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Zane & Abi

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Forcément qu’elle n’avait pas pensé à mal. Personne ne pensait jamais à mal. Connaissant son caractère froid et implacable, la plupart des gens ne prenaient pas de pincettes avec elle. Le fait qu’elle ne montre pas ses émotions n’aidait pas, laissant la porte ouverte à des remarques que personne ne se serait autorisée en temps normal auprès d’une personne en deuil. Mais elle ne protestait pas, se contentait de tourner les talons, de s’occuper avec autre chose, de fermer son esprit à la tristesse et à la colère. Elle ne montrait rien, pour des milliers de raisons différentes. Parce qu’elle ne voulait pas se mettre à hurler sur tout le monde. Parce qu’elle savait que montrer ses émotions lui coûterait le respect de ses équipes. Parce qu’elle était une femme et qu’elle ne voulait pas être vue comme une hystérique. Parce qu’elle s’était bâti un empire et que le moindre coup de vent le verrait s’effondrer comme un château de cartes. Alors elle se contentait d’encaisser, de faire comme si rien ne pouvait l’atteindre, et d’avancer. Elle avait adopté ce mécanisme de défense dès le diagnostic d’Harper et l’appliquait chaque jour depuis, comme une seconde nature. Elle se séparait parfois de son masque – comme aujourd’hui – mais le remettait toujours bien vite, trop effrayée par l’idée de devoir à nouveau ressentir quoi que ce soit. Elle savait au fond que tout comme sa carrière, la moindre secousse l’enverrait dans une spirale infernale dont elle ne pourrait pas se sortir.

« Hm... T’en fais pas. »

Elle replongea dans le silence, les yeux dans le vide, avant de se décider à faire quelque chose. Il fallait qu’elle bouge, qu’elle évite de rester passive pour ne pas se retrouver la cible de son propre esprit. L’excuse de débarrasser et d’apporter le dessert était parfaite et elle la saisit donc rapidement, toujours en silence. Bien rapidement, la discussion prit une nouvelle direction tandis que Zane fronçait les sourcils, se concentrant sur les odeurs et les saveurs, cherchant à déceler les secrets du gâteau. Ses sourcils se froncèrent encore plus en entendant Abi parler et elle secoua la tête.

« Pas exceptionnels, certes. Le glaçage est trop sucré, il faudrait ajouter de l’acidité pour équilibrer, ou peut-être un peu d’amertume. Mais le gâteau en lui-même ? Il a un sacré potentiel. T’as utilisé quel genre de chocolat ? »

Elle sentit à nouveau le dessert puis se leva. Debout derrière son grand plan de travail, elle commença à sortir tous les ingrédients nécessaires à la fabrication de la pâte, y ajoutant certaines petites choses que relèveraient légèrement la recette.

« Dis-moi tout. En détails. On va les refaire et on va régler ce problème de glaçage. Oh et on va ajouter du poivre rose. Et peut-être de la noix de muscade. »

Elle venait de trouver un moyen de ne pas s’enfermer dans ses propres pensées.

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Zane & Abi

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Zane était franche, peut-être trop d’ailleurs aux yeux de certains. Elle disait ce qu’elle pensait sans passer par quatre chemins, ne s’embarrassant pas de faux-semblants. C’était en partie ce qui l’avait propulsée au niveau où elle était aujourd’hui. Ses avis tranchés plaisaient à la plupart des personnes avec qui elle avait travaillé, préférant cela à l’hypocrisie. Face aux gâteaux d’Abi, elle n’avait pas mâché ses mots, mais avait également été très honnête sur le fait de les apprécier. Petite, elle avait commencé par la pâtisserie avant de passer assez rapidement à la cuisine salée. Elle en faisait bien sûr toujours, mais beaucoup moins qu’avant, préférant laisser cela aux bons soins de ses chefs pâtissiers. Elle s’y connaissait cependant suffisamment pour améliorer une recette et c’est donc ce dans quoi elle se lança sans hésiter, demandant à Abi de lui expliquer toutes les étapes pour recréer sa recette, ajoutant ses propres ingrédients au fur et à mesure et changeant deux ou trois techniques.

« Il faut ajouter les œufs en deux temps. D’abord les jaunes avec le sucre, pour rendre tout ça mousseux. Ensuite, il faut battre les blancs en neige, ça donnera plus de légèreté à la pâte. »

Chaque fois qu’elle modifiait quelque chose, elle l’expliquait en détails, ne souhaitant pas laisser Abi dans le noir une seule seconde. Elle lui avait après tout proposé de les améliorer, pas de complètement voler sa recette sans rien expliquer. Une fois les gâteaux au four, il fut temps de se consacrer au glaçage et la brune s’éclipsa une seconde. En profitant pour sortir tout ce dont elles auraient besoin, Zane se rendit compte qu’elle n’avait pas eu besoin de forcer son esprit à penser à autre chose qu’à Harper ou à adopter une attitude amicale depuis plusieurs heures déjà. Était-ce dû à la cuisine ? Ou bien à la présence d’Abi ? Elle n’en savait rien et n’avait au fond pas réellement envie de se poser la question. Une fois l’autre jeune femme de retour dans la cuisine, elles reprirent la recette, jusqu’à ce qu’une question ne soit posée en toute innocence, faisant hausser un sourcil à Zane.

« Quoi, tu cherches du travail ? »

Elle attendit la confirmation avant de secouer légèrement la tête, plaçant le bol de glaçage au frigo le temps que la cuisson des gâteaux ne termine.

« Je cherche sans arrêt des serveuses ou des serveurs. Mais toi ? T’es pas faite pour ça. »

Elle laissa le silence s’installer l’espace de quelques secondes, avant de reprendre, penchant légèrement la tête sur le côté.

« T’es faite pour être derrière les fourneaux, pas en salle. Alors je veux bien te prendre en tant que serveuse. J’ai un nouveau resto qui ouvre et j’ai besoin de gens de confiance. Mais je veux que tu te rapproches de mon chef pâtissier, qu’il t’apprenne les techniques qu’il te manque. Il vient spécialement de New-York pour former la brigade d’ici et je veux que tu prennes sa place quand il partira. Bien sûr, si après la formation tu préfères aller travailler ailleurs on se serrera la main et je te souhaiterai bonne chance. Mais si tu veux rester parmi nous... Tu as ta place. »

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Zane & Abi

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Ne jamais tourner autour du pot et ne jamais dire quoi que ce soit qu’elle ne pensait pas. Ces deux principes dirigeaient sa vie et elle n’y dérogeait pas, à tel point qu’elle ne se rendait même plus compte de son honnêteté brutale, parfois. Dans ce cas précis, elle était dirigée vers Abi, qui lui avait demandé un peu sur le ton de la plaisanterie si elle n’avait pas un poste à lui offrir. La cheffe n’était pas folle, elle savait reconnaître le talent et la brune en était largement pourvue. Il aurait été idiot de sa part de ne pas le prendre en compte. Après tout, si elle laissait filer la jeune femme et qu’elle se trouvait un travail dans un autre restaurant, là où on prenait ses capacités en compte... Tout pouvait lui revenir en pleine face. Elle avait donc lancé sa proposition le plus posément possible, avant de sortir les cupcakes du four. Il fallait à présent attendre qu’ils refroidissent un peu avant d’y apposer le glaçage. Les CV, elle s’en foutait pas mal. Après tout, elle venait elle-même de nulle part, s’était faite toute seule. Il aurait été hypocrite de sa part d’exiger de ses employés une chose qu’elle-même n’avait jamais eue. Et l’hypocrisie, ça, elle aimait pas. Elle faisait passer tous les entretiens d’embauche avec son assistant et se basait sur plusieurs critères qui n’avaient rien à voir avec l’expérience. Tout d’abord, elle s’assurait que le courant passait bien entre elle et la personne. Elle avait beau être une patronne froide et distante, elle tenait à ce que l’ambiance dans les équipes de ses divers restaurants soit toujours au beau fixe. De la même façon, elle jugeait les capacités de travail, plutôt que l’expérience. Une personne embauchée dans des palaces mais qui savait à peine faire son travail ne l’intéressait pas. Un ancien employé de fast-food qui glissait entre les tables les bras chargés sans renverser quoi que ce soit ou se cogner lui convenait largement plus. Elle n’avait pas besoin qu’Abi fasse plus ses preuves. Elle avait du talent et ne semblait pas du genre à poser de problèmes. Le reste, Zane s’en foutait. Elle haussa un sourcil amusé en l’entendant répondre et secoua la tête, sortant le glaçage du réfrigérateur pour le mettre dans une poche à douille.

« Tu me vouvoies maintenant ? J’apprécie l’effort, mais ça ne sera nécessaire qu’au restaurant. Je vouvoie tous mes employés, même ceux avec qui je travaille depuis des années. Dans le cadre du travail, du moins. Comme ça, tout le monde est sur un pied d’égalité. »

Le glaçage fut bien vite en place et elle tendit l’un des gâteaux à Abi, avant d’en prendre un elle-même, se déplaçant jusqu’au canapé pour récupérer leurs verres de vin. Elle prit une bouchée et hocha la tête. C’était largement meilleur.

« Si ça te tente, alors tu commences demain. Sois au restaurant à huit heures, le temps qu’on t’explique comment ça fonctionne avant la mise en place. Haut blanc, bas noir. Tant que ça respecte les couleurs, ça peut être n’importe quoi. T-shirt, chemise, jupe, pantalon... On s’en fout. Un truc dans lequel tu te sens à l’aise. On te fournira les chaussures. »

Elle avait hâte de voir la brune en action, de voir ce dont elle était capable en tant que serveuse, mais surtout en tant que pâtissière.

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Zane & Abi

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Si Zane s'était attendee à trouver ce genre de talent au fin fond d’un bar, elle y serait allée plus tôt. C’étaient des gens comme Abigail, passionnés et emplis d’envie, qu’elle voulait voir faire tourner ses restaurants. C’était après tout ça, qui l’avait poussée à ce niveau : la passion. Elle aimait la cuisine au point d’en faire toute sa vie et c’était ce qu’elle attendait de ses employés, qu’ils soient prêts à tout pour les clients et pour sortir des plats toujours plus incroyables. Elle sourit légèrement en l’entendant s’excuser et secoua la tête. Elle apprendrait bien vite qu’avec Zane, on ne s’excusait pas. On apprenait simplement à ne pas faire l’erreur qui nous aurait forcé à le faire. Concentrée dans ce qu’elle faisait et sur cette nouvelle employée qui s’annonçait particulièrement intéressante, Zane ne remarqua même pas qu’elle avait terminé les gâteaux entièrement seule. Après tout, elle était tellement habituée à tout gérer en solitaire que cela ne lui paraissait absolument pas surprenant. Forcément, pas de temps à perdre, elle voulait que tout cela commence dès le lendemain. Après tout, le plus tôt Abi serait formée, le plus tôt son restaurant aurait une personne qualifiée pour servir de délicieux desserts. Elle apprécia le fait qu’Abigail ne dise rien quant au délai extrêmement court, même si elle avait pu clairement lire la surprise dans son regard.

« Peut-être que tu faisais ça parce que t’avais pas trouvé ta voie. Tu sais, j’ai fait pas mal de boulots à la con aussi avant de tous les envoyer chier pour leur prouver qu’une femme peut très bien s’en sortir seule et bâtir un empire. »

Elle n’avait même pas vraiment fait ça pour prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. A dire vrai, tout ce qu’elle avait en tête, à mesure qu’elle voyait sa carrière grimper en flèche, c’était le bonheur et le bien-être de sa fille. Si elle avait été là aujourd’hui, cela aurait d’ailleurs encore été son objectif premier... Elle secoua la tête, sachant très bien que penser à Harper là, tout de suite, était une mauvaise idée. Elle y pensait en permanence, bien entendu, mais ce n’était pas le moment de se laisser abattre par la tristesse et le désespoir.

« Me remercier ? Sois bonne, c’est tout. Je te donne ma confiance, ça n’arrive pas souvent, ne la brise pas et ça ira. J’aime pas trop non plus que les gens se sentent redevables envers moi, ça n’a aucun intérêt, c’est complètement stupide. »

La confiance, en cuisine, c’était essentiel. C’était ce qui faisait passer les chefs d’ouvriers solitaires à une machinerie bien huilée qui n’avait même pas besoin de communiquer pour que tout se passe extrêmement bien autour des fourneaux. Elle reposa son cupcake et ouvrit à nouveau sa cave, sortant cette fois une bouteille de champagne avant de récupérer deux flûtes qu’elle remplit.

« Allez, trinquons à cet accord, alors. Bienvenue parmi nous. »

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