Benjamin n’a jamais été quelqu’un du matin. Lui qui pourtant est capable d’être levé en pleine nuit, debout à 2h, au maquillage à 4, pour ses rôles les plus importants, déteste devoir se lever tôt sur ses jours de repos. Il aime pouvoir dormir tout son soul, traîner au lit jusqu’à des heures indécentes, simplement pour profiter d’un peu de repos supplémentaires. Et s’il peut devenir une pile électrique insupportable quand il est bien réveillé, il a également élevé la paresse du matin au rang d’art. Donc oui, Benjamin déteste être réveillé gratuitement sur ses jours de repos. Mais il y a quand même des réveils plus agréables, bien plus agréables que d’autres. Surtout quand la première chose qui venait le tirer de son sommeil était la voix chuchotante de Tomas.

D’abord, ce n’est qu’un murmure qui vient effleurer sa conscience alors que ses sens commencent à se reconnecter à la réalité, l’arrachant des brumes oniriques pourtant si agréables. Puis, ce sont les odeurs qui lui parviennent, délicieuses odeurs fortes d’un café de la meilleure des qualités qui viennent se mêler à la douceur de quelques sucreries qu’il n’arrive pas encore à identifier. Et alors que ses paupières papillonnent, qu’il a les yeux encore gonflés de sommeil et qu’il se commence tout juste à pouvoir comprendre ce qu’il voit, un poids lui est posé sur les genoux. Un plateau. Plein d’un petit déjeuner des plus copieux. Pour autant, tout aussi gourmand que soit Benjamin, ce n’est absolument pas les plats fumants et si appétissant qui attirent son attention. Comment cela serait-il possible,  alors que Tomas se tient face à lui dans… cette tenue ?

« … Tom ? Mon chéri, que, qu’est-ce que… » Tomas est là, juste devant lui. Le dos si droit, les mains croisées devant lui. Sur son tablier. Blanc. Un tablier qui repose sur une tenue noire. Des plus affriolantes. Une robe, pleine de froufrous. Les informations semblent s’enregistrer avec une lenteur extrême dans le cerveau de Benjamin. Contrairement au reste de son corps qui semble s’éveiller bien plus vite que son esprit face au spectacle que lui offre son compagnon. Oh, ce n’est pas le fait que Tomas soit plus féminin dans cette tenue qui lui fait soudain autant d’effet. Bien au contraire. C’est le fait que cette robe si courte, au laçage si parfaitement ajusté, fait au contraire ressortir des formes et une carrure indéniablement masculines. Et que Benjamin se rend compte plus que jamais à quel point cela lui plait. « Wow je... si je m'attendais à ça... »

Parce que c’est un homme, déjà, et qu’il a bien fini par être obligé d’ouvrir les yeux sur son orientation sexuelle. Et surtout, surtout, parce que c’est Tomas. Tomas, qu’il aime comme il n’a jamais aimé personne. Tomas dont chacun de ses traits lui plaît, Tomas dont chacun des rires le charme, Tomas qu’il aime écouter, regarder, ce qu’il pourrait faire toute sa vie. Tomas qui est revenue dans cette vie comme un miracle que Benjamin n’espérait plus. Tomas que, pourtant, il n’a pas osé toucher depuis leurs retrouvailles. Oh, ce n’est pas un manque d’envie, loin de là. Il ne compte plus le nombre de fois où il a dû se faire violence pour ne pas poser ses mains sur ce corps si proche de lui, à côté duquel il adore se réveiller. Il ne compte plus le nombre de fois où il a dû se forcer à ne pas laisser dégénérer leurs baisers, se décalant très légèrement pour que Tomas ne puisse sentir à quel point il avait envie de lui. Mais il n’a jamais osé. Parce que c’est comme cela, que leur relation a commencé ; par ces étreintes charnelles dont il a nié l’importance si longtemps, qui l’ont tellement effrayé qu’il a failli tout gâcher, qu’il l’a blessé si profondément. C’est pour cela qu’il lui a refusé plus que cette fellation le jour où Tomas est enfin revenu. Pour cela qu’il a repoussé au maximum le moment où ils céderaient de nouveau tous deux au désir. Sans prendre en compte le fait que plus il repoussait, plus cela deviendrait gênant d’envisager de nouvelles relations.

Mais à priori, cette attente n’était pas du goût de son compagnon, si les idées de Benjamin se faisaient assez claires désormais pour comprendre le message que Tomas lui envoyait. Et le moins que l’on pouvait dire, c’est que Benjamin avait soudain chaud. Chaud, par la couverture qui couvrait encore son corps. Chaud, par le plateau qui lui couvrait les jambes. Et surtout, chaud, par la vision qui s’offrait à lui, juste là, sous ses yeux…

Et Tomas ose lui demander ce qu’il désire en cet instant ? Se saisissant du plateau, les mains un peu tremblantes, malgré son attitude assurée, Benjamin repousse le plateau au contenu si alléchant – et qui a l’air de l’être pourtant tellement moins que celui qui s’offre à ses yeux. « Est-ce que répondre que la seule chose que je désire c’est toi serait déplacé ? » La voix est un peu plus rauque que d’habitude, un peu plus grave. Et Benjamin, désormais débarrassé de son petit-déjeuner et assit sur le grand lit, vient passer un bras autour de sa taille pour le rapprocher de lui. Avec dans ces yeux, cette flamme que seul Tomas sait allumer et qui ne brûle désormais plus que pour lui. Il ne désire que lui, oh oui. Et il a l’impression que ce sera désormais pour toujours le cas.