Beaucoup trop de drogue circulait en ville et ce n’était pas chose facile que de stopper tout ce trafic. Los Angeles est une grande ville et nous ne sommes clairement pas assez pour avoir des hommes partout, alors on tente des missions aux endroits stratégiques à certains moments pour au moins ralentir le trafic même si l’on sait parfaitement qu’il reprendra tôt ou tard. Aujourd’hui, ordre nous avait été donné d’intervenir dans un quartier de South L.A, au Watts. C’était un quartier ou la criminalité était élevée, il s’agissait d’un quartier plutôt pauvre où l’on pensait que plus rien n’était possible pour améliorer la vie des habitants. Pourtant, on faisait de notre mieux en menant diverses interventions dans le quartier et des rondes aussi souvent que possible. Mais nous étions clairement en manque d’effectifs et nous ne pouvions malheureusement pas être partout. J’aimais mon boulot, pas que j’aimais mettre les gens en prison, loin de là, mais j’aimais me dire qu’en prenant des risques dans mon travail je rassurais des parents et mettaient des familles en sécurité. Nous avions pris position dans le quartier, et sans tarder nous allions intervenir pour essayer d’attraper un maximum de revendeurs pour essayer de mettre à mal ce réseau, afin que celui à la tête de tout ce trafic se retrouve avec de la marchandise en moins et par conséquent perde de l’argent. Cependant, nous savions pertinemment que ça pourrait être dangereux, car il pourrait chercher à se venger ou même menacer voire torturer les revendeurs qui auraient été arrêtés pour savoir s’ils avaient parlé ou donné des informations à son sujet. Dans les prochains jours, nous serions plutôt vigilants et ferions plus de rondes que d’ordinaire dans le quartier. Nous avions été repérés, bien que nous ayons tout fait pour être discret, mais un guetteur a averti tout le monde que l’on était là, alors c’était un peu la cohue et tout le monde fuyait pour se planquer, et ne pas se faire prendre. J’avais pris en chasse un jeune homme que j’avais pas réussi à avoir, alors j’étais venu en aide à un collègue qui risquait de perdre la personne qu’il poursuivait. Connaissant tout de même assez bien le quartier, j’avais pris une petite rue pour retrouver cette jeune femme qui fuyait et qui pensait pouvoir nous échapper. Je n’eus pas besoin de faire grand-chose puisque se pensant certainement seule, et ayant quelque peu baissé son attention, elle me percuta. Je ne la reconnu pas dans un premier temps, jusqu’à ce qu’elle croise mon regard et prononce mon prénom. « Raven… » Je n’en revenais pas. C’était Raven, cette jeune femme dont j’étais tombé amoureux quelques années plus tôt et avec laquelle j’avais eu une relation avant de finalement quitter le foyer et que l’on se perde de vue. Elle avait été mon premier amour, celle que jamais je ne pourrais oublier. Pour autant, je ne pensais pas que je la reverrais dans de telles circonstances. J’étais presque choqué de la voir ici et d’être une des personnes que je devais arrêter. J’aurais pu la laisser repartir, mais je ne le pouvais plus car mon collègue, essoufflé au possible, arrivait vers nous. Puis elle me demandait ce que je faisais là, alors je fronçais les sourcils. Voyant que mon collègue nous regardait et que je ne faisais toujours rien de mon boulot, je venais plaquer Raven face au mur. Je fis signe à mon collègue qu’il pouvait nous laisser, que je gérais la situation. « Et toi ? Dans quel merdier tu t’es fourrée ? » Cela me brisait le cœur de voir que Raven était une dealeuse, j’espérais tellement mieux d’elle. Mais je me doutais bien qu’elle avait de bonnes raisons de le faire même si j’étais totalement contre ce genre de pratique. « Je vais te demander de vider tes poches, et pas de gestes brusques… » Je ne souhaitais pas en venir aux mains avec elle, je ne voulais pas lui faire de mal, mais si elle ne coopérait pas, je serais obligée d’employer la force, même si évidemment elle serait raisonnée.

J’aurais aimé que tout ceci ne soit pas réel, que ce soit simplement un mauvais rêve. L’idée que Raven ait pu mal tourner à ce point me blessait profondément, parce que je me sentais un peu coupable. Nous avions perdu tout contact quand j’avais quitté le foyer, alors je l’avais un peu abandonné en quelque sorte, alors que nous étions très proches, ainsi je ne pouvais que me sentir un peu responsable de ce qui lui arrivait, car par ma faute elle s’était retrouvée toute seule, encore une fois. Evidemment que je savais qu’elle ne me ferait aucun mal durant l’interpellation, simplement je me devais de tenir ces propos, pour la simple et bonne raison que c’était de cette façon que l’on m’avait formé et qu’il fallait que je le fasse. Je soupirais doucement à mon tour. « Je sais Raven, mais c’est la procédure… » Durant la fouille, je ne trouvais rien sur elle. En soit, je n’étais pas étonné, on retrouvais rarement de la drogue sur les dealers, surtout quand ils étaient avertis de notre arrivée, comme ça aucun risque de se faire prendre. D’un côté, cela me rassurait qu’elle n’ait rien sur elle, comme ça je n’avais pas de motif valable pour l’arrêter et l’embarquer au poste de police, ça aurait été beaucoup trop dur pour moi de devoir le faire. Toutefois, je trouvais une importante somme d’argent, elle avait beau me dire qu’il s’agissait de son argent, évidemment je ne le croyais pas. Je arquais un sourcil en la fixant. « Tu me prends pour un abruti Raven ? » Je me demandais bien si elle allait finir par me dire franchement la vérité, mais j’en doutais fort. Puisque j’avais fait signe à mon collègue que je gérais la situation et qu’il n’y avait aucun problème de mon côté, il avait rebroussé chemin, sans doute pour aller apporter son aide à un autre collègue qui aurait plus en difficulté que moi. Tenant la liasse de billet dans ma main, je la lui rendais. « Comment tu en es arrivée là Raven ? Faut que tu arrêtes… Je ne pourrais pas te couvrir à tous les coups… Mais ça ira pour cette fois. Promets-moi d’arrêter ?! » Aujourd’hui, il m’était inconcevable de l’embarquer, parce que finalement je n’avais rien trouvé qui puisse l’incriminer, à part cette importante somme d’argent. Normalement, j’aurais du l’arrêter et l’emmener, mais je ne pouvais pas le faire. Puis c’était aussi un moyen pour moi de lui laisser une chance et surtout d’avoir l’impression de me racheter un peu auprès d’elle de l’avoir abandonné en quittant le foyer et sans que l’on ne se donne plus jamais de nouvelles mutuellement.

J’esquissais un petit sourire quand elle me remercia, mais je ne devais pas me montrer trop expressif non plus. J’étais au travail et je ne pouvais pas faire n’importe quoi. D’ailleurs, je ne devrais pas laisser Raven repartir, mais je ne pouvais pas non plus l’arrêter. Je pouvais lui donner cette chance alors je le faisais, et j’espérais bien qu’elle saisirait cette opportunité pour tout arrêter et revenir dans le droit chemin. « C’est bien parce que c’est toi Raven… » Je me doutais bien que si elle faisait ça, ce n’était probablement pas de gaieté de cœur, pourtant j’aurais préféré qu’elle puisse trouver d’autres alternatives pour gagner de l’argent. Mais pour beaucoup, dealer était le moyen le plus rapide pour encaisser de grosses sommes d’argent, même si c’était totalement illégal. « Il y a d’autres moyens… Et je peux t’aider si tu as besoin… » Cependant, connaissant Raven j’étais quasiment certain qu’elle refuserait mon aide, pourtant j’aimerais tant qu’elle puisse l’accepter et cesser ce qu’elle faisait, pour se protéger, et parce que je ne voulais pas qu’il lui arrive quoi que ce soit. Elle avait raison, maintenant qu’elle était dans le système, ce n’était plus elle qui décidait mais plutôt celui qui lui fournissait la marchandise à revendre. Elle ne m’avait rien dit concernant son activité, et malgré qu’elle n’avait rien sur elle, je savais pertinemment ce qu’elle faisait dans le quartier, elle ne pourrait pas me tromper là-dessus. « Ca je le sais. Mais tu peux t’en sortir. Dis moi qui te fournis, on ne saura pas que ça vient de toi, tu peux me faire confiance… Faut que tu te sortes de là. » Mon regard était plongé dans le sien, malgré les années qui étaient passées depuis que j’avais quitté le foyer, j’étais toujours autant subjugué par son regard, comme durant notre relation, je pouvais me perdre dans ses yeux. Je secouais doucement la tête à sa dernière remarque. « Tu ne me déçois pas Raven, je m’en veux, de t’avoir laissé. Je me sens coupable de voir où tu en es arrivée. J’aurais pu t’aider, t’empêcher de te lancer là-dedans… » Désormais, je ne pouvais pas revenir en arrière, mais je voulais l’aider, être là pour elle, pour qu’elle se sorte de ce merdier et qu’elle puisse retrouver une vie normale.

J’étais content que Raven soit tombé sur moi pour cette arrestation, je pourrais un peu faire comme bon me semblait et la laisser partir sans qu’il n’y ait de conséquence. Pour autant, je ne pourrais pas la couvrir à tous les coups, d’autant plus qu’elle ne tombera pas forcément sur moi la prochaine fois. Même si je ne doutais pas que cela puisse être compliqué, j’espérais qu’elle saisirait cette chance pour faire autre chose et arrêter de dealer, elle méritait tellement mieux que ça. Visiblement, Raven n’avait pas changé et était toujours aussi bornée que lorsque je l’avais rencontré au foyer, pour ça c’était bien elle je ne pouvais pas me tromper. Je soupirais doucement. « Un diplôme ça s’obtient Raven, tu peux faire une formation, ou des études. Et je t’avais laissé mon numéro… Mais je pensais juste que tu ne voulais plus entendre parler de moi quand je suis parti, c’est pour ça que je ne t’ai jamais contacté… » J’avais quitté le foyer, laissant derrière moi Raven, cette jeune femme que j’avais aimé si fort. Je me demandais encore aujourd’hui pourquoi j’étais parti sans elle, j’aurais dû l’emmener avec moi. Mais je ne pouvais pas refaire l’histoire, j’étais parti et je ne pouvais rien changer à ce qui était arrivé ensuite. « J’ai un métier qui me plait oui, mais rien de plus. J’ai perdu l’amour de ma vie quand j’ai quitté le foyer. » J’avais pensé un peu fort, je n’aurais pas cru être capable de lui faire cet aveu, et pourtant je l’avais fait. Je me pinçais les lèvres, un peu gêné par cette révélation. Je roulais les yeux vers le ciel. Je savais qu’elle avait peur, et c’était pourquoi elle me disait qu’elle ne pouvait pas me donner le nom de son fournisseur, pourtant ça aurait permis de la sauver, de la sortir de tout ça, qu’elle en finisse une bonne fois pour toute. « Je sais que tu as peur, mais je serais là pour te protéger… Donne-moi son nom Raven, s’il te plait… » J’avais beau la supplier, je savais qu’elle ne parlerait pas, malheureusement. Je haussais les épaules, ce qu’elle venait de dire ne me réconfortait pas vraiment. Je restais convaincu que si Raven avait mal tourné, c’était de ma faute, et ça personne ne pourrait m’empêcher de le penser. Raven, je ne l’avais jamais oublié, j’avais simplement appris à vivre avec son absence. « J’aurais dû être là pour t’empêcher de faire les mauvais choix, mais je t’ai laissé seule… » Je m’en voulais tellement, je voulais désormais être là pour elle, l’aider à faire de nouveaux choix pour améliorer sa vie et plus avoir à courir dans la rue quand on annonçait l’arrivée de la police. Oui j’avais réussi à m’en sortir, et je voulais que ce soit le cas de Raven désormais. On avait tous droit à une belle vie, et Raven le méritait amplement, parce que je savais ce qu’elle avait vécu tout au long de son enfance et son adolescence, et c’était visiblement encore très compliqué aujourd’hui. Sans vraiment me rendre compte de mon geste puisqu’il était un peu instinctif, je prenais sa main, comme pour la rassurer. « Tu peux t’en sortir toi aussi Raven… Laisse-moi t’aider, s’il te plait. » Je la regardais d’un air suppliant, comme un petit chiot en train de quémander une friandise.

Je fronçais les sourcils à sa remarque, je devais avouer que de me dire que les études coûtaient chères n’était pas pour moi un argument valable. Je haussais alors un peu les épaules. “Je sais bien, mais tu pouvais demander des aides… Plutôt que de faire ça.” Elle aurait pu me donner n’importe quel argument, il n’aurait pas été recevable à mon avis. Après, du fait de mon métier, j’avais beaucoup plus de difficultés à accepter ce genre d’arguments même s’ils pouvaient être recevables pour beaucoup d’autres. Je pouvais tout à fait concevoir le fait que Raven ait besoin d’argent pour ses études, ou autre, mais elle aurait aussi bien pu me demander de l’aide, elle devait savoir que je l’aurais aidé sans hésiter. Et j’aurais d’ailleurs préféré l’aider financièrement, ou autre si elle avait besoin, plutôt que d’avoir à être à la limite de l’arrêter dans une ruelle parce que je savais qu’elle dealait. Sa seule chance avait été de ne pas avoir quoi que ce soit sur elle, maligne puisqu’elle s’était débarrassée de la marchandise. “Les adieux ce n’est pas mon fort… Je n’avais pas la force de te le dire dans les yeux…” Jamais elle n’avait été qu’une parenthèse, j’aurais tellement préféré que notre relation puisse durer encore, mais elle ne m’avait jamais rappelé après mon départ, malheureusement. Je m’étais dit qu’elle ne voulait plus de moi alors je n’avais pas voulu forcer les choses, me disant qu’elle voulait sans doute passer à autre chose. Je haussais les épaules. Je n’en avais que faire d’être sur leur liste, je voulais la sortir du merdier dans lequel elle s’était mise. “Je me fiche de ça Raven… Et je sais me défendre, je veux t’aider, saisis cette chance…” L’idée qu’elle puisse rester dans ce milieu ne me plaisait pas, je voulais la sortir de là, mais si elle ne coopérait pas, je ne pourrais absolument rien faire et ça me rendait fou. “Bien sûr que c’est grave, et malheureusement je ne pourrais pas revenir en arrière pour changer les choses.” J’aurais tant voulu changer les choses, améliorer la vie qu’elle avait actuellement. Pourtant je ne pourrais rien faire, elle ne voulait pas coopérer. Elle me disait seulement que je lui avais manqué, qu’elle ne pouvait pas accepter mon aide et elle était partie en courant sans que je ne puisse rien dire ni faire. Je n’avais aucune raison de la suivre ni de la contraindre à accepter mon aide. Je devais accepter mon échec, et retourner à mon travail.