Tu te penches vers moi, nos lippes s’étendant un peu plus l’une vers l’autre. Je te murmure ma confidence, première de ce voyage, et je me laisse même aller à un regard prolongé vers ta bouche. Tu m’écoutes avec une attention qui me fait du bien. Te parler est tellement plus simple encore que ça ne l’a jamais été avec quelqu’un d’autre. Bon élève, tu enchaînes avec des questions. Tu es curieux Will. J’inspire un peu, le sujet des paternels étant toujours un peu compliqué à aborder pour moi. "Oui c'était avec eux. Ils ont une belle maison le long de la mer. On pourra aller voir, si tu veux. Je connais bien le couple qui y reste. " Tant que ce ne sont pas mes parents, je suis prêt à tout. Marco et Paola, les italiens qui gardent la maison et la soignent en l’absence des proprios, forment un couple que j’apprécie beaucoup. Je ne pense pas qu’ils sachent pour le testament. La nouvelle signature, ma disparition, les bagages devant le hall. Promesse muette, mais je suis réalisateur dans l’âme et je nous imagine déjà, mains liées, dans le jardin qui offre l’horizon azur, à perte de vue. Je suis sûr que tu aimeras.

Tu pivotes un peu plus, ton souffle s’écrase contre ma nuque alors que tu confesses à ton tour des souvenirs d’enfance. Ton frère, Gabe. Tu en parles régulièrement. Je note ça dans un coin de ma tête. On a trois jours pour discuter de tout ça. "C'est joli Santa Monica. " Je te souris. Tu as eu visiblement une enfance simple, dénuée d'angles obstruits et de complexité. La pauvreté comme ombre, j'ai pas connu. Mais je suppose que ça doit être compliqué. Les mots m'échappent. "Tu peux être fier, Will. Tu es arrivé très haut. C'est super classe. " Je resserre nos doigts. "Je suis content qu'on voyage ensemble. On n'a qu'à se dire que c'est un test. " Je ris et te regarde, un sourcil haussé, guettant ta réaction. Car finalement, Will, si toi tu sais que je suis prêt à plus, que je me suis travaillé au corps pour m'y entraîner, moi je ne sais rien de ce que tu ressens, rien de ce que tu penses. C'est troublant. C'est moi, d'habitude, cet autre secret, fidèle à ses confessions égrenées ici et là. Je me risque donc à une blague. Pour te sonder, voir ta réaction. Comprendre ce que tu as ressenti, pensé, ce matin-là, après notre nuit de folie astrale. "Un festival d'astronomie et de rhum, à l'international, ça te tenterait pas ? " Un tour du monde à deux. Rêve inaccessible pour moi il y a encore quelques semaines de ça. Mais aujourd’hui, tu m’ouvres d’autres portes que je n’aurais jamais envisagées.

@Will Fincher

Tu parles peu de tes parents. Je me souviens que nous avons parlé de leur maison lors de notre nuit à l’observatoire. Nos enfances ont été deux opposés. Moi qui n’avait que ma guitare comme unique bien et toi qui parcourait le monde en logeant dans de luxueuse maison. Mais je suis bien placé pour savoir que l’argent ne fait pas le bonheur. La pauvreté non plus en fait. Mais je suis contente que tu oses te confier à moi. Même si ce n’est que des brides de souvenirs, des instants volés. Je prends tout ce que tu me donnes, Navy. Depuis le début. Même si ça doit me fendiller encore un peu plus le cœur.

Ouai carrément. Si tu as envie d’y aller, je te suis.

Je ne veux pas que tu te forces à faire des choses pour moi. Ces trois jours doivent être agréables pour nous deux. Nous avons tellement de choses à découvrir. Finalement, on ne s’est vu que peu de fois même si j’ai l’impression de te connaître depuis des années. Je ne sais pas ce que tu prends au petit-déjeuner, comment tu aimes ton café ou ton parfum de glace préféré. J’ai envie de tout savoir sur toi, de faire tomber tes barrières. Je suis persuadé que nos âmes se sont reconnu. Je n'ai jamais ressentis ce que je partage avec toi. Tu as le don de me faire vivre les pires comme les meilleures sensations. Tu es un tout que je vais conquérir. C’est une promesse que mon regard arrache au tien.

J’aime ta manière d’essayer de me réconforter. La musique était un échappatoire à ma vie, une douce illusion que je pouvais faire autre chose, devenir quelqu’un d’autre. Je suis arrivé haut comme tu dis mais à quel prix… Je ne regrette rien, pouvoir vivre son rêve est une chance unique que je ne voulais pas laisser passer. Mais parfois, parfois je me demande ce que je serais devenu si j’avais rangé Oly au fond d’un tiroir et que j’étais resté Will. Et si je ne m’étais jamais réconcilié avec Gabe. Et si Elias ne m’avait pas jugé assez bon pour monter un groupe. Les astres se sont alignés pour que je puisse monter sur scène et vivre de la musique. Ca valait bien quelques sacrifices. Je me perds quelques instants dans la lumières de tes iris.

Ça fera au moins une personne qui est fier de moi.

Je laisse ma phrase en suspend en caressant doucement ta joue. Je n’ai pas envie de penser à ça maintenant. Je regarde rapidement autours de nous pour localiser les hôtesses. Personne en vue. J’en profite pour me pencher et unir nos lèvres. Être aussi prêt de toi sans pouvoir te goûter est une torture. La patience n’a jamais été mon fort. Je reprends ma place, un sourire satisfait sur le visage. C’était rapide mais passionné. Je peux m’en satisfaire pour le moment. Même si mon corps te réclame à feu et à sang.

Un test. Je sais que tu plaisantes mais mon visage se crispe malgré moi.

La dernière fois, j’ai dû merder dans ton test alors.

Le revoilà, le Will que je déteste. Que tout le monde déteste. Le Will blessé, triste avec plus aucune confiance en lui. Celui qui a perdu son étincelle et sa bonne humeur. Il a pris ses aises ces dernières semaines et j’ai du mal à le renvoyer dans sa cage. Il s’exprime sans que je l’autorise à le faire. Je passe une main sur mon visage, regrettant déjà ces mots.

Désolé. Je voulais pas… Je… Je suis carrément partant pour le festival d’astronomie et de rhum.

Ma main se pose sur ta cuisse que je serre doucement entre mes doigts. Je vais faire des efforts Will mais tu as maltraité mon cœur. Il va me falloir du temps avant de pouvoir te faire confiance de nouveau.

@Navy St-Louis

L’instant était idyllique, Will. Les ailes de l’avion qui fracassaient les nuages, le ciel qui coulait d’un bleu crépusculaire au mauve, et le silence qui ne laissait planer que le vrombissement du moteur au loin. Quelques murmures de passagers, mes lèvres que tu dérobes fougueusement, le goût à nouveau de miel et de café, l’impression que nos cœurs se mélangent alors que j’aimerais sentir les pulsations sous ta peau contre la mienne, frémir sous ta chaleur irradiant ma chair entière. Je ne sais pas pourquoi c’est arrivé, ni comment. Pourquoi toi, pourquoi moi. On forme une drôle de paire de gants, tous les deux : moi les grands gants discrets, classiques, gris sombre, toi les gants de cuir ornés de belles pierres. Tu es un spécimen à part, une personne fascinante. Et là où tu as de la chance, c’est que j’ai peu d’amis et d’attaches : tu vas devenir très vite ma personne préférée, Will. C’est dangereux. J’ai peur que tu brises mon cœur ou que ces souvenirs-là s’effacent et disparaissent dans la nuit sombre.

Et j’en ai la preuve presque instantanément après notre baiser, lorsque tu me réponds d’un ton abrupt, du tac au tac, déversant un peu de poison. Le ciel vire beaucoup plus sombre. Je contiens mes sentiments, tente de les compartimenter, même si je vois déjà du regret sur ton visage. Séparer la peine et la colère. Ne pas se laisser déborder. Rien ne sert d’envenimer les choses. Pourtant…  "Je t'ai déjà dit que j'étais désolé. " Tout comme toi, je me dis que j’aurais mieux fait de me taire. Quitte à attiser un brasier entre nous, je préfère laisser ces flammes-là mourir. Tes doigts encerclent ma cuisse alors que mes yeux se détachent des tiens. C’est vrai qu’on oublie rapidement les disputes quand les choses semblent magnifiques. Le film montrera bientôt son générique. Ca fait déjà si longtemps qu’on est là-dedans ? Les bouffées de chaleur mêlées de nos baisers et de ta réaction urticaire s’estompent peu à peu, alors que même ton engouement pour le tour du monde ne parvient pas à sauver la face. Le silence s’éternise un peu trop, ta main audacieuse a quitté ma cuisse et la mienne tend à quitter la prise de tes doigts. Je réfléchis, alors que les prénoms défilent sous nos yeux. Pas envie de t’en vouloir à vie. Après tout, j’ai une part énorme de responsabilités dans tout ça. Je m’éclaircis la voix.  "J'ai super soif et super faim. Je reviens. " Et je me lève, longues jambes engourdies par la position des sièges. Le chariot est plus bas dans l’allée, que je dévale presque, les mains qui s’agrippent à chaque siège. On est vraiment peu nombreux dans cet avion. C’est fou. Arrivé à destination, je demande deux bouteilles d’eau, deux cafés et deux sandwichs. Comme une excuse. Ma commande dans les bras, complètement chargé, je bois en marchant la moitié de ma bouteille, je reviens m’asseoir à côté de toi, et te déposant le sandwich et le reste de tes breuvages, j’en profite pour te subtiliser un baiser humide. "Je savais pas ce que t'aimais. C'est une compagnie française. Bizarre. " Je te souris. "J'ai pris un jambon-beurre et un poulet-moutarde. On peut les casser en deux si tu veux partager ? "

@Will Fincher

Notre bulle explose laissant pénétrer une courant d’air froid désagréable. A croire que nous ne savons pas apprécier les bonnes choses. Les mots m’échappent et tu me réponds sur le même ton. Nous nous affrontons le temps d’une seconde. Nos regards se font plus dur alors que nous nous jugeons. Pendant un instant, j’ai peur que ça dégénère comme lors de notre début de soirée à l’observatoire. Nous nous étions dit des choses blessantes juste pour ne pas perdre la face. Mais aujourd’hui, nous faisons un choix. Celui de laisser nos égos de côté. Nous enterrons la hache de guerre pour le moment. Je tente de restaurer un contact mais tu n’es plus sensible à mes avances. Je rame pour rattraper le coup mais c’est peine perdu. Tu t’éloigne de moi et je n’arrive plus à te ramener dans mon aura. La boule dans ma gorge est de retour. J’ai l’impression de marcher sur des œufs avec toi et que chaque faux pas peut me précipiter dans un ravin où tu ne prendra pas la peine de venir me chercher. Est-ce que notre voyage sera suivi d’une nouvelle disparition, Navy ?

Je te regarde t’éloigner dans l’allée et mon regard croise celui d’une hôtesse. Je ne sais pas ce qu’elle y lit mais son élan vers moi et vite stoppé. Elle tient un papier dans la main, sûrement une tentative d’obtenir un autographe avorté. Je n’aime pas me comporter comme un connard avec les fans. C’est grâce à eux que je suis là mais je ne suis vraiment pas d’humeur pour assurer le fan service. Pas maintenant. Et pas avec toi. Je veux te protéger de tout ça un maximum. L’hôtesse baisse la tête et repart sur ses pas. Je me promet de faire quelque chose pour elle avant de partir. Peut-être laissé un autographe pour elle quelque part à ma place.

Quand tu te réinstalle, je cherche en vain ton regard. Ton baiser me rassure un peu mais n’est pas suffisant pour faire disparaître l’angoisse qui obstrue ma gorge. J’attrape ma bouteille d’eau et surtout le café dont je prends une gorgée. Entre le studio et le voyage, j’ai besoin de retrouver de l’énergie.

Je t’échange mon sandwich contre ton café ? Je n’ai pas très faim.

L’hôtesse qui avait fait une tentative avortée d’approche vient nous signaler que nous allons bientôt atterrir. Le temps passe vite quand je suis à tes côtés. Je ne me suis pas rendu compte que nous avions traversé un océan entier pendant que j’étais perdu dans l’immensité de ton regard. Distraitement, je fais jouer mes doigts sur ta cuisse, je joue machinalement des accords de guitare que je connais par cœur. La faute à toutes ces heures enfermés dans un studio avec les Nerd. Mon regard est perdu dans le vide. J’observe le ciel défilé devant nos yeux dans toutes ces couleurs qui annoncent un nouveau chapitre de notre histoire.

C’est quoi ton parfum de glace préféré ?


@Navy St-Louis

Tu me proposes un échange et je hoche la tête. "Deal."Je suis pas si fatigué que ça. Ta présence me booste un peu trop. La caféine ne serait pas la meilleure des idées ; je récupère ton sandwich, en met de côté la moitié au cas où tu aurais un petit creux et des remords plus tard. Nous ne sommes pas encore arrivés à l'hôtel, loin de là. Il y a une bonne heure de route en taxi. Nous ne serons pas à Athènes même, mais tu ne le sais pas encore. Je te regarde avaler une gorgée de café et mon sourire s'agrandit. De ma poche je sors les sachets de sucre. Tu n'as rien demandé donc... "Donc tu ne sucres pas ton café ? J'en étais sûr." Mon poing se referme et recule avec mon coude, dans un signe de victoire. "J'ai comme un super pouvoir qui me permet de séparer les gens qui boivent du café sucré et les gens normaux." Je soupire. Heureusement tu es dans la bonne équipe. J'ai bu mon premier café à douze ans et je n'ai jamais arrêté depuis. Mes parents faisaient acheter du café des quatre coins du monde. Pour être parfaitement honnête, j'ai jamais appris à les différencier. Mais ma mère mettait du sucre. Un morceau et demi. Du sucre roux de préférence ; j'aurais dû me douter qu'elle n'était pas une bonne personne dès lors. Ta question me tire de mes pensées. Tiens, le Will curieux est de retour, une fois de plus. Et celle-là me prend un peu au dépourvu. "Je peux pas en choisir trois ?" T'implorant d'une moue enfantine. Je suis nul pour choisir quand on parle de sucreries. Secouant la tête, la tête entre mes poings, je prends une bonne minute pour réfléchir. "Bon okay. Définitivement la glace à la menthe avec des pépites de chocolat." Ouais, c'est ça. Bon choix. "Et toi ?" En face, le panneau indique que nous arrivons bientôt à l'aéroport. Deux films seront passés devant nos yeux, et on a sans doute un peu dormi sans vraiment s'en rendre compte, pour que les sabliers se vident si vite. Ou alors c'est la magie quand on est avec une personne qu'on... apprécie ? Le temps flotte sans commune notion. Ma main enserre la tienne un peu plus fort. Je ne veux pas perdre cet instant-là. Ni aucun autre de ceux qui se dessineront lors des trois prochains jours. Trois mots m'effleurent les lèvres mais je reste muet. Beaucoup trop tôt, beaucoup trop insensé. Ça n'aurait pas la bonne valeur, je veux encore aller trop vite. Et je t'embrasse. C'est comme une promesse tacite. Les choses iront bien pendant les prochains jours. Pas vrai ?

@Will Fincher

J’avale quelques gorgées de café qui brulent mon œsophage. La boisson me réchauffe et me donne le regain d’énergie dont j’avais besoin. J’ai toujours été accro à la caféine. Depuis adolescent je ne peux pas m’en passer, impossible de commencer une journée sans au moins deux tasses de café. Je dors peu mais les projets se bousculent dans ma tête. J’ai toujours milles choses à faire, à voir, à expérimenter. Je ne veux pas perdre de temps, trop peur de passer à côté de ma vie. Alors je cours, partout, tout le temps et j’avale des shots de café pour suivre le rythme effréné que je m’impose. Ma mère avait l’habitude de me dire qu’un jour mon corps allait me lâcher et que je dormirais probablement pendant des semaines pour rattraper tout mon retard de sommeil. Elle a peut-être raison. Mais je m’en fiche. Je te jette un regard intrigué.

Ok Navy, expose-moi ta théorie. Je n’ai jamais vu quelqu’un être contente que je ne mette pas de sucre dans mon café.

Mon rire résonne alors que je termine mon premier gobelet. Le café n’est pas terrible mais je m’en contenterais pour le moment. Je reporte mon attention sur toi et admire ta capacité à remarquer ces petits détails chez les autres. L’atmosphère se détends entre nous et nous recommençons à nous sourire comme deux adolescents qui découvre l’amour. Je décide de poursuivre dans cette ambiance détendue et j’en profite pour continuer à collecter des informations sur toi. Je note tout dans ma tête. Et peut-être dans le cahier que je trimballe partout avec moi. Celui dont les pages sont entièrement noircies de morceaux de vie, de futures paroles de chanson, de bribes de musiques. Je te regarde réfléchir à ton parfum de glace préféré. Tu es si sérieux, on dirais que je t’ai demandé la solution à la famine dans le monde. J’aime ton visage concentré, tes yeux plissé, ta bouche serrée. Putain, je suis dans la merde.

Je savais que tu n’allais pas choisir un parfum aussi banale que vanille ou chocolat. Tu as choisi un parfum unique, qui se distingue. Classique mais osé. Impertinent. Tout comme toi.

Très bon choix. Je n’ai pas besoin de réfléchir au mien, la réponse sort immédiatement. Citron vert.

Ma main serre la tienne et je m’abandonne dans un baiser. Je n’ai pas envie que ce moment s’arrête. Nous avons enfin réussi à reconstruire notre bulle et je n’ai pas envie de nous exposer au monde réel. Pas tout de suite. Les jours qui arrivent m’excitent autant qu’ils me font peur. Je meurs d’envie de passer trois jours rien qu’avec toi, à te découvrir, à t’explorer, à me perdre dans les étoiles. Mais ce qu’il va en résulter me terrifie. Je regarde l’écran avec ce petit avion qui se rapproche bien trop près d’Athènes et je serre un peu plus ta main.

Ok, on va atterrir alors je vais te poser une dernière question et il faut répondre au tac au tac. Ne réfléchi pas, répond seulement. Tu es prêt ? Si tu ne pouvais prendre qu’un seul objet pour vivre sur une île déserte, ça serait quoi ?

Il va falloir que tu t’habitue à mes questions. J’en pose à longueur de journée. Des sérieuses, des bizarres. Bientôt, tu oseras me dire d’aller me faire voir. Mais pour le moment, je suis sûr que tu vas accepter de jouer le jeu.

@Navy St-Louis

Ah oui, Will, tu veux entendre ma théorie ? Tu n'aurais jamais dû demander ça. Athènes est proche mais je n'aurais pas fini quand tu auras posé tes baskets sur le tarmac de l'aéroport. "Alors. Dans le monde, il y a le bien, le mal. Deux concepts que les artistes se partagent depuis la nuit des temps... Peinture, sculpture, roman, actes de guerre, livres religieux... Tout est question de yin, de yang, l'un ne vivant pas sans l'autre..." Et c'est parti pour de longues minutes, à te voir te brûler les lèvres, mon index n'osant pas encore venir les apaiser du bout de sa pulpe. Je ne m'arrête que pour boire quelques gorgées, te laisser dire quelques mots, ou pour reprendre mon souffle. Tu m'inspires toujours plus de mots. "... Tout ça pour dire, le sucre étant une drogue, on peut facilement considérer que le café sucré devrait être un peu plus réglementé. Sauf en Californie, on sait combien les gens d'ici tiennent à leurs addictions." Je te regarde en souriant. Je t'ai exposé une belle dissertation, pendant une bonne quinzaine de minutes. Je trouve ça fascinant que tu sois resté là, à m'interroger parfois, à entretenir cette fleur fanée de conversation. Nos mains se lient toutes les deux, alors que nos corps se tordent dans un angle unique, seul à permettre la fusion de nos doigts. Citron vert. Evidemment. La fraîcheur mêlée à une pointe d'anti conformisme. On dirait le titre de ta biographie. Quelques soubresauts, les ailes et la carcasse de l'avion atteignant une nouvelle couche atmosphérique. Ta nouvelle question, à nouveau, plonge mon menton dans le creux de mes mains. Pour autant, la réponse me vient plus vite que prévu. "Excellente question, encore. Je dirais une immense toile, pour peindre tous les paysages de la solitude... et ne pas complètement perdre la raison." J'aurais pu faire plus romantique, t'en dire encore plus, mais parler peinture est déjà une énorme avancée pour moi. Un jour tu verras ma cave, les toiles qui s'y succèdent, finement emballées pour ne pas prendre l'humidité. Pas tout de suite. C'est plus important que le mariage, pour moi. "Et toi ?" Je miserais tout sur ta guitare... Pourtant je sais que tu es prompt à me surprendre chaque minute. Mes pupilles s'accrochent aux tiennes, refusent des les quitter malgré les légères secousses. Déjà les roues commencent à arpenter le sol noir et les lignes blanches -pas de trop près tout de même- de la piste d'atterrissage. Dans quelques minutes seulement, le vrai premier chapitre commencera. Tout le reste n'était qu'un préambule... Pas vrai, Will ?

@Will Fincher

Je t’écoute disserter sur le café et j’ai l’impression de découvrir une toute nouvelle personne. Mais qui êtes-vous Monsieur et qu’avez-vous fait de Navy ? Toi si discret d’habitude, tu te lances dans une tirade sur le bien, le mal, le café, ses origines jusqu’à parlé art et drogue. J’ai envie de rire mais je suis bien trop fasciné pour prendre le risque de t’interrompre. Alors je me contente de te regarder et de tenter de suivre ton cheminement. Mes yeux s’agrandissent parfois, mon sourire s’étire alors que j’entame mon deuxième café. Je pourrais te regarder parler pendant des heures. Le mouvements de tes lèvres, ta langue qui fait de discrètes apparitions, la passion qui anime tes traits. Oh oui en Californie on tient à nos addictions, et tu es maintenant la mienne Navy.

J’essaye de me contrôler, vraiment. Je ne veux pas aller trop vite, te mettre mal à l’aise ou faire de nouveau exploser notre bulle protectrice. Mais parfois, comme maintenant, je n’arrives pas à résister à l’appel de ta peau. Ma main glisse sur ton visage, caresse tes traits avec adoration. Bientôt mes lèvres remplaceront ma main mais nous avons trois jours devant nous pour ça. L’avion émet quelques soubresauts et la terre ferme fait son apparition derrière les hublots. Une dernière question et il faudra quitter notre nid pour en rejoindre un autre. Je ne sais même pas où se trouve notre hôtel, je te fais aveuglément confiance pour ce voyage dans l’inconnu.

Tu as déjà évoqué la peinture à l’observatoire. Je comprends ce besoin de s’ancrer à quelque chose pour rester conscient.

Je ne te demanderais pas de voir ce que tu peins. C’est trop tôt, je le sens. Je n’ai pas envie de forcer la porte de ton intimité, tu me l’ouvrira quand tu seras prêt. Je serais bien embêté si tu me demandais de jeter un œil à mon carnet. Respectons nos jardins secret pour le moment. Même si j’ai terriblement envie de pénétrer dans le tien pour jeter un œil à tout ce qu’il s’y trouve, d’explorer chaque recoin pour connaître la moindre parcelle de ton esprit. Je suis parfois trop envahissant mais je vais faire attention Navy, c’est promis. Je te fais beaucoup de promesses ces derniers temps mais je veux faire les choses biens. Je ne supporterais pas un nouvel abandon.

Alors pour le coup, je ne vais pas être original puisque tu connais déjà la réponse. Je prendrais ma guitare. Je peux littéralement vivre de musique et d’eau pendant plusieurs jours. Quand je joues, je suis tellement absorbé parce que je suis en train de faire que je peux oublier de manger. Si toi tu cherches à ne pas perdre la raison, moi je cherche tout le contraire.

Dernier sourire sous des airs de confidence. Je décroche mon regard du tien pour me rendre compte que nous sommes seul dans l’avion. Les autres passages ont débarqués et nous étions bien trop absorbés l’un par l’autre pour nous en rendre compte. Je serre ta main une dernière fois avant de me lever et de dégourdir mes muscles endoloris. Je reprends ma position d’ami pour ne pas que tu sois gêné par notre proximité. Alors que je suis au milieu de l’allée, je reviens rapidement à notre place pour signer une serviette que je laisse sur mon siège. Maigre présent pour l’hôtesse que j’ai éconduit d’un regard. Je me sens mal pour elle mais je n’ai rien de mieux à lui offrir.

Bonnet sur la tête, j’observe les gens autours de nous qui parcours l’aéroport. Tous en l’air de savoir où ils vont, ils sont déterminés et pressés de quitter ce lieu de transit. Je dois avoir l’air un enfant perdu qui cherche désespérément un visage familier mais je n’ai aucune idée de la suite des événements. Alors j’attends que tu reviennes me chercher, répondant d’un sourire rapide à des gestes d’affection de fans qui doivent se demander où sont les autres membres des Nerd.

@Navy St-Louis

Ta guitare, évidemment. Comme je l’avais prédit. Tu es une drôle de symphonie, Will, un mélomane acharné. Tu sais déjà que j’aime ta musique, votre musique, et j’ai l’impression que nos instants partagés composent une mélodie. Enchanteresse, magnétique, stellaire même. Je hoche la tête et t’arrache un dernier baiser alors que nous quittons les cieux pour le tarmac.

Je me lève le deuxième, ma main caressant ton dos quand tu te dresses devant moi. Quelques minutes, à la limite une heure encore, et nous serons deux. Livrés à nous même, l’ivresse de nous deux. Alors que nous descendons dans l’allée, tu t’excuses en un murmure et reviens à notre place. Instinctivement, je penche la tête. Qu’est-ce que tu as oublié, Will ? On n’avait rien avec nous, rien que nos téléphones et nos portefeuilles, et je suis sûr que j’ai vu tes poches gonflées par ces fardeaux. Mais soit. Tu dois savoir ce que tu fais. Si on en est là, sur le sol grec, c’est qu’il y a de la confiance entre nous. Nos doigts s’entrelacent une dernière fois dans l’obscurité de l’habitacle, et je dépose mes lèvres une pénultième fois, dans le creux de ton cou. « Allez, c’est parti. » Je n’ai pas encore la force de laisser nos mains s’entremêler sous le zénith. Ça viendra au fil des jours. Je suis confiant. Surtout en terrain étranger.

Marches dévalées, béton foulé, lunettes de soleil de retour sur l’arête du nez. Presque quinze heures d’avion, entrés sous l’égide des ailes mécaniques alors que le soleil s’endormait, sortis du bruit motorisé sous les mêmes nuances orangées. Dix heures de décalage horaire. C’est comme reprendre à zéro. Vingt quatre heures en tout se sont écoulées. Je t’ai volé une journée déjà, sur les trois que l’on s’est promis. Le temps passe vite, trop vite. Dans le hall, ma main encercle les poignées de nos valises. « On chope un taxi ? » Je t’adresse un clin d’œil sous la cape obscure de mes verres. « J’ai hâte de pouvoir noter la conduite des collègues grecs. » Je ne te laisse même pas le choix, ta valise suivant mes pas. Quelques minutes s’écoulent, mon ventre gargouille. Les sandwichs lyophilisés de la compagnie aérienne n’ont pas suffi à combler mon estomac d’ogre. Avec mes quelques bases de grec et un petit mix d’anglais, je dirige notre chauffeur vers l’hôtel que j’ai réservé. « J’ai hâte qu’on arrive. » J’ai hâte, surtout, de voir ton visage quand tes yeux se baladeront sur la suite que j’ai trouvé en ligne. De belles lignes bleues, de beaux triangles blancs, et une couleur crème omniprésente, au milieu de grands espaces. Et une vue imprenable sur la ville, qui sera d’ici là ponctuée de lampadaires, comme autant de constellations.

Et si ma réservation a bien été prise en compte, une belle bouteille de champagne pour nous deux. Et un flash de rhum. De quoi passer une première belle soirée de repos, avant de pouvoir explorer Athènes dès demain. Ta peau si près de la mienne, sur les sièges arrières du taxi, me tente terriblement. Mon index s’approche lentement de ton petit doigt, avant de le recouvrir, doucement. On ne risque rien ici. Du moment que personne ne nous reconnaît…

@Will Fincher ça me manquait tellement de t’écrire que j’en suis rendu à rédiger sur mon tel désolé pour le retard hun

Je suis englouti par une marée humaine. Immobile au milieu de cette foule qui se presse vers les sorties. Mon regard se pose sur des inconnus, j’essaye d’imaginer d’où ils viennent et où ils vont. J’assiste à des retrouvailles chaleureuses entre famille et des au revoir déchirants entre amoureux. Les aéroports sont fascinants. Je me laisse porter par toutes ces émotions, ces cris de joies, ces pleurs, ces éclats. Je ne sais pas ce que j’attends mais je ne bouge pas, toute cette situation est irréaliste. Il y a encore quelques heures, j’étais enfermé dans ce studio où la magie des Nerd était en train de donner naissance à un nouveau titre. J’avais mal aux doigts à force de pincer les cordes de ma guitare jusqu’à trouver la mélodie parfaite. Et maintenant, j’étais en Grèce. Avec un homme qui m’avait abandonné durant de longues semaines. Mais qu’est ce que j’étais en train de faire…

Mes doutes sont balayés quand ton grand corps élancé émerge de la foule. Tu marches droit devant toi, confiant. Ton regard trouve le mien et je pourrais défaillir sous son intensité. Voilà, c’est exactement pour ça que je suis là aujourd’hui. Pourquoi je t’ai suivi dans cet avion sans poser plus de questions. Tu me chamboules, Navy. Complètement. Tu fais valser mon corps et mon esprit avec un simple regard. Je n’ose pas encore imaginer les sensations qui vont m’emporter quand je retrouverai le contact de tes mains, de tes lèvres sur moi. Je marche docilement à tes côtés, enfonçant mon bonnet un peu sur ma tête en apercevant des adolescentes prendre une photo non loin de nous. J’ai hâte de voir à quoi ressemble un chauffeur de taxi grec. Mon sourire répond à ton clin d'œil. Je continue de te suivre aveuglément dans cette étrange aventure.

Installé à l’arrière du taxi, mon regard se perd sur l’extérieur. Nous quittons l’aéroport, puis Athènes. Les paysages défilent, il y a quelque chose de grisant dans le fait de foncer vers une destination inconnue. Je me laisse surprendre, tente de déchiffrer les panneaux que j’aperçois. C’est une vibration dans ma poche qui me sort de ma torpeur. J’ai dû avertir les gars que je serais absent pendant trois jours. Ils pourront enregistrer leurs parties pendant mon absence, et j’ai laissé mes carnets sur place pour l’inspiration. Je lis rapidement les messages mais certains sont plus durs à avaler que d’autres. Ma main se resserre autour de mon téléphone et mes sourcils se froncent alors que j'envoie plusieurs messages d'affilée. J’entends ta voix à côté de moi mais je suis focalisé sur les messages que je reçois. Non, hors de question que je gâche ce moment. Je mérite de profiter de ces trois jours. Je m’occuperais du cas Elias plus tard. Je range mon téléphone et constitue un sourire sur mon visage. Il ne monte pas jusqu’à mes yeux et je sais très bien que tu n’es pas dupe Navy. Je reporte mon attention sur l’extérieur le temps de calmer les battements de mon cœur et laisser refluer la colère.

Ton doigt contre le mien me ramène à la réalité. Je chéri ce contact et laisse un véritable sourire s'épanouir sur mes lèvres. Je n’ose pas te regarder, de peur de gâcher ce moment. Je te laisse aller à ton rythme. Ou peut-être que je ne veux pas te permettre de me poser la question qui doit te brûler les lèvres. Quand la voiture s’immobilise, je me retourne vers toi plus franchement. J’attends que le chauffeur sorte du véhicule pour caresser doucement ton visage. Alors, votre note pour notre délicieux chauffeur ? Je hausse un sourcil, le regard brillant de malice. Faisant mine de regarder notre hôtel par ta fenêtre, je pose une main sur ta cuisse la faisant légèrement glisser vers l’intérieur de ton fémur. Pas mal. Dans un rire mutin, je me redresse et sort du taxi. Le luxueux établissement qui nous fait face semble tout droit sorti d’une carte postale. Ses murs blancs, ses hautes colonnes, sa décoration discrète et raffinée. J’ai hâte de découvrir l’intérieur. Mais comme depuis le début de notre périple, je suis obligé de l'attendre car je ne sais absolument pas ce que tu as prévu. Entre frustration et excitation, je t’attends en passant d’un pied à l’autre à côté de nos bagages.

@Navy St-Louis Quand tu veux. Comme tu veux.