notre premier échange de regard au bar. Je préférais enfiler mon boxer et mon pantalon avant de venir savourer ce bon champagne de France, appelé Pol Roger. Une bouteille française qui pouvait se négocier à plus de deux cent cinquante dollars. J’aimais faire importer de ces bouteilles même si j’étais conscient que les clients pour ce genre de prestige ne couraient pas les rues. J’avais voulu la faire profiter de cela, parce que j’avais cette intuition qu’elle était quelqu’un de qualité. D’ailleurs, nous parlions français tous les deux, et je me demandais si elle allait reconnaître que cette bouteille n’était pas d’ici.
Je repris place sur le canapé et l’invitais à trinquer en espérant qu’elle ne souhaitait pas déjà s’en aller. Je souhaitais la découvrir, passer un peu de temps avec elle. Une liaison particulière semblait nous rattacher. Au delà d’avoir pris mon pied, j’avais l’intuition que cette femme avait sa place près de moi… Pour autant, je n’osais pas la toucher. J’attendais que cela vienne d’elle. Je n’avais pas envie de la brusquer et de la forcer à quoi que ce soit. Peut-être que mes idées n’étaient pas réciproques… Je finis par lui dire d’une voix basse et bienveillante. « J’espère que tu passes un bon moment... » Toujours en français, c’était une manière un peu détournée pour lui demander si notre partie de jambe en l’air lui avait plu. Cela n’avait pas été une partie comme toutes les autres, nous avions réellement fait l’amour. Ce que nous avions fait n’était pas qu’une histoire de sexe pour moi. Je me suis autorisé quelque chose que je n’avais jamais vécu avant…