Thalia & Caleb

Hello, it's me

Une pluie battante, des éclairs, le bruit du tonnerre... Il n'y avait pas à dire, cette journée était la preuve que l'automne avait officiellement pris ses marques au-dessus de la ville des anges. J'aurais du être dans ma voiture, à aller chercher Kira chez son amie, mais elle n'avait pas voulu le faire, bien trop contente d'avoir un nouveau vélo et surtout, bien trop décidée à me rappeler que non, elle n'était plus une petite fille. Mais malgré tout, elle restait ma fille, alors évidemment que je ne voulais pas la savoir dehors par ce temps-là. D'autant plus que je savais parfaitement qu'elle ne tarderait pas à rentrer, je lui avais dit de revenir pour passer la fin de l'après-midi ici, préférant qu'elle ne retrouve pas à errer dans les rues de Los Angeles en pleine nuit, on n'était jamais trop prudents. Elle n'avait jamais vraiment râlé vis-à-vis de cette règle, après tout elle était au courant des conditions de la mort de son oncle avant même de savoir qui j'étais, parce que c'était le seul moyen que Janet avait trouvé pour lui expliquer le fait que je ne sois pas dans leur vie, à toutes les deux. Bon, évidemment, j'avais conscience du fait que ce qui était arrivé à Stefan n'allait pas arriver à tout le monde, mais je ne voulais pas prendre le risque que ça arrive à Kira, elle était la prunelle de mes yeux. Cela faisait plus d'une dizaine de minutes que Kira aurait dû être rentrée, et pourtant elle n'était pas là. Elle m'avait envoyé un message me disant qu'elle partait de chez Lou, une de ses meilleures amies, mais elle n'avait pourtant pas encore passé le pas de la porte.

Alors j'avais complètement délaissé mon écran d'ordinateur, ayant à peine pris le temps de finir le paragraphe sur lequel j'avais travaillé ces dernières minutes, abandonnant par la même occasion l'idée de terminer le chapitre sur lequel j'avais décidé de me pencher aujourd'hui tant qu'elle ne serait pas rentrée. Je ne saurais pas dire combien de temps était passé depuis que j'avais coupé mon ordinateur, mais le bruit d'un moteur et de quatre pneus sur les graviers de l'allée m'avait fait me lever de mon siège comme si j'étais monté sur ressorts, me dirigeant directement vers la porte pour l'ouvrir, me saisissant au passage de la serviette que j'avais laissée sur le porte-manteau pour quand elle rentrerait. A peine j'avais passé le pas de la porte que Kira descendait de ce véhicule qui m'était parfaitement inconnu, me faisant un signe de la main avant de se diriger vers le coffre. Mais entre temps, j'avais lâché ma fille du regard, ayant parfaitement reconnu la personne qui venait de sortir de la place conducteur. Thalia. C'était.. C'était elle qui avait ramené Kira ? Quoi ? J'étais sorti sans trop réfléchir, me foutant complètement de la pluie qui continuait de tambouriner contre le sol de l'allée. Kira était passée à côté de moi après avoir raccroché son vélo, me murmurant un simple "Désolée" avant de déposer un baiser sur ma joue et de se réfugier. Je ne saurais pas dire si elle l'avait reconnue en montant dans sa voiture, mais l'incompréhension sur mon visage avait dû lever tout potentiel doute qu'elle pouvait encore avoir. Moi qui avais tant espérer voir Thalia passer le portail de la maison alors qu'elle venait de rompre, je ne savais plus vraiment quoi ressentir. Je n'avais plus de sentiments pour elle, mais ça n'empêchait pas cette vague de familiarité, mélangée à des remords et de la tristesse, de venir me frapper en pleine tête. Alors j'avais fait la seule chose que j'avais trouvée à faire, je m'étais mise entre sa portière et elle. Idiot, n'est-ce pas ? Ce n'est pas comme si qui que ce soit pouvait encore croire que j'agissais de manière "normale" face aux autres, et encore moins face à Thalia.

- Salut Thalia. Merci, pour Kira. Je voulais aller la chercher, mais du haut de ses 17 ans, je crois qu'elle est décidée à me rappeler qu'elle n'est plus une petite fille.

Je savais qu'elle repartirait surement, c'était une évidence, et dans tous les cas ce n'était pas comme si je comptais la séquestrer chez moi. Mais je voulais avoir de ses nouvelles, savoir ce qu'elle était devenue depuis. J'avais un peu suivi son travail de loin mais globalement, ça s'arrêtait là.

- Tu veux rentrer boire quelque chose ? Je comptais faire un chocolat chaud pour que Kira se réchauffe, tu sais la recette de ma grand-mère ?

Thalia & Caleb

Hello, it's me

C'était étrange, de revoir Thalia ici. J'avais mis un temps fou à tourner la page, et encore je n'avais pas complètement réussi. Mes sentiments avaient beau être révolus, j'étais incapable de m'imaginer dans une relation avec qui que ce soit, la peur d'être blessée étant bien trop forte pour que je puisse envisager quoique ce soit. Et puis dans tous les cas, on fonctionnait bien à deux avec Kira, alors pourquoi se prendre la tête ? Peut-être que je fuyais, mais je m'en fichais royalement. Et apparemment, je ne suis pas le seul à être plus que déstabilisé par le hasard de la venue de Thalia devant chez moi, vu qu'elle a l'air aussi décontenancée que moi. Elle a beau être partie il y a plusieurs années maintenant, je continue de lire en elle dans comme dans un livre ouvert, ce qui est presque tout aussi déstabilisant que la situation dans laquelle on se trouve actuellement. Face à sa réaction quant à l'âge de ma fille, je m'étais contenté d'acquiescer, tournant un regard vers la porte d'entrée que la petite avait refermée derrière elle. Bon sang, elle serait folle si elle savait que je la considérait encore comme étant "la petite".

- Ouais, j'ai pas vu le temps passer. Autant te dire que l'entendre parler de la fac, c'est hyper bizarre. J'ai l'impression que c'était hier que j'ai eu sa garde et pourtant, ça fait bien 7 ans maintenant.

Ce qui voulait dire que cela faisait aussi sept ans que Thalia était partie. Mon objectif n'avait pas été d'aborder le sujet, vraiment pas, et pourtant il était là, sous la surface, comme s'il attendait que l'un de nous deux mette les pieds dans le plat et crève l'abcès. Sauf que cet, abcès, je ne savais pas si je voulais qu'il soit crevé. En réalité, je m'étais fait une raison sur le fait que je ne la reverrais jamais. J'avais bien remarqué qu'elle ne venait jamais aux festivals auxquels j'acceptais de venir, alors qu'elle était bien présente à ceux auxquels je ne pouvais pas me rendre par manque de temps. Elle n'avait pas disparu de la surface de la Terre, elle avait simplement disparu de ma vie, aussi brutalement qu'elle y était rentrée, et c'était sûrement ça qui avait fait aussi mal d'ailleurs. Alors ouais, j'avais pas envie de crever cet abcès, et je doutais du fait qu'on puisse vraiment me le reprocher. Un petit sourire s'était étiré sur mes lèvres alors qu'elle acceptait de rentrer dans la maison. Sauf que ce sourire avait bien rapidement été remplacé par un air surpris, alors qu'elle sortait un cosy de l'arrière de sa voiture. Elle était mère. Je ne saurais même pas dire pourquoi ça me surprenait autant, elle avait 32 ans après tout, ce n'est pas comme si c'était aberrant. Et pourtant, ça me surprenait, parce que j'avais été persuadée pendant bien longtemps que son départ avait été causé par l'arrivée de Kira dans notre vie, ou plutôt dans ma vie.

- Comment il s'appelle ce petit bout de chou ? Il a l'air tout jeune, en tout cas.

Et j'avais détourné le regard bien vite, me dirigeant vers la maison dans laquelle je rentrais, retirant la veste que j'avais rapidement enfilée, tendant la main pour récupérer celle de Thalia. Sauf que ce geste avait été interrompu par l'arrivée de Mia qui, apparemment, avait retrouvé toute son énergie d'il y a quelques années par le simple fait de la présence de la jeune femme. Encore une fois, c'était comme un brutal, retour dans le passé, une scène qui, sans l'existence d'une adolescente à l'étage et d'un bébé dans l'entrée, pouvait presque ressembler trait pour trait à ce que l'on vivait il y a maintenant bien longtemps.

- Mia, Mia, calmes toi ! Allez, descends, laisses la s'installer au moins.

La chienne avait rapidement tourné la tête vers moi, s'asseyant finalement entre nous deux, sa queue remuant toujours autant contre le sol. Son regard alternait entre nous deux, comme si elle ne savait plus où donner de la tête tellement elle était heureuse et excitée.

- Désolé pour ça, j'avoue que je m'attendais pas à ce qu'elle soit aussi.. Excitée, disons.

Thalia & Caleb

Hello, it's me

Elle était mère et bon sang, je ne savais pas du tout quoi faire de cette information. Tout ça ne e concernait pas et pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir concerné. Je n'avais jamais eu d'explications quant à son départ mais vu le timing, je m'étais finalement douté qu'elle ne se voyait pas avoir une enfant dans sa vie, surtout que Kira n'était pas la sienne. Rien ne me disait que c'était la raison de son départ, évidemment, mais j'avais conclu comme je le pouvais, avec le peu d'informations que j'avais à ce moment-là, c'est-à-dire aucune. Qu'est-ce qui me perturbait le plus entre l'idée qu'elle soit mère et le fait que cela signifie qu'elle avait tourné la page et continué sa vie sans moi ? Je n'en savais rien non plus. Après tout, ça faisait sept ans qu'elle était partie, sept ans qu'elle m'avait rayé de sa vie, le fait qu'elle ait tourné la page ne serait pas aberrant, mais une partie de moi ne pouvait pas s'empêcher de se sentir blessé. Mes sentiments pour elle avaient beau avoir fini par disparaître, la douleur de son départ ne s'était jamais réellement envolée, se transformant au fur et à mesure en une sorte de rancœur assez étrange. Mais face à sa réponse, je n'avais pas pu m'empêcher d'arquer un sourcil. La séparation avec sa mère... Il n'était donc pas son fils ? Il n'y avait donc que deux options. Soit elle l'avait adopté, soit elle était famille d'accueil, et les deux étaient parfaitement honorables. Après tout, j'envisageais de faire la même chose depuis quelques mois.

- Tu l'as adopté ? Ou alors tu es famille d'accueil ? J'espère qu'il s'en remettra, en tout cas. Ca me fait toujours énormément de peine ces histoires-là.

Heureusement, l'arrivée d'une Mia surexcitée avait fortement diminuée la tension présente dans l'entrée de la maison. Il fallait dire qu'elle s'en fichait, de ces choses-là, elle était juste heureuse de revoir celle qui avait été sa maîtresse pendant trois bonnes années. Est-ce qu'elle avait conscience du temps qui était passé depuis la dernière fois qu'elle l'avait vue ? Je n'en savais trop rien, et il fallait dire que je m'y connaissais clairement pas assez dans le fonctionnement cérébral canin pour pouvoir répondre à cette question. Dans tous les cas, qu'elle en ait conscience ou pas, ça n'avait pas l'air de la perturber plus que ça. Une fois qu'elle s'était assise, je m'étais penché vers elle pour la grattouiller entre les oreilles, à la fois pour la féliciter de m'avoir écouté, mais aussi pour éviter qu'elle ne se remette à sauter partout dans les secondes ou minutes à venir. Je relevais finalement la tête vers Thalia, me redressant par la même occasion.

- Nimbus, c'est ton chien ? Je me souviens que quand tu avais vu Mia pour la première fois, tu m'avais dit à quel point tu voulais avoir un chien.

Ce n'était pas bizarre que je dise ça, pas vrai ? On avait passé d'assez nombreuses années ensemble, d'abord en tant qu'amis et collaborateurs, avant de finalement nous mettre ensemble. Alors oui, je la connaissais par coeur et oui, je me souvenais de que certains pourraient considérer comme étant des détails, mais je n'étais pas vraiment sûr que l'on puisse trouver ça bizarre pour autant. Face à sa question, qu'avait acquiescé, tendant la main pour qu'elle me passe le biberon en question, avant que je ne tourne finalement les yeux vers les marches qui menaient à l'étage et donc, à ma chambre et à celle de Kira.

- Oui pas de soucis. Tu peux aller t'installer dans le salon si tu veux, je te rejoins. Et pour Kira, je pense surtout qu'elle est partie se doucher, elle était trempée en arrivant. Elle redescendra surement après, je l'ai jamais vue refuser un de mes chocolats chauds en tout cas.

Mais la vérité, c'est que je n'étais pas sûr de ce que je disais. Il était évident que Kira avait reconnu Thalia, considérant qu'elle s'était excusée en passant à côté de moi. Mais qu'est-ce qu'elle pensait vraiment d'elle ? Je n'en savais rien. Je savais que le départ de mon ex petite-amie l'avait atteinte, à la fois parce que ce départ d'une figure féminine était bien trop proche du décès de sa propre mère, mais aussi parce qu'elle avait bien vu l'état dans lequel ça m'avait mis, même si j'avais fait en sorte de le cacher. Après tout, nous étions fusionnels tous les deux, je savais parfaitement que je n'avais pas réussi à cacher grand chose. Et puis à minima, elle avait bien vu qu'aucune femme n'avait mis les pieds dans ma vie depuis. Elle avait beau ne pas vraiment savoir pourquoi, elle devait peut-être se douter que ce n'était qu'indirectement lié. J'étais finalement parti dans la cuisine, réchauffant le biberon comme Thalia me l'avait demandé, revenant dans le salon quelques minutes plus tard, le contenant entre les mains.

- Tiens, j'espère que la température sera bonne.

Et alors que je lui passait le biberon en m'installant sur le canapé, la situation m'avait frappé en plein visage. C'est ce qu'on aurait pu vivre ensemble, si elle n'était pas partie. Ou plutôt, c'est ce que je me serai largement vu vivre avec elle, parce que notre relation était bien assez sérieuse pour que je puisse commencer à envisager ce genre de choses. Et pourtant, tout ça n'était que factice, avec ma seule fille à l'étage et une Thalia qui n'était plus qu'une invitée dans cette maison, et non pas une résidente. Et ce petit Thiago dont j'apprenais à peine l'existence, et qui avait déjà apparemment bien souffert.

Thalia & Caleb

Hello, it's me

Le fait que Thalia ait décidé de devenir famille d'accueil ne me surprenait pas tant que ça, à vrai dire. Elle avait toujours été du genre à vouloir aider les autres et vu les livres qu'elle écrivait, il était évident qu'elle aimait les enfants. Sauf que c'était la phrase suivante, qui m'avait perturbé, me coupant directement dans mon mouvement alors que je me tournais vers elle, les sourcils froncés. Izia, six ans. Six ans, ça matchait parfaitement avec une grossesse qui aurait démarré très peu de temps avant notre rupture. Mais elle me l'aurait dit, pas vrai ? Pourtant, face à la concordance des dates, je ne pouvais pas me baser sur ce simple principe du "elle me l'aurait dit". Est-ce que j'étais le père ? Si je l'étais pas, c'est qu'elle n'était pas partie à cause de Kira, mais à cause d'un autre homme qu'elle aurait rencontré et très franchement, cette idée me donnait envie de vomir. Les sourcils toujours froncés et le regard rivé sur elle, j'avais fini par me racler la gorge, prenant la parole sans même chercher à cacher mon désarroi et mon incompréhension.

- Six ans ? Tu... Enfin.. Désolé pour la question mais, c'est qui le père ? Fin ça matche un peu trop bien avec ton départ et... Ouais, voilà.

Ce que je ne demandais qu'à demi-mots, c'était un simple : est-ce que tu m'as trompé, ou est-ce que tu m'as caché ma paternité, comme ça avait déjà été le cas avec Kira ? Sauf que dans le cas de Kira, c'était particulier. Stefan s'était fait tué, on s'était séparés, je n'étais pas en état de gérer quoique ce soit et sur l'instant, ne rien me dire avait été le bon choix. Pour les années suivantes, par contre, elle n'avait pas pris la bonne décision. Mais Thalia, pourquoi est-ce qu'elle ne m'aurait rien dit ? Ca n'avait pas de sens et pourtant, ça n'enlevait rien au fait que les dates coïncidaient bien trop pour que ça soit une simple coïncidence, et je ne le savais que trop bien. L'idée qu'elle ait commencé une série de livres avec son chien comme héros m'avait malgré tout fait sourire, ne me surprenant encore une fois pas vraiment de la part de la jeune femme. Je m'étais moi-même souvent inspiré de Mia pour créer un compagnon aux personnages principaux de mes histoires, même si je n'avais jamais utilisé son nom et qu'elle n'avait jamais été le héros de l'un de mes romans. J'avais tendance à vouloir partir dans le fantastique, dans des univers différents, et j'estimais que ma vie personnelle n'avait rien de bien pertinent à faire là-dedans, même si je m'en servais évidemment comme inspiration.

- C'est donc lui la vedette de ta dernière série de livres ? J'espère au moins que t'utilises les bénéfices pour le couvrir de cadeaux et de nourriture en tout genre, sinon c'est pas très légal tu sais.  

Et puis d'un coup, la réalité était revenue me frapper en plein visage, comme pour me rappeler que les choses étaient bien plus compliquées que ce qu'elles pouvaient avoir l'air vues de l'extérieur. Nous étions devenus des inconnus l'un pour l'autre, ne s'étant même pas croisés depuis que Thalia était partie il y a maintenant de nombreuses années. Probablement qu'il serait nécessaire de crever l'abcès sur ce sujet-là si l'on décidait de garder contact, mais une partie de moi était convaincue que ça ne serait pas le cas. Après tout, nous n'avions pas eu de contact depuis maintenant si longtemps, pourquoi est-ce que ça changerait ? Si Kira n'avait pas eu un de ses pneus crevés, est-ce que j'aurais un jour revu Thalia ? J'étais à peu près sûr de connaître la réponse à cette question, et cette dernière ne me plaisait pas du tout. Et pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de considérer la jeune femme présente en face de moi comme une des personnes les plus importantes de ma vie, même si elle l'avait quittée il y a maintenant bien longtemps. Et la voir là, en train de donner le biberon au petit Thiago, alors qu'un silence des plus tendus avait pris place dans le salon, ça ne faisait que me rappeler ce que l'on aurait pu avoir, mais que l'on avait pas eu. Et puis elle avait repris la parole, brisant bien heureusement ce silence qui, à chaque seconde qui passait, devenait encore plus oppressant que la seconde précédente. J'avais haussé les épaules face à sa question, mais surtout face à son compliment. Je n'avais jamais été du genre à vraiment m'étaler, appréciant l'idée de pouvoir rester dans mon coin et ne pas me faire remarquer. Alors entendre parler de mon succès et entendre une telle question, ce n'est pas que ça me mettait mal à l'aise, c'est simplement que cela me faisait quitter ma zone de confort.

- A peu près toujours pareil, à vrai dire. Je continue de donner tout mon temps à Kira, ça a toujours été le cas depuis qu'elle est arrivée, de toute façon. Et je passe toujours autant de temps à écrire, même si en ce moment, je passe plus de temps à me battre comme la page blanche qu'autre chose. Mais pas grand chose a changé, j'imagine.

Enfin si, elle n'était plus là, mais ce n'est pas comme si j'avais vraiment besoin de le dire. Le fait de dire aussi facilement que ma vie n'avait pas vraiment changée ne me dérangeait pas. Certes, je n'avais pas plus d'enfants. Certes, je n'avais pas refait ma vie. Mais est-ce que j'en avais vraiment besoin ? J'avais lâchement tendance à dire non, préférant largement me satisfaire de ma situation actuelle. Mais est-ce que ça avait été le cas de Thalia ? Qu'était devenue sa vie, depuis toutes ces années ? Clairement, il y avait eu beaucoup de changements dans cette dernière, de ce que j'avais compris. Et je n'y pouvais rien, je voulais en savoir plus.

- Et toi, du nouveau dans ta vie ? En dehors de Nimbus, Izia et Thiago, évidemment.

Thalia & Caleb

Hello, it's me

Poser une telle question pouvait paraître insensé, d'autant plus face à sa réponse, mais j'avais été incapable de m'en empêcher. Evidemment qu'elle ne m'aurait pas caché ça, c'est ce qu'une partie de moi pensait aussi. Mais en même temps, sa façon de partir sans explications et sans même se retourner m'avait, pour la première fois, fait réaliser que même si je pensais la connaître par coeur, ce n'était pas nécessairement le cas. Alors oui, me cacher ma paternité semblait complètement impossible venant d'elle, mais est-ce qu'on pouvait vraiment me reprocher le fait de me poser la question ? L'adolescente présente à l'étage, en train de consommer toute la réserve du ballon d'eau chaude, était justement la preuve que tout pouvait arriver. Face à sa réponse, j'avais honteusement baissé les yeux, ne réalisant qu'à ce moment-là qu'en effet, mon accusation n'était pas nécessairement la bienvenue. Mais c'était face à ce qu'elle avait dit ensuite que je m'étais réellement pris une claque. La jeune femme présente en face de moi, celle qui avait été ma meilleure amie et une collaboratrice hors pair tout en étant ma petite-amie, était stérile. Probablement que ma surprise se lisait sur mon visage, mais je m'en fichais. J'imaginais bien qu'apprendre une chose pareille n'avait pas dû être simple pour elle, mais j'espérais au moins qu'elle avait pu être entourée à ce moment-là, c'était la seule chose qui comptait à mes yeux.

- Merde.. Thalia je suis.. Je suis désolé. Tu l'as su y a longtemps ?

La seule chose dont je voulais m'assurer, c'est qu'elle avait eu le temps de s'en remettre. Si elle avait pris la décision d'adopter Izia il y a un peu plus d'un an, c'est que cette découverte datait de plus longtemps, mais ce n'était pas comme si c'était une bien grande indication. Elle ne l'aurait pas appris à l'époque de notre relation, si ? Non, ce n'était pas possible, elle m'en aurait parlé, j'aurais pu essayer de l'aider, elle devait bien le savoir non ? Et pourtant, toutes les pièces d'un puzzle si longtemps incomplet semblaient s'assembler dans mon esprit. Une relation de longue durée, de potentielles envies d'engagement, une enfant de dix ans qui arrive, cette dernière couplée à la découverte d'une stérilité... Ouais, son départ pourrait se comprendre. Alors j'avais relevé les yeux vers elle, le regard hésitant.

- Je.. Je me trompe peut-être mais.. C'est pour ça que t'es partie, pas vrai ?  

Il n'y avait pas la moindre once de reproche dans ma question, c'était une simple interrogation. La peine que je ressentais n'était même pas liée à moi, mais à la jeune femme présente sous mes yeux. Parce que je réalisais seulement maintenant la possibilité que, tellement occupé par l'arrivée de Kira, je ne me sois pas rendu compte que Thalia allait mal, au point où elle avait fini par partir. J'avais bien senti que notre relation avait un peu changée, mais je m'étais contenté de me dire que c'était le temps que l'on prenne nos habitudes avec la petite fille qui s'était rajoutée au foyer et pourtant, son départ m'avait prouvé que je m'étais complètement trompé. Je ne saurais même pas dire si j'espérais avoir raison ou tort, les émotions que je ressentais actuellement étaient bien trop nombreuses, entremêlées et complexes pour que je puisse réellement interpréter quoique ce soit. Heureusement, le sujet de Nimbus avait détendu l'atmosphère, la réponse de Thalia m'arrachant un petit rire. Ah ça, les chiots, c'est sûr que c'était plein d'énergie, j'en avais déjà fait les frais avec Mia, qui m'avait cassé une quantité d'objets bien trop importante à mon goût à l'époque, sans compter des meubles qui avaient fait les frais de ses crises de folie et d'énergie.

- Bah tiens, à croire qu'il avait prévu le coup.

Puis on s'était retrouvés dans le salon, comme deux inconnus qui apprenaient à se connaître, alors que nous étions tout sauf des inconnus. Nous étions des ex, des anciens collaborateurs, des amis qui s'étaient "perdus de vue", mais je doutais que l'on puisse réellement parler d'être des inconnus. Parce qu'on se connaissait beaucoup trop pour pouvoir revenir à ce stade un jour. Face à sa réponse vis-à-vis de Kira, je m'étais contenté d'hausser les épaules, ne répondant qu'après qu'elle ait fait référence à mon syndrome de la page blanche.

- Pour Kira, j'ai fait ce que j'ai pu. Mais j'ai toujours une partie de moi qui sait pertinemment que je ne pourrais pas rattraper les dix premières années de sa vie. Mine de rien, j'ai raté tellement d'étapes importantes. Je sais que Janet avait toutes les raisons du monde de préférer se débrouiller seul, que je n'aurais jamais été capable d'être un bon père à l'époque mais.. Ouais, une partie de moi continue de se dire que j'aurais voulu la connaître plus tôt.  

Ce n'était pas le genre de choses dont je parlais souvent, ayant toujours eu tendance à garder mes émotions pour moi, d'autant plus après avoir perdu Stefan. Mes parents étaient au courant, évidemment, mais ça s'arrêtait pas mal là. Kira aussi, bien sûr, qui n'avait jamais eu la chance d'avoir ses deux parents dans la même pièce, mais je ne voulais pas lui causer de peine, alors j'évitais de trop m'éterniser sur ce sujet-là les quelques fois où il remontait à la surface. Et pourtant, avec Thalia, tout paraissait si simple, comme ça avait toujours été le cas. C'est comme si elle m'arrachait les mots sans même le vouloir, avec un naturel qui, à une époque, m'avait terrifié avant de finalement me fasciner, puis me plaire. Actuellement, j'étais plus surpris par le fait que je puisse encore me confier aussi facilement auprès d'elle après son départ soudain, et après toutes les années qui étaient passées depuis ce dernier. J'avais arqué un sourcil face à sa réponse, un sourire amusé s'étirant sur mes lèvres.

- Bon sang, entre les deux enfants, le chien, et les deux chats, je préfère même pas imaginer l'animation qu'il y a chez toi en tout temps.  

Sauf qu'une question brûlait mes lèvres sans que je n'ose la prononcer. Est-ce que quelqu'un partageait tout ça avec elle ? Est-ce que quelqu'un l'aidait à s'occuper des petits, ou est-ce qu'elle était comme moi un parent célibataire ? Ce n'était pas une question motivée par un profond espoir de pouvoir me remettre avec elle, ce temps était révolu depuis bien longtemps, c'était simplement de la curiosité. Elle méritait d'être accompagnée, d'avoir quelqu'un pour partager ses moments de joie, de doute, mais aussi de tristesse. J'avais au final ouvert de grands yeux face à sa nouvelle révélation. Une demi-soeur ? Bon sang.

- Une demi-soeur ? Bon sang. Tu as l'occasion de la voir, ou t'as juste appris ça comme ça ? Et si oui, le courant passe bien avec elle ?  

Je n'imaginais même pas une seule seconde ce que ça devait faire d'apprendre qu'on avait une demi-soeur après autant de temps. Ca devait être.. Bousculant, à minima. Surtout connaissant Thalia, je doutais fortement qu'elle ait accueilli la nouvelle très facilement et avec beaucoup de sérénité, à minima au début bien sûr. Un sourire s'était finalement étiré sur mes lèvres alors qu'elle me parlait de ses livres et d'Izia. J'avais toujours adoré sa passion pour l'écriture, cette dernière crevant les yeux de n'importe quelle personne qui la ferait parler de ses livres. Mais la voir parler de sa fille comme ça, ça faisait quelque chose de plus, et j'adorais ce quelque chose de plus, tout simplement parce que j'étais heureux pour elle.

- Je suis vraiment content pour toi. J'ai pas mal suivi ce que tu faisais, ça m'a fait plaisir de voir que ton succès ne faiblissait pas non plus, c'était même le contraire d'ailleurs. Quant à Izia, je suis vraiment heureux pour toi, c'est génial que tu aies pu te faire ta propre petite famille, surtout qu'elle avait besoin de toi, cette petite, si tu as été amenée à l'adopter.