Malheureusement, je n'avais pas le choix, je devais emménager provisoirement avec cette femme que je détestais au plus haut point. Et je devais faire en sorte que ça ne se passe pas trop mal, car elle était ma seule chance. Si jamais je me retrouvais à la rue, je savais très bien qu'on me la prendrait. Ma fille. Toute ma vie. C'était pour elle que je me battais depuis sa naissance. Pour elle que j'avais retrouver Kellie, la femme qui m'avait abandonné. Celle qui n'avait même pas essayé de se battre pour moi, qui au lieu de prendre soin de moi m'avait laissé sans se retourner. La femme que je haïssait surement le plus au monde. J'aurais vraiment préféré ne jamais avoir à faire à elle, l'ignorer tout au long de ma vie. Mais je ne le pouvais plus. C'était pour ça que je me trouvais devant sa porte et que même si j'avais une seule envie, celle de fuir, je frappais. Elle ne tarda pas à ouvrir, me faisant sursauter devant la rapidité d'exécution, de toute évidence elle m'attendais derrière la porte. Je la salue, je préférerait lui cracher au visage, mais nous allons éviter. Elle me répond et on reste un moment à se fixer en silence. Je pense que dans mon regard elle doit sentir combien je la déteste. Je la fixe intensément, comme si je voulais l'hypnotiser. Mais elle finit par rompre ce silence. Elle m'invite à rentrer et je soupire en le faisant, j'ai chaud d'un coup et je comprend que c'est la tension qui se manifeste. D'ailleurs je dois serrer le poing car je tremble. Je la suis dans cet appartement que j'avais seulement entraperçue la dernière fois. Elle m'entraine vers une pièce qu'elle me présente comme la chambre d'ami, m'informant qu'elle a été préparée pour moi. Je me contente de hocher la tête. Et je dépose mon sac sur le lit. Je n'ai pas grand chose, l'installation seras donc rapide. Les affaires de Merle sont toutes à l'hôpital. Je regarde la pièce, mon regard se pose sur les livres alignés sur l'étagère puis descend sur le bureau. Oui j'ai vraiment cette sensation désagréable de revenir en arrière, d'être de nouveau une gamine qui arrive dans une nouvelle famille d'accueil. Je me sens mal de nouveau et quand elle me propose à boire je hoche simplement la tête avant de murmurer « Si vous avez de l'eau, je ne me sens pas très bien »

J'ai passé mon enfance à passer de famille en famille, je me suis retrouvée dans des chambres impersonnelles avec un petit lit et un bureau. Laissée seule dans ces chambres avec interdictions de déranger ces gens qui ne voyaient en moi qu'un cheque tombant à la fin du mois. Il y a eu, parfois, quelques familles bien, c'est vrai, mais jamais assez longtemps. Je repartais toujours dans ce genre d'endroit, où je savais très bien qu'on ne voulait pas de moi. Cette chambre qu'elle m'offre, c'est exactement celle qu'on me donnait dans ce type de famille. Je sais que ce n'est pas malveillant de sa part. Mais ça me rappelle tout de même de mauvais souvenirs. Et puis ce bureau il me renvoie en pleine tronche que mes études j'ai du les arrêter depuis longtemps. Alors tout ça, je ne le supporte pas. Je me sens mal. J'ai l'impression qu'elle est comme tout les autres, que je dérange. Je me sens tellement mal, j'ai envie de hurler et de tout renverser. J'essaye de me faire force pour ne pas craquer. Mais je n'y arrive pas. Je ne voulais pas pleurer devant elle, alors je me retiens. Mais je ne refuse pas son aide cette fois quand elle me propose quelques chose. Je lui demande un verre d'eau. Et elle part donc quelques instant ailleurs. J'en profite pour souffler un grand coup et tenter de calmer mes tremblements. Mais le seul moyen que je trouve pour ça, c'est de me planter les ongles dans le bras. Je me concentre sur la douleur et ça m'empêche de craquer encore plus. Je ne veux pas qu'elle me voit faible. Mais elle semble s'inquiéter pour moi. Je n'ai pas l'habitude de ça alors ça ne fait que reveiller en moi mon instinct de préservation. Je me renferme un peu plus. Et je lui répond simplement « Non, c'est bon merci » En vrai là ce dont j'ai envie c'est d'une cigarette, je ne fume pas beaucoup, mais là j'en ressent le besoin. Mais je n'ai plus de paquet sur moi. Et puis je sais aussi que si je lâche mon bras, je vais saigner. Alors je suis bloquée. Je reste silencieuse un moment avant de souffler, tant pis, je finis par lui demander « Vous n'auriez pas une cigarette par hasard ? »

Je ne suis pas bien dans cette chambre, je ne me sens pas à ma place. J'ai cette impression d'être une imposture et qu'elle vas vite s'en rendre compte. Je ne suis pas l'enfant idéale qu'elle imagine. Je sais très bien que je ne serait qu'une source de déception pour elle. Kellie me propose son aide, comme si nous étions une famille totalement normale. Elle fait semblant d'ignorer combien je suis en colère contre elle. Et ça m'agace, tellement fort que mes ongles se plantent plus profondément encore dans ma peau. J'ai mal mais en même temps ça me calme. Elle me propose d'ouvrir la fenetre et je vois que je l'agace en lui répondant non. Mais je n'ai pas besoin d'air, non j'ai besoin de fumer. Là encore je vois que ma demande ne la rend pas très heureuse. Je m'attendais a ce qu'elle m'envoi chier et ça ne loupe pas puisqu'elle me fait une remarque acerbe, elle ne pouvait pas s'en empêcher évidemment. Je ne peux pas m'empêcher de soupirer avant de lui répondre « J'irais acheter mon poison alors, pas de soucis » Si elle me juge pour quelques cigarettes, je n'ose pas imaginer ce qu'elle dirait en apprenant mon second travail. J'ai presque envie de lui dire, pour voir comment elle réagirais. Mais je ne veux pas prendre le risque qu'elle me mette dehors, pas pour le moment en tout cas, je ne peux pas me le permettre, à cause de Merle. Je la regarde en silence un moment, je lui en veut de cette remarque supplémentaire. Comme si commencer à fumer avait été un choix, non, j'avais suivit le groupe et maintenant ça me détendait, je savait très bien que ce n'était pas bon mais je n'avais pas assez de volonté pour arrêter. Mais évidemment madame et sa vie parfaite ne pouvait pas le comprendre. J'avais vraiment besoin d'une clope pour me changer les idées. J'en avais peut être une qui trainais dans mon sac. Sur cette idée j'attrapais mon sac oubliant les plaies que je venais d'ouvrir dans mon bras. C'est en refermant ma main sur la fermeture du sac que je remarquais le sang qui perlait des petites encoches faites par mes ongles. Je grommelais « Et merde ... »

J'avais bien compris que pour ce qui était de mes cigarettes, je ne pouvais pas attendre de coup de main de la part de ma chère mère. Mais elle ne pouvait pas vraiment comprendre que pour l'instant je ne pouvais plus m'en passer. « Peut être que toi tu n'as jamais eu besoin de ça pour déstresser mais moi si » Elle avait surement une vie parfaite elle. Sans soucis, sans addiction, mais ce n'était pas le cas de tout le monde. C'était ce qui nous différenciaient toutes les deux. Dans toutes les existences, on note une date où bifurque la destinée, soit vers une catastrophe, soit vers le succès. En m'abandonnant à la naissance, elle avait fait un choix simple, elle était allée vers le succès en me laissant tomber dans la spirale infernale de l'enfer et des galère. Elle n'avait pensé qu'à elle, sans même se retourner, sans se soucier de ce que je devenais moi. Je lui en voulait tellement. Avec elle j'étais peut être un ours mal léché, mais pour moi, elle n'était pas mieux, elle était de celles qui passent leur temps à se regarder le nombril. Alors je me disait que j'avais bien le droit de la détester un peu. Bon d'accord, la détester beaucoup. Mais ce n'était pas ma faute, j'avais grandit ainsi, en la détestant de plus en plus fort au fur et à mesure que je comprenais que ma maman ne viendrait pas me sauver. J'y avait cru tellement fort petite, enfin j'avais tant voulu y croire, que la déception avait été rude, très rude même. Maintenant elle n'était plus qu'une inconnue pour moi, une inconnue que je détestait du plus profond de moi même. Et sa remarque ne m'aidait vraiment pas, elle me parlait de volonté, elle. Mais pour qui elle se prenait? Comment pouvait elle dire que je n'avais pas de volonté. J'élevais un enfant, comme si ça se faisait les doigts dans le nez de prendre soin d'un bébé. Elle n'avait pas eu assez de volonté pour ça, elle. J'avais presque envie de lui lancer ça en pleine face, mais je me retenais, car je sentais que je m'énervait. Et si je m'énervait trop, ça ne servait à rien, on allait monter dans les tours et ça ne finirait pas bien. J'étais déjà stressée, la preuve étant mes ongles planté bien profondément dans ma peau. Je les retirais, car j'avais vraiment besoin de ces clopes, il fallait que je me détende, un peu, beaucoup même. Et en faisant ça, je laissait apparaitre les traces de mes ongles sanguinolent dans mon bras. Je grimace en le découvrant. Un grand frisson me parcourt le corps et ma peau réagit en frémissant, comme si dans la pièce soudainement il se mettait à faire un froid de canard. Un petit merde m'échappe et évidemment, ça elle l'entends Kellie. Elle me demande alors ce que j'ai. Je soupire, fort. Je n'ai pas envie de lui dire ce que j'ai, elle vas me juger, je la connais. Si elle me regarde ainsi pour des clopes, elle vas me regarder encore plus mal en apprenant cette mauvaise habitudes. Alors je soupire doucement et répond « Rien qui ne vous concerne en tout cas » Je fouille mon sac, à la recherche de quoi nettoyer le sang plutôt que mes clopes maintenant. Mais je n'ai pas le temps de réagir assez vite. Une goute de sang tombe sur le sol, puis une autre et je pâlît en voyant ça, si je le voie, elle aussi vas s'en rendre compte. Elle n'est pas stupide, pas à ce point en tout cas. Je trouve enfin un mouchoir. Je le pose sur les marques sanglantes, regardant le mouchoir prendre une teinte rouge, je me mord la lèvre, elle vas me juger.