Premier noël sans elle, je n'avais vraiment pas le cœur à le fêter. Je crois bien que je n'aurais jamais plus le cœur pour ça. Pourtant mon plan de rester sans rien faire en ignorant cette échéance avait été mise à mal par plusieurs personnes. Ma fratrie en premier, qui ne comprenait pas qu'on puisse rester indifférent à l'approche de noël et qui tentait mille et un stratagème pour me mettre dans la magie de Noël. Mais aussi l'orphelinat où j'avais commencé à faire un peu de bénévolat pour passer le temps. Je prenais soin des plus jeunes, je n'avais pas perdu la main depuis que j'avais du m'occuper de mes frères et sœurs, et en même temps ça me permettais de me remettre dans le bain. Si jamais la procédure d'adoption se débloquait, si on me permettais de m'occuper seule de cet enfant alors bientôt il y'aurait un bébé chez moi. En attendant je prenais soin de ceux de l'orphelinat et notamment de certain enfant qui comme moi souffrait de la perte de quelqu'un mort au combat. En sommes je pouvais les comprendre mieux que n'importe qui, j'avais perdu ma femme mais aussi mon père. Et en quelques sorte j'avais aussi perdu ma mère qui ne s'était jamais relevé de la perte de son mari et avait sombré dans l'alcool. Moi aussi j'étais orpheline de guerre. Tout ces enfants avait subit la perte de deux personne. C'était donc pour eux que je mettrais de côté mon rejet de noël, car ils méritaient d'avoir un moment magique dans l'année. Alors quand cette association m'avait contacté pour la collecte des jouets, je n'avais pas pu refuser. Et c'était pour ça qu'aujourd'hui je prenais une fois de plus la direction de l'orphelinat. Je ne pouvais évidemment pas rejoindre directement le stand de la collecte, je fis un détour par la nurserie pour prendre des nouvelles de mes petits protégés. Evidemment il y avait toujours à faire et je me retrouvais à donner un biberon avant que j'ai pu protester, j'aurais pu faire ça vite, mais hors de question, c'était un bébé, pas une machine, alors je laissais la petite prendre son temps tout en caressant ses doux cheveux. Quand elle eu finit, j'étais bien sûr en retard mais là encore je refusait de me presser, je la déposais dans le parc, promettant au bénévole de repasser et prenait enfin la direction du stand des dons. Si j'avais bien compris, je me retrouvais en binôme. Et ce fameux binôme était déjà là. Avançant vers la table je cherchais dans ma tête, j'avais reçu un mail récapitulant tout ça, dont le prénom de mon binôme. Enfin alors que j'arrivais à sa hauteur ça me revint « Bonjour Joanie, je suis June, je crois qu'on est ensemble cet après midi »

J'étais heureuse de venir donner un coup de main supplémentaire à l'orphelinat. Comme ça je pensais moins à certaine chose et puis j'offrais un peu de magie aux enfants, même si moi je n'y croyais plus. Peut être que je passerais Noël avec eux, voir des enfants ouvrir des cadeaux et sautiller de joie ne pourrait être que bénéfique pour moi. Et puis même si ma fratrie insistais, je ne me sentais pas d'attaque pour affronter un noël en famille, surtout pas avec ma mère. Donc le faire ici me semblait un bon compromis, surtout que je savais qu'on aurait toujours besoin de monde ici. En attendant, pour que les enfants puissent ouvrir les cadeaux, il fallait qu'on les emballe. Je rejoignais donc le stand de don où se trouvait déjà quelques cadeaux et aussi ma collègue de l'après midi. Je la saluait et elle se tourna vers moi, me tendant la main. Je la serrait avant de la rejoindre derrière la table et je me justifiais quand à ma connaissance de son prénom « Oui, j'ai regardé le planning et j'ai vu ton nom. » Elle m'apprend qu'elle a commencé à trier mais que nous n'avons pas terminé car il y'en a plein. Je souris doucement « Oui, les gens sont généreux. C'est bien pour les enfants, ça leur feras au moins ça pour Noël » Et je commence moi aussi à trier, repérant certain cadeau qui ferait plaisir sans douter à mes petits protégés que je mettais de côté. Je me retourne vers Joanie pour lui expliquer quand je remarque une chose sur le dos de la jeune femme, un bébé. Je souris tendrement en voyant ce petit bout « Oh c'est ton bébé ? » Bon la question est stupide, elle n'as surement pas prit le premier bébé qui passait pour le mettre sur son dos, mais c'est surtout pour aborder le sujet. Un sentiment assez fort me prend aux tripes, oui c'est de la jalousie, car moi aussi je devrait avoir mon propre bébé, si Lina était toujours de ce monde, nous aurions pu récupérer cette petite qui nous avait été apparenté Mais malheureusement ça n'as pas été possible et je ne sais franchement pas si la situation se débloqueras un jour. Mais je chasse cette stupide jalousie, c'est idiot, personne ici n'est responsable de ce qui est arrivé. Alors je me reprend et sourit de nouveau. Je regardais de plus belle le bébé, vu sa tenue j'en déduisit qu'il s'agissait d'une petite fille « Elle est très mignonne »

Je suis heureuse de constater que les gens ont été généreux. Il y a un tas de cadeau. Et je sais que les enfants seront heureux. Je commence donc ma tache. Discutant un peu avec ma partenaire du jour. Je lui souris doucement « Moi aussi je suis ravie de te rencontrer » Moi non plus je ne sais pas si on seras toujours ensemble, mais dans tous les cas je suis ravie de rencontrer du monde. Surtout que je ne l'ai jamais vu à l'orphelinat, donc c'est une bénévole de l'association et on a donc un point commun. Elle me dit qu'un restaurant s'est proposé pour faire des repas pour noël et je souris de plus belle « C'est une bonne nouvelle, ils auront un vrai noël » Et mine de rien c'était important. Je savais l'importance des fêtes pour les enfants. Ma mère avait souvent négligé ce moment de l'année, préférant acheter de l'alcool que des cadeaux, alors j'avais parfois eu des noëls franchement minable. Puis j'avais du me donner à fond pour que mes frères et sœurs ne soient jamais déçu. Soudain je remarquai le bébé endormi sur le dos de ma binôme. Evidemment je pose des questions, elle m'apprend donc qu'il s'agit de sa fille, Evalyne. « C'est un très beau prénom » Je ne peut pas m'empêcher de contempler cette petite fille. Oui je veux un bébé moi aussi. Mais je sais que ça vas être compliqué pour moi. Alors je détourne le regard et écoute la jeune femme me dire que l'enfant ressemble à son père. Je n'ose pas poser de question, car je sais qu'elle est de l'association, elle a sans aucun doute perdu quelqu'un et je suppose facilement qu'il s'agit du père de l'enfant. Alors je ne dis rien. Je continue mon tri, gardant de côté les jouets pour mes petits. Puis Joanie me questionne. « Les deux, je prends soin des bébés ici. Et pour ce qui est de l'association... j'ai perdu ma femme en mission » Autant être directe, de toute façon la question viendrait logiquement à la suite. Je pose un nouveau jouet sur ma pile et demande « Je suppose que tu as perdu le père de ta petite ? » Je la regarde un instant « Désolé ... c'est indiscret » Je sais que nous avons traversé un peu la même épreuve mais ça ne me donne pas le droit de lui demander ça.

Je regarde la petite fille et sourit tendrement. Elle est adorable et oui ça me donne envie. Mais pour le moment je dois repousser cette envie. Je complimente la mère sur le prénom, je le trouve original et joli, il vas bien à cette petite fille. Je ne posais pour le moment pas plus de question sur le père de l'enfant, je me doutais bien de ce qu'il s'était passé, sans quoi elle ne serait pas ici avec moi. D'ailleurs elle me questionne, voulant savoir si je suis bénévole pour l’association ou pour l'orphelinat.Je parle donc de l'orphelinat et des bébés dont je prend soin. Mais évidemment je me dois aussi d'évoquer Lina. Elle me dit qu'elle est désolé pour ma femme et je me crispe un peu. Je déteste cette formule. Pourquoi les gens s'excusent, ils n'y sont pour rien. Les responsables sont les personnes qui ont décidé de piéger des militaires qui étaient simplement là pour tenter d'apaiser les tensions. Je finis par lui demander si elle a bien perdu le père de sa fille comme je le pensait. Et elle me le confirme, avant de me préciser qu'il n'était pas en mission, qu'il était rentré. Je ne peux pas m'empêcher de lui répondre « On ne rentre jamais vraiment » Enfin physiquement si, mais dans notre tête c'était toute une autre histoire, surtout quand on allait dans certains pays. On voyait des choses qu'on ne pouvait oublier. Et elle me confirme d'ailleurs ce que je viens de dire, m'apprenant que son mari souffrait d'un choc post-traumatique. Je crois que personne ne sort indemne de l'armée. J'en souffrait également, à moindre mesure face à certain de mes collègues. Mais mon cerveau ayant occulté l'attaque il se donnait une joie de me faire vivre tout ça pendant mon sommeil dans des cauchemar qui me laissait parfois éveillé jusqu'au lendemain matin. « Malheureusement, beaucoup de personne n'arrivent pas à surmonter tout ça » Elle me demande si je suis également dans l'armée et je hoche la tête. « Oui, enfin je l'étais. J'étais dans la même unité que ma femme, mais pas dans la même jeep qu'elle » Plus grand regret de ma vie, au moins je serais partie avec elle, où elle serait restée avec moi. « J'ai été blessée, j'ai perdu une grande partie de mon audition, alors je suis à la retraite à présent » Je lui montre l'appareil qui se trouve dans mon oreille, sans lequel je ne serait pas capable de tenir cette conversation d'ailleurs. Je continue de trier les jouets avant de déclarer « Je cherche encore ce que je vais faire maintenant » L'armée avait toujours donné un sens à ma vie, sans ça j'étais vraiment perdue.

J'avais évoqué le fait qu'on ne rentrait jamais vraiment quand on faisait ce boulot là . Elle confirma, ajoutant que l'entourage avait du mal à comprendre. En effet, je crois qu'il fallait le vivre, directement ou par le biais de son conjoint pour savoir ce que ça voulait vraiment dire. Même si j'essayait de ne plus y penser, l'armée était ancrée au plus profond de moi. Parfois certain détails pouvait raviver des souvenirs. Je savais combien une mort au combat pouvait amocher une famille, la mienne en était une preuve, puisque ma mère s'était laissé mourir de chagrin après la perte de mon père et même si elle était encore vivante, ce n'était que physiquement. Moi je refusais de me laisser sombrer de la sorte. Pour Lina il fallait que je montre forte. Elle était morte, par moment j'aurais aimé que je le sois aussi. Mais ce n'était pas le cas alors pour elle je me devais d'être vraiment forte. Ma façon de parler de l'armée signifiait clairement que je connaissais bien tout ça. Plus que par le biais de ma compagne. Alors évidemment Joanie me demanda si j'étais aussi dans l'armée. C'était étrange de me dire que non. Je ne l'étais plus puisque j'avais été mise à la retraite, ne pouvant plus servir comme il le faudrait. Je lui parle de ce que j'ai vécut puis de mon handicap. Quand je lui désigne mon appareil elle me dit qu'il est petit et qu'elle n'avait rien remarqué. « C'est vrai et c'est assez pratique même si malheureusement je ne pourrais plus entendre comme avant. » Dans un endroit calme ou si la personne était proche je pouvais avoir une conversation normale. Mais quand on s'éloignait ou qu'il y avait une foule, ça c'était compliqué. Alors c'est pour ça que l'association m'avait proposé une autre solution, un chien écouteur qui arriverait bientôt dans ma vie. On reprend notre tri de jouet et elle me dit que je devrais peut être me réorienté dans le travail auprès des enfants. Je souris à cette idée « C'est vrai j'aime beaucoup prendre soin des enfants. J'ai pratiquement élevé mes frères et soeurs... Et puis Lina et moi devions adopté... » Mais ce projet là était forcément plus d'actualité. « Et vous que faites vous dans la vie ? Hormis prendre soin de cette petite merveille ?  » De nouveau mon regard se pose sur l'enfant qui dort dans son porte bébé. Elle est adorable. Puis la mère de l'enfant me demande si j'ai des passions « Le sport en général et le surf en particulier mais je ne suis pas assez douée pour en fait mon travail malheureusement » Et puis je n'avais pas remis les pieds sur une planche depuis un moment. « Pour le moment je donne de mon temps ici, je ne suis pas encore acculé par les besoins d'argents alors je prend du temps pour moi » J'avais évidemment une pension de l'armée, pour moi mais aussi pour Lina. Je crois que j'étais tranquille pour quelques temps.