Kellie & Zayn

Tout autour de moi, tout peut s'arrêter

 « Mon nom est Zayn, je suis un addict. » Je commençai comme tout le monde le faisait, en se présentant, en admettant avoir un problème. Mes visites s’étaient rapprochées l’une de l’autre ces dernières semaines, parce que je savais que c’était une des rares façons que je pouvais faire en sorte de ne pas replonger. Et j’en avais eu envie, terriblement envie. Depuis l’aveu de Kellie comme quoi j’étais le père d’un enfant, que la chipie que Raven était sa fille était aussi la mienne, j’avais du mal à voir droit. Chaque journée me semblait plus longue que l’autre et évidemment, la recherche d’emploi ne progressait pas avec cet état d’esprit. J’étais dans une situation horrible, dans laquelle je m’étais mis seul, en partie. Parce que je ne pouvais pas arrêter de blâmer Kellie. La blâmer d’avoir brisé ma confiance, alors que je pensais qu’elle était une des rares personnes sur qui je pouvais compter. Évidemment que j’avais Lincoln aussi, mais avec son fils qui venait de naître, il était hors de question que je l’oblige à s’occuper de moi, déjà qu’elle avait été assez généreuse pour m’offrir son ancien appartement, le temps que je me reprenne en main, ne me reprochant rien malgré le fait que ça ne cessait de tarder. Devant ces gens, je parlai de mes frustrations, de la recherche d’emploi qui n’avançait pas. Bref, tout ce qui me donnait une raison de vouloir me rendre dans cette ruelle, une nouvelle fois, et recommencer à consommer, avec une tentation probablement plus forte que jamais. Terminant mon discours, je remerciai mon petit public, retournai m’asseoir à l’arrière de la salle, prêt à écouter une autre personne partager comme je l’avais fait. Cependant, avant que je puisse être attentif à quoi que ce soit d’autre, mon téléphone se mit à vibrer dans ma poche. Le sortant, je vis que l’appel venait de l’hôpital. Mon coeur se serra un peu. Je ne l’avais dit à personne, mais j’attendais un appel de leur part. En effet, je m’étais résigné à faire les examens pour savoir si j’avais la maladie de mon père ou pas. Était-ce parce que je ne voulais avoir rien à me reprocher ? Ou parce que finalement, peut-être que je voulais le savoir ? Je ne saurais pas le dire. Persuadé que c’était le médecin qui me donnait le résultat de mes tests, je me levai, sortis de la salle et je répondis. Cependant, ce n’était pas du tout l’appel que j’attendais, mais il n’était pas moins stressant pour autant. En effet, on m’apprit que Kellie avait eu un accident de voiture et qu’elle venait d’être admise. Pourquoi m’appelait-on moi ? Parce que visiblement, elle n’avait pas mis à jour son contact d’urgence, et c’était encore moi. Vous savez, ce genre de chose qu’on ne pensait jamais à changer ? Si ça se trouvait, c’était encore mon frère, et celui-ci était décédé. J’écoutai l’appel jusqu’au bout, me retrouvant dans un dilemme quand on me demanda si j’allais venir la voir, passer la prendre, sachant qu’elle ne pourrait pas conduire si on lui donnait son congé. J’hésitai. Avais-je vraiment envie de la voir ? Était-ce vraiment une bonne idée ? Évidemment que je me disais que non. Et pourtant, je soupirai, et je dis:  « Oui, je serai là dans environ vingt minutes. » Délaissant la rencontre, je pris la route, et je me rendis à l’hôpital. Sur place, je demandai le numéro de sa chambre, et on m’invita à m’y rendre, me mentionnant que Kellie était encore inconsciente. Nerveux - et inquiet, je ne pouvais pas me le cacher - je m’y rendis, soulagé de voir que ses blessures ne semblaient pas majeures. Après, je n’en savais rien, je ne pouvais pas vraiment me prononcer. Me trouvant soudainement de trop dans la pièce, je regardai autour, pensant à partir, mais je sentais que je ne pouvais pas. Trouvant une chaise dans un coin, je m’y assied, tapant du pied nerveusement sur le sol, comme si ce serait suffisant pour faire en sorte que je comprenne ce que je faisais ici. C’était loin d’être gagné.

Kellie & Zayn

Tout autour de moi, tout peut s'arrêter

J’avais beaucoup de mal à me contenir. Je ne me sentais pas à l’aise en ces lieux, dans cette chambre, à attendre que Kellie se réveille, en sachant parfaitement que je ne saurais pas quoi lui dire, que je ne comptais pas rester. Mon pied ne parvenait pas à cesser de frapper sur le sol, je ne savais pas où regarder. Du coup, je promenais mon regard entre le couloir quand des gens passaient, le sol, et Kellie. Mais cette dernière, je la regardais peu souvent, le moins souvent possible pour tout dire. Je ne savais pas pourquoi. J’avais habité avec elle pendant un moment, mais là, la regarder me semblait un défi, parce que tout ce que je voyais, c’était son visage paniqué et attristé lorsqu’elle m’avait appris qu’elle me mentait, depuis plus de deux décennies. Nous ne nous étions pas revus face à face depuis. Est-ce que j’avais envie de la confronter ici et maintenant ? Certainement pas. Elle était en position vulnérable. J’avais beau lui en vouloir et souffrir de cette trahison, je n’étais pas un monstre non plus. Après ce qui m’avait paru être une éternité, j’entendis quelqu’un prononcer mon nom, dans une voix rauque, faible. Exactement comment je m’étais réveillé lors de mon dernier incident, celui qui m’avait convaincu de me rendre en désintoxication… Et par sa faute, il fallait que je lutte pour ne pas replonger et y retourner. Je vis un verre d’eau installé non loin de son lit. Me rappelant la soif que j’avais ressenti, je me levai pour aller prendre le verre, et je lui tendis, sans rien dire. Je m’étais acheté quelques secondes, parce que je ne savais toujours pas quoi lui dire, que faire. Puis finalement, je pris la parole, et je dis:  « Je suis venu parce qu’on m’a appelé. » Évidemment que j’eus envie de lui reprocher de ne pas avoir modifié son contact d’urgence pour mettre quelqu’un d’autre alors que j’étais la dernière personne qui pouvait lui faire la remarque. Par contre, je tenais à ce qu’elle sache que je n’étais pas venu de gaieté de coeur, que ce n’était pas mon intention de venir à son secours, et que c’était parce que je me sentais obligé. Bon, j’aurais pu aussi appeler Raven, mais nous ne nous étions pas parlés depuis que j’étais parlé, et honnêtement, je me disais que c’était mieux comme ça. Elle ne m’aimait pas depuis le début, et j’étais persuadé que d’apprendre que j’étais son géniteur n’était certainement pas venu lui donner un élan d’amour pour ma personne. Mais maintenant que j’étais là, ce serait bien horrible que je quitte ici et maintenant, même si c’était la seule chose que je voulais faire. Prenant sur moi, je soupirai, et je dis:  « Comment tu te sens ? » J’aurais pu aussi lui demander ce qui s’était passé, faute d’avoir eu beaucoup de détails au téléphone - ou d’en avoir demandé - mais je ne savais pas si je voulais avoir plus d’informations. J’attendis donc, les bras croisés, de voir ce qu’elle allait me dire, dans l’idée de mettre fin à cette conversation le plus rapidement possible, et pouvoir quitter ce lieu que je n’avais pas envie de voir dans un premier temps.