Il tenait des propos qui me faisaient du mal, mais je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir pour ça. Je comprenais totalement cette colère qu’il avait en lui, j’avais eu la même, mais j’avais appris à vivre avec et à faire la part des choses depuis la naissance de Lena. Ce n’était pas toujours facile, mais elle n’était pas responsable du drame qui avait affecté nos vies à Romeo et moi. Malgré la difficulté que représentait la perte de notre fils, la vie continuait, et c’était d’autant plus vrai depuis la naissance de Lena. Même si rien ni personne ne remplacera jamais Neal, je me disais que Lena n’était pas arrivée par hasard dans ma vie, elle était là pour me prouver que Romeo et moi étions fait l’un pour l’autre et que malgré notre chagrin, on devait se relever de ce drame et vivre notre amour, profiter de notre famille, sans pour autant jamais oublier Neal qui serait à jamais dans nos cœurs. « Perdre Nael était la pire des choses, mais je pense que l’on peut vivre de belles choses encore, avec Lena... Il n’est pas question d’oublier Neal, mais se faire du mal en se séparant ne nous rendra pas notre fils... » lui répondis-je les larmes aux yeux. Même si je parvenais plus facilement aujourd’hui à parler de Neal sans me mettre à pleurer, le faire là, face à Romeo c’était différent et ça ravivait beaucoup de choses en moi, si bien que j’avais du mal à retenir mes larmes qui étaient prêtes à couler sur mes joues. Je soupirais à ce qu’il me dit ensuite, parce que je n’étais pas d’accord avec lui, mais il ne semblait pas vouloir comprendre que je ne voulais personne d’autre que mon mari, le père de mes enfants pour continuer à vivre. « SI tu ne peux pas comprendre que Lena et moi avons besoin de toi, c’est que tu ne m’aimes pas vraiment au final... » C’était un peu un ultimatum, mais je me disais qu’autrement je ne parviendrais pas à faire revenir Romeo vers moi, je n’étais même pas sûre que ce que je tentais pourrais le rapprocher de moi. Je voulais retrouver mon mari, je voulais que ma fille ait son père, elle en avait besoin et nous avions besoin de nous reconstruire tous les deux, ensemble, avec Lena, même si Neal nous manquera toujours et que l’on se sentira à jamais chacun responsable du décès de notre petit garçon. Je sentais que Romeo était au plus mal, qu’il ne parvenait pas à se pardonner ce qui était arriver. Je m’approchais alors doucement de lui et venais poser une main sur sa main en ayant toujours un regard sur la bestiole qu’il trimballait et qu’il avait posé sur son épaule. « On aurait pu oui, mais ressasser le passé ne nous rendra pas Neal, et je ne crois pas que notre fils aurait voulu qu’on se détruise... C’est dur de ne plus l’avoir, j’ai ce trou béant dans ma poitrine depuis son décès, mais j’ai besoin de toi bordel, tu peux comprendre ça ? Je sais que tu ne veux pas de Lena, mais elle a besoin de toi elle aussi... Tu ne dois pas penser qu’à toi, même si tu ne veux pas d’elle... » à ce moment là, je ne fus plus en mesure de retenir mes larmes qui coulaient à flot sur mes joues. Je relachais toute la pression, l’angoisse de retrouver Romeo, finalement heureusement que je l’avais croisé ici par hasard, sinon je me serais sûrement dégonflée à plusieurs reprises, et peut-être même que je n’aurais jamais eu le courage d’aller vers lui. « Tu m’as manqué aussi... Et tu me manques toujours... Ne crois pas que c’était facile sans toi, si je n’ai pas sombré c’est grâce à Lena, et je suis sûre qu’elle pourrait t’aider aussi... » articulais-je difficilement à cause du fait que je pleurais.

Avant de revoir Romeo, je ne m’étais pas rendu compte à quel point cela pouvait être douloureux. Déjà parce que cela ravivait des souvenirs et pas que les bons malheureusement puisqu’indéniablement on pensait forcément au décès de notre petit garçon. Neal, notre fils, celui que l’on n’avait pas réussi à sauver et dont sa perte nous avait détruit, anéanti. Puisque l’on s’aime encore, c’est du moins ce que prétend Romeo à mon égard, je ne parvins pas à comprendre pourquoi il me rejette. Peut-être me disait-il qu’il m’aimait encore pour ne pas me faire de mal, cela lui ressemblerait bien... Pourtant, je n’arrive pas à croire qu’il puisse me mentir à ce sujet, s’il dit qu’il m’aime, ce doit être la vérité. Mais alors pourquoi ne veut-il pas se laisser aller à nous redonner une chance ? Celle de peut-être parvenir à être heureux, avec notre fille. « On ne l’oubliera jamais, c’est dur, mais il faut avancer... Et on ne peut pas laisser Lena seule, elle a besoin de ses parents, et de son père aussi en l’occurrence... » Il était évident que j’essayais de jouer sur les sentiments, je me servais peut-être un peu trop de Lena mais je me disais que je pourrais toucher plus facilement la code sensible. Je haussais les épaules alors qu’il me disait de ne pas dire n’importe quoi. « Si tu m’aimes... Pourquoi tu ne veux pas de moi ? De nous... ? » lui demandais-je en plongeant mon regard dans le sien. Au bout d’un moment, j’avais cessé de le regarder dans les yeux puisque je m’étais mise à pleurer. Et quand il m’avait pris dans ses bras pour me réconforter, le temps d’un court instant, j’avais ressenti une sensation de bien-être, mais cela ne dura pas longtemps. Je me dégageais doucement de lui, ne prêtant même pas attention à ce qu’il venait de me dire. « Tu empestes l’alcool... » et il m’avait fallut être contre lui pour m’en rendre compte. Je comprenais alors ce qu’il voulait dire quand il me disait que je méritais mieux que ce qu’il était devenu. Mais je me fichais de ce qu’il était devenu, et s’il le voulait, il pouvait redevenir celui qu’il était avant. « Rien n’est figé dans le marbre... Tu peux t’en sortir, si tu le veux... Et je peux t’aider... » J’étais parvenu à me calmer un peu quand j’étais dans ses bras, et à vrai dire l’odeur qu’il dégageait m’avait quelque peu remis les idées en place. Si j’étais parvenue à ne pas sombrer grâce à Lena, il n’avait eu personne pour l’empêcher de tomber dans l’alcool. Mais je comptais bien le faire sortir de ce merdier dans lequel il s’était mis, parce que je l’aimais, et pour sa fille.

Romeo et moi étions séparés depuis quelques temps maintenant, mais le divorce n’avait jamais été prononcé. Ainsi, il était toujours mon mari et moi sa femme. Par conséquent, tant que mon destin était lié au sien, j’étais toujours quelque peu responsable de ses agissements. Malgré notre séparation, nous nous aimions toujours, du moins moi je l’aimais toujours. Et ça n’avait pas été de gaieté de cœur que je l’avais quitté, ça avait été une décision commune, soit disant pour notre bien à tous les deux, mais ce n’était qu’une leurre à mon avis, parce que ça n’avait absolument pas été mieux pour moi que de me retrouver sans lui. Je soupirais, il ne changeait décidément pas, et qu’est-ce qu’il pouvait être têtu. Quand il avait quelque chose dans la tête il ne l’avait pas ailleurs. « Ca c’est ce que tu crois... » Ca n’avait pas été toujours facile d’élever Lena seule, mais je m’en étais sortie. Toutefois, ça aurait été tellement mieux et tellement plus simple avec Romeo. Je regrettais tellement de lui avoir caché aussi longtemps l’existence de cette petite fille. Mais je ne pouvais pas changer les choses, et je ne pourrais m’en prendre qu’à moi s’il nous rejetait elle et moi. Ses dires me mettaient en colère, mais je tentais de me contenir car je ne voulais pas m’énerver devant Lena. Elle était petite et sans doute ne se souviendrait-elle jamais de ce moment, mais je savais que des évènements dont on ne se souviendrait pas une fois adulte pouvaient cependant créer des traumatismes par la suite sans que l’on ne puisse expliquer d’où cela venait. Evidemment je ne voulais pas risquer de créer un quelconque traumatisme à Lena, j’estimais qu’avec la perte de Neal on avait assez donné. « Je me fiche de mériter mieux ou pas... C’est toi que je veux. Et que tu le veuilles ou non, nous sommes encore mariés, et on s’est promis de s’aimer et de rester ensemble, pour le meilleur et pour le pire... » Je me disais que peut-être en ravivant des souvenirs du jour de notre mariage cela pourrait l’aider à se rendre compte que lui et moi nous étions fait pour être ensemble. Mais visiblement, je me trompais sur toute la ligne. En effet, un peu après il m’évoqua ces fameux papiers. Evidemment il parlait des papiers du divorce. Je n’avais pas vraiment envie d’en entendre parler de ces papiers. Personnellement, je ne voulais pas divorcer, avec l’arrivée de Lena, je me disais que c’était peut-être une opportunité de redonner une chance à notre mariage, même si je lui avais caché sa naissance. « Comme tu veux... Mais sache que si tu ne veux pas d’elle, ce dont elle aura honte c’est d’avoir un père alcoolique qui n’a pas voulu d’elle, ce sera encore pire. Mais c’est toi qui vois. Mais sache une chose, je ne signerais jamais tes papiers de merde. Tu as voulu m’épouser ? Eh bien je resterais ta femme jusqu’à ton dernier souffle ! » J’étais en colère, et sans doute que mes mots avaient probablement un peu dépassés ma pensée. Mais qu’est-ce qu’il pouvait m’énerver quand il s’entêtait dans ses idées comme ça et qu’il ne voulait rien entendre...

Notre séparation, même si elle avait été d’un commun accord, je ne pouvais aujourd’hui plus l’accepter. Evidemment cette situation me rendait malheureuse. Et j’aurais clairement préféré que l’on parvienne à se soutenir mutuellement suite à la perte de notre fils, mais nous n’en avions pas été capables. Chacun culpabilisait dans son coin et entre nous ça n’allait plus, alors nous avions décidé de faire notre vie chacun de notre côté. Mais à aucun moment nous n’avions parlé de divorce, sans doute n’étions-nous pas capables de tirer un trait définitif sur notre histoire, nous nous aimions beaucoup trop pour ça, même si à cause du décès de notre fils nous en étions venus à nous faire du mal à l’un et à l’autre. Je haussais doucement les épaules à ce qu’il me dit. « Peut-être, mais moi aussi je t’ai rendu malheureux Romeo, mais ce n’était pas volontaire, c’est juste que la vie nous a donné quelque chose d’insurmontable à traverser... » Je ne lui en voulais de rien, je n’étais pas irréprochable non plus, bien loin de là, et puis comme je venais de lui dire, on ne s’était pas fait du mal volontairement, alors je voulais croire que l’on pouvait passer outre ce mal que l’on s’était fait. Je soupirais à sa réponse et levais les yeux au ciel. « Je ne veux rien compliquer du tout... » Je voulais simplement qu’on puisse éventuellement essayer de se redonner une chance. Parce que je l’aimais moi Romeo, et je n’avais jamais cessé de l’aimer, malgré notre séparation et la perte de notre fils. Ce qu’il me dit ensuite me brisa le cœur. Il semblait on ne peut plus décider à demander le divorce, et à l’obtenir. Malheureusement pour moi, quand il avait une idée en tête, il était difficile voire impossible de lui faire changer d’avis. Alors, ça allait se finir comme ça lui et moi, par un divorce... Je n’arrivais pas à y croire, comment deux personnes qui s’aiment peuvent en arriver à divorcer ? Je n’avais même pas la force de lui répondre, il semblait déterminer, je n’avais aucune chance face à lui. Quand il me dit de prendre soin de moi et qu’il s’adressa ensuite à Lena, je sentis les larmes me monter aux yeux. Je n’eus pas le temps de lui répondre avant qu’il ne tourne le dos et commence à s’éloigner de nous. « On ne sera jamais heureuses sans toi... Moi je ne le serais pas en tout cas... » dis-je finalement même s’il était déjà trop loin pour m’entendre.