J’avais la sensation de ressembler à une baleine. Et c’était un peu le cas. En même temps, à un peu plus de huit mois de grossesse, c’était tout à fait normal. Si j’avais hâte de voir notre petit bout de chou pointer le bout de son nez, je me doutais qu’il me restait encore quelques semaines durant lesquelles il voudrait rester au chaud dans mon ventre avant de venir découvrir l’extérieur. D’ailleurs, peut-être étais-je un peu trop relax à ce sujet puisque je n’avais même pas encore préparé la valise pour la maternité. Je me disais que j’avais le temps, que je pourrais la faire le lendemain, et chaque jour c’était la même chose. Jusqu’au jour où le bébé déciderait de pointer le bout de son nez et que rien ne serait prêt. Sa chambre était prête, c’était déjà un bon début. Ce soir, j’avais pour projet de passer une petite soirée tranquille avec mon homme, à regarder un film devant lequel j’allais très certainement m’endormir, comme c’était souvent le cas. Je tenais le coup la journée mais la grossesse me fatiguait quand même beaucoup, surtout que je n’étais pas du genre à savoir m’arrêter alors quand arrivait le soir, je m’écroulais de fatigue. Je savais bien que ce n’était pas raisonnable, et qu’il fallait que je me ménage pour moi et pour le bébé, surtout qu’une grossesse à quarante ans passés, ce n’était pas forcément sans risque. Comme toute femme enceinte, j’avais des envies de nourriture tout aussi farfelues les unes que les autres, mais j’avais surtout envie de manger des friandises quelconques. Si j’étais du genre à faire attention le reste du temps, je n’avais pas voulu faire franchement attention durant ma grossesse m’autorisant à céder à toutes mes envies. De toute manière, avec mon emploi, même si je n’exerçais plus vraiment ces derniers temps parce qu’il était temps pour moi de prendre mon congé maternité, je bougeais beaucoup alors je parvenais à éliminer une partie de ce que je pouvais ingurgiter. Bien décidée à ne pas solliciter Jonas chaque fois que j’avais besoin, ou envie, de quelque chose, même s’il était absolument adorable avec moi et super attentionné, sans doute le meilleur petit ami qui puisse être au monde, j’avais de la chance de l’avoir et j’en avais conscience, je me levais du canapé pour aller vers la cuisine me chercher des pop-corns. Avant de quitter la pièce, je me tournais vers mon homme pour lui demander s’il voulait quelque chose. “Mon amour, tu veux quelque chose à boire ou à manger ?” Attendant sa réponse, je sentis une vive douleur dans mon ventre, une contraction qui me fit me tordre sous le mal et faire une grimace. “Oh, elle était violente celle-là…” Ce genre de contraction, c’était courant et ça ne me faisait pas peur. Tant qu’elles ne venaient pas à se reproduire à des intervalles trop rapprochés, je n’avais pas à avoir peur que le bébé n’arrive. Si j’avais hâte de mettre au monde notre enfant, il était évident que j’avais peur, peur qu’il puisse arriver quoi que ce soit à mon bébé, qu’on me l’enlève, comme on m’avait enlevé Aria que je n’avais retrouvé qu’au bout de vingt-deux ans alors que je la croyais morte.

Il n’était pas rare tout au long d’une grossesse de ressentir des contractions, j’en avais eu, à plusieurs reprises mais jamais elle n’avait été aussi forte que celle que je venais d’avoir. Pour autant, cela ne m’inquiétait pas dans un premier temps, mais visiblement cela sembla tout de même inquiéter un peu Jonas qui me demanda de venir m’asseoir et qu’il s’occupait d’aller chercher à manger. Même si j’avais voulu le contredire, je n’aurais pas pu puisqu’il appuyait sa recommandation en posant sa main sur mon épaule. Alors je n’essayais pas de négocier quoi que ce soit et je me dirigeais vers le canapé pour m’asseoir après lui avoir réclamé un baiser. Et puisqu’il m’avait demandé ce que je voulais, il était évident que je lui répondais. “J’ai trop envie de pop-corns…” annonçais-je un peu gênée me rendant compte que mes habitudes alimentaires depuis le début de ma grossesse c’était un peu n’importe quoi, mais dès que le bébé serait là, il faudrait que je me reprenne en main, ce n’était pas négociable. J’étais tranquillement en train de trouver une position relativement confortable dans le canapé quand je ressentis une nouvelle contraction, au moins aussi forte que la précédente, si ce n’était plus encore, qui m’arracha un cri de douleur. Je pris quelques instants pour reprendre mes esprits et encaisser cette nouvelle contraction et caressais instinctivement doucement mon ventre comme pour apaiser cette douleur lancinante qui m’avait parcouru. “Fichues contractions…” pestais-je doucement. J’espérais que cela allait se calmer un peu car si je passais la soirée à avoir des contractions de la sorte, elle allait être horrible. Ayant enfin trouvé une position confortable, plus question de bouger. En attendant le retour de Jonas, je fermais les yeux quelques secondes, en espérant ne pas m’endormir ainsi, parce que j’en était clairement capable. J’étais juste bien, peut-être déjà en train de somnoler un peu quand je fus réveillée par une sensation d’humidité sur mon pantalon. Ainsi je me redressais rapidement et après cru un instant que je m’étais fait pipi dessus, je compris que ce n’était pas ça. Je faisais le rapprochement avec les deux grosses contractions assez rapprochées que je venais d’avoir, je venais de perdre les eaux, baby boy avait décidé de se pointer, ce soir, alors que nos affaires pour la maternité n’était pas prête. “Mon coeur… ?” criais-je doucement pour ne pas non plus inquiéter Jonas, car l’arrivée d’un bébé n’avait rien d’inquiéter, surtout qu’il pouvait déjà arriver à cette période de la grossesse, et sans danger. Mais son arrivée commençait à me faire paniquer, et regretter d’avoir toujours remis au lendemain la préparation de la valise. “Je crois bien que bébé arrive !”

Je hochais doucement la tête quand il m’indiqua qu’il revenait. Il était à peine parti que j’avais déjà hâte qu’il revienne. Déjà parce que j’aimais l’avoir auprès de moi, je me sentais si bien quand il était là, mais aussi mais j’étais pressée de pouvoir déguster ces pop-corns dont je rêvais tant. C’était sans compter sur ces contractions qui avaient décidé de venir me pourrir la soirée visiblement car elles ne semblaient pas vouloir perdre en intensité et en nombre. Puis, quand j’avais finalement perdu les eaux, je devais me rendre à l’évidence que ce soir, notre quotidien allait changer. Ce serait fini de flemmarder toute la soirée dans le canapé devant un film, mais cela ne me dérangeait pas, j’avais quand même hâte que notre petit garçon pointe le bout de son nez, simplement je ne m’attendais pas à ce qu’il décide de naître aujourd’hui. Quand j’avais appelé Jonas, il n’avait sûrement pas compris pourquoi je l’appelais, parce qu’il était arrivé dans le salon tout à fait normalement sans croire un seul instant que j’allais lui annoncer que notre baby boy était en train d’arriver. Je fis une petit grimace gênée à sa réaction face à l’annonce de l’arrivée de notre fils. J’aurais voulu rire, mais les contractions que je pouvais avoir étaient bien trop douloureuses pour ça. Peu après, quand il mentionna la valise, cela me fit clairement paniquer. Si elle n’était pas prête, c’était entièrement ma faute ! Et désormais, Jonas allait devoir la préparer seul, en espérant qu’il n’oublie rien, mais si tel était le cas, je n’aurais rien à dire, je n’avais qu’à le faire moi-même, j’avais eu le temps tout au long de la grossesse mais à repousser chaque jour, je m’étais faite avoir par le temps. Je secouais doucement la tête quand il me proposait éventuellement de m’emmener jusqu’à notre chambre. “Je crois que je préfère rester ici… Les contractions sont trop douloureuses…” Je ne souhaitais pas être un poids pour Jonas, je préférais le laisser aller boucler la valise tranquillement plutôt qu’avoir à se soucier de moi sur savoir si je serais capable de faire le trajet jusqu’à la chambre dans mon état. “Ca ne te dérange pas j’espère ?” Toutefois, j’espérais ne pas le vexer en proposant de l’attendre au salon qu’il revienne pour que nous puissions partir à la maternité.

J’avais senti dans sa voix que le fait que je reste seule au salon alors qu’il allait partir préparer la valise pour la maternité ne l’enchantait pas plus que ça. Mais en bon gentleman qu’il était, il me dit que ça ne le dérangeait pas. Je tentais un petit sourire entre deux horribles contractions. J’appréciais ce baiser qu’il venait déposer sur mes lèvres avant de m’annoncer qu’il allait faire le plus vite possible. Je hochais la tête en guise de réponse, totalement incapable de dire quoi que ce soit. Je fis simplement une grimace à cause de la douleur de la nouvelle contraction. Alors qu’il quittait le salon, je tentais tant bien que mal de trouver une position à peu près confortable sur le canapé mais je croyais bien que c’était peine perdue. Parfois, j’avais la sensation d’avoir trouvé ma place et à peine quelques secondes plus tard, je me trouvais à nouveau inconfortable. L’attente m’avait semblé interminable, j’avais eu l’impression que Jonas n’allait jamais revenir et que j’allais accoucher seule ici au milieu du salon. Pourtant, quand il revint au salon, j’avais conscience qu’il avait été relativement rapide pour préparer cette valise pour moi et le bébé. Jonas était vraiment formidable et je savais que je pouvais compter sur lui en toute circonstance, et ce qui était en train de se passer en était la preuve. “Merci mon amour…” Je ne savais pas vraiment comment je pourrais le remercier de tout ce qu’il faisait pour moi depuis le début de notre relation et surtout depuis que je lui avais appris que j’étais enceinte. Peut-être qu’il me dirait que c’était normal, mais j’avais conscience que j’avais de la chance et que tous les hommes n’agissaient pas de la sorte. Quand il me demanda ensuite comment j’allais, je ne savais pas trop quoi répondre. Je ne croyais pas aller trop mal pour une femme enceinte sur le point d’accoucher, pour autant je n’étais pas certaine d’être en capacité d’aller jusqu’à la maternité. Je haussais doucement les épaules. “J’avoue que je ne sais pas trop. J’ai l’impression que bébé veut arriver très vite…” J’avais la sensation de sentir la tête du bébé se présenter, ça me semblait totalement fou car je ne pensais pas qu’un accouchement puisse se dérouler si rapidement mais l’humain était un être totalement inattendu et surprenant.

Je fronçais légèrement les sourcils alors que Jonas commença une question qu’il ne termina pas. Ce n’était pas tellement son genre de faire ce genre de chose alors je devais avouer que je ne comprenais pas bien pourquoi il venait de le faire. Après, je tentais de ne pas trop me poser de questions, je me concentrais plutôt sur ces contractions qui me faisaient horriblement souffrir quand elles survenaient, et surtout à la façon dont je devais gérer cette douleur. La situation était un peu particulière, probablement un peu stressante aussi. Notre bébé allait naître d’ici peu, et si nous l’attendions avec impatience, il arrivait un peu plus tôt que ce n’était prévu même si son arrivée dans les prochaines heures n’était en rien dangereux pour ce petit être qui allait remplir nos vies de bonheur et d’amour. Je restais alors silencieuse attendant éventuellement que Jonas se décide à poser sa question ou alors à changer totalement de sujet. En tous les cas, pour le moment je ne me sentais pas apte à engager de moi-même une quelconque conversation. Peu après, Jonas semblait vouloir reprendre la parole. Après avoir gardé la tête baissée en direction de mon ventre quelques secondes en attendant qu’une énième contraction passe, je relevais la tête pour le regarder. “Oui ?” demandais-je doucement attendant ce qu’il allait me dire ensuite. Encore une fois, il ne terminait pas sa phrase mais pour autant j’avais parfaitement compris ce qu’il voulait me demander. Pour simple réponse, je me contentais de hocher la tête en me démenant pour retirer les vêtements superflus l’empêchant de réaliser son examen. Enfin suffisamment dévêtue, je tentais de me positionner d’une façon assez confortable sur le canapé pour moi mais correcte pour lui afin qu’il puisse contrôler ce qu’il avait à contrôler. Alors que j’avais mentionné un peu plus tôt que j’avais la sensation que baby boy semblait vouloir pointer le bout de son nez rapidement, mon intuition semblait se confirmer. En effet, Jonas venait de m’annoncer que nous n’aurions pas le temps de nous rendre à la maternité, ce qui signifiait très probablement que mon col était déjà pas mal ouvert. Je comprenais alors que j’allais accoucher ici, chez nous. Je devais avouer que cette idée me faisait un peu peur. Non pas que je n’avais pas confiance en Jonas, loin de là, je savais pertinemment qu’il ferait de son mieux pour que l’accouchement se passe bien, et aussi parce qu’il était question de notre bébé, notre fils. Pour autant, je redoutais qu’il puisse arriver quoi que ce soit au bébé ou à moins et que personne ne puisse nous prendre rapidement en charge. Je ne voulais pas qu’il puisse arriver quoi que ce soit à notre bébé, mais je ne comptais pas non plus qu’il puisse m’arriver quoi que soit au risque de laisser derrière moi un bébé, le père de ce bébé, et mes deux filles dont une que j’avais retrouvée récemment alors que je la pensais morte depuis sa naissance. Tout se bousculait dans ma tête et je me sentais complètement perdue. Comme si tout ce qu’il se passait m’empêchait de réfléchir correctement. “Euh…d’accord.” me contentais-je de dire quand il m’indiqua que l’on n’irait pas à la maternité. Du coup, je me disais que c’était peut-être un signe que je n’avais pas pris le temps, et n’avais pas spécialement été pressée de préparer la valise pour la maternité. Finalement, il me demandait si je me sentais capable d’aller jusqu’à la chambre, probablement parce que pour moi accoucher et lui m’y aider, ce serait bien plus confortable que dans le salon. “Je crois que ça devrait aller, si tu m’aides un peu…” dis-je en essayant de souffrir, ce qui fut empêché par une nouvelle contraction. Je me relevais alors tant bien que mal puis m’avançais vers Jonas. “Allons-y avant que je n’accouche ici debout…” lançais-je en riant. Puis je me rendais non sans difficulté jusqu’à la chambre, heureusement avec l’aide de Jonas, où je m’installais sur le lit. J’étais en totale panique même si je tentais de ne rien laisser paraître. Puis, je venais planter mon regard dans celui de Jonas. “Ca va bien se passer ?” demandais-je doucement alors que ma voix semblait me faire défaut. Je sentais les larmes me monter aux yeux, j’avais peur, et je ne parvenais pas à me rassurer, j’avais besoin que Jonas s’en charge.