“Feel like I'm Drowning” & @Morgan Every
Je lâchais un petit rire. « Ouais. » je confirmais après qu’il m’ait dit que ça se voyait sur sa gueule. Sûrement que les cernes et la gueule nonchalante en disaient long et m’avaient mis sur la piste que notre vie n’avait pas du tout le même rythme. En pensant à ça, je me dis que je suis vraiment pas prêt de me trouver un boulot, vu que ma vie est déjà toute tracée de toute façon. Pas besoin d’essayer de m’épanouir quelque part vu que j’aurais une place aux côtés de mon frère dans l’entreprise, autant profiter du temps qu’il me reste. « En même temps, si on t’avait renversé un verre sur ta chemise ultra chère pendant une journée de merde, t’aurais pas pété un scandale ? » je lui demandais très sérieusement. Et qu’il ne me dise pas le contraire, parce qu’il avait été à deux doigts de s’énerver sur moi quand j’avais fait mon "scandale" comme il le disait si bien. Et voilà qu’il me sort qu’il aurait pu m’aligner. Je hausse les sourcils et le regarde une seconde, amusé. « Aucune chance. » je souffle avec une petite voix. Il a dû entendre, mais ça ne voulait pas dire que je voulais qu’il réponde à ça. Pour moi c’était catégorique : il n’aurait eu aucune chance. Je sais me défendre. Est-ce qu’il pensait vraiment qu’un type usé comme lui aurait pu venir à bout de moi ? C’était sacrément utopique comme façon de voir les choses. Quand il me demande si la soirée est réussie, je le regarde, il doit bien voir à mon regard que non, je ne m’amuse clairement pas. Et ce n’est pas l’ambiance qui me dérange, ça c’est le genre de soirée où j’allais d’habitude, c’est juste le reste qui m’empoissonne et m’empêche de prendre du plaisir. « Parce que j’en avais envie ? » je réponds comme si ça tombait sous le sens. « Sans cette clope, on n’aurait pas fait la paix, alors soit plutôt content d’me l’avoir donnée. » Puis je hausse les épaules. Je me sens vide ce soir et c’est désagréable. La discussion avec ce Morgan a au moins eu le don de me vider la tête un minimum. Mais le froid vient me faire chier et il me propose une solution, alors je le suis. On arrive en haut, je me sens déjà mieux à l’intérieur, loin de la fête, même si je sens les basses de la musique qui remontent jusque dans la chambre. Sans oublier les cris de ceux en train de danser. « J’t’ai dit d’arrêter de m’appeler comme ça mec. » je lance en fouillant dans le tiroir, sans même me dire que ça ne se fait pas vraiment. Je le regarde une seconde, détendu sur ce lit, puis soupir. Je chope un t-shirt noir banal puis retire ma chemise bouton par bouton. « Tu comptes t’endormir là papi ou c’est comment ? » je lui lance avec amusement avant de m’assoir sur le lit, le t-shirt dans les mains, en le regardant d’un air amusé. « Tu bosses où pour avoir des cernes comme ça ? T’as l’air de souffrir mec. »
 

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Il marquait un point. Au final pourquoi le faire chier avec un truc que je pouvais me racheter ? Même si bon, j’avais pas non plus envie de dépenser 300 boules après chaque soirée parce qu’un connard m’avait renversé son verre dessus. « Tu marques un point. » je lui accordais au moins ça. Puis voilà qu’il avait l’air de vouloir savoir pourquoi ma journée était aussi merdique. Je grimaçais. Étais-je vraiment à ce point déprimé pour raconter ma vie à ce mec que je connaissais depuis seulement cinq minutes ? Sans doute. Pourtant pas un seul mot ne traversa la barrière de mes lèvres, comme bloqué au fond de ma gorge. Puis on avait juste changé de sujet. Il avait compris que je n’étais pas venu pour ça à la base, pour faire la paix, au moins ça m’évitait de lui mentir là-dessus. Mais ouais, c’était juste en me rendant compte que j’avais pas que ça à faire et autres choses à penser que je m’étais calmé. « Je plaide coupable ! » j’avais dit en levant les mains. Mais rapidement on avait quitté le froid glacial du jardin pour qu’il me sauve de l’hypothermie -bien que ce soit peut-être un peu exagéré d’utiliser le terme hypothermie- en me conduisant dans la chambre de son pote. « La diva t’emmerde aussi. » je lui rétorquais avec le même sourire amusé. Puis j’acquiesçais en entendant où il bossait. Un cuistot donc ? J’étais doué en cuisine aussi. C’était une sorte de point commun. Je ricane quand il dit qu’il a une sale tête. « J’osais pas t’le dire, désolé. » Puis il me demande si je compte mettre le t-shirt. Je regarde le tissu que je tiens entre mes mains, puis le mets en boule pour lui jeter dessus. « Pourquoi ? Ça t’dérange ? » je dis en haussant les sourcils, d’un air faussement sarcastique. Puis je m’adosse contre la tête de lit, les pieds hors du matelas pour pas salir avec mes chaussures. Je baisse les yeux. « Ma sœur a l’cancer. » je lâche simplement. « J’suis à L.A pour ça, avant j’étais en train d’faire le tour du monde. Puis la réalité est venue me faire chier, encore une fois. » j’explique sans vraiment réfléchir. Je sais pas pourquoi je lui dis ça, mais je lui dis. L’ambiance qui règne dans la chambre est spéciale. Comme s’il n’y avait que nous, comme si les gens en bas n’étaient rien. La soirée me semble lointaine maintenant que je parle avec lui. Et pour la première fois de ma vie je me rends compte qu’être ici, en lâchant ce que j’ai sur le cœur, ça me rend plus léger.
 

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Je me sens con une seconde et mon sourire disparaît légèrement quand il me dit que ça ne le dérange pas que je reste comme ça. Voilà qu’il me donne un coup d’épaule, son contact sur ma peau nue me fait tourner les yeux vers lui. Je le regarde en coin, puis lâche juste un soupire d’amusement, même si en réalité ça ne me fait pas vraiment rire. Il avait l’air perturbé. Puis il se recule, retire son épaule, puis ses chaussures. Et quand je sens de nouveau qu’il est là, aussi proche de moi, je sens un poids au niveau de la poitrine, comme quand je suis proie à de l’anxiété. Je plisse légèrement les yeux et me laisse juste penser à autre chose quand il me pose la fameuse question du "mauvais jour". Est-ce que c’est grave ? Je lâche un rire nerveux. Bien sûr que c’est grave, c’est grave peu importe le stade, mais il a raison le Morgan, à dire que ça se guérit facilement. Sauf qu’il ne sait pas qu’on est déjà passé par là moi et ma famille et que c’est un peu le coup de massue qu’il nous fallait pas. « Les médecins ont découvert ça assez tôt, donc pour le moment ça va, on va dire ? » parce que dans tous les cas, ça n’allait pas. J’avais jamais été là pour elle, sauf quand elle était malade, comme l’égoïste de service que mon père disait que j’étais. Je tourne légèrement la tête vers lui. Il a des sœurs. Au moins je le sais. Je me retrouve à être intéressé par un type que j’avais juste eu envie de frapper y a moins d’une heure. Puis quand il dit qu’elle a besoin de moi, je ne peux pas m’empêcher de trouver ça ironique, alors je souris. « Ouais, j’suppose, ouais. Après tout j’ai jamais été là pour elle alors autant l’être maintenant pas vrai ? » je dis comme s’il connaissait toute ma vie. Je retire mes chaussures à mon tour et m’installe un peu mieux, mon épaule contre celle de Morgan et mon genou effleurant le sien. « Et file-moi mon t-shirt, j’vais croire que t’es gay à force. » au début j’avais dit ça pour rire, mais à la fin de ma phrase mon sourire s’était complètement effacé. Alors je reprends mon t-shirt -enfin il n’est pas à moi mais c’est tout comme- et l’enfile. « T’sais quoi ? J’vais descendre nous prendre à boire. Et après tu me diras pourquoi t’as une vie de merde. Ça te va ? » sans vraiment qu’il me dise s’il est d’accord, je remets rapidement mes baskets et sors de la chambre. Bizarrement, je me surprends à me demander s’il sera toujours là quand je remontrai. Je prends deux bières dans la cuisine, une bouteille de vodka déjà un peu entamé et deux gobelets en plastique avant de remonter. « Tada ! Prêt pour la contre soirée Morgan ? » je dis en accentuant bien son prénom. Puis je saute sur le lit après avoir déposé les boissons et de nouveau enlever mes chaussures.
 

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Sa main sur mon genou me fait légèrement tressauter quand il me tapote. Je sais que c’est juste un signe de soutien, mais rien ne pourra me faire remonter le moral pour le moment, à part l’alcool peut-être. Et continuer ma discussion avec ce type. Je remarque ça me fait presque du bien d’avoir dit ça, surtout à un inconnu. Même si ses phrases sont celles qu’on te sort en permanence quand tu vis un malheur, je le sens sincère et bizarrement, ça me fait du bien de l’entendre de sa bouche à lui. Oh ça aurait pu venir de n’importe qui d’autre, ça m’aurait sûrement fait le même effet. Mais j’avais besoin de me livrer visiblement. À quelqu’un. De sortir ce que je gardais en moi depuis que j’avais appris la nouvelle. « Ouais, sûrement… » je lance alors que mon sourire s’est effacé. Sûrement que je devrai rattraper le temps perdu, même si les choses avaient largement évolué avec ma sœur, y aurait sûrement toujours cette légère gêne entre nous. En tout cas de mon côté. Je rigole à ce qu’il dit alors que j’attrape le t-shirt qu’il a essayé de me lancer dans la gueule. Je le remets et lui propose de boire. C’est ce qu’il y a de mieux à faire. Tout le monde s’amuse en bas et on est là en train de se dessécher. Il nous fallait quelque chose pour rendre cette contre-soirée officielle. « Ça marche ! » je lance en lui faisant un clin d’œil avant de fermer la porte pour descendre. Y a un monde de fou, encore plus qu’au début de la soirée. La cuisine est dans un bordel pas possible et je galère à trouver ce que je veux, donc je prends ce qui me tombe sous la main. Et en remontant, je souris légèrement en voyant que Morgan est toujours affalé sur le lit comme une vieille loque. Alors que je m’installe à nouveau et qu’il sert, je le regarde faire, avec un air un peu rieur et un sourire, assez impatient de pouvoir me désaltérer. « À nos vies à chier ! » je dis en levant mon verre. Je descends le verre assez vite et le tend de nouveau à Morgan. « Tu t’entends bien avec tes sœurs toi ? » je demande en le regardant de nouveau nous remplir nos verres. Puis je le fixe dans les yeux alors que je porte mon gobelet jusqu’à ma bouche. Je le détaille pendant de longues secondes, m’attarde sur ses yeux, ses cheveux, sa bouche. Puis je me sens con d’avoir fait ça. Je toussote légèrement et secoue la tête. « Raconte-moi ta vie, c’était le deal. »
 

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“Feel like I'm Drowning” & @Morgan Every
L’alcool qui passe dans ma gorge brûle légèrement, malgré mon habitude à en prendre, même si ce n’est pas arrivé si souvent ça ces dernières années de me bourrer la gueule. Disons que ça me rappelle des souvenirs de mon adolescence. J’ai l’impression de ne pas avoir pu goûter à ce genre de soirée depuis bien trop longtemps. Mais au final, c’est comme le vélo, une fois dedans, les vieilles habitudes reviennent d’elles-mêmes. Et avec ma rencontre avec Mathéis, j’avais vite compris que j’allais pouvoir reprendre ce rythme fêtard que j’avais dû abandonner quelques années auparavant. La preuve en était, depuis mon arrivée à L.A et mon intégration à son petit groupe -qui ne datait que de quelques semaines auparavant à peine- j’avais déjà participé à bon nombre de soirées. J’ai l’impression que la bouteille va vite se vider et vu notre descente à tous les deux, pas sûr qu’on tienne très longtemps aussi. Surtout que j’avais déjà commencé à boire avant qu’il me renverse son putain de verre dessus, lui et ses yeux bleus à la con que je n’arrêtais pas de fixer sans raison. Je souris légèrement à ce qu’il dit sur ses sœurs. J’aurais aimé pouvoir répondre la même chose, mais j’avais un trop gros ego. « Rien. » je dis en baissant la tête pour regarder mon verre plutôt que lui. Je déglutis difficilement, puis décide de me recaler contre la tête de lit, à ses côtés, nos épaules l’une contre l’autre, nos bras se touchant, une jambe étendue devant moi et l’autre repliée. Je l’écoute me raconter sa vie. Et je ne bois pas. Je suis juste absorbé par ce qu’il dit. Je le fixe encore et encore. Souffle du nez quand je comprends que l’adolescence de ses sœurs doit être difficile à supporter. Puis je le vois me regarder et se bloquer encore une fois, puis il passe à autre chose, alors je tourne la tête, le regarde triturer son gobelet, j’ai l’impression de passer pour un putain de stalker vu comment j’observer chacun de ses mouvements. J’entrouvre la bouche, essayant de trouver quelque chose à dire quant à sa famille, mais j’ai rien à dire. J’aurais pu mentir et sortir que je le comprenais, mais c’était complètement faux. « Et tu m’sors que t’as pas une vie d’merde juste avant… Bah putain. » je dis avant de vider mon verre en deux gorgées. « T’as carrément niqué l’ambiance, ouais. » je déclare avec un sourire. Puis je me mets à éclater de rire comme lui. On se retrouve là, comme deux cons, à rigoler. J’ai l’impression d’être hors du temps, dans cette pièce. Je lui prends la bouteille des mains et me resserre une troisième fois. « Et t’a une meuf pour partager ce quotidien de merde ? Vu que t’es cuistot ça doit jouer pour pécho, nan ? » je disais ça par expérience. Quand les filles apprenaient que je savais bien cuisiner, ça me valait souvent des regards admiratifs. « Tu sais que j’sais cuisiner ? Et super bien en plus. Tu serais choqué. » puis je bois lentement ma vodka. Il veut se resservir aussi, mais je garde la bouteille dans les mains, un sourire amusé sur les lèvres. J’éloigne la bouteille quand il essaye de la choper, comme un gamin. Merde, moi qui pensais rentrer chez Élio et déprimer…
 

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