« T’es vraiment beaucoup trop mignon avec ce bonnet, tu vas me faire vivre une misère plus tard. » Tête secouée de gauche à droite, je craque un peu plus en voyant le large sourire qui vient étirer les lèvres de Naël. Ses petites mains dans sa bouche, il me regarde sans forcément comprendre tout ce que je suis en train de lui raconter. A vrai dire, je le soupçonne d’avoir uniquement saisi qu’il est mignon. A force d’entendre tout le monde le lui dire, il a dû comprendre que c’était quelque chose de positif. C’est exactement dans ce genre de moment que j’espère qu’il ne va pas grandir trop vite. Ce n’est déjà pas simple de gérer ma vie avec ce bambin, je n’ai pas envie de me faire des cheveux gris en pensant aux conneries et aux cœurs qu’il va briser dans quelques années. Bien couvert malgré les températures agréables et le soleil qui baigne la ville et les alentours, je préfère ne pas courir le risque qu’il tombe malade. Après l’otite qui a presqu’eu raison de nous, je vais éviter d’en rajouter une couche. De repos aujourd’hui mais n’ayant pas la moindre envie de rester enfermé, je décide de prendre la voiture pour rejoindre Los Angeles. Puisque je dois également voir mon père pour un dîner d’affaires, autant être dans le coin et pouvoir confier Naël à ma belle-mère avant mon rendez-vous. Mais avant ça direction le parc. Moi qui n’y allais que pour courir, j’ai pris l’habitude d’y emmener mon fils depuis quelques mois. Mis dans un parc surveillé avec d’autres enfants, ça lui permet de jouer avec des enfants de son âge et moi de faire une pause. J’admets aussi que c’est une très bonne façon de me trouver une conquête, les mères célibataires étant très sensible aux pères célibataires. Presqu’une routine depuis que je viens dans ce parc. Naël confié aux bons soins des mères, je garde toutefois un œil sur lui. Je ne l’admets pas mais j’ai sans arrêt peur que le pire arrive. Un enlèvement pour une rançon à cause de la réputation de famille ou simplement pour faire pression … J’imagine facilement le pire et reste toujours sur mes gardes. Sauf là. Sauf lorsque je la remarque en train d’observer les enfants, un air triste dessiné sur son peau visage. Pas moyen que je la confonde avec sa jumelle, tout mon être réagit trop vivement lorsqu’elle est dans les parages. Il ne s’est jamais pleinement détaché d’elle, comme si je voulais garder une quelconque connexion alors que je suis qui ne l’a pas retenu. J’ignorais qu’elle était de retour à Los Angeles, mais après tout comment aurais-je pu le savoir ? Hésitant quelques secondes, je vérifie une nouvelle fois que tout va bien du côté de mon fils puis vais rejoindre cette jeune femme à l’air trop nostalgique pour son jeune âge. « Kalia … » A peine tourne-t-elle la tête vers moi que son regard me fout une claque. La seule personne que je n’ai jamais aimée … Putain, encore plus belle que dans mes souvenirs. « Salut. »
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Je ne lui ai rien dit, c’est une première. Mentir ou du moins omettre la vraie raison de ma venue à Los Angeles à Emma relève de l’exploit. Je me suis répétée milles fois le mensonge qu’il est clair dans ma tête. Aucun besoin d’inventer sur le tas : je suis simplement tombée dans des escaliers, j’ai écopé de plusieurs bleus sur le corps mais de surtout mon poignée cassé. Incapable de jouer pendant plusieurs mois, je suis venue pour voir la famille et retrouver ma ville natale. C’est aussi simple que ça. Ils ne sauront rien. Rien de ce qu’il a pu me faire subir. Rien de ce que j’ai fini par tout plaquer. Rien de cette peur qui me bouffe, lorsque je suis de nouveau seule. J’aurai pu prendre une chambre d’hôtel ou retourner chez les parents, mais je n’y arrive pas. Le silence de la nuit me hante, me désespère. Et vivre les parents auraient été la fin de mon mensonge, à un moment donné. Alors, j’ai simplement débarqué chez ma sœur, à l’improviste. Même si j’ai encore cette impression d’être de trop et de déranger. Elle a d’autres problèmes à gérer, raison de plus pour ne rien dire.
Ne faisant rien de la journée, j’ai fini par décider d’aller me balader, prendre l’air et m’aérer l’esprit. A force de trop ruminer, je deviens folle. Et si j’avais su faire autrement ? Si j’avais dis quelque chose d’autres ? Si j’avais pu l’aider, en parler… ? Aurais-je encore eu plus de représailles ? Je ne souhaite pas m’aventurer ça. Il a déjà fait assez de dégâts ; Plus…je pense qu’il m’aurait simplement tué. Dans le centre, je prends une boisson chaude et m’installe sur un banc, près d’un parc pour enfant. Sait-il vraiment ce qu’il m’a enlevé ce soir-là ? Cet avenir que je ne pourrais peut-être pas avoir ? Cet avenir que j’aurai pu avoir directement ? Je regarde ses gosses plein de vie défiler, courir, sauter, grimper sur cet immense parc de jeu, avec les parents aux alentours qui font attention à leur petit. Je sais qu’être parent n’était pas le but de nos futures années. Lui, parce qu’il devait assurer ses tournées programmées. Moi, parce que je prenais enfin du galon dans l’univers de la musique classique. Notre monde n’était pas fait pour un enfant. Mais…tout est différent maintenant. Rien ne pourra être possible, désormais. Je ne me rends même pas compte qu’une larme glisse sur ma joue, résumant le désespoir qui se trouve enfoui en moi et que je tente de repousser sans cesse. Lorsque ça finira par exploser, je sais que ce sera moche. Mais pour le moment, je dois juste me contenir à mon mensonge et à ma guérison. « Kalia… » Cette voix m’hérisse l’échine et me fait sursauter. Je pourrais la reconnaître parmi milles. On n’oublie jamais la voix de son premier véritable amour. Je me retourne vers sa provenance et y découvre Shiloh, légèrement rasé, les mains dans les poches de sa vestes qui me dévisage tout autant. Il est resté le même : toujours aussi attirant et sexy. Mais quelque chose chez lui a durci ; il a muri. « Salut. » J’efface aussitôt cette larme qui est déjà tombée sur ma veste, comme un parfait réflexe, prise sur le vif. « Bonjour Shiloh » dis-je simplement encore surprise de le voir dans un parc pour enfant.
Ce visage de poupée parfaitement dessiné, ce corps merveilleux que j’ai pu observer à de multiples reprises, je n’aurais jamais pu les oublier. Elle a fait partie de ma vie bien trop longtemps pour que les souvenirs se soient estompés. En réalité, il m’arrive même d’y repenser, particulièrement lorsque j’entends dire que je serais plus heureux avec une femme dans ma vie. Probablement est-ce la vérité mais depuis elle, depuis que je l’ai laissé voler de ses propres ailes à la fois par amour et pour la protéger, je me refuse d'aimer à nouveau. La laisser me quitter, la perdre, c’était trop douloureux pour que je vive cette expérience une nouvelle fois. Enchaîner les conquêtes, me contenter de sexfriends, ça n’est pas anodin même si je prétends le contraire y compris auprès de ma famille. Elle m’a marqué au fer rouge, une cicatrice dont je n’ai pas voulu me séparer pour me souvenir. Je veux me rappeler autant le bonheur que la souffrance due à une rupture, c’est ce qui m’aide à ne pas trahir ma promesse. Aucun sentiment, simplement du plaisir, c’est ce que je fais depuis elle. Mais jamais je n’aurais imaginé la retrouver ici, dans ce parc. Los Angeles est une grande ville, plus encore avec son comté. J’ai su qu’elle était partie pour New York puis plus rien. La croiser par hasard ici c’est à se demander si le Destin ne tente pas de m’envoyer un message. Lequel ? Telle est la question. J’aurais pu l’ignorer, continuer de me préoccuper de Naël, mais je n’en suis pas capable. Je reste irrémédiablement attiré par elle. Pas d’un point de vue sexuel – même si Kalia a un corps de rêve – c’est simplement comme ça depuis notre première rencontre alors qu’elle était qu’une adolescente déjà séduisante. C’est pire lorsque je comprends qu’elle est malheureuse. Il ne me faut pas être tout près d’elle pour reconnaître cette expression qu’elle arbore. Cet air triste qui fait briller son regard et l’absence de son sourire qui a toujours illuminé toute sa personne. La dernière fois que je l’ai vu ainsi c’est lorsqu’elle a compris que je ne comptais pas la retenir. J’en mourrais d’envie, toutefois je l’aimais bien trop pour la retenir et mettre sa vie en danger. Son cœur n’a pas été le seul à se briser ce jour-là, le mien ne s’en est jamais remis d’ailleurs. Ça me semble presque égoïste de m’avancer vers elle en sachant ça. Je suis faible, voilà tout. Son attention attirée vers moi, je garde une distance de sécurité entre nous, les mains enfoncées dans les poches de ma veste. « Bonjour Shiloh » Répond-elle avec ce timbre de voix qui fait autant vibrer mon corps qu’il brise mon cœur un peu plus. Je voudrais lui demander depuis quand elle est rentrée à Los Angeles, les mots ne sortent pas. « Je ne pensais pas te revoir, encore moins ici. » En fait, j’ai espéré un temps qu’elle revienne, qu’elle me dise vouloir rester. J’aurais cédé, incapable de la repousser une seconde fois, mais ça ne s’est pas fait. Je voudrais affirmer que l’eau à couler sous les ponts depuis seulement je n’en suis pas certain. « Ça te dérange si je m’installe ? » Je tente en désignant la place qu’il reste sur le banc où elle s’est installée. Si elle préfère que je parte, je le ferais. Si, en revanche, elle accepte ma présence … vais-je au moins savoir quoi dire ? Le grand Shiloh Falcone qui perd ses moyens face à une ex petite amie, ça aurait de quoi surprendre.
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S’il y’a bien quelqu’un que je n’aurai pas pensé croiser dès mon retour – voir même de toute ma vie –c’est bien Shiloh. Le destin se fou de moi, je le pense sincèrement. Après avoir quitté l’homme qui m’a brisé physiquement, je retrouve celui qui m’a brisé émotionnellement. S’il y a eu quelques coups d’un soir avant que je ne rencontre Danny, c’est surtout parce que j’étais en pleine peine de cœur. Je venais de quitter Los Angeles pour New York, et j’avais perdu le seul homme que j’avais toujours aimé. Il a été mon premier baiser, ma première fois, mon premier copain, mon premier amour. Shiloh, c’est l’unique homme qui m’a vraiment brisé le cœur en me laissant partir. Pourtant, j’avais espéré qu’il me retienne, j’avais espéré qu’il me passe la bague au doigt après 8 ans de relation…mais il ne l’a jamais fait. Il ne m’aimait visiblement pas assez. Alors, j’ai pris mon envole pour New York, pour de nouvelle aventure. Et avant même que je ne réalise que j’étais vraiment bien dans ma nouvelle vie, Danny est arrivé. Il m’a fait oublier Shiloh plus vite que je ne l’aurai pensé. Il a été là pour moi, plus qu’il ne l’aurait dû. Comment ne pas tomber amoureuse d’un homme beau, charmant, intellectuel, passionné aussi de musique, qui n’a d’yeux que pour vous ? C’est cette promesse d’un amour éternel et vrai qui m’a rendu heureuse pendant quelques années. Des fiançailles, un mariage, Danny était mon idéal, mon meilleur ami et mon meilleur amant. Avant…de descendre parfaitement en enfer. Un enfer que je tente de fuir. « Je ne pensais pas te revoir, encore moins ici. » J’hausse les épaules en ajoutant : « Moi non plus. » On aurait pu rester en bon terme avec Shiloh, mais j’avais trop le cœur brisé pour reprendre contact. Ou, j’avais espoir qu’il le fasse, lui. Qu’il me prouve que je lui manquais un peu. Qu’il me dise qu’il avait fait une connerie. Mais ça n’est jamais arrivé. « Ça te dérange si je m’installe ? » En ai-je vraiment envie ? Je ne saurai dire si sa présence me perturbe ou si je suis encore perdue dans mes sombres pensées. J’ajoute cependant : « C’est un banc publique, Shiloh. Tu t’installes où tu veux. » Je ne daigne même pas le regarder, repassant mon regard sur ces enfants qui rigolent vivement. Mais qu’est-ce que je fou là au juste ?
« Moi non plus. » Trois mots qui me font frissonner. J’ai l’impression de me prendre une sacrée douche froide en l’entendant me dire ça. C’est tout ce que je mérite après tout. J’ai balancé huit ans de relation dans le néant sans qu’elle ne sache pourquoi et encore maintenant je tiens à ce que ça reste ainsi. Même après tout ce temps sans la voir, à ne plus l’avoir dans ma vie, je sais que je veux encore la protéger. Je veux préserver le peu d’innocence qui lui reste depuis qu’elle est devenue adulte et, surtout, je ne me pardonnerai jamais qu’il lui arrive quelque chose par ma faute. Il en va de même pour mes sœurs et pour Naël, pour tous mes proches à vrai dire, mais particulièrement avec Kalia. Parce que Kalia je l’ai aimé au point d’envisager de passer le reste de mes jours comme son mari ce qu’elle n’a jamais su. La seule personne au courant est Lou qui a dû apprendre ce que notre famille fait réellement pour comprendre la raison pour laquelle j’ai préféré terminer avec le cœur brisé plutôt que de lui passer une bague au doigt. Encore maintenant je pourrais dire où elle se trouve n’ayant jamais été capable de m’en séparer. Elle me sert de rappel. En la voyant ça me permet de ne jamais oublier que je lui ai fait du mal et que je me suis sacrifié sans qu’elle le sache. Je pensais voir cette bague être une épreuve douloureuse, ce n’est rien face à son visage triste et à sa présence. Mon corps semble déjà se remémorer tout ces moments intimes que nous avons eu, assez pour que je sois forcé de pincer mes lèvres pour refouler le frisson que je sentais monter. « C’est un banc public, Shiloh. Tu t’installes où tu veux. » Son regard ne se pose pas une seconde sur moi ce que j’encaisse en m’installant à côté d’elle, les mains toujours dans les poches de ma veste et mon attention se portant volontairement vers Naël. Avant j’aurais su quoi dire. Avant j’aurais pris le risque de lui demander la raison de la tristesse qui ne quitte pas ses yeux mais aujourd’hui je n’ose pas. Ma fierté en prend un coup. Je n’ai pas l’habitude d’être aussi peureux mais il faut croire que Kalia a une certaine emprise sur moi. « Ça fait longtemps que t’es sur Los Angeles ? J’ai pensé à prendre de tes nouvelles mais on devait faire notre route chacun de notre côté. » Même si, en vérité, entendre sa voix m’aurait fait craquer. Je n’aurais pas tenu et j’aurais laissé mes couilles de côté pour la supplier de revenir. Elle avait autant de pouvoir que ça sur moi, Kalia. Elle et sa foutue chatte magique qui m’amenaient à me comporter comme un type romantique et capable de tout faire pour sa femme. Tout ce que je refuse être désormais.
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Autrefois, je n’arrivais pas à masquer l’effet que Shiloh a toujours eu sur moi. Dès l’instant qu’il a posé ses yeux sur moi, durant notre adolescence. C’est ce qu’il m’a toujours plus chez lui : ses yeux et la puissance avec laquelle il me regardait. Ils me transportaient, ils m’hypnotisaient. Et jamais je ne les ai vraiment oubliés. Je frissonnais à chaque fois qu’il s’approchait de moi, à chaque fois qu’il me touchait, à chaque fois qu’il venait m’embrasser ou me susurrer des choses à l’oreille. Je l’ai aimé de tout mon être, comme jamais je n’ai aimé personne. Et à vrai dire, je pense l’avoir aimé plus que j’aime Danny. Ou je l’aimais. J’avais longtemps espéré qu’il me propose de lier nos deux vies par une bague pour officialiser nos huit ans de relation, mais elle n’est jamais arrivée. Il m’a simplement laissé partir, quand j’ai eu cette opportunité à New York. Je l’ai pleuré des semaines. Des mois avant que je n’arrive à me changer des idées avec d’autres. Seulement aujourd’hui, je ne suis qu’une coquille vide. Me sentir désirée, en sécurité et confiante envers les autres ne m’est plus permis. S’installant près de moi, sans me toucher, sa présence ne me fait ni chaud, ni froid. Je prends une inspiration, difficile et dérangeante à la fois. Le silence s’installe entre nous – ça ne serait jamais arrivé auparavant. Cela dit, nous nous ne sommes jamais revus depuis qu’il m’a laissé partir à l’aéroport. Aucun contact. Aucune explication. Il m’a juste laissé…sans nouvelles. « Ça fait longtemps que t’es sur Los Angeles ? » Je ne réponds pas, il sait très bien que Los Angeles reste ma ville natale et que j’ai pris l’habitude d’y revenir souvent pour voir ma famille. Encore plus maintenant qu’Emma est revenue ici. A la place, je regarde ces petits qui jouent, courent, grimpent, se chamaillent. Je regarde ces mères qui les surveillent et pense soudainement à Emma qui sera rapidement à leurs places. « J’ai pensé à prendre de tes nouvelles mais on devait faire notre route chacun de notre côté. » J’encaisse cette réflexion en humectant mes lèvres. J’en ai marre de ses derniers jours, qui n’arrêtent pas de m’enfoncer. Comme si j’avais mérité ce qui m’arrivait. Je finis par le regarder en secouant la tête : « J’ai attendu un appel, Shiloh. Un simple putain d’appel. Tu m’as juste rayée de ta vie comme si je n’avais jamais compté alors ne viens pas me parler de tracer notre route, parce que tu l’as choisi à ma place. » J’étais venue pour tenter de souffler un peu, d’apprécier la chaleur du soleil sur mon visage, et d’y voir plus claire à cette situation. J’aurais jamais pensé le croiser, lui, pile quand je me sentais si vulnérable et seule. « Papaaaaa ! Papaaaa ! » Mon regard se tourne vers ce petit garçon qui accoure vers nous. Il sourit vers nous en tendant les bras à…Mes yeux suivent la trajectoire et s’arrête à Shiloh qui lui sourit. C’est une claque, putain, une belle claque que je viens de me prendre en pleine tronche. Si la vie voulait m’achever, c’est réussi. La gorge nouée, le cœur serré, je finis par me lever à l’instant que ce petit tape sur les genoux de son père. « Je…Je dois y aller. »
Ne pas avoir la moindre idée de comment gérer son retour dans ma vie, un retour complètement imprévu, c'est dû au fait que je ne m'imaginais jamais la revoir. Je pensais qu'elle allait continuer sa vie à New York avec son mari. J'ai suivi ce qu'elle faisait de sa vie de loin. Je sais qu'elle est devenue une pianiste de renommée, ce qui n'a pas été difficile baignant dans le monde de la musique grâce à mon père. J'ai aussi appris qu'elle s'était fiancée puis mariée ce qui a été nettement moins facile à encaisser. Je n'ai eu que ce que je méritais. C'est moi qui ai pris la décision de la laisser partir et de ne pas la suivre. Sans les affaires familiales j'aurais suivi cette femme à l'autre bout du monde, je n'aurais même pas réfléchi. Je l'aimais, Kalia. Je continuerai de l'aimer jusqu'à la fin de ma vie même si ça veut dire que je dois passer le restant de mes jours seul sachant qu'aucune autre ne lui arrivera à la cheville. Je ne veux pas non plus faire souffrir une autre femme, la solitude est une bonne façon de m'en assurer. Mais merde, je ne pensais me retrouver comme un con près d'elle dans un parc à surveiller mon fils d'un peu plus d'un an. Par moment, je le vois qui me cherche avant de recommencer à jouer avec son sourire qui fera fondre plus d'une fille à l'avenir. Je me suis transformé en vrai merde avec les femmes dès qu'il s'agit de parler sincèrement. Je ne suis bon qu'à baiser celles que je croise sans faire dans les sentiments. J'ai besoin de me vider la tête et les couilles, pas de prendre le risque de finir avec une femme qui ne me lâchera plus. Je sens bien à la tension de ses épaules que j'aurais mieux fait de fermer ma grande gueule pour une fois. « J’ai attendu un appel, Shiloh. Un simple putain d’appel. Tu m’as juste rayée de ta vie comme si je n’avais jamais compté alors ne viens pas me parler de tracer notre route, parce que tu l’as choisi à ma place. » Je parviens à retenir mon soupire. Je mérite aussi tout ce qu'elle me dit, tout ce qu'elle me reproche. J'aurais pu l'appeler. J'en ai même eu envie mais qu'est-ce que j'aurais pu lui dire ? Que j'étais désolé ? Oui et après ? J'aurais fait en sorte qu'elle reste à New York et loin de moi. J'aurais aussi pu lui dire qu'elle me manquait mais ça nous aurait fait du mal à tous les deux. Le silence radio était la chose à faire, j'en reste persuadé. « Tu sais que ce n'est pas vrai, Kalia. J'ai fait ce qui était le mieux pour toi. » Et je n'en dirais pas plus. C'est justement parce qu'elle comptait pour moi, qu'elle comptait vraiment, que je l'ai laissé partir. Je ne peux pas le lui dire. Je ne peux pas lui dévoiler la raison, ça serait la mettre en plein dans la merde de laquelle je la protège. Je m'apprête à rouvrir la bouche lorsque le portique de l'aire de jeux s'ouvre et que Naël en sort en trottinant. Il en a assez de jouer et de me chercher sans arrêt. J'adore le voir vaciller en venant vers moi mais je pense aussi immédiatement à ce que ma voisine peut penser de cette petite voix qui m'appelle papa. « Je … Je dois y aller. » Bafouille-t-elle en se levant, Naël déjà dans mes bras. Je me redresse tout aussi vite et lui bloque le passage bien qu'elle pourrait me contourner. « Kalia, c'est pas ce que tu penses. » Ou peut-être que si, mais pas dans la totalité. Pourquoi est-ce que je ne supporte pas l'idée qu'elle puisse croire que j'ai refais ma vie alors qu'elle a fait la sienne ? « S'il te plait … » Depuis quand je supplie ? Pourquoi je la retiens ? Je soupire en remettant correctement mon fils dans mes bras. « Je suis désolé. » C'est tout ce que je trouve à ajouter. Je suis désolé de l'avoir fait souffrir et désolé d'être encore un gros con … Désolé de pas mal de choses à vrai dire.
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« Tu sais que ce n’est pas vrai, Kalia. J’ai fait ce qui était le mieux pour toi. » Il m’énerve à dire que c’était la meilleure chose pour moi alors que la meilleure chose pour moi, c’était lui. Mais il ne l’a jamais compris. Pour une raison que j’ignore, il m’a toujours éloigné de sa vie. « Non, t’as fait ce qui était le mieux pour toi. » Je suis radicale là-dessus. Encore s’il m’avait donné une bonne explication j’aurai peut-être compris. Peut-être pas. Mais je saurai. Là, même après toutes ses années, je ne saurai dire pourquoi il m’a laissé partir. Mais mes pensées s’arrêtent net lorsque son fils court vert lui, l’appelant sans se soucier du mal que ça me fait. Ce dernier coup de massue est rude. Voir qu’il est père, qu’il a refait sa vie et qu’il a réussi à surmonter sa peur de l’engagement me fait mal. Parce que c’est tout ce dont j’avais rêvé quand nous étions ensembles. Qu’il me montre plus que le simple envie d’être en couple, qu’il veuille construire quelque chose de durable. Mais il n’en a jamais eu l’envie ou l’audace. Il a simplement décidé pour nous deux. Aurais-je du me battre plus pour lui ? Je l’ai toujours regretté. Mais à l’époque, j’étais lassé d’attendre quelque chose qui n’arrivait pas. Je me disais que ça le ferait peut-être réagir de me perdre, de me voir à des milliers de kilomètres de lui. J’avais espéré qu’il me rattrape, qu’il me supplie de revenir auprès de lui. Mais il ne l’a jamais fait. Alors oui, ça me fait mal de voir tout ce que j’ai perdu en un fragment de seconde. Hélas, il n’y a pas que ça. C’est me prendre dans la gueule cet enfant que je viens de perdre sans vraiment le savoir, c’est voir que je ne serai peut-être jamais capable d’avoir ce que Shiloh a réussi à avoir. Tout ça à cause d’un coup mal placé. Tout ça parce que j’ai été trop faible, pas assez forte pour le contrer, pour lui dire d’arrêter ou de me défendre. C’est trop. Beaucoup trop. Je me lève, bredouillant que je dois partir. « Kalia, c’est pas ce que tu penses. » Il a saisi son fils et s’est levé en même temps, pour se placer face à moi. Pendant une seconde, mes yeux captent les siens. Je ne saurai dire ce que j’y lis. Je retiens mes larmes, par frustration, par détresse et énervement. « S’il te plait… » S’il te plait quoi ? Comment veut-il que je réagisse à cette nouvelle ? Il n’a pas conscience de tout ce que j’endure depuis des semaines, alors cette nouvelle souffrance rajoute une couche qui me brise un peu plus. Parce que je réalise que je n’ai jamais surmonté notre rupture et que je ne l’ai jamais oublié. Oh, j’aime Danny. Ou je l’aimais. Je ne sais plus trop. Il a été là quand j’avais besoin de quelqu’un. Il m’a fait rire, il m’a fait me sentir importante. Il m’a séduite, m’a promis le monde et m’a aimé à sa manière. Mais il n’a jamais été Shiloh. « Je suis désolé. » dit-il finalement, le regard désespéré. L’est-il vraiment ? Pourquoi me supplie-t-il maintenant et me demande pardon après toutes ses années ? C’est trop tard. Sans le savoir, en me laissant partir, il a détruit ma vie. Il m’a poussé dans les bras de Satan. Malgré ma gorge nouée, j’ajoute : « Il est trop tard pour être désolé » Je suffoque un peu plus, alors en rompant finalement le contact de nos regards, je tourne des talons et m’éloigne de lui. Je sais très bien que cette rencontre hasardeuse m’a achevée, je sais que je vais pleurer encore et encore une fois que je serai parfaitement seule. Parce qu’il n’y a plus rien aujourd’hui, qui me rattache à la vie que j’aurai du avoir.
« Non, t’as fait ce qui était le mieux pour toi. » Les dents serrées, je préfère ne rien rajouter à ça. Sans doute a-t-elle raison : j’ai fait ce qu’il y avait de mieux pour moi. Je ne lui ai jamais dit la vérité sur ma famille, sur moi. J’ai décidé pour elle, je l’ai éloigné pour la protéger mais aussi pour me protéger. Parce que je savais et que je sais encore que j’aurais souffert si quelque chose lui était arrivé et, bien sûr, je suis persuadé qu’elle aurait été blessée et j’aurais fait une connerie. Oh oui, j’aurais fait une sacrée grosse connerie si la moindre chose lui était arrivée. En ça Kalia a raison : j’ai fait ça pour moi. C’était aussi pour elle, bien sûr, mais c’était avant tout pour moi. Qu’est-ce que je peux répondre à ça ? Je pourrais lui donner raison, nous le savons tous les deux mais mon silence est assez éloquent comme ça. Tout va trop vite. A l’instant où Naël trottine dans ma direction, tout vol en éclats. Je sais pourquoi parce que je sais ce qu’elle s’imagine qu’après elle j’ai trouvé une bonne petite femme que j’ai épousé et à qui j’ai fait un enfant. Elle ne pourrait pas plus se tromper. Jamais je n’ai refais ma vie. Je couche à droite et à gauche, prends mon pied pour oublier le vide que j’ai en moi depuis que je l’ai laissé partir. Mais je n’ai pas refait ma vie. Même en le sachant je n’arrive pas à m’exprimer. Il est loin le Shiloh Falcone sûr de lui que rien ne peut démonter. Rien ni personne. Hormis elle. En voyant son visage se décomposer lorsqu’elle réalise que Naël est mon enfant, je ne parviens pas à aligner deux mots. Mon esprit refuse de créer des phrases cohérentes et j’agis comme un adolescent pré-pubère devant son crush du moment. La seule chose que je parviens à lui dire c’est que je suis désolé. Evidemment je ne développe pas plus que ça. Son regard me donne un coup de couteau dans le cœur. J’avale ma salive avec difficulté et mords l’intérieur de ma joue avant de sortir une connerie. « Il est trop tard pour être désolé » Contact visuel brisé, je décide de ne pas la retenir, ça n’apportera rien de bon que ça soit pour elle ou même pour moi. Je dois la laisser dans mon passé, c’est ce qu’il y a de mieux pour nous deux. Je me décale donc pour la laisser passer mais ne bouge pas lorsqu’elle s’éloigne. Naël continu de tapoter dans ses mains en toute innocence alors que son père regarde une fois de plus la seule femme qu’il a aimé s’éloigner sans la retenir.
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Lun 13 Jan - 18:00